Le rôle grandissant de la Turquie dans la crise iranienne

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Les Turcs sont prêts à s’entremettre avec la plus complète bonne volonté dans la sous-affaire de l’enrichissement de l’uranium iranien par une tierce partie, dans le cadre de l’affaire générale de la crise du nucléaire iranien. Antiwar.com, le 26 décembre 2009, résume le cas avec divers liens.

Les Iraniens ont lancé l’idée du rôle de “tierce partie” de la Turquie dans cette affaire, proposant de transférer leur uranium vers la Turquie pour que l’enrichissement y soit effectué. Les Turcs ont immédiatement et positivement réagi. «Turkey’s Foreign Minister Ahmet Davutoglu praised the idea and said it stands ready to help resolve the diplomatic standoff. Though at this late date Western officials seem set to just push for sanctions to punish Iran for refusing the draft offer, Turkey is in a unique position as both a NATO member and an ally of Iran to keep dialogue open.»

Antiwar.com note qu’il sera difficile aux Occidentaux d’écarter cette possibilité, qui présenterait pourtant l’évident désavantage d’orienter la crise plutôt vers la détente que vers la confrontation – ainsi va le mode de pensée de “l’Ouest” aujourd’hui.

«Iran had previously suggested keeping the uranium on Kish Island, still on Iranian soil but where it was clearly out Iran’s stockpile. Suggestions of a neutral country acting as an intermediary have been floated before, but whether the West will accept the offer remains to be seen. But it won’t be so easy to just say no. The Obama Administration has been pressing Turkey to take an active role in this dispute and needs Turkish support to push the sanctions through the UN Security Council.»

Notre commentaire

@PAYANT En effet, «it won’t be so easy to just say no» et la sagesse occidentale va être mise à rude épreuve, encore une fois, elle qui cherche décidément à prendre la route bienheureuse du durcissement systématique pour éviter et écarter la voie risquée et dangereuse de l’apaisement des tensions. L’affaire iranienne, comme l’affaire irakienne en son temps, poursuit à une très grande vitesse le détricotage du pseudo-empire américaniste et occidentaliste. Le rôle et la position de la Turquie deviennent absolument centraux, non seulement pour les négociations en cours avec l’Iran, mais plus encore, plus gravement encore – les penseurs washingtoniens devraient y prendre garde – en cas de malheur. Il faut commencer à admettre que la Turquie, dans cette affaire, n’a pas un rôle de comparse, éventuellement utile à un caprice d’arrangement temporaire avec l’Iran de la politique américaniste et occidentaliste.

Les Turcs veulent jouer les arrangeurs du conflit, mais cela ne représente que l’aspect tactique de leur position. Ils ont un but stratégique double, désormais: établir des relations de bon voisinage et de coopération durables avec l’Iran d’une part, se servir de la crise nucléaire iranienne pour chercher à évoluer vers une zone dénucléarisée qui viserait d’abord, par effet indirect, l’arsenal d’Israël d’autre part. Les Turcs estiment de plus en plus que la politique israélienne est conduite par une irrationalité dangereuse, qui l’apparente d’ailleurs à nombre d’aspects de la politique US. De ce point de vue, l’arsenal nucléaire israélien qui existe diablement est bien plus dangereux que l’arsenal nucléaire iranien qui n’existe pas.

Les penseurs washingtoniens ont une double approche du problème turc selon qu’ils sont extrémistes ou réalistes. Dans le premier cas, ils sont pour une politique dure vis-à-vis de la Turquie pour faire rentrer la Turquie dans le rang, parce que la Turquie a commis le péché central de devenir très critique d’Israël et qu’il ne peut y avoir qu’une seule façon de “rentrer dans le rang” dans ce cas – un réalignement turc sur Israël. Les réalistes, eux, pensent que la Turquie a une approche modérée de l’Iran à cause des seules nécessités régionales sinon locales, parce que la Turquie a une très longue frontière avec l’Iran. Aucun des deux clans n’imagine que la Turquie évolue vers un changement fondamental de sa politique parce qu’il est au-delà d’une réflexion américaniste qu’un pays puisse risquer une certaine détérioration des relations avec les USA pour des relations avec un pays comme l’Iran et la stabilité dans sa propre région. La psychologie américaniste semble complètement impuissante, et l’est effectivement, à accepter le fait qu’un pays existe par lui-même, et que sa réflexion stratégique se fait en fonction de sa propre position, son propre point de vue, sa propre culture – et non pas selon les paramètres washingtoniens, avec sous-paramètres israéliens pour ce cas.

Cette incapacité US de mesurer précisément les causes d’une évolution politique autrement que selon le prisme de l’influence américaniste peut provoquer de graves erreurs de calcul. Si la crise iranienne devait s’aggraver comme il en est question aujourd’hui à Washington, avec une certaine réapparition de l’évocation de menaces militaires, il n’est pas impossible que l’avertissement indirect lancé par Erdogan à Israël, sur la réaction turque en cas d’attaque israélienne de l’Iran, concerne aussi les USA.


Mis en ligne le 28 décembre 2009 à 10H21