Le peuple des “dissidents” contre le JSF?

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Aux USA, le site HuffingtonPost.com est l’un des plus puissants du monde de l’“opposition politique” US, disons comme adversaire de la politique bushiste puis soutien plus ou moins conditionnel d’Obama. (Laissons de côté les arcanes de la critique politicienne qui se sont parfois exercés contre la créatrice du site, Arianna Huffington; nous parlons ici moins de vertu politique, avec tout ce que cette expression a de suspect, que d’efficacité politique.) Disons que ce site représente l’aile gauche modérée, ou centre-gauche, des soutiens à Obama, et l’aile modérée de la “dissidence” plus ou moins antisystème, plus ou moins populiste (grassroots) sur le Web. (Gauche, droite, – certes, HuffingtonPost.com se prétend plus à gauche qu’à droite, s’il faut en juger; mais nous préférons parler, pour les USA et aussi pour nous-mêmes, pour ce qui est de l’effet objectif des engagements politiques, des antisystèmes contre les partisans du système, des “dissidents” contre l’establishment, etc.) L’audience de HuffingtonPost.com est considérable, ainsi que le nombre et le prestige de ses collaborateurs. Par conséquent, ses prises de position ont un poids politique certain, – c’est ce qui nous intéresse ici.

Le 21 avril 2009, Steve Cobel, l’un des fondateurs du site, a publié un billet du plus grand intérêt, – «How Europe & Canada Could Help Us!». L’idée est simple: se posant en soutien critique d’Obama, Cobel cite cinq axes de la grande politique belliciste US, ou considérés comme tels puisqu’il leur accorde cette importance, où une pression européenne pourrait aider à “contraindre” Obama à prendre des positions radicales hostiles à ces politiques, ou bien “aider” Obama à justifier auprès de l’establishment de prendre ces positions qu’ils voudraient peut-être adopter mais qu’il ne peut adopter sans une pression extérieure dans ce sens.

Les cinq cas sont: l’évacuation des forces US d’Irak, la lutte contre la guerre en Afghanistan, la liquidation du réseau anti-missiles BMDE, la recherche de la réduction du réseau des bases US à l’étranger et … la liquidation du programme JSF/F-35. Ce dernier point, évidemment, nous intéresse particulièrement, essentiellement par sa nouveauté dans cette appréciation de son importance (les quatre autres sont aussi importants, mais ils sont connus et sans surprise ici).

Voici ce que Cobel en dit, après avoir énuméré les quatre points précédents, – en s’y attardant effectivement, preuve qu’il s’agit d’une complète nouveauté dans la bataille générale antisystème.

«…(5) Push the political leadership of your own nations to pull out of the F-35 Joint Strike Fighter program, before it's too late to stop it. The time is now, when President Obama's budget is being considered in Congress.

»Since this last point is not as well-understood as the other four above, let me spend a couple more paragraphs on it. Grassroots activism against the F-35, a hugely expensive high-tech addition to the global arms race, is particularly critical in the 8 nations that have agreed to jointly build the F-35 with the U.S.– the United Kingdom, the Netherlands, Denmark, Italy, Norway, Turkey, Australia, and Canada.

»Since the Pentagon's proposal is to build 2,458 of these F-35 Joint Strike Fighters, at a minimum cost of $100 million apiece, the future costs are huge. Some experts believe that the life-cycle costs of the F-35 will approach a trillion dollars, more than Obama's first stimulus package!

»And I must say, when I look at this list of F-35 partners, I am particularly disappointed to see the Netherlands, Norway, Denmark, and Canada on it. I sort of expect the U.K. to go along with whatever grandiose military ideas the Pentagon comes up with, since even massive Labor Party antiwar activism could still not stop Tony Blair from his stupid, illegal, and disastrous backing for George W. Bush's invasion of Iraq. But why is the Netherlands building F-35s? Why are Norway & Denmark?

»Perhaps the NDP in Canada can begin to make a fuss about the Joint Strike Fighter, putting pressure on the Liberals to oppose the Harper government on this wasteful spending. Perhaps the Labor Party in Australia can take another look at these outlays, now that they have come back to power. And when the Italians next get around to voting out that buffoon Berlusconi again, maybe the left coalition can revisit these fighter planes. One can only hope.

»In the meantime, it comes as no surprise to Europeans and Canadians that the American peace movement, based as it is in the heart of the Empire, is too weak to roll back our military/industrial/petroleum complex on our own.

»We need a little help from our friends.»

Nous avons toujours pensé et affirmé que la bataille du JSF est fondamentale, qu’elle déborde largement le cadre des armements; que c’est d’abord, dans ses outils et dans sa tactique, une bataille de communication, parce qu’elle est basée sur l’influence et concerne un projet totalement virtualiste, mais dont les ambitions naturelles se retrouvent dans l’idée de l’asservissement d’une partie non négligeable de la puissance de pays extérieurs au système de l’américanisme; qu’elle doit être sortie de son cadre, justement parce que ce cadre dissimule l’enjeu de la bataille, et trouver un champ populaire pour s’exprimer; que la pression populaire pourrait alors mettre à jour les véritables caractères de ce programme, et en faire un débat politique d’importance. La chose commence à être en bonne voie en Europe, même si elle n’est pas encore pleinement perçue en tant que telle.

La partie US, qui en connaît un bout en matière d’influence et de communication, commence à réaliser l’importance du JSF, et le message de Cobel le montre. Les “dissidents”, qui se trouvent dans une position d’une certaine ambiguïté avec Obama au pouvoir, commencent à comprendre que la chute du JSF serait un coup terrible porté au système, au complexe militaro-industriel, à l’establishment. Le message de Cobel est un signe extrêmement réconfortant parce qu'il concerne la réalisation des vraies menaces et des véritables dangers. Que le JSF soit placé sur le même plan, en fait de nuisance systémique, que l’Irak, l’Afghanistan, le BMDE et les bases US à l’étranger, est un formidable progrès dans la conscience de la hiérarchie des dangers.


Mis en ligne le 23 avril 2009 à 11H47