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13467 décembre 2012 – Il s’agit de la Syrie, puisque Syrie il y a, et du fait que la fièvre est brutalement remontée, à propos de la terrible perspective de l’usage des armes chimiques (par le “monstrueux-Assad-qui-fait-tirer-sur-son-peuple”, s’il est vraiment nécessaire de le préciser).
Nous voulons d’abord préciser, ou bien répéter ce que nous disions hier (le 6 décembre 2012), à propos de l’Iron Dome israélien, mais accessoirement de la Syrie. Prenant comme référence un texte du journaliste Jean-Dominique Merchet, nous nous attachions déjà, selon une observation analogique, à la question de la véracité des informations sur les intentions syriennes d’utiliser l’arme chimique. Nous concluions ce passage de la sorte :
«Nous écrivons cela avec d’autant plus de conviction que la nouvelle concernant les armes chimiques pourrait éventuellement être confirmée par des événements à venir et semblerait alors complètement contredire notre propos. Cela n’est en rien notre appréciation puisque nous parlons ici de méthodologie et non de “faits”, à propos desquels notre exigence concerne plus leur identification en tant que “faits” que leur éventuelle véracité tels qu’ils nous sont présentés en mode “prêt-à-penser”. Ce qui nous importe selon notre méthodologie est d’identifier et de dénoncer la référence faite au pouvoir officiel légitime alors qu’il est complètement délégitimé, et donc déstructurant et destructeur de tous les principes. Cette méthodologie est de type antiSystème et s’occupe d’abord de dénoncer la méthodologie adverse, et la pratique constante de tous les artifices identifiés…» Notre position avait été définie par une phrase à l’emporte-pièce concernant l’annonce par des “sources officieuses” US de l’emploi du chimique par la Syrie, analogiquement inversé par rapport à une remarque de Merchet : «Nous aurions donc retourné la phrase [de Merchet] (“Ce n’est pas parce que les Américains ont menti sur l’Irak qu’ils mentent sur la Syrie…”) en une “C’est parce que les Américains ont menti sur l’Irak (et en tant d’autres occasions hier) qu’ils mentent sur la Syrie (et en tant d’autres occasions aujourd’hui)…”» ; et nous pourrions même nous “couvrir”, comme fait l’auteur, en ajoutant sa dernière phrase : “C’est parce que les Américains ont menti sur l’Irak (et en tant d’autres occasions hier) qu’ils mentent sur la Syrie (et en tant d’autres occasions aujourd’hui)… – mais rien ne prouve le contraire non plus !”
Cela bien admis, – notre préoccupation de la méthodologie du Système et nullement des faits réels ou à venir, qui sont hors de notre portée, – il faut reconnaître et identifier sans aucune hésitation une campagne de communication, extraordinaire par sa puissance, conduisant à une mise en condition des psychologies plus que des esprits (la réflexion n’est en effet pas nécessaire), dans le sens de ceci qu'“Assad va utiliser incessamment du chimique, c’est un fait”. A notre sens, il n’y a pour l’essentiel rien d’organisé dans cette campagne, mais bien une sorte de réflexe à la fois pavlovien et irrésistible, et irrésistible parce que pavlovien, des psychologies affaiblies devant l’excitation justement psychologique de la “nouvelle” évidemment prise pour du comptant, à la fois sensationnelle pour le volume de la nouvelle elle-même et monstrueuse pour la description de la chose, ce second point pour justifier l’idéologie-Système et la morale-Système courantes. L’excitation des psychologies se fait à double sens, les produits d’une excitation suscitant d’autres excitations, lesquelles se manifestent à leur tour, accentuant l’excitation de celles qui les ont excitées…
Certes, on trouve au départ les habituels “US officials”, vrai et frais ou faux qu’importe, qui lancent l’allume-feu, aussitôt suivis par les habituels besogneux hystériques. Tout cela, c’est de la “propagande” et du montage grossier, répétées pour la nième fois, et notamment à propos du chimique syrien. (Depuis les premières “alertes” de juin-juillet.) L’important est de tenter de comprendre pourquoi, cette fois, l’incendie a enflammé les psychologies (celles des collabos-Système, porteurs de plumes) d’une façon si irrésistible, – et encore, sans savoir jusqu’où ira cet incendie, – et notamment, c’est-à-dire essentiellement, s’il ira jusqu’au bout, – et finalement, c’est-à-dire définitivement, sans savoir précisément ce qu’est ce “jusqu’au bout”.
• Maintenant, quelques extraits et textes pour illustrer cette situation, qui est plutôt celle du système de la communication que celle de la Syrie. Nous retenons pour cela un excellent commentaire d’un des meilleurs spécialistes des conflits actuels, ancien officier de la DIA (renseignement militaire, directement intégré au Pentagone) reclassé dans la dissidence, le colonel W. Patrick Lang, le 6 décembre 2012 sur son site, Sic semper Tyrannis (titre à joyeusement comparer avec le Semper Fi [
«For the past week, the Obama Administration, joined by the entire neocon and Israeli Lobby apparatus has been engaged in an information warfare campaign to pave the way for the final overthrow of the Bashar al-Assad government in Syria. The centerpiece of the campaign is the claim that Syrian military units are prepared to launch chemical weapons attacks against their own population, and possibly against Turkey, a NATO country. The North Atlantic Council, the policy-making body of NATO, has approved the rush deployment of Patriot missile batteries to southern Turkey to protect against the so-called Syrian chemical weapons attacks. Such outright propaganda outfits as Israel’s DEBKA, the Washington Institute for Near East Policy (WINEP), and Atlantic magazine’s resident IDF voice, Jeffrey Goldberg, are all putting out claims that the Syrian Air Force has already assembled sarin gas weapons and armedfighter planes to launch attacks at any moment.
»Both the German BND and the Russian government have issued strong statements in the past 24 hours, indicating that they have carefully looked into the chemical weapons claims and find absolutely no evidence to confirm them.
»The propaganda campaign is a carbon copy of the now totally discredited “weapons of mass destruction” claims that were used in 2002-2003 to justify the U.S. led invasion of Iraq to overthrow the Saddam Hussein government. In the words of the immortal American philosopher and linguist Yogi Berra, “It’s déjà vu all over again.”
»Not only is the U.S. and NATO showing reckless disregard for the consequences of that Iraq fiasco. There is an even more stubborn refusal to learn some of the most painful lessons of the more recent regime change adventure in Libya. […] In the case of Syria, it is now an open secret that the most effective anti-Assad regime fighters are also al-Qaeda affiliates, from an alphabet soup of neo-Salafi groups, getting their weapons and funds from Saudi Arabia, the UAE and other Gulf states. The Syrian group al-Nusri has been identified in several recent indepth news account by the McClatchey News Service and the Daily Telegraph as the most effective fighting force, training cells of suicide bombers and fielding battalion-strength military units. They are in the forefront of every military victory by the opposition. So, what will be the consequences of the overthrow of the Assad government? National Public Radio this morning interviewed several American counter-terrorism “experts,” including Bruce Hoffman, who candidly admitted that al-Qaeda is on the rise and that the new hub of global al-Qaeda jihad is Syria. They neglected to mention that, as was the earlier case in Afghanistan, these al-Qaeda jihadis are being touted as the “rebels” and “freedom-fighters” who are on the verge of liberating Syria from the clutches of Assad.»
• Oleg Severgine, de The Voice of Russia, complète, le 6 décembre 2012, le tableau de l’emportement du bloc BAO vers la possibilité, voire la probabilité, voire l’inéluctabilité d’un conflit. Il s’agit véritablement d’une crise dans le sens pathologique, – non pas politique, militaire, stratégique, etc., la chose étant installée depuis longtemps et de tous les côtés, – mais véritablement d’une crise psychologique de type hypomaniaque et nullement dépressive, d’une sorte de “spasme” (certains diraient “éjaculation précoce”, mais bah….), pour s’accomplir, d’ailleurs on ne sait de quoi, dans un conflit. Les sources citées au départ, non identifiées, éventuellement donnant des informations fabriquées, éventuellement étant elles-mêmes (“les sources” de service, ou “US officials”) fabriquées, etc., ces “sources” sont désormais paroles d’évangile. Dans une autre note (le 5 décembre 2012), le colonel Lang observe :
«The same two propagandists from WINEP and ISW are quoted as the main sources of this article as in so many other propaganda pieces on this theme and subject. These two fellows have no sources of information that they will admit to other than rebel “news” releases. The level of enthusiasm for this information campaign is so high in the idiot media that these two “experts” opinions are now quoted as evidence.»
Que se passe-t-il encore ?, demanda le psychiatre, exaspéré, à son patient…
Cet épisode hypomaniaque concernant la Syrie, essentiellement du fait du glorieux bloc BAO (dito, “le patient”), n’est pas le premier mais il est d’une vélocité et d’une acuité sans précédent. Il indique sans le moindre doute que le mal progresse fougueusement. Il est possible que le very cool Barack Obama finisse par se convaincre de l’inéluctabilité de la guerre, ce qui le conduirait alors au degré zéro d’égalité, jusqu’à l’identification complète, avec GW Bush. Nous aurons donc alors un “super-GW”, puisqu’il est de notoriété publique que l’actuel POTUS est infiniment plus intelligent que son prédécesseur ; tout étant inversé et très souvent multiplié grâce à l’attraction vers le plus bas, ce supplément d’intelligence se traduirait par un supplément substantiel d’actes stupides.
Tout cela est au niveau du constat, voire de l’effet, d’un enchaînement dont on a du mal à saisir la raison profonde, du point de vue politique, stratégique, etc. Certes, on peut être sûr que les uns et les autres fourbissent leurs théories, soit d’un grand dessein stratégique sans cesse redessiné, soit d’un vaste complot dans un sens ou dans l’autre et sans cesse recommencé. Nous leur laisseront tout cela, qui a beaucoup servi depuis 2001, chaque fois au bénéfice de l’empire américaniste et du bloc BAO, qui ne cesseraient ainsi de reculer en avançant, ou l’inverse, en matière de gains nets et de stabilité hégémonique.
L’hypothèse psychiatrique, ou psychologique, a de beaucoup notre préférence, quant aux motifs des acteurs devenant ainsi figurants, jusqu’à faire tapisserie, avec en regard l’hypothèse d’un activisme maximaliste du système de la communication devenu de plus en plus “complètement autonome”. En ce sens, la poussée actuelle de fièvre poursuivrait la poussée de septembre (l’attaque de Benghazi de 9/11, la vidéo Innocence of Muslims) et à l’enchaînement d’il y a trois mois se substituerait celui-ci que l’on pourrait considérer comme une séquence paroxystique de communication, avec les événements correspondants qui ne donnent aucune modification réelle des situations, de Gaza-II à la mise en cause de Morsi, à la relance de l’hypothèse de l’intervention en Syrie avec en arrière-plan l’installation des Patriot de l’OTAN à la frontière syrienne de la Turquie (ce qui impliquerait l’OTAN dans un éventuel conflit, en déduisent les Russes, ne faisant là que constater l'évidence “en cas de conflit”, qui précède largement les Patriot). La seule logique de ces événements est celle d’une démultiplication constante des chaînes crisiques, jusqu’à un enchaînement de chaînes crisiques si l’on veut, le seul moteur étant la dynamique de la communication.
L’explication technique de ces paroxysmes relève en général d’une sorte d’équivalent d’un “précipité chimique” avec la conjonction de plusieurs événements, tendances, interprétations, symbolismes, etc., qui fournissent effectivement des points d’appui pour la puissance de communication nécessaire pour exacerber les psychologies et provoquer l’enchaînement en question. Il y a eu la chaîne crisique précédente autour du 11 septembre 2012 et du sens impliqué par cet anniversaire, de la vidéo Innocence of Muslims et de l’attaque de Benghazi, enfin du comportement flottant de l’administration Obama alors que commençait la dernière phase de l’élection présidentielle. Le résultat fut une suite d’effets de communication extraordinairement déstabilisants, sans pourtant qu’aucun événement concret, de véritable politique, ni un véritable conflit, ne vienne sanctionner ce flux et le faire passer aux niveaux classiques (politique, militaire). Le seul effet, effectivement de communication, fut d’imposer la perception que les puissances se présentant comme nécessairement et légitimement dominantes, du bloc BAO principalement, en furent perçues comme encore plus affaiblies, et notamment de plus en plus délégitimées.
Cette fois, il y a la conjonction de l’“événement d’après”, qui est l’élection présidentielle remportée par Obama, dont on attend, du côté washingtonien, une relance constructive des initiatives US à l’extérieur (notamment avec un œil sur l’Iran, pour tenter un rapprochement, et un autre sur la Russie, pour “relancer la relance” de meilleures relations), mais qui se heurte aussitôt à des obstacles débilitant. Il y a d’abord la démission de Petraeus de la direction de la CIA, qui donne une impression de division et d’affaiblissement de l’appareil de sécurité nationale US ; puis l’affaire de Gaza-II, qui place à nouveau Obama en position obligée et très impopulaire, notamment coupée de ses amis du bloc BAO, de protection rapprochée d’un Israël de plus en plus isolé politiquement ; position malaisée, rattrapée avec un certain brio par l’entente Obama-Morsi dans la circonstance, avec le rôle joué par le président égyptien dans le règlement de Gaza-II, avec soutien US ; rétablissement immédiatement compromis par l’erreur stratégique de Morsi mais elle aussi issue des effets de la communication (sur le brio de son intervention dans Gaza-II), Morsi croyant pouvoir profiter de cette position de force internationale pour renforcer son pouvoir intérieur, avec les conséquences qu’on a vues, qui réduisent à néant cette position à peine acquise…
Une relance de la crise syrienne, avec menace d’invasion face au crime suprême et proclamé de l’armement chimique éventuellement utilisé, pourrait avoir été considérée comme une bonne échappatoire pour Obama. Il aurait trouvé divers appuis, la nouvelle direction rebelle fabriquée le mois dernier et qu’il faut bien activer pour faire croire qu’elle existe, le Qatar un peu à bout de souffle dans son élan révolutionnaire, la Turquie qui aimerait bien qu’on prenne la “menace syrienne” au sérieux pour tenter de rattraper les erreurs d’Erdogan, et ainsi de suite. Tout cela est éventuellement bel et bon dans le calcul tactique à très court terme et pour l’évolution de l’“image” mais ne fournit absolument rien de concret, aucun événement politique ou militaire, encore moins stratégique, et ne fait effectivement que faire le jeu du courant déstabilisant du système de la communication.
Ce qui échappe complètement à ces manœuvres, par contre, c’est le degré d’inflammabilité des psychologies exacerbées des élites des pays du bloc BAO, affectées d’un état général maniaco-dépressif, et si pressées par conséquent de se précipiter dans un nouvel épisode hypomaniaque qui semblerait leur garantir un peu de bonheur. On sait que ce bonheur, pour ces psychologiques malades, est celui de la perspective du conflit qui fournirait, ils n’en doutent pas un instant, l’issue cathartique de la transformation du monde selon leurs vœux généraux, et qui s’avérerait en réalité une aventure recélant toutes les issues catastrophiques possibles. La Syrie est un excellent territoire pour cet exercice des illusions paroxystiques, et le système de la communication ne peut que profiter de l’incendie de ces psychologies, pour étendre sa dynamique et son emprise.
On ne peut dissimuler que le résultat est un affaiblissement constant de directions politiques et d’élites contraintes au plus court terme et aux effets de communication les plus grossiers. C’est en effet ce qu’il faut considérer, avec le cas de toutes ces forces d’influence installées et exerçant leurs pouvoirs au nom du Système, et se trouvant constamment bousculées, soumises à des raccommodages de circonstance pour satisfaire les exigences immédiates de la communication. On retrouve alors, à ce niveau beaucoup plus haut, l’action étrange et de plus en plus invertie dans le sens vertueux, du système de la communication avec son côté-Janus : lui qui est au service du Système, ne cesse d’attaquer psychologiquement et d’affaiblir du point de vue communicationnel les forces, directions politiques et élites des pays du bloc BAO, qui servent directement le Système.
Y aura-t-il, un jour ou demain, la guerre générale en Syrie, avec intervention extérieure et embrasement de toute la région ? A chaque instant, cela semble inévitable, pour sembler le lendemain n’être qu’un simple montage de communication. Les deux constats sont vrais, car il est vrai que la situation change ainsi, du tout au tout, du pire à la caricature du pire, à intervalles réguliers mais de plus en plus dangereusement rapprochés. On dirait alors qu’ainsi montent les tensions jusqu’au paroxysme du conflit, ce qui semblerait induire que le conflit est inévitable ; mais l’autre version n’est pas moins vraie dans le sens de la possibilité sinon de la probabilité, qui est qu’“ainsi montent les tensions jusqu’au paroxysme” de la déstabilisation des psychologies, ce qui semblerait dire que l’effilochement et la dissolution des entreprises du bloc BAO sont inévitables…
Il faut dire que le comportement du système de la communication, dans la maximalisation de ses effets, constitue un facteur dont personne, il y a encore dix ans (ou disons douze ans, avant 9/11) n’était encore capable d’appréhender la puissance, bien au-delà de son domaine spécifique, et non seulement sur la situation psychologique mais sur la situation générale. C’est qu’aujourd’hui la situation générale dépend dans une mesure considérable, et révolutionnaire par rapport à ce qu’on avait coutume d’en apprécier avant, de la situation psychologique. C’est par la psychologie que l’influence de la métahistoire se fait de plus en plus sentir, reléguant les illusions, les ambitions et les calculs des sapiens au rayon des accessoires. Dans ce cas, au-delà de la tragédie évidente que subit ce pays, après celle qu’a connue l’Irak et en même temps que celle que connaît l’Afghanistan, la Syrie constitue aujourd’hui le moyen cruel et efficace de faire s’user jusqu’à l’effondrement la psychologie du bloc BAO, directement au service du Système.
Nos maniaco-dépressifs en pleine phase hypomaniaque
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