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126714 décembre 2011 – Nous le signalons par ailleurs, ce même 14 décembre 2011, le silence significatif et étourdissant de la presse-Système, après une flambée d’intérêt pour l’aspect spectaculaire de l’affaire du RQ-170. C’est déjà une indication puissante de l’importance extraordinaire de cette affaire, tant les silences de cette presse-Système sont aussi significatifs que son inculture, son aveuglement et ses mensonges.
Nous-mêmes avouons sans fard la surprise que nous avons à mesurer les conséquences de cette affaire, dont nous tentons de rendre compte le plus minutieusement possible, en choisissant avec soin les sources que nous jugeons capables de nous donner des indications acceptables de la vérité de la situation. Il est vrai que, malgré nos appréciations et nos théories qui vont dans ce sens, nous sommes toujours surpris par le degré d’interdépendance des éléments du Système, dans le domaine de la dynamique de sa surpuissance certes, mais encore plus dans celui de son double négatif fatal, qui est le domaine de la dynamique de son autodestruction. Selon un enchaînement mécanique et mécaniste fatal, tout dépend de tout, et un élément du tout qui est perdu ou qui tombe dans des mains hostiles entraîne le reste dans une position catastrophique d’impuissance, – surpuissance devenant autodestruction par conséquent. Encore une fois, dans le texte ci-dessous, nous signalons la similitude de la position du RQ-170 dans l’ensemble de la puissance technologique du Système, avec le schéma du système financier, où l’effondrement d’une banque entraîne irrésistiblement le reste, – où l’entraînerait si la Fed n’était pas là avec ses planches à billets et ses divers dizaines de $trillions, transférant à la puissance publique le mal ontologique de la structure financière. Le Système présente ainsi une structure absolument unique, avec les mêmes enchaînements, les mêmes ambitions automatisées, les mêmes fatalités d’effondrement.
Dans le cas du RQ-170, la vérité du Système est absolument impressionnante et si considérable dans le contraste formidable entre l’apparence minuscule d’une partie du tout qui a failli (le RQ-170 capturé et décrypté par les Iraniens), et l’image de puissance formidable que nous nous faisons du tout. Nous comprenons alors mieux le silence de la presse-Système qui préfère manifestement les pailles rassurantes (le discours sur la démocratie et les droits de l’homme) à la poutre inexorable (le RQ-170 et ses suites) qui pulvériserait définitivement une pauvre intelligence si complètement acquise à la servilité pour le Système.
Quoi qu’il en soit, le constat est parmi nous, et nous voilà conduits à faire une chronique fournie de l’affaire du RQ-170 et de ses suites, là où, dans une première réaction, nous aurions eu la considération qu’il ne s’agissait après tout que d’une affaire de quincaillerie de plus. Mais non, très vite l’évidence s’est imposée à nous. L’affaire du RQ-170, à cause de tant de caractères technologiques et de renseignement stratégiques, mais aussi des réactions psychologiques qu’elle a entraînées (là, nous retrouvons notre terrain favori), est devenue un cas absolument colossal, porteur d’une matière absolument accélératrice des grands bouleversements politiques et stratégiques. Mais nous insistons bien sur l’impact psychologique : l’interprétation de cette affaire, la perception qui s’en manifeste, est, du côté du bloc américaniste-occidentaliste mais aussi du côté iranien qui joue le même jeu pour tenir ce bloc BAO en échec, de grandir démesurément la vérité des conséquences engendrées ; et, finalement, cette démesure n’en est pas vraiment une dans le sens où elle serait trompeuse, car elle est un excès temporaire qui permet de découvrir toutes les parties dissimulées des caractères du Système, et restituant finalement la véritable mesure du cas… La démesure de la perception psychologique, permettant finalement une exacte mesure de la catastrophe dissimulée que tout cela constitue pour le Système.
On l’a vu (nos Bloc Notes du 13 décembre 2011 et, à nouveau, du 14 décembre 2011), d’importantes conséquences politiques et stratégiques sont apparues et sont en marche. Il faut se rendre compte, – par exemple mais quel exemple ! – que l’affaire du RQ-170 pourrait bien être un facteur essentiel pour rendre complètement impensable, du point de vue opérationnel et technologique, une attaque du bloc américaniste-occidentaliste contre l’Iran, pour tous les facteurs évoqués, technologiques et psychologiques, et pour des raisons opérationnelles qui vont désormais être développées par la bureaucratie du Système elle-même. Une menace compulsive et obsessionnelle qui règle depuis 2005 la vie paranoïaque et schizophrénique des relations internationales depuis 2005 perdrait ainsi toute sa “substance virtualiste” (quelle étrange oxymore, mais c’est bien cela qui règle notre perspective politique), – et Dieu sait combien tous ces gens qui font profession de rationnaliser la politique raisonnèrent pendant toutes ces années selon cette seule référence. La perspective deviendrait, au contraire, de la possibilité absolument envisagée par le Système d’une défaite, puisque l’Iran méprisé comme rétrograde, disposant désormais des secrets du technologisme du Système, serait évidemment respecté à mesure pour figurer dans la bataille… D’ores et déjà, comme complément de l’aspect de la position stratégique iranienne, les éléments dont on dispose montrent bien combien la Russie et la Chine sont désormais en train de durcir considérablement leur attitude vis-à-vis des USA et du bloc BAO.
(De tout cela, bien entendu, nos dirigeants politiques et nos commentateurs-Système ne s’apercevront que bien plus tard, toujours trop tard, comme en toutes choses. Leur proximité du Système les lie inexorablement aux aveuglements que suscitent les illusions de la surpuissance du système telle qu’ils crurent, les uns et les autres, la reconnaître et l’utiliser à leur profit. Cette fable des manipulateurs manipulés résume le dilemme occidental.)
Par conséquent, nous considérons de plus en plus que cette affaire recèle des perspectives insoupçonnées et qui ne cesseront pas de nous surprendre. Son importance, qui nous a surpris nous-mêmes, fait qu’elle est désormais entrée dans la structure crisique des relations internationales, comme un facteur de dissolution crisique d’un très grand poids. Pour ces diverses raisons, plutôt de type politique, spéculatif, voir philosophique, nous pensons qu’il importe d’explorer le plus possible tous les aspects de cette affaire et de ce qu’elle révèle, y compris du point de vue technologique, et du point de vue des posture stratégiques structurelles en cause. Ces deux points sont mentionnés à dessein, pour introduire la mise en ligne, ci-dessous, d’un extrait, fait en réalité de deux textes qui s’enchaînent, de la rubrique Perspectives du numéro de dde.crisis du 10 décembre 2011. Cette rubrique Perspectives, intitulée “De l’U-2 au RQ-170”, examine, dans ses deux dernières parties, – d’abord «Une mise en cause d’une méthodologie fondamentale du système du technologisme : le caractère absolu de l’efficacité des technologies», – ensuite, «L’incident du RQ-170 montre qu’en deux ou trois décennies, la puissance stratégique a complètement décuplé grâce à la technologie et à sa miniaturisation, et s’est complètement invertie jusqu’à la menace de l’autodestruction»
« Au delà des diverses polémiques et commentaires contradictoires, il semble que plusieurs faits fondamentaux puissent être établis, dont l’aventure iranienne est une illustration encore plus qu’une confirmation. En un sens, on dira qu’on savait théoriquement ces divers faits et possibilités d’incidents, mais la démonstration in vivo, avec un pays qui est considéré comme proche d’être l’ennemi n°1 des USA et du bloc BAO en général, fournit un formidable écho de communication qui dramatise l’affaire d’une façon extrême. (On trouve traitée, sur notre site, dans les analyses consacrées à l’affaire du RQ-170, le rôle extrêmement néfaste et dévastateur du système de la communication par rapport au système du technologisme dont dépend le système RQ-170.)
» Le premier fait est la fantastique puissance de reconnaissance, d’observation et d’espionnage, et de contenance d’informations secrètes utilisées pour sa mission, du RQ-170. Il y a à la fois rationalisation et miniaturisation de tous ces facteurs, pour leur utilisation extrêmement rapide et efficace. On attend de cela une formidable efficacité du RQ-170 pour reconnaître les objectifs, mesurer leurs conditions, leurs modifications, etc., c’est-à-dire remettre à jour d’une façon automatisée le plan général d’attaque de l’Iran dont le RQ-170 porte toute l’information. Ces observations, qui semblent confirmées, rejoignent les remarques mentionnées plus haut de DEBKAFiles.
» En contrepartie de cette puissance formidable réunie dans un système de si petite dimension et d’une telle capacité de maniement, la vulnérabilité est à mesure. Si un tel système tombe aux mains de l’ennemi, c’est toutes les informations et tous les plans d’offensive qui sont menacés d’être mis à jour... Démonstration impeccable par le cas iranien.
» La condition sine qua non de l’emploi d’un système d’une telle puissance et d’une telle vulnérabilité, c’est une capacité parfaite, à 100%, d’autodestruction ou de sauvegarde du système en cas d’ennuis quelconque. Le RQ-170 disposerait de trois systèmes d’autodestruction autonomes, dont un de mise en autopilotage automatique interdisant toute interférence d’un contrôle externe hostile, en cas de perte de contrôle. Tous ces systèmes ont donc échoué. C’est une catastrophe opérationnelle et une fantastique défaite technologique, d’une telle ampleur qu’elle en devient presque paralysante pour la suite des opérations de ce type... On peut se demander si la CIA va oser prendre le risquer, avant longtemps, d’utiliser à nouveau un RQ-170, même avec des capacités réduites, au-dessus d’un territoire ennemi.
» C’est cette ignorance à la fois des malfonctionnements et des informations tombées aux mains de l’ennemi (lesquelles ont été décryptées ? Toutes ont-elles été décryptées ? Etc.) qui constituent le cœur grondant de cette catastrophe. Les techniciens, analystes, spécialistes US ne savent pas dans quelle direction chercher les causes de mal fonctionnement. Certains, parmi les plus pessimistes, estiment qu’il faudrait développer entièrement, en revoyant tout dans les parties sensibles de hautes technologies, un nouveau RQ-170. C’est une chose impensable dans l’environnement opérationnel et budgétaire actuel.
» Il s’agit donc, avec la perte du RQ-170 et de tout ce qu’il représentait, de l’arrivée à une sorte de goulot d’étranglement que représentent le RQ-170 et l’incident iranien d’une masse extraordinaire de puissance opérationnelle et d’information. A court terme, c’est d’abord la question même de la possibilité d’une attaque de l’Iran (comme d’un autre pays) par les méthodes ultra-modernes optimales qui est mise en cause. A long terme, c’est la question même de l’emploi des technologies avancées, dans un sens autodestructeur, inversion de la surpuissance, qui est posée.
» Lorsqu’il apprit le sort de RQ-170, Francis Gary Powers, fondateur du Cold War Museum, s’écria que, par bonheur, il n’y avait personne à bord. Fils du pilote (mêmes prénoms et nom) de l’U-2 de la CIA abattu le 1er mai 1960 par un SA-2 soviétique, Powers observe : «They were both on intelligence-gathering missions. They were both doing photo reconnaissance. They were both supporting the US government’s intelligence-gathering to find out intelligence about our adversaries.The difference this time was that there are no family members that have to be notified; there’s no prisoner in a foreign country.»
» La vision est un peu courte et un peu idyllique. Le U-2 de Powers était en mission photographique sur les bases des nouveaux missiles ICBM soviétique ; il n’avait aucun autre équipement très sensible à bord. La destruction du U-2 et la capture de Powers n’eurent que deux conséquences majeures : une crise politique exploitée par Nikita Krouchtchev au “sommet des quatre” (France, USA, UK, URSS) à Paris dans le courant mai 1960 et un changement dans la tactique de vol des bombardiers stratégiques US désormais confrontés à l’interception à haute altitude, vers un vol à très basse altitude à l’approche de l’objectif.
» A cette époque, l’arrangement stratégique des systèmes comprenait une centralisation du commandement stratégique (principalement le SAC), et une autonomie complète du bombardier à partir du “point de non retour” (thème central du film Docteur Folamour). Chaque bombardier avait un seul objectif principal et un ou deux objectifs de dérivation. Son autonomie de mission répondait à un minimum d’informations secrètes détenues par lui. La perte d’un bombardier ne compromettait que lui.
» Comme on le voit, toutes les missions (reconnaissance, attaque, etc.) étaient absolument cloisonnées et une perte n’entrainait aucune conséquence générale, l’ensemble étant dans les seules mains du commandement central. Aujourd’hui, la situation n’est pas renversée mais curieusement morcelée, voire dissoute entre divers centres, ou systèmes de puissance équivalente.
» La centralisation persiste, mais les systèmes autonomes qui en dépendent, notamment au niveau capital de la préparation de l’offensive stratégique (RQ-170), sont eux-mêmes des points de centralisation puisqu’ils possèdent toutes les informations essentielles de la centralisation générale. Le cloisonnement initial a complètement disparu et la capture d’un seul système (le RQ-170 pris par les Iraniens) compromet l’ensemble. Cette situation est comparable à celle de la crise financière, selon George Soros : la régulation des banques imposait un cloisonnement, comme il existe des cloisonnement dans la charge d’un gros tanker pour empêcher qu’un mouvement ne se répercute à l’ensemble de la charge de pétrole et ne fasse chavirer le navire. La dérégulation a enlevé ces cloisonnements, et fait naître la menace d’un effondrement général.
» La situation est similaire au niveau stratégique. En ôtant le cloisonnement et en donnant à chaque élément tactique (un RQ-170) la disposition des principales informations stratégiques, on abaisse le niveau stratégique aux aléas d’une multitude d’opérations tactiques. C’est, comme d’habitude, une dégradation vers le bas du Système en général, au nom de la croyance aveugle dans les capacités des technologies réduites du niveau stratégique au niveau tactique par la miniaturisation et la surpuissance des technologies. Il s’agit bien d’un processus d’autodestruction, le Système appliquant désormais à lui-même la dynamique d’abaissement, de subversion et de dissolution qu’il a appliquée d’abord à ses adversaires, et principalement à la civilisation qu’il a détruite. »
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