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1008Recevant le ministre japonais de la défense Yasukazu Hamada au Pentagone, au début de ce mois (le 1er mai), le secrétaire à la défense Robert Gates lui aurait recommandé chaudement de s’intéresser au JSF (alias F-35), pour en faire le nouveau chasseur japonais standard. L’information a été donnée par des sources officielles US à l’agence de presse japonaise Kyodo, et reprise notamment par Japan Times le 24 mai 2009.
«U.S. Defense Secretary Robert Gates told Defense Minister Yasukazu Hamada earlier this month that the F-35 is Japan's best bet for developing a fleet of next-generation fighter jets, sources close to bilateral relations said Saturday. Although Tokyo has not given up on acquiring the more sophisticated F-22 stealth jet, Gates' suggestion is expected to force it to seriously consider going with the F-35 instead.
»According to the sources, Gates touted the F-35 as an excellent aircraft on May 1 during a meeting with Hamada at the Pentagon, where he explained his earlier proposal to end production of the F-22 as part of a major review of Defense Department spending priorities. Washington will send Michael Schiffer, deputy assistant secretary of defense for East Asia, to Japan later this month to discuss the issue, they said.»
Un point intéressant de ce rapport est qu’il donne des informations sur une rencontre vieille de plus de trois semaines. La chose n’est pas innocente. Alertées par ces “fuites” évidemment dirigées, d’autres sources japonaises indiquent que la proposition US est en fait une pression du Pentagone auprès des Japonais, dans la mesure où le Pentagone a découvert avec surprise que les Japonais restaient très fermement engagés dans leur projet, déjà ancien, de tenter d’acquérir le F-22, et que certains, à Washington, n’y étaient peut-être pas indifférents. La réaction de Gates est plutôt une opération de “damage control” devant la position du Japon, pour plusieurs raisons.
• Nous sommes toujours dans le mode de la “lutte fratricide” entre le F-22 et le F-35. Gates veut absolument liquider le F-22, pour des raisons symboliques et politiques encore bien plus que budgétaires. Le Congrès ne semble pas trop s’opposer à cette idée, malgré quelques inquiétudes initiales. Toute possibilité, ou simple suggestion que le F-22 pourrait être envisagé pour l’exportation rallumerait la mèche avec l'hypothèse d'une prolongation du programme, en ranimant soudain les partisans du programme à Washington. L’intervention de Gates auprès du Japon est donc moins pour faire la promotion du F-35 que pour bloquer toute velléité de demandes d’exportation du F-22.
• Il est vrai qu’il existe au Japon certains groupes de pression, y compris à la défense, qui songent encore au F-22. Ils ont établi certains liens avec des groupes similaires en Australie (partisans du F-22 contre le programme F-35 où l'Australie est engagée), et ils documentent leur cas, notamment avec l’impressionnant travail technique fait par certains centres techniques pro-F-22 (notamment le site Airpower.australia). Cette attitude, autant japonaise qu’australienne, est dictée par le constat de plus en plus documenté des faiblesses opérationnelles du F-35, notamment pour les capacités à longue distance, dans ce cas par rapport au F-22. Les groupes japonais sont inquiets de la puissance chinoise autant que de l’activisme nucléaire nord-coréen et argumentent en faveur d’un avion à grande capacité pouvant être adapté pour le tir de cruise missile, – le F-22 en l’occurrence.
• Du côté US, notamment au département d’Etat, l’idée théorique de fournir des armements avancés au Japon est vue avec un certain intérêt. Les USA sont engagés dans une offensive discrète mais effective de charme vis-à-vis de la Chine, malgré tout ce qu’ils craignent de cette puissance. L’idée est d’amadouer la Chine pour qu’elle continue à soutenir les USA en perdition avec l’achat de bons de trésor. Pas question, dans ces conditions, de développer une posture agressive. Le Japon peut alors prendre en charge cette position, d’autant que ce pays, comme on l’a vu, s’inquiète lui-même de la puissance chinoise. Accessoirement, il serait également intéressant que le Japon surveille la Corée du Nord en se substituant en partie aux USA, par ailleurs surchargés par leurs divers engagements militaires et affaiblis par la détérioration dramatique de leur puissance militaire. Selon cette analyse, le Pentagone craindrait que le département d’Etat soit tenté par l’idée de pousser à l’exportation des F-22 vers le Japon.
Mis en ligne le 25 mai2009 à 12H05