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961A Bruxelles, François d’Alançon de La Croix a interviewé le secrétaire général de l’OTAN juste avant son départ à Bruxelles (aujourd’hui, Rasmussen a rencontré Medvedev et Poutine à Moscou, où «tout s’est bien passé, nous dit-on, sauf un léger retard de Poutine»…). Sujet principal de l'interview: l'Afghanistan, avec des choses un peu (“très”, disons, pour être modéré) conventionnelles… Tout juste, une petite réserve de Rasmussen sur le début du retrait des troupes en juillet 2011 annoncé par Obama, mais les variation autour du thème venant de tous les côtés on n’en fera pas un drame.
Une seule question nous a paru très intéressante, concernant la vente possible du Mistral français à la Russie… Question posée sur la fin de l’interview, comme par surprise, dirait-on. Voyons cela, sur le site de La Croix, hier soir le 16 décembre 2009.
Question: «La France envisage de vendre un bâtiment à la Russie. Qu’en pensez-vous?»
Réponse: «Je tiens pour acquis que le commerce des armes respecte pleinement les règles et les conventions internationales. Je ne considère pas la Russie comme une menace pour notre sécurité. J’espère aussi que les Russes réalisent que l’Otan n’est pas leur ennemi et ne constitue pas pour eux une menace.
»Les inquiétudes exprimées par les États baltes et certains de nos alliés sont compréhensibles. Nous devons tous réaliser combien ces questions sont sensibles pour ces pays, si l’on tient compte de l’histoire. Bien sûr, l’action russe contre la Géorgie et les exercices militaires d’envergure le long de la frontière de ce pays ont renforcé ces inquiétudes. Cela servirait la sécurité en Europe si nous pouvions réduire la tension entre Otan et Russie et développer un véritable partenariat stratégique.»
@PAYANT Ajoutez le fait que le sujet est brûlant au fait que Rasmussen doit donner des réponses diplomatiques qui doivent d’abord ne pas trop déplaire aux pays membres et à d'autres. Vous aurez alors une interprétation de la réponse de Rasmussen dont on peut sans aucun doute avancer qu’elle est aussi favorable qu’elle peut l’être dans ces limites à cette circonstance de la vente du Mistral à la Russie.
C’est la première fois que Rasmussen répond aussi clairement et en détails à une question sur le Mistral. L’AFP s’y est essayée à deux reprises, sans succès notable. La question de La Croix a un peu surpris les services de l’OTAN, la réponse de Rasmussen encore plus. Tout dans la réponse du secrétaire général tend à montrer beaucoup d'indulgence, voire d'intérêt, à la vente du Mistral, y compris cette gâterie implicite de la fin de la réponse qu’on peut très bien interpréter comme disant indirectement que la vente du Mistral est considérée comme un acte faisant partie d’un “partenariat stratégique” de l’OTAN avec la Russie, et ainsi capable de “réduire la tension” entre les deux partenaires; la pirouette conduit alors à observer que la réponse à l’inquiétude des pays baltes et de “certains de nos alliés” à la perspective de la vente du Mistral pourrait être finalement... que la vente du Mistral se fasse.
La réponse du secrétaire général de l’OTAN peut paraître surprenante, par exemple, par rapport à ce que les premières confidences et supputations du parti atlantiste à ce propos faisaient penser. L’on peut admettre qu’il s’agit éventuellement d’une démarche politique du secrétaire général qui n’a pas nécessairement le soutien de sa bureaucratie otanienne.
Mais deux autres choses peuvent être considérées comme renforcées, sinon confirmées:
• La relative indifférence des USA vis-à-vis de cette vente, peut-être d’ailleurs plus par inattention et par désintérêt, certainement aussi parce que l’administration Obama ne veut rien faire qui puisse envenimer les relations avec la Russie, qu’elle cherche effectivement une détente avec la Russie et qu’une coopération stratégique entre l’Ouest et la Russie va dans ce sens. (En effet, il serait difficile de penser que Rasmussen fasse cette réponse s'il n'est pas au moins assuré de ne pas se mettre en opposition frontale avec les USA.) Le fait qu’il s’agisse éventuellement de la France, si la vente se fait, permet de faire mieux passer la chose vue la réputation de politique d’indépendance de ce pays.
• Rasmussen lui-même joue clairement une carte personnelle pro-russe, et nous sommes renforcés dans la l’hypothèse que cette orientation le séduit plus que le bourbier afghan pour s’affirmer sans sa position de secrétaire général de l'OTAN. Décidément, la marche vers l’établissement de bonnes relations avec la Russie est aujourd’hui une orientation qui s’affirme de plus en plus.
En élargissant le cadre de la réflexion, et en sachant l’importance stratégique que nous attachons à cette vente éventuelle et où les Français la placeraient éventuellement, on peut encore avancer que la proposition Medvedev d’un traité paneuropéen de sécurité devrait recevoir un bon accueil. Il n’est pas impossible que l’OTAN elle-même, sous l’impulsion de son secrétaire général et malgré la résistance très probable de la bureaucratie, présente à cette proposition un visage plus avenant que celui qu’on prévoit en général.
Mis en ligne le 17 décembre 2009 à 00H10