Le Likoud et Hitler, via Feiglin

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Le parti israélien Likoud a connu, le 31 janvier, des élections internes pour la direction du parti. Le résultat le plus intéressant dans les circonstances diversement tendues est sans aucun doute celui de Moshe Feiglin, qui a obtenu 23% des voix, soit près d’un quart des suffrages. Haaretzprésente, le 2 février 2012, des commentaires de ce résultat recueillis chez diverses personnalités. Les uns sont apaisants, les autres fortement préoccupés. On notera tout de même que ces appréciations concernent essentiellement l’impact de ces résultats sur les élections, et la position parlementaire et politique du Likoud, nullement le fond des choses.

«On Wednesday, The moderate MKs played down Feiglin's achievement in Tuesday's party leadership primary, in which he won 23 percent of the votes, calling it “negligible.” They attributed his support mainly to the absence of other contenders and to many voters' disappointment with Prime Minister Benjamin Netanyahu's policies toward West Bank settlements.

»“Feiglin's gains were negligible” compared to the last primary, when he won a similar percentage of the vote, “and at this stage, no significance should be attached to them,” a senior Likud figure said on Wednesday. Feiglin's voters probably don't even vote for Likud in the general elections, and only registered as members to influence its Knesset list, he added, so they don't indicate any change in the make-up of the party's electorate.

»But Improvement of Government Services Minister Michael Eitan (Likud ) told Haaretz he was concerned over how the Feiglin faction's power might affect the next election. Some 30 percent of Likud voters are in the center of the political map, and Feiglin's strong showing could weaken their support for the party, he warned…»

Le personnage de Feiglin est, comme on dit dans la langage passepartout qui veut éviter le dur contact de la vérité, “haut en couleur”. Un portrait de Feiglin a été publié le 30 janvier 2012 par Alain Gresh, dans Le Monde Diplomatique. Il montre un Feiglin comme un franc admirateur de Hitler.

«“Faisons du Pays des Juifs un Pays Juif.” Cette fière devise surplombe le site Manhigut Yehudit (“Leadership juif”), dont le fondateur est Moshe Feiglin, un député du Likoud. Le 31 janvier, il affronte Benyamin Netanyahou pour le leadership du parti. Que cet homme qui vit dans une colonie de Cisjordanie, condamné à six mois de prison (commués en travaux d’intérêt général) pour sa campagne de désobéissance civile contre les accords d’Oslo de 1993, puisse briguer la direction du principal parti d’Israël en dit long sur la dérive fascisante de ce pays. On connaissait déjà Avigdor Lieberman, le ministre des affaires étrangères, que ses thèses racistes auraient rendu persona non grata dans n’importe quelle démocratie qui se respecte. On a maintenant Feiglin, qui n’a pas hésité à faire l’éloge d’Adolf Hitler.

»On ne peut en tout cas pas lui reprocher de cacher ses opinions. Il a salué “l’acte de résistance” que représente, selon lui, le meurtre par l’extrémiste juif Baruch Goldstein, en févier 1994, de vingt-trois fidèles musulmans qui priaient dans la mosquée de Hébron. Bien évidemment, il est favorable à l’annexion de tous les territoires palestiniens et prône le transfert des Palestiniens, comme l’indique la devise de son site prônant de transformer la terre en “pays juif”. La solution est d’autant plus facile que, pour lui, comme d’ailleurs pour les candidats républicains à la primaire aux Etats-Unis (Newt Gingrich et Mitt Romney), les Palestiniens n’existent pas : il n’y a que des gens parlant arabe qu’il faut encourager à aller s’installer dans un pays arabe. Pour cela, rien de plus facile : couper l’eau et l’électricité aux habitants non juifs de la Cisjordanie.

»Dans un entretien au quotidien Haaretz, en 1995, il disait : “Hitler était un génie militaire inégalé. Le nazisme a fait passer l’Allemagne d’un bas niveau à un niveau physique et idéologique fantastique. Les jeunes loqueteux ont été transformés en une catégorie propre et ordonnée de la société et l’Allemagne a disposé d’un régime exemplaire, d’un système de justice adéquat et de l’ordre public. Hitler aimait la bonne musique. Il pouvait peindre. Les nazis n’étaient pas une bande de voyous.”»

Feiglin est-il un accident ou une aberration ? Dans tous les cas, il a le parler franc et net, et un parler sur lequel les soutiens d’Israël et du parti du Likoud ne s’attardent pas trop. Pour ce qui concerne le fond de la question que nous posons, il nous semblerait plutôt qu’un tel personnage, remarquable à cause de la position politique qu’il occupe et où il l’occupe, se place surtout dans un courant intérieur dont plusieurs hauts fonctionnaires de la sécurité nationale israélienne ont averti qu’il constituait un véritable “danger existentiel” pour Israël, bien plus que ce qui est considéré d’une façon officielle comme la “menace nucléaire iranienne”. Il s’agit notamment d’un ancien chef du Mossad, Efraim Halevy, qui a lancé un avertissement dans ce sens, mettant en cause la montée de l’extrémisme religieux juif (voir le 4 novembre 2011) et de l’ancien chef des forces armées israéliennes, le général Dan Halutz, dans le même sens et en fonction de ce que cet extrémisme est en train d’amener au sein des forces armées (voir le 9 janvier 2012).

L’extrémisme dans la politique du bloc BAO n’est pas une surprise ni une rareté. Il est même l’essence même de l’évolution du bloc, entièrement sous l’influence d’un Système emporté dans une dynamique de surpuissance-autodestruction qui ne peut s’exprimer que par la surenchère extrémiste constante devant la résistance grandissante de la réalité face à ses entreprises et à l’interprétation que fait le bloc de ses entreprises. Dans la plupart des pays du bloc BAO, il existe une “soupape de sûreté” de communication, qu’on désignerait également comme un verrou dialectique qui interdit l'accusation d'extrémisme contre les politiques officielles renvoyant au Système, malgré toutes les évidences du contraire ; ce verrou-soupape fonctionne essentiellement dans le domaine de la communication, qui est comme l’on sait le domaine d’une sorte de “vérité-narrative” modifiée selon les convenances et établissant au sein de ces forces du Système un état de communication de type virtualiste (bien que ce virtualisme soit de plus en plus mal en point, indiquant que le facteur autodestruction a pris le pas sur le facteur surpuissance). La soupape de sûreté et le verrou dialectiques dans ces pays se retrouvent dans le bouc émissaire de l’extrême droite, qui est bannie du Système au nom des lignes dialectiques terroristes que sont les accusations valant jugements péremptoires de racisme et d’antisémitisme, avec leur vertu d’être le réceptacle de toutes les autres accusations possibles d’extrémisme. Ce cas n’est évidemment pas celui d’Israël, puisque les arguments dialectiques employés (accusations de racisme, d’antisémitisme) sont, quasiment par nature selon l’organisation virtualiste de la chose, complètement antinomique de la “vérité officielle” de la situation israélienne. Il est donc très difficile pour le Système de qualifier d’“extrémistes“ les extrémistes israéliens, et encore plus difficiles, sinon impossible, de les traiter comme tels, c’est-à-dire en exécutant la sentence sans appel d’ostracisme. On comprend, dans ce cas, les craintes des Palutz-Halevy et compagnie sur l’avenir de leur pays, tandis que les religieux font ce qu’ils font et que Feiglin a une situation honorable au sein du Likoud tout en portant dans sa musette le portrait enthousiaste de Hitler et des nazis qu’il avait tracé en 1995. Certes, et malgré la narrative virtualiste, cet extrémisme n’est rien d’autre que le produit naturel de la politique-Système, et Feiglin le fils spirituel et extrêmement logique, sinon honorable, de Netanyahou et de l'emportement obsessionnel et maniaque de sa politique anti-iranienne. Il y a une certaine cohérence dans tout cela, qui relie le Système à l’extrémisme, et le Likoud sioniste à la référence hitlérienne, via Feiglin à ciel ouvert.


Mis en ligne le 2 février 2012 à 05H14