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1356M K Bhadrakumar exulte à propos de la dernière manifestation diplomatique de son pays. C’est assez rare chez ce commentateur indien, ancien diplomate, qui n’a pas sa plume dans sa poche pour critiquer la mollesse de l’actuel gouvernement indien, notamment face aux pressions US. Cette fois, M K Bhadrakumar change totalement d’appréciation à la suite de l’intervention de l’ambassadeur de l’Inde, Hardeep Puri, à l’ONU, lors du vote du 14 avril du Conseil de Sécurité en faveur de l’envoi d’observateurs de l’ONU en Syrie. Ce n’est pas tant le vote de l’Inde qui est mis en évidence (la Conseil de Sécurité a voté à l’unanimité une résolution qui est très nettement d’inspiration russe) que les explications de ce vote.
M K Bhadrakumar nous le confie, il a veillé tard dans la nuit de samedi à dimanche pour obtenir les détails de l’événement et composer son texte en date du 15 avril 2012. Il détaille, avec quelques commentaires de son cru, les six points suivants du discours :
«A) India fully supports Annan’s mission. India appreciates that Annan’s mission has made progress and “resulted in cessation of violence.”
»B) India welcomes Syrian government’s acceptance of the Annan plan. India hopes that the opposition too would “adhere” to the relevant action points in the Annan plan and “renounce violence and cooperate fully.” (Comment: The onus is on the opposition to show sincerity.)
»C) India supports the UN supervision mission’s deployment and hopes that “all parties, including the opposition” will cooperate with the mission. Having said that, the UN supervision mission too should work “impartially, fairly and independently” and should give due respect to Syria’s sovereignty, unity and territorial integrity.”
»D) India calls for an “inclusive Syrian-led political process”. The process should start as soon as possible. “We have noted the commitment of the Government of Syria to such a process. We expect that the opposition will also engage seriously in this process so that the crisis is resolved without any further bloodshed.” (Comment: Delhi’s endorsement of the Syrian government stance stands out.)
»E) India feels that a special responsibility lies with “all countries in Syria’s neighborhood and beyond” to facilitate the success of the Annan mission. (Comment: A mild stricture of countries like Turkey or some Persian Gulf monarchies?)»
M K Bhadrakumar signale que cette intervention est complètement en conformité avec la position du groupe BRICS, lors du sommet de Delhi, le 28 mars. Cela le conduit à observer avec enthousiasme que l’Inde, en sa qualité de président en exercice du BRICS, a parlé au Conseil de Sécurité comme un porte-parole d’un BRICS devenu une véritable entité politique. («Puri’s speech is suffused with new thinking in Delhi on Syria. The first question that occured to me was: Who was it who ridiculed the BRICS as “lacking mortar”? What nonsense! Puri’s speech reflects the BRICS stance on Syria, as enunciated in the Delhi Declaration adopted at the grouping’s summit on March 28.») M K Bhadrakumar ne doute pas que le ministre des affaires étrangères indien, qui a téléphoné à Kofi Annan avant le vote, recevra prochainement ce même Annan à Delhi, également en tant que représentant de la présidence en exercice du BRICS.
Il ajoute encore que la position indienne à l’ONU suit un sommet spécial des trois ministres des affaires étrangères de la Chine, de l’Inde et de la Russie, à Moscou, le 13 avril, veille du vote à l’ONU. (Qu’on mesure le caractère inhabituel de cette rencontre, par rapport aux appréciations conventionnelles : ne dit-on pas, d’une façon qu’on doit apprécier de plus en plus comme de pur conformisme, que l’Inde et la Chine sont séparés par un antagonisme radical ? Démonstration…) Pour M K Bhadrakumar, cela signifie qu’il y a eu coordination entre les trois puissances du BRICS pour ce vote, et que l’Inde a complètement épousé la position des Chinois et des Russes sur la Syrie. Le diplomate-commentateur y voit sans aucun doute un formidable tournant de la politique extérieure de l’Inde («This is a fantastic turnaround in India’s stance on Syria»).
On doit apprécier ces commentaires à la lumière de l’habituel très grand scepticisme critique de M K Bhadrakumar concernant la politique de son pays, en même temps bien sûr que de son expérience politique et diplomatique. Son enthousiasme en est d’autant plus significatif, et d’autant plus également que le texte, composé dans l’urgence, est farci de références indiquant que le commentateur a obtenu des informations de première main sur l’attitude du gouvernement de son pays. M K Bhadrakumar dispose d’une large audience de qualité, et ses récentes critiques sur la politique incertaine de l’Inde dans les crises iranienne et syrienne avaient été perçues avec préoccupation à Delhi, notamment dans le contexte du BRICS dont chacun des membres sent qu’il est absolument nécessaire de lui donner une personnalité plus affirmée, c’est-à-dire une dimension politique. On voit ainsi confirmé que le BRICS est en train d’acquérir cette substance politique, et que cette substance politique ne peut être construite que sur une posture très critique, sinon antagoniste du bloc BAO et surtout des USA. Les crises syrienne et iranienne donnent une occasion inespérée de substantiver ce tournant, et l’on peut ainsi apprécier l’habileté et la richesse de la “politique générale” d’affirmation militaro-culturelle réduite aux acquêts des anathèmes humanitaristes du bloc BAO.
Mis en ligne le 16 avril 2012 à 04H13