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157614 décembre 2010 — Il est juste de dire que nous avons eu accès à cet article du New York Times, que nous présentons dans Ouverture libre ce 14 décembre 2010, par l’intermédiaire de Truthdig.Com, qui l’annonçait en titrant sur l’intention possible (“50-50”) de Ron Paul de se présenter à la présidence de 2012…
• Donc, effectivement, ce 13 décembre 2010, Truthdig.com annonçait : «Ron Paul Considers Another Run for the White House»… Le texte n’était qu’une courte présentation de l’article du NYT, mais traduisait sans aucun doute une considération chaleureuse pour cette nouvelle autant que pour le parlementaire républicain du Texas.
«The iconoclastic congressman is riding high in the wake of tea party hype and he tells The New York Times his chances of running again for the presidency are “at least 50-50.”
»It will be interesting to see how Republicans handle their star libertarian, who is not one to shush and toe the party line, as he takes his place in the sun.
• Trois jours plus tôt, le 10 décembre 2010 (nous l’avions nous-mêmes signalé le 11 décembre 2010), RAW Story signalait la nomination par les républicains de Ron Paul à la tête de la commission spéciale de la Chambre qui va auditionner la Federal Reserve. Les termes employés par RAW Story étaient pareillement chaleureux.
«Iconoclastic Texas Republican defends WikiLeaks again, says US response ‘an example of killing the messenger’.
»The greatest critic of fiat currency perhaps anywhere in the world is about to take control of a congressional panel that would conduct oversight on the US Federal Reserve bank.
»This could get interesting…»
Pourquoi rappeler ces deux processus somme toute assez accessoires par rapport aux nouvelles qu’ils annoncent ? Justement, parce que dans les deux cas, le ton est chaleureux, plus que chaleureux, et que les deux sites mentionnés sont nettement de gauche et habituellement soutiens (“par la main gauche”) des démocrates ; tandis que Ron Paul est républicain, et classé selon les étiquettes, comme libertarien et donc plutôt vers la droite du parti républicain. Ajoutez-y la singulière sympathie avec laquelle le NYT détaille la nomination et la popularité actuelle de Paul au Congrès et dans le pays et dites-vous alors qu’il est en train de se passer quelque chose…
@PAYANT D’abord, il faut savoir que Ron Paul est né en 1935, donc qu’il aura 77 ans en 2012… Ce constat n’est pas nouveau ni extraordinairement original mais il est intéressant lorsque vous l’envisagez dans un contexte où vous caressez l’idée que Ron Paul serait candidat à la présidence en 2012… Nous avions évoqué le fait, le 3 mars 2010, puis nous l’avions commenté le 15 mars 2010, parce que, déjà, à cette époque, la formidable popularité de Ron Paul s’était marquée par sa désignation par sondage lors de la conférence annuelle des conservateurs US comme la préférence n°1 pour une candidature conservatrice en 2012 (voir notamment notre texte du 23 février 2010). Le point que nous voulons ajouter aujourd’hui par l’introduction ci-dessus, c’est que la gauche des démocrates (et d’ailleurs de plus en plus de démocrates, d’une façon générale) est loin d’être hostile à Ron Paul, et de plus en plus loin à mesure que grandissent sa déception puis son hostilité à l’encontre du président qu’elle a très fortement contribué à élire. Enfin, l’article du NYT montre que tout cela évolue dans un contexte où l’establishment lui-même, le Congrès en général, ses collègues, commencent à cultiver pour Ron Paul une considération, voire presque du respect, qui en font aujourd’hui l’un des parlementaires les plus populaires, – ou, disons plutôt, l’un des seuls parlementaires populaires, notamment et également dans la population US.
La nomination de Ron Paul à la tête de la commission chargée de remonter les bretelles à la Federal Reserve est donc (en fonction de ces diverses popularités, et à cause d’elles) un très grand événement politique aux USA. Il s’agit d’une capitulation de l’aile droite du “parti unique” (le parti républicain) devant l’irrésistible puissance de la popularité de Ron Paul. Nous dirions volontiers qu’avec cette nomination, le Système a dû reculer… (Cette idée-là va revenir plus loin, certes.) Ron Paul est certainement l’un des rarissimes politiciens US dont on peut dire qu’il n’est pas fondamentalement une partie du Système, qu’il n’est pas investi, pourri, mangé, dévoré par le Système. La question est moins celle de la vertu comme cette référence à laquelle les beaux esprits et les grands cœurs sacrifient si volontiers, – la vertu de l’opinion conforme et des grands sentiments face à la corruption, – que celle de l’intégrité intellectuelle. Ron Paul n’est pas un homme psychologiquement corrompu par le Système (sans doute pas non plus corrompu vénalement, mais c’est complètement secondaire). Il échappe pour une bonne part, si l’on veut accepter par analogie de situation cette image qui fait partie de notre inventaire dialectique, au “serpent qui persiflait” que nous avons évoqué à l’une ou l’autre occasion.
Le poste que va occuper Ron Paul, sa popularité, son intégrité intellectuelle, ses affinités qui se gaussent bien des étiquettes idéologiques (voire sa proximité avec Barney Frank, le député démocrate de gauche), tout cela devrait mettre le “vieux sage” sous les projecteurs de l’actualité d’une puissance à la dérive, d’un pays totalement sous l’empire d’un Système devenu fou. Le fait, bien entendu, que Paul est devenu “fréquentable”, même pour le New York Times, est une bonne mesure du désarroi de l’Amérique devant la folie de l’américanisme, y compris des représentants de l’américanisme (le Système en l’occurrence) qui sont également d’Amérique, qui doivent parfois être touchés par des pensées sur la possibilité désormais très réelle de la Chute. Ron Paul populaire, Ron Paul à la tête de la commission sur la Federal Reserve, cela sonne bien étrange pour la “politics as usual” de Washington et cela nous indique très fermement que la “politics as usual” est entrée dans l’ère eschatologique et qu’elle n’est plus du tout, vous savez, “as usual”…
Alors, Ron Paul candidat en 2012 ? Et Ron Paul candidat élu en 2012 ? Never say never, plus que jamais… Nous ne sommes plus dans des temps où la raison humaine peut librement continuer à agiter ses hochets, certitudes et lieux communs. Nous sommes dans des temps sérieux, c’est-à-dire métahistoriques et eschatologiques.
Un de nos amis remarquait à propos de l’échec d’Obama, – car l’échec, aujourd’hui, ne fait plus de doute… «Ce type si fin, si intelligent, comment a-t-il pu échouer?... Sans doute est-ce parce qu’il est Noir…» Rassurons aussitôt les âmes sensibles, si promptes à l’angoisse de l’indignation, le propos n’est pas raciste, – et notre ami, insoupçonnable à cet égard, de poursuivre : «Il a dû se dire, “un président noir pour les USA, c’est tellement énorme, si en plus je me lance dans une politique un peu trop audacieuse, non ce serait too much”…» L’explication n’est pas si bête pour nos esprits accablés d’explications complotistes qui finissent par se télescoper à force de tout vouloir expliquer (marionnette de Wall Street, marionnette des pétroliers, marionnette du Pentagone, etc.). Quoi qu’il en soit, l’échec d’Obama est aujourd’hui une évidence, – et cela est dit comme un fait politique, nullement comme une prévision électorale (les deux choses n’ont aucun rapport nécessaire, comme l’on sait).
Qui était Obama, pour les Américains (pour la psychologie américaine, – et non américaniste, dans ce cas), lorsqu’il fut élu ? Le jour de son élection déclencha une vague extraordinaire de ce que nous désignâmes comme “l’enthousiasme fou du désespoir” (titre de notre F&C du 6 novembre 2008). Obama, premier président Africain-Américain, qui avait parlé comme un prophète pendant sa campagne des primaires, si jeune, si brillant… Comment, en plein cœur d’une crise financière apocalyptique et au fond de l’inconscient des psychologies secouées par ces terribles événements, comment ne pas y voir une sorte de “prophète” venu sauver “the indispensable nation” au bord du gouffre, – et un prophète si jeune, en plus de cela, qui vous promet, par le fait symbolique de lui-même et de son verbe qui semble inspiré, l’avenir, le futur, l’accomplissement du Grand Projet, du Sublime Dessein, (America the Beautiful) enfin mené à terme… Nous sommes convaincus, d’intuition haute dirions-nous, qu’ils furent nombreux à croire inconsciemment cela, dans cette folle nuit du 4 novembre 2008.
Nous notions dans l’article en référence :
«Il est impératif de ne pas sous-estimer ou de réduire ce courant formidable d’enthousiasme. Pour se convaincre de sa puissance et de sa dynamique, il faut lire le rapport qu’en fait Tom Engelhardt sur son site TomDisparch.com ce 5 novembre. Engelhardt a la tête froide et l’œil clair, c’est un féroce critique de la politique expansionniste US, qui ne s’en laisse pas conter. Il faut lire le rapport qu’il fait de cet enthousiasme, cette force irrésistible (“juggernaut” est le titre de sa chronique) qui l’a touché lui-même, sans aucun doute... : […]
«“Do I understand this? No. Like the rest of us, like the very talking heads on FOX News or CNN or Charlie Rose, or… well, you name it… I'm immersed in what Todd Gitlin once termed “the torrent,” which is our televisual civilization, of which this last campaign was such a part…”»
Le prophète est redescendu parmi nous, pas prophète pour un sou, ayant commis l’erreur fatale de ne pas poursuivre, de ne pas enchaîner, prisonnier de son auguste et froide raison. Dès lors qu’il refusa le destin d’être un “American Gorbatchev”, BHO avait perdu la partie. Depuis qu’il s’est installé président, Obama cahote désespérément, entre l’isolement où le met sa fonction telle qu’il l’a acceptée finalement, l’incompréhension absolue de la vérité de la situation américaine, et l’emprisonnement où le tient désormais le Système. Il poursuit ainsi, à vitesse décuplée, l’œuvre de destruction entreprise par GW Bush. Exit, le prophète.
Dans de telles circonstances où elle a été si complètement déçue par le prophète issu de la postmodernité, comment ne pas envisager que cette population ne soit tentée de se tourner vers ce qu’elle juge être l’antique sagesse ? Même l’establishment, complètement laissé à lui-même et à son impuissance, ne pourrait-il avoir de ces tentations, quitte à se déchirer lui-même ? Qui ne comprendrait alors la popularité, le respect, dont bénéficie aujourd’hui Ron Paul ? Maître de la rhétorique constitutionnaliste et expert dans l’esprit de la Constitution, homme des vieux principes, adepte d’une République revenue à sa mesure originelle, Ron Paul est évidemment ce “vieux sage” que l’Amérique appelle inconsciemment. Son âge ? Ce serait presque une vertu, c’est sûrement une vertu dans le contexte qu’on suggère. Pour ces diverses raisons, toutes aussi insaisissables et impossibles à démontrer les unes que les autres, nous pensons bien qu’une candidature Ron Paul, voire une victoire de Ron Paul, ne sont plus du tout une impossibilité ni une hypothèse absurde. (Est-ce Carol Paul, sa femme, qui tient le sort de l’Amérique entre ses mains, selon ce qu’elle conseillera à son mari ?)
Voilà pour la politique-fiction… En attendant, il y a autre chose. Cette institutionnalisation en cours d’un pur marginal, et d’un marginal bien décidé à le rester dans l’esprit de la chose, représente le ferment de la formation, autour d’un homme qui est en train de devenir un mythe, de ce que nous nommons un “système antiSystème”. Qu’on le veuille ou non, un rassemblement (droite et gauche confondues) autour de Ron Paul prendrait effectivement l’allure, à son niveau et selon ses pratiques, d’un rassemblement anti-Système. Sa nomination à la tête de la commission de la Chambre sur la Federal Reserve est bien le petit signe métahistorique que cet homme, dans cette circonstance, a battu le Système qui était représenté par tous les caciques corrompus de son parti, qui ne cessaient de recevoir des coups de fil pressants de Bernanke et des banquiers de Wall Street, et qui ne purent rien... Cela ne signifie pas que Ron Paul est le prophète qu’Obama n’a pas su être, avec la variante d’être celui du retour vers le passé. Cela signifie que le Système est de plus en plus affaibli par l’impuissance de sa puissance, la fébrilité autodestructrice de son agitation hystérique, et qu’il doit céder de plus en plus. Ainsi l’institutionnalisation de Ron Paul pourrait-elle institutionnaliser un véritable courant anti-Système qui, par ses caractères de formation, par les voies empruntées dont le désordre créé par Tea Party dont Paul est l’inspirateur par l’esprit, par la force de la notoriété et l’action des réseaux qui se sont déjà montrés favorables à lui, en amplifierait la tendance et se constituerait effectivement en ce que nous nommons un “système antiSystème”. Par la force des choses, ou plutôt la force du système de la communication dans cette position souvent rencontrée où il trahit sa fonction de soutien du Système, s’établirait pour la première fois aux USA une véritable force politique structurée d’opposition au Système.
Curieuse hypothèse… Et si nous la poussions encore plus loin la spéculation, si nous décrétions, comme proposition de base de réflexion, acquise l’hypothèse de l’élection d’un Ron Paul à la présidence des USA, que deviendrait-il, que ferait-il de sa fonction de président ? Réponse de pure intuition : le “vieux sage” deviendrait un anti-Lincoln, l’homme qui choisirait de commencer la dévolution et le démembrement des USA pour éviter une catastrophe intérieure (disons la “deuxième Civil War”, pour rendre la spéculation plus dramatique) et porterait ainsi, volontairement ou non (en l’ignorant ou en le sachant intuitivement), un coup fatal au Système. (Ron Paul a déjà dit qu’il n’était pas hostile au principe de la sécession.) Ce serait pour lui la seule façon de ne pas trahir l’antique sagesse dont sa popularité extrême le pare, – sa façon à lui d’être un “American Gorbatchev”.
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