Le TPP chambré, BHO sonné

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Le TPP chambré, BHO sonné

On ne sait comment se terminera la poussée finale de la prise du pouvoir global par le Corporate Power par les fameux traités (principalement le TPP pour le Pacifique/Asie-USA et le TTIP pour l’Atlantique/Europe-USA)... En attendant et pour le temps présent, l’entreprise ne cesse de recevoir des coups d’arrêt et de méchants coups bas, montrant que la bataille publique pour ces accords négociés dans une structure ultrasecrète pour qu’il n’y ait pas de bataille justement, est devenue âpre et furieuse, avec une issue très incertaine. (On devra méditer à une autre occasion sur le ridicule contradictoire de cette montée irrésistible du secret des agissements-Système de nos dirigeants, qui ne sert qu’à rendre plus explosives les circonstances où l’efficacité de ce secret sera nécessairement balayée par le seul soupçon qu’il n’existe plus aujourd’hui que pour dissimuler la trahison, l’inversion et la cochonnerie.) Après l’affaire du Parlement Européen et du TTIP (voir le 10 juin 2015), voici un vote de la Chambre des Représentants du Congrès des États-Unis...

La Chambre, hier après-midi, avec un vote, a contrarié gravement, peut-être vers son trépas, la marche du TPP. Ce vote constitue, selon le New York Times du 12 juin 2015, «un coup extraordinaire porté à Mr. Obama, qui était venu personnellement au Capitole vendredi matin pour tenter personnellement de rallier les démocrates...». ZeroHedge est encore plus affirmatif (le 12 juin 2015), – «La Chambre liquide la Fast-Track Authority nécessaire pour le “Obamatrade” (TPP) après une rébellion démocrate conduite par [la leader des démocrates Nancy] Pelosi..»

Du point de vue de la technique législative, l’affaire est très complexe. Le vote le plus remarquable de la Chambre, où l’administration fut battue par une marge considérable (302-126), concernait la législation dite Trade Adjustment Assistance (TAA) qui est une adjointe obligée à la législation FTA (Fast-Track Authority) donnant tous les pouvoirs au président de négocier le TPP (TransPacific Parnership, équivalent pour l’Asie-Pacifique du TTIP pour l’Euro-Atlantique). La TAA, qui garantit des compensations pour les travailleurs qui perdraient leur emploi à cause du TPP a été adjointe à la FTA lors du vote du Sénat en faveur de la FTA, pour satisfaire les démocrates du Sénat. On espérait alors que les démocrates de la Chambre avec quelques républicains populistes, voteraient la TAA, ce qui permettrait à la FTA de passer ensuite grâce à la majorité républicaine et de boucler le package. Surprise, surprise, – mauvaise surprise, avec une rébellion des démocrates...

Les démocrates de la Chambre, conduits par Nancy Pelosi, ont repoussé dans leur grande majorité la TAA qu’ils jugent insuffisante, tandis qu’une majorité de républicains votaient contre la TAA pour la raison inverse, par refus des aides publiques en matière économique et d’emploi. Ce fut donc une étrange coalition qui s’est constituée à la Chambre, tandis qu’un autre vote voyait la victoire par une marge très réduite (219-211) de la FTA, mais sous une forme quasiment symbolique puisque sans la TAA qui lui est formellement nécessaire. C’est donc un imbroglio très typique du Congrès US et des arrangements léonins effectués entre les deux ailes du “Parti unique”. L’on échafaude des plans législatifs complexes avec des objectifs indirects évoluant comme au billard à plusieurs bandes pour obtenir un résultat encore plus indirect mais décisif, – le vote de la FTA ouvrant la voie au TPP. Ce plan à plusieurs bandes s’est complètement retourné contre ses auteurs (la direction républicaine de la Chambre et l’administration Obama) pour mettre la FTA en grand danger de n’être pas votée avant la fin de l’administration Obama, hors une tentative ultime de remettre la TAA aux votes la semaine prochaine, – très difficile perspective, si l'on en juge d'après l'état d'esprit manifesté hier.

WSWS.org décrit cette “journée des dupes” à la Chambre, ce 13 juin 2015, sur un ton en général furieux, – puisqu’en bon trotskiste, WSWS.org considère la TAA comme une “manipulation honteuse des travailleurs par le capital”, – et sans vraiment considérer le résultat final qui est peut-être un coup d’arrêt du TPP au moins d’ici 2016, et sans doute au-delà de l’installation de la nouvelle administration, et voire pire encore... (La rigueur doctrinale des trotskistes les empêche en général de mesurer la différence entre une machination tactique visible à l’œil nu et une grande victoire stratégique possible sinon probable, mais victoire sans pureté doctrinale, par défaut elle aussi.)

«Friday’s vote was a defeat for both the House Republican leadership—particularly House Speaker John Boehner and Paul Ryan, chairman of the Ways and Means Committee—and for Obama and his top aides, who lobbied furiously for the bill and openly threatened that if the trade bill were defeated, there would be no separate effort to extend TAA benefits for the two million workers who now receive them. This threat to treat two million jobless workers as hostages for passage of the trade bill was spelled out by White House spokesman Josh Earnest. He declared, “If you’re a member of Congress, and you vote against Trade Adjustment Assistance this week, you are adding your name to the death certificate of Trade Adjustment Assistance because it will go away.”

»The linkage between the two issues—income support and retraining for jobless workers, and trade negotiating authority for the president—was established in the bill that passed the Senate last month, as the price of winning the support of Democratic and Republican senators from industrial states like Pennsylvania, Ohio and Wisconsin.

»The House Republican leadership then split the bill in two as part of a cynical parliamentary maneuver. They counted on the near-unanimous support of Democrats to assure passage of the Trade Adjustment Assistance portion of the legislation. Meanwhile, a huge majority of Republicans would back the main bill to give Obama “fast-track” authority. Instead, despite pleas from the White House, including a Friday morning appearance by Obama himself before the House Democratic caucus, the vast majority of Democrats voted against the renewal of Trade Adjustment Assistance. While the Republicans were able to narrowly pass the “fast-track” legislation, by a 219-211 margin, the bill must go back to the Senate for a new vote because it no longer contains the TAA provisions.

»Without TAA, it is unlikely that Senate Majority Leader Mitch McConnell would be able to find the 60 votes needed to bring the bill to a vote. White House officials and congressional Republicans indicated that they would not seek a new Senate vote, but would push for reconsideration of TAA by the House next Tuesday. This vote could be the last chance for “fast-track” legislation in the current congressional session.»

La TAA est censée donner une assistance publique à tous ceux (un million ? Deux millions ?) qui, aux USA, perdraient leur emploi grâce (!) au TPP. Cette idée fait horreur aux républicains, adversaire furieux de l’interventionnisme étatique, mais elle alimenta paradoxalement dans ce cas, la rébellion des démocrates. La très élégante et très pro-establishment Nancy Pelosi, qui dirige la minorité démocrate à la Chambre, résuma le fondement de la rébellion qu’elle suscita elle-même, comme une vraie Guevara-féminime, chez les élus démocrates, selon un argument qui duplique celui des républicains antistatistes, selon un état d’esprit qui manifeste exactement inverse : «La défaite [de la TAA] est la seule façon pour nous de freiner décisivement la FTA... Les citoyens préfèrent avoir leurs emplois qu’une assistance du gouvernement.»

Cet exemple permet de mesurer combien les grands traités de la “prise de pouvoir global par le Corporate Power” introduisent de confusion, de contradiction et d’antagonismes fratricides, y compris au sein de la direction-Système de l’américanisme, pilier central du Système. L’évènement conduit à deux remarques : 1) le TPP et le TTIP constituent les deux faces d’un même problème, ou d’une même crise, et même les structures normalement les plus sûres au sein du Système (le Congrès aux USA, le PE en Europe) peuvent devenir les lieux d’une contestation qui n’est plus de simple forme mais qui menace de constituer un obstacle considérable, sinon le modèle d’une contre-dynamique qui pourrait conduire à un échec des traités ; 2) même si le fait de l’américanisation est un argument de poids pour les adversaires du TTIP en Europe, on ne doit jamais perdre de vue une seconde que, parallèlement, il existe aux USA une opposition dynamiquement en pleine expansion aux deux traités (le TTIP sera considéré comme le TPP à cet égard), aussi importante que celle qui se manifeste contre le TTIP en Europe. Même s’ils s’ignorent et même s’ils en ignorent les modalités et les buts, c’est objectivement le même combat qu’ils conduisent.

Sans doute sommes-nous là, avec ces traités globalisants fondamentaux, à un de ces points centraux qui nous démontrent que le monde n’est pas sous la domination d’un “Empire” mais sous la domination d’un “système”, – Sa-Majesté-le-Système, qui mérite très largement sa majuscule. Il n’existe guère de cas où une initiative d’une telle importance, mettant en jeu toute la puissance et l’appareil bureaucratique des grands ensembles du bloc BAO et de ceux qui leurs sont adjoints, éveillent des réticences, sinon des oppositions aussi conséquentes, quasiment par l’automatisme des effets imprévus, dans tous les mêmes grands ensembles du bloc BAO. On retrouve les contradictions fondamentales qui sont inhérentes au Système, produisant une surpuissance formidable, mais sans souci des effets produits, des dégâts dits-collatéraux, des ramifications extrêmes et contradictoires, et suscitant ainsi peu à peu, et bientôt très rapidement, une dynamique qui peut devenir autodestructrice. Dans le même sens, on observera que ce sont les relais-Système faits pour contenir les pressions populaires et les orienter d’une manière favorable au Système, qui tendent à évoluer pour jouer le rôle exactement inverse. Tout cela n’a nul besoin d’explications rationnelles puisque ces mouvements et ces soubresauts répondent à ces forces déchaînées qui s’affrontent dans cette époque exceptionnelle, sans éprouver la nécessité de nous informer directement, ni de leurs origines, ni de leurs buts ultimes, et encore moins de leurs puissances transcendantales.

Même ceux qui sont à la base de ces initiatives agissent quant au fond des choses comme des automates, sans rien comprendre fondamentalement, et sans rien voir venir après avoir ignoré ce qui s’est déjà passé. Ils sont mus simplement par les impulsions générées par le Système qui, quant à lui, sait parfaitement pourquoi il agit dans ce sens puisque sa seule “stratégie” est de développer un projet général de déstructuration et de dissolution du monde, – avec les pressions des groupes d’intérêt en soutien, le Corporate Power dans ce cas, comme ce pourrait être le Complexe Militaro-Industriel, le Big Oil, Wall Street, le lobby sioniste, la NRA des armes à feu aux USA, les cartels de la drogue, avec pour saupoudrer le tout un Soros ou l’autre, et tant d’autres dans d’autres cas, – sans qu’aucun de ces soutiens ne comprenne vraiment l’issue finale de cette partie où ils ne servent eux-mêmes que de moyens très utiles et fabuleusement rémunérés, avec en plus sinon surtout le phantasme charmant se se croire, chacun son tour et à la queue-leu-leu, les “maîtres du monde”.

Il n’est sans doute pas de meilleur exemple de président des États-Unis se conduisant comme un automate, que dans ce cas qu’on décrit ici, où Obama effectue un lobbying intense en faveur d’initiatives promises à détruire toutes les structures sociales possibles, y compris et d’abord aux USA. Jamais on ne voit le président Obama aussi zélé, aussi brillant que dans ce rôle-là d’automate, – Yes, he can ; la raclée mémorable qu’il vient de ramasser à la Chambre, avec son hybris grièvement blessé ou bien sa vanité parce que cela lui convient mieux, a mis d’autant plus en évidence combien il a œuvré considérablement pour développer dans cette fonction soi-disant légitime et soi-disant d’“homme le plus puissant du monde“ ce qu’il peut y avoir en elle et en lui de parfaite marionnette du Système.

Pour apaiser enfin cette description furieuse, on conclura qu’il est temps que BHO prépare sa retraite et ses tournées de conférence à $100 000 par soirée. Ainsi pourra-t-il se dire en se rengorgeant, – Yes, he can, – qu’il a enfin achevé l’émancipation de la communauté Africaine-Américaine, passée directement d’un esclavage à l’autre, comme passant directement des temps héroïques des Founding Fathers à l’âge post-industriel de la postmodernité globalisée.


Mis en ligne le 13 juin 2015 à 13H29