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2647L’article est appelé à faire du bruit. Il en fait déjà. Peter Collins, ancien leader de la patrouille acrobatique de la Royal Air Force, les fameux Red Arrows, a essayé le Rafale. Il est le premier pilote britannique à essayer en vol un Rafale opérationnel («On behalf of Flight International, I became the first UK test pilot to evaluate the Rafale in its current F3 production standard, applicable to aircraft for both French air force and French navy frontline squadrons.»). Article mis en ligne le 9 novembre 2009.
…Article parcouru de cris d’admiration du spécialiste, du pilote que vous imaginez au manche. «The aircraft felt alive in my hands. I have never flown any aircraft that responded so instantly and so powerfully to stick input. The Mirage 2000 had previously been my favourite FBW aircraft in terms of handling qualities, but the Rafale with its DFCS betters it in every aspect of handling by a significant margin. […] At 450kt, the same steady-state roll rate was achieved, but the rate of roll onset was simply staggering. I have never experienced any fighter aircraft start or stop to roll so quickly. […] In close formation, I initially found the Rafale over-sensitive in pitch, but telemetry informed me that I was holding the sidestick too high up, and after changing my grip, I could hold echelon position without problem. However, it was another clear indication of just how agile the aircraft is. […] The aircraft can be flown in a “bang-bang” manner between axes, rather than requiring “rolling pulls”. The Rafale is an outstanding close-in dogfighter whenever it wants to be. […] I could not fault the carefree handling characteristics or the throttle response of the Rafale in any regime, and the only limit I ever had to remember in the flight was the gear limit (230kt). The Rafale was an absolute pleasure to fly, while remaining almost unbelievably responsive.»
Maintenant, la péroraison, en conclusion d’un article d’une longueur considérable (3.912 mots, 24.563 signes), comme sont les articles techniques d’essais en vol de Flight International, impeccablement précis et détaillé par un pilote de très grande valeur. Collins tire les conclusions, disons “politiques” de cet article. Conclusions radicales. Dans les diverses conditions budgétaires, opérationnelles, etc., en fonction de l’état des divers programme, Collins conclut qu’il est plus assuré, plus prudent pour une force aérienne – y compris celle du Royaume-Uni – de porter son choix sur un avion de la “4ème génération” (ni F-22, ni F-35), et alors le Rafale est le choix évident.
«It is worth remembering that stealth-optimised, or fifth-generation fighters such as the Lockheed F-22 Raptor and F-35 Joint Strike Fighter are not only likely to be hugely expensive, but they can only preserve their stealth characteristics by carrying a very limited weapons load in their internal weapon bays.
«Therefore, in the current and predicted financial defence climate, it could well be that so-called fourth-generation fighters will remain the aircraft of choice for most nations - perhaps even including the UK.
»Moreover, the fact that the Rafale is the only European fighter in production that is carrier-capable gives it, in my opinion, a distinct advantage in any future export “fly-off” competition as a single combat type that can equip a country's air force and naval air arm.
»In answer to my own evaluation objectives, it was obvious the Rafale has earned its omnirole definition, even though I barely scratched the surface of its sensor and weapon capabilities. The aircraft has an incredible level of performance befitting a fourth-generation type, and despite flying a highly complex and demanding evaluation sortie, I felt completely at home in the aircraft and retained full situational awareness. If it could keep me safe, it would also do the same for young first-tourist pilots coping with tactical operations.
»The classic definitions of aircraft combat roles really do not do justice to this aircraft; the Rafale is Europe's force-multiplying “war-fighter” par excellence. It is simply the best and most complete combat aircraft that I have ever flown. Its operational deployments speak for themselves. If I had to go into combat, on any mission, against anyone, I would, without question, choose the Rafale.»
L’article fait du bruit d’abord chez Flight, montrant ainsi sa dimension politique importante, dans la polémique de la concurrence dans le domaine vital des avions de combat. Sur son blog (The DEW Line), Stephen Trimble publie un commentaire sous le titre provocant de «Rafale beats F-35 & F-22 in Flight International», le 9 novembre 2009 également. Avant de reproduire le passage de conclusion de l’article de Collins que nous avons nous-mêmes cité, Trimble écrit:
«Flight International test pilot – and former Red Arrows team leader – Peter Collins […] gives the Dassault Rafale a ringing endorsement in this week's magazine. “If I had to go into combat, on any mission, against anyone, I would, without question, choose the Rafale,” Collins concludes in his six-page flight test report published in our Dubai Air Show preview issue.
»Collins' report is timely because the Rafale appears to be nearing the end of a two-decade-old search for an export customer. If all goes perfectly well for Dassault, Brazil, Kuwait and the United Arab Emirates could all be signed up as customers by the end of November (although that's still a big ‘if’.)»
Les commentaires du blog de Trimble sont intéressants. Une grande partie d’entre eux sont scandalisés qu’on puisse mettre en doute la supériorité des avions US, qu’on puisse prendre en considération un tel avion que le Rafale, qui a les deux vices mortels de n’être pas US et d’être français. Certains se demandent si Collins n’est pas rétribué par Dassault, d’autres ce qu’un “pilote de meeting” (l’homme qui a dirigé la patrouille des Red Arrows) peut connaître au vrai conditions d’un avion de combat. (Collins, dont on peut lire ici une biographie , a 6.600 heures de vol à son actif et a volé sur 68 types d’avions différents. On apprend même qu’il a travaillé, au tout début du programme, sur le JSF du côté de la RAF… «During his RAF career Collins rose to the rank of squadron leader, completing two frontline tours of duty flying Harriers in Germany and serving in the Falklands in 1982, flying Sea Harriers while on detachment with the navy on Illustrious. Following two years as a pilot and later team leader with the Red Arrows, in 1989 he qualified as an experimental military test pilot and was appointed Officer Commanding of the Aerospace Research Test Squadron at DRA Bedford where he worked on the Joint Strike Fighter…»)
L’un des commentaires qui met en cause ceux qui attaquent le compte-rendu de Collins résument la chose de cette façon: «I do think that if blue was a european or french tint, you would deny it's color, wouldn't you? Check Luke AFB pilots comments about Rafale, very, very, very interesting...»
Politiquement, le plus intéressant des premiers commentaires est celui d’un nommé Sven Ortmann: «Think twice; might this story be related to the “only half as many F-35 for the new carriers” problem?» En effet, le problème du choix du JSF par les Britanniques a ceci d’étonnant que cet avion est tellement lourd (budgétairement parlant) et si fantasque sur ses délais de livraison, qu’il est en train de couler la future flotte anglaise avant qu’elle n’existe (déjà un des deux futurs porte-avions quasi coulé)… Alors, suggère in fine Mr. Ortmann, pourquoi pas le Rafale pour les futurs porte-avions? Collins, by Jove, ne désapprouverait pas…
Flight International, la plus vieille publication aéronautique du monde (1909 pour ses débuts, croyons-nous) à toujours manifester son existence, est une vieille dame vénérable, comme l’était le Times de Londres avant Murdoch. Ses avis techniques, surtout ses évaluations techniques des avions, sont lus avec une attention religieuse, dans la communauté britannique, voire anglo-saxonne, de l’aéronautique, comme des références techniques impératives. Volens nolens, cet article est, depuis que le Rafale existe (1985) le premier article d’un tel prestige à faire une appréciation aussi élogieuse et aussi fouillée du Rafale. C’est aussi, d’une certaine façon, par son poids et l’effet qu’il aura dans la communauté aéronautique anglo-saxonne, le premier article à acter symboliquement de l’existence du Rafale parmi les rares choix possibles d’un avion de combat aujourd’hui – et le meilleur choix, selon Collins.
Ce que laisse entendre Collins dans ses avis de conclusion, en effet, c’est que la voie de l’amélioration des avions de combat telle que les USA la déterminent est une impasse (pour l’instant? – mais nous croyons que cela est plus définitif). La cause est la dictature du technologisme (stealth technology) qui a renversé le rapport de l’avantage comparé aux limitations et contribue désormais à une régression des capacités jusqu’à des niveaux catastrophiques; à cause également du poids irrésistible de la bureaucratie qui entraîne tous les projets dans un naufrage budgétaire et une perte de contrôle de son développement, et interdit d’interrompre la dictature du technologisme. La conclusion implicite de Collins est qu’il est préférable de s’en tenir aux avions de “4ème génération”, qui ne sont pas définitivement infectés par le technologisme et le bureaucratisme.
Bien entendu, l’article de Collins a un sens politique presque d’opportunité chronologique – ce qui n’est pas un hasard, mais bien une contrainte des événements et des circonstances. Il intervient au moment où les possibilités d’exportation du Rafale apparaissent puissantes pour la première fois, et au moment – ceci a un rapport avec cela – où le JSF est gravement mis en cause aux USA. L’article aura un effet de fond durable dans la communauté de la presse spécialisée anglo-saxonne et, aussi, dans la communauté aéronautique anglo-saxonne des techniciens, ingénieurs, pilotes militaires, les deux sensibles aux arguments techniques sérieux et à la réputation de Flight International et de Collins. Le poids de la communauté de la presse n’est pas à démontrer. L’avis de la communauté aéronautique des techniciens, qui est en général totalement ignoré par les politiques qui prennent des décisions au nom d’engagements politiques et d’opportunités dont on sait la bassesse, peut jouer un rôle considérable en cas de crise grave où les choix politiques initiaux (pro-JSF dans ce cas) se trouvent soumis à des contraintes budgétaires et autres insupportables. C’est une très importante percée du Rafale au niveau de la communication, dans un monde où la communication est la force principale de la puissance, et ce monde jusqu’ici contrôlé par une communication exclusivement pro-américaniste. En quelque sorte, c’est une sorte d’acte de naissance du Rafale dans le monde anglo-saxon : le Rafale existe puisque Collins l’a rencontré – c’est-à-dire, piloté.
(Soyons justes et honnêtes, tout de même: les Britanniques ont déjà parlé du Rafale, au début 2006, mais dans des conditions polémiques si particulières, essentiellement pour faire pression sur les USA et le JSF au moment où une polémique à propos des conditions de vente du JSF aux Britanniques avait surgi, qu’en parler à cette époque revenait à tenter d'utiliser un moyen de pression sur les USA pour obtenir des avantages… Ce que les Britanniques n’obtinrent pas [les avantages] tout en restant tout de même dans le JSF. Mais c’était du temps où le JSF était encore dans sa bulle virtualiste et apparaissait irrésistible. La bulle a crevé et le JSF se montre dans toute sa réalité catastrophique. C’est pourquoi l’article de Collins est bien la vraie date de naissance de l’alternative Rafale au Royaume-Uni.)
Mis en ligne le 10 octobre 2009 à 06H53
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