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1569Manfred Petrisch présente le destin particulier d’une profession au cœur du Système (expert financier) qui ne l’a pas empêché de rejoindre les rangs du combat antiSystème. Peut-être, qui sait, cette position de départ a-t-elle facilité cette évolution : il ne semble pas illogique de penser que c’est au cœur de la Bête que l’on mesure le mieux, quand on a le regard lucide, l’enjeu de la crise terrible qui déchire notre contre-civilisation.
PressTV.com l’a interviewé, ce 24 septembre 2012. Petrisch a parfaitement saisi le sens de la bataille en cours, notamment illustré par l’épisode de Innocence of Muslims, comme il l’avait été auparavant par l’affaire Pussy Riot. Il ne s’agit nullement d’une attaque contre telle ou telle religion mais bien d’une bataille contre la spiritualité elle-même, une guerre totale sans aucun doute, et sans pitié, – «the whole war is against spirituality as a whole», – qui ne se terminera que par une défaite totale de l’un des deux adversaires. Il faudra donc que les choses fassent en sorte que la défaite totale frappe qui doit être frappé.
Press TV: «1.3 billion people… Muslims. And we have this new wave of attack on Islam. These people, these Western countries, the Western people, those who are attacking Islam – Who are these people and why is it they are doing so?»
Petritsch: «Well, I think they are trying to… We have to see this as a general picture of a war against spirituality. That means, they are not particularly attacking Islam, but they are attacking spirituality as a whole. The attack against Christianity has been happening already since a long time and Christianity is more or less destroyed. So what they are doing now is shifting the focus, after they have finished off Christianity, they are now attacking Islam. But the whole war is against spirituality as a whole.
»You see, these blasphemous attacks are happening against Christianity all the time, but nobody is doing anything anymore because society and also the people who represent the Christian church are not putting up a fight anymore. They have lost and now they are shifting focus to Islam to also try to destroy their spirituality.»
Press TV: «We saw in the United States the blasphemous film that sparked tensions and protests all across the world. The US Ambassador to Libya was killed; more than 40 people across the world were killed in those protests. And right in the midst of all these protests and tensions, France allows a person, a magazine, a publisher to print another set of blasphemous material, this time cartoons insulting the prophet of Islam. And yet the French authorities did not do anything to stop that although they knew that it might create further tension in the world – they didn’t stop that.
»At the same time, they stopped the French magazine that published nude pictures of the British princess. So, what is going on here? Why is this happening, why the disparity?»
Petritsch: «Well, this shows you exactly the double standard the West operates in many ways. So if it is against what they want then they of course stop it, like the photos of the princess, which is of course, wrong to invade her personal life. But how can the insult of a whole religion be less important than the personal feelings of one person?
»So, on the one hand the same government or the same system in France closes down a magazine because of nude pictures, but on the other hand allows insulting cartoons against a whole religion. And this shows how the West always uses double standards, in many ways… This exposes it, that what they are doing is a lie.»
Press TV: «Do you think the attacks will continue - the attacks on Islam?»
Petritsch: «As I said before we are talking about a war against spirituality… You see, a lot of people believe that the cause for all this protest is the film. But I think it’s not the film, the film was just the ignition point.
»There was a whole explosive mixture existing because of the American foreign policy or the foreign policy of the West as a whole against all Islamic countries; against the war they are fighting; against this double standard they are doing; against the killer drones, which are killing hundreds of civilians. And all this explosive mixture was there and now the film came along and was the ignition point. So I think the people are not protesting specially against the film, they are protesting against the whole attitude of the West towards the Islamic countries.»
L’analyse de Petrisch rencontre bien évidemment notre conception. Lorsque nous disons et répétons souvent que le Système est par sa nature même déstructurant et dissolvant, qu’il n’a de pire ennemi que le Principe, c’est à une notion de la Tradition, nécessairement spirituelle, que nous nous référons. Cette notion dépasse les religions, ou plutôt les transcende, et c’est elle que les religions, chacune à leur façon, entendent célébrer. (Bien entendu, il n’y a pas que la religion qui puisse permettre une telle célébration.) Il n’est de pire piège que d’accepter l’idée que le Système mène une bataille contre une ou plusieurs religions, car c’est diriger la bataille vers les arguments de l’arsenal moderniste (anticléricalisme, laïcité, etc.), lequel a déjà montré son efficacité dans la mesure où ces arguments sont eux-mêmes complètement propices à la manipulation que le Système leur fait subir. Pour nous, il n’existe qu’une seule certitude terrestre, “laïque” si l’on veut : le Système tel qu’il est devenu et tel que nous l’observons aujourd’hui, et mesurons ses effets concrets, mesurables autant par l’expérience que par la perception et l’intuition, ne produit plus que du mal et ne peut plus produire que du mal ; à cet égard, le Système est arrivé à son point de fusion où il se révèle dans sa totalité, dans le même temps où sa dynamique de surpuissance se transmue en dynamique d’autodestruction exactement à l’image des effets qu’il produit, qui sont, désormais, exclusivement du domaine de la subversion et de la destruction.
Employant d’autres termes, moins “laïques” effectivement, nous dirions, et nous disons en fait que le Système est désormais complètement le Mal incarné, c’est-à-dire le produit du “déchaînement de la Matière”, et sa destination déstructurante s’est découverte comme absolument la nature de sa perversion, avec le Principe, ou “la spiritualité”, comme objectif avéré. Dans cet exposé clair des antagonismes, la religion doit être écartée de toute position centrale, à cause de sa situation présente où l’on retrouve ses ambiguïtés, ses compromissions, ses rapports avec l’histoire, la façon dont elle est manipulée et instrumentée, etc., toutes ces choses qui sont aujourd’hui particulièrement puissantes à cause de la puissance omniprésente du système de la communication. Ce n’est ni condamner ni absoudre la religion, c’est prendre acte d’une situation contingente que l’on peut chaque jour considérer, fixant par conséquent la religion comme n’étant pas l’enjeu central de la guerre en cours, mais plutôt un acteur “de complément”, d’ailleurs soumis à nombre de manipulations. Ce point est évident si l’on suit le discours du Système : sa hargne à désigner une religion comme ennemie (et d’ailleurs l’une ou l’autre, ici l’islam avec Innocence of Muslims, là le christianisme orthodoxe avec Pussy Riot) montre à suffisance qu’il est bien plus à l’aise avec cet ennemi-là qu’avec “la spiritualité”, ou “le Principe”, qui dénonce par antinomie et antithèse sa propre nature de pure matière au sens destructeur et entropique du terme, et, par conséquent, sa fonction d’être le Mal et rien que cela. Il est très important de voir progresser cette observation qu’expose Petrisch, qui prive le Système de son arme principale, sa capacité de subversion par le fait de l’interprétation et de l’assimilation faussaires ; cette observation permettant d’éviter le piège constant du Système qu’on pourrait décrire comme une manœuvre de “déflection” dans ce sens où le sens de l’attaque antiSystème, aussi bien son orientation que sa signification, est modifié par lui, c’est-à-dire changé spatialement et historiquement, et subverti dans son essence, pour pouvoir faire en sorte que l’attaque soit mieux réduite, sinon complètement détruite.
On observe combien les remarques de Petrisch n’ont rien à voir, ni avec celles d’un “croyant”, ni avec celle d’un “religieux”, ce qui montre indirectement qu’il en assume complètement la signification. Pour présenter ce qui est, selon notre propre observation, un exemple de ces remarques, on se reportera aux propos du président égyptien Morsi, tels qu’ils sont commentés par nous le 25 septembre 2012. (Nous parlons bien de ses propos seuls et dans cette circonstance, en les ôtant de leur contexte politique interprétatif, de leur contexte de situation, etc., c’est-à-dire de tout ce qui fait la conjoncture mouvante d’une évolution dans un contexte général où le Système et la lutte antiSystème ont tous deux leurs places et varient de position, de puissance et d’efficacité selon les circonstances.) Morsi, qui est un Frère Musulman dont l’origine, la formation, l’évolution, etc., se réfèrent à la religion (musulmane, qu’importe), parle avec un ton et selon des références implicites qui sont “spirituelles” et absolument pas “religieuses”. En effet, Morsi parle, comme nous l’avons entendu, en employant un “ton gaullien” qui implique nécessairement la forme et la puissance de la référence ; on comprend que cette référence est nécessairement du domaine de la spiritualité, sans aucun rapport pour ce cas avec la religion, puisqu’il s’agit de la référence à des principes (souveraineté, légitimité, etc.), renvoyant eux-mêmes à la forme structurante du Principe de la Tradition qui est effectivement la situation spirituelle que le Système producteur de dissolution et d’entropisation cherche tout aussi nécessairement à détruire. «Le Morsi qui a parlé avec une fermeté remarquable a employé, du point de vue égyptien et du point de vue arabe, un ton “gaullien” dans la mesure où le général de Gaulle s’est toujours affirmé le défenseur des principes de la souveraineté, de l’indépendance et de la légitimité…», écrivions-nous. Nous ajouterions que, si de Gaulle défendait cela au travers de sa défense de la France et de ses conceptions de catholique, il le fit fondamentalement et d’une façon intelligible, par la durée et la forme de son action, hors de toute référence nécessaire à la France et, surtout, au catholicisme ; d’ailleurs, ses propres références à sa religion (catholicisme), pourtant très intense chez lui, ont toujours été extrêmement discrètes sinon absentes, alors que ses références principielles sont constantes.
Pour poursuivre le cas Morsi tel que nous le citons en le transcrivant dans la réalité, ou dans l'actualité immédiate, on trouve la même idée que nous exprimons lorsque M K Bhadrakumar fait ces remarques, dans un article du 25 septembre 2012 sur Atimes.com. Il y apprécie comme fondamentales pour tout l’arrangement stratégique de la région l’arrivée de Morsi et son orientation résolument affirmée (les références de M K Bhadrakumar vont essentiellement à l’interview de Morsi par le New York Times) :
«In sum, Morsi's friendly remarks about Iran point toward a regional strategic realignment on an epic scale subsuming the contrived air of sectarian schisms, which practically no Western (or Turkish) experts could have foreseen. It is a matter of time now before Egypt-Iran relations are fully restored, putting an end to the three-decade-old rupture.
»The biggest beneficiary of this paradigm shift in Middle Eastern politics is going to be Iran. Arguably, we are probably already past the point of an Israeli attack on Iran, no matter Prime Minister Benjamin Netanyahu tilting at the windmill. In the prevailing surcharged atmosphere, the Muslim Middle East would explode into uncontrollable violence in the event of an Israeli (or US) attack on Iran.»
…L’on voit bien ce qu’il en est : ce qui devait séparer à l’avantage du Système l’Égypte et l’Iran, selon les “experts” du bloc BAO, ou experts-Système, c’était le sectarian schism, ou supposé antagonisme chiite-sunnite, c’est-à-dire une affaire à référence essentiellement religieuse. Cela se retrouve également dans le désaccord des deux pays sur la Syrie. Mais tout cela ne pèse guère face à la rencontre de deux pays qui sont des puissances à grande tradition historique, qui doivent appuyer naturellement leur politique, leurs exigences, etc., sur la référence principielle, – sur les principes de souveraineté, d’indépendance et de légitimité. Dans ce cas, effectivement, l’interprétation, hors de la référence religieuse qui est manipulée par le Système pour accentuer sa pression dissolvante, renvoie à cette “spiritualité” du Principe qui gouverne les choix exposés dans cette nouvelle situation. La référence principielle gouverne tout et permet aux situations politiques et aux équilibres stratégiques de prendre leur place naturelle… Comme l’observe justement M K Bhadrakumar, cette évolution met évidemment en lumière la grotesque infamie que constituerait une attaque contre l’Iran et rend celle-ci désormais infiniment périlleuse pour le Système, voire même comme l’acte d’autodestruction ultime.
Mis en ligne le 26 septembre 2012 à 06H35
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