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1201Un article d’analyse de Hüsnü Mahalli, dans Alakhbar.com du 7 août 2012 (repris notamment dans The Money Party, le 8 août 2012) donne quelques éléments d’explication de la politique syrienne de la Turquie depuis le début des troubles en Syrie, et notamment de l’acharnement turc contre Assad. Dans les détails de la chose, la confusion n'est pas absente, à l'image de la politique elle-même... L’essentiel de cette politique est attribué au ministre des affaires étrangères de Turquie, Ahmet Davutoglu, dans une conjoncture difficile pour lui dans la mesure où cette politique n’a pas conduit à une chute rapide d’Assad comme il l’avait prévu, et risque de conduire la Turquie dans une situation très difficile. Cette explication générale est substantivée par des indications politiques précises en Turquie même, que relève Hüsnü Mahalli. (Ces élèments eux-mêmes, indicatifs de l’actuelle fragilisation de la situation politique interne de la Turquie.)
«Gursel Tekin, the deputy chairman of the opposition Republican People’s Party (CHP), has predicted that the Turkish FM Ahmet Davutoglu will be sacked after implicating Turkey in the Syrian crisis. Tekin added that Turkish Prime Minister Recep Tayyip Erdogan is planning to get rid of Davutoglu soon. For some time now, Davutoglu has been the target of sharp attacks by opposition parties and many media analysts, who blame him for the dismal failure of the Turkish policy in Syria, as he is the one responsible for devising and selling it to the prime minister…»
L’explication générale, qui remonte à l’affaire libyenne, montre essentiellement le Premier ministre Erdogan désinformé ou mésinformé par son ministre des affaires étrangères, lequel le fut de son côté par le Qatar, l’Arabie Saoudite, et éventuellement par les USA… Mais on hésite pourtant devant les termes “désinformé” et “mésinformé”, qui contiennent une dose essentielle de volonté et de capacité de manipuler, d’induire en erreur, etc., – sinon à employer ces termes d’une façon “objective”, comme producteur d’eux-mêmes de leur substance de désinformation et de mésinformation affectant tout le monde. Il semble en effet que, du côté qatari, saoudien et américaniste, il y eut également les mêmes erreurs qui furent transmises vers les Turcs comme des évaluations valables, toutes aboutissant à la perspective de la chute très rapide d’Assad. Le ministre Davutoglu pouvait alors envisager d’inspirer une politique de gains faciles et rapides pour la Turquie, lui assurant une stature politique considérable.
Ainsi, ces détails, qui semblent effectivement montrer la faiblesse des capacités d’information de la Turquie dans cette affaire, mais toujours dans un contexte général où il nous semble bien que cette faiblesse de l’information est très largement partagée.
«In truth, Ankara lacks experts in Syrian affairs, as well as Arab affairs in general. This may help explain the fact that all analyses of the Syrian situation have been rather skin-deep, and do not go beyond news stories and articles published by the Western media or US and Israeli intelligence reports that are habitually leaked to Turkish journalists. Most of Ankara’s information about Syria comes from al-Jazeera and al-Arabiya, and the pages of the Syrian opposition on social networking sites.
»For example, when Erdogan used the term shabiha (a reference to pro-regime militia in Syria) as conveyed to him by his advisers or perhaps Davutoglu, it did not occur to him that both the Turkish army and security services often use civilian security agents, who are no different to the shabiha, to crack down on peaceful protests…
La situation politique turque, au niveau gouvernemental, se ressent évidemment de cette situation générale très confuse, en montrant elle-même une confusion similaire. Il semble que Davutoglu reste convaincu de la “chute imminente” d’Assad, laquelle chute est “imminente” depuis bientôt presque un an. (Davutoglu «is convinced and absolutely certain that he is right, despite all the criticism levied at him that suggests he has made gross tactical and strategic miscalculations.») Il semble que des remous importants vont agiter la direction turque, mais toujours sans qu’on puisse déterminer dans quel sens, à l’image des “certitudes” qu’on entretient sur le sort d’Assad, mais dans ce cas d’une façon qui paraît chaque jour plus assurée que le sort d’Assad.
«…But the most important question that remains unanswered on the Turkish political and media scene is this: Until when will Erdogan continue to bear the burden of the flawed policy of his foreign minister, which has cost Turkey dearly and at all levels? […] Here, it seems that Davutoglu is determined to overthrow the regime in Syria; otherwise, Erdogan will dismiss him and put an end to his diplomatic career, which he wanted to exploit for future political calculations. Some talk about the possibility that Davutoglu may become the new prime minister of Turkey, when Erdogan becomes the president of the republic in the summer of 2014, provided that Davutoglu proves his diplomatic and political merit by toppling the Syria regime…»
On trouve à la fois, dans cet article, une perspective nouvelle de la situation turque (le rôle de Davutoglu, l’affrontement possible entre Davutoglu et Erdogan), et une confirmation d’une situation générale de l’extraordinaire degré d’impuissance au niveau de l’information, singulièrement dans le bloc BAO auquel la Turquie s’est rattachée dans la circonstance. Si nous avons tendance à voir dans cet aspect de la situation turque un prolongement d’une situation générale, c’est parce que nous avons suffisamment d’indications que, de tous les côtés dans les pays du bloc BAO, la même situation d’“auto-désinformation et d’“auto-mésinformation” règne depuis le début de cette affaire, comme d’une façon générale et structurelle dans ces directions politiques depuis un certain nombre d’années (souvent, depuis 2001-2003, systématiquement depuis 2008).
Nous avons largement signalé cet aspect des choses concernant l’information sur la situation en Syrie, que ce soit du point de vue général du caractère désormais établi des conditions d’“information” dans notre époque (voir le 2 avril 2012), du point de vue des directions politiques (voir le 7 février 2012), du point de vue des médias-Système (voir le 16 mars 2012), du point des vue des “sources”, ou même de ce qui fut la “source unique” de la situation en Syrie durant des mois (voir le 6 juin 2012).
Sur ce dernier point du cas fameux du Syrian Observatory for Human Rights (SOHR), qui était d’ailleurs décrit par Reuters, le 8 décembre 2011 exactement dans ces termes, nous écrivions (pour rappel du texte du 6 juin 2012) : «Le 4 juin 2012, Cartalucci nous décrit le plus aisément du monde la structure, l’organisation et le fonctionnement du Syrian Observatory for Human Rights (disons SOHR, pour faire encore plus sérieux), basé à Coventry (on allait dire Londres, pour faire toujours plus sérieux) ; le SOHR, la principale source, voire la source quasiment unique jusqu’à il y a peu, de notre information sur les horreurs commises unilatéralement par le régime Assad en Syrie selon la narrative en vogue, et donc la cause de cette énorme crise qui secoue la contre-civilisation éventuellement occidentale, ou bloc BAO… Car, SOHR, superbe exploit, se limite à une personne, installée dans un petit bureau bricolé dans une maison de Coventry, dont le rez de chaussée est occupé par un magasin de vêtements constituant l’activité de subsistance de cette personne…»
…Il faut donc savoir que cette unique personne s’intitulant SOHR fut effectivement, durant de nombreux mois, au moins de septembre-octobre 2011 (lorsque l’affaire syrienne commença à prendre sa dimension de crise internationale) jusqu’à mai-juin 2012, la seule source de divers organismes importants du bloc BAO, dont, par exemple, les services concernés de la bureaucratie de politique extérieure de l’Union Européenne. Ce n’est que très récemment (disons vers la fin juin) que l’on a commencé à s’interroger sur la viabilité d’une information générale obtenue en général d’une seule source jusqu’à être une seule personne, et en plus d’une telle source. (Le processus d’auto-désinformation va jusqu’à son extrême le plus absurde : Reuters, qui a fait le reportage qu’on lit sur le SOHR, a continué également pendant des mois à s’appuyer sur ce même SOHR pour juger de la situation en Syrie. Certains pourraient y voir, comme toujours, du machiavélisme et l’intention de transformer délibérément la vérité de la situation syrienne, mais nous répéterions sempiternellement qu’on se fait dans ce cas plus habile dans l’art assez simple du montage. Par exemple, et exemple assez primaire dans l'art du montage, on conseille au nommé Abdulrahman, – le seul homme du SOHR, – d’engager une dizaine de collaborateurs, éventuellement fictifs, pour faire penser à ses visiteurs impromptus qu’il s’agit d’une entreprise sérieuse ; le MI6, qui “protégeait” Abdulrahman et relayait ses informations au secrétaire au Foreign Office Hague, aurait pu prendre pour cette entreprise de couverture une poignée de milliers de sterlings dans l’une de ses cassettes secrètes, ou éventuellement les sommes nécessaires dans quelques conteneurs de billets de $100 imprimés spécialement par l’ami Bernanke…)
On douterait donc que la Turquie ait été principalement, volontairement et singulièrement désinformée, d’une façon efficace dans le fait de la manipulation, par des partenaires qui se trouvent eux-mêmes dans cette situation de désinformation. Simplement, les manœuvres politiques et autres se poursuivent entre chaque “allié”, mais sur des bases informatives complètement faussées chez eux également ; c’est-à-dire que le désordre qu’ils tentent d’introduire chez l’“ami” renforce par effet pervers le désordre chez eux-mêmes puisque tout le monde joue sur des bases faussaires que tout le monde ignore peu ou prou. Cela tend à transformer les mésententes, les absences de coordination et les coups fourrés sciemment calculés, en catastrophes imprévisibles et inattendues si l’occasion se présente, d’ailleurs en suivant la ligne générale de la crise syrienne pour les pays du bloc BAO. Simplement, on ajoutera à notre étonnement sans fin mais qui commence à s’émousser sérieusement, l’élément turc qu’on aurait tout de même pensé un peu mieux au fait, au moins, des affaires intérieures de son voisin syrien… De la façon dont Foch nommé en 1918 généralissime des armées alliés confiait que depuis qu’il était à la tête d’une coalition, il avait beaucoup moins d’admiration pour Napoléon (qui s’était constamment battu contre des coalitions), nous dirions que mis en présence de ce qui semble être certains éléments de leur action, nous professons beaucoup moins d’estime pour les dirigeants turcs que nous pouvions en avoir il y a un an où nous les jugions remarquablement antiSystème jusqu'à y voir l'inspiration indirecte du gaullisme. Il s’en déduit la conclusion générale que, dans cette crise haute dont le moteur actif est actuellement la crise syrienne, il semble bien que le désordre n’épargne personne et qu’il soit particulièrement vivace et remarquable chez ceux qui sont censés représenter le plus et le mieux possible ce qu’il peut y avoir d’ordre en politique, c’est-à-dire les directions politiques. Plus que jamais, nous diagnostiquerons chez elles (ces directions politiques), particulièrement et singulièrement celles du bloc BAO et assimilés, le diagnostic d’une psychologie plongée dans un trouble considérable, suscitée par la terrorisation exercée par le Système, et exprimée dans une pathologie de maniaco-dépression.
Mis en ligne le 10 août 2012 à 06H00
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