Virtualisme identifié à D.C.

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Virtualisme identifié à D.C.

23 octobre 2004 — Un nouveau terme est aujourd’hui sur toutes les lèvres à Washington : ’reality-based community’. Il désigne ceux qui opposent la réalité à la dialectique virtualiste de GW Bush. (Par opposition à la reality-based community, les adeptes du virtualisme ‘bushiste’ se regroupent dans la faith-based community, qui représente donc une identification du virtualisme, — mais, à notre sens, une parmi d’autres, car il y a d’autres catégories de virtualistes en action que ceux qui se réfèrent à la foi.) C’est un passage de l'article de Ron Suskind sur le président Bush junior, dans le New York Times du 17 octobre, qui a donné sa célébrité à l’expression. Suskind la présente dans son contexte, presque dans son origine historique.

« In the summer of 2002, after I had written an article in Esquire that the White House didn't like about Bush's former communications director, Karen Hughes, I had a meeting with a senior adviser to Bush. He expressed the White House's displeasure, and then he told me something that at the time I didn't fully comprehend -- but which I now believe gets to the very heart of the Bush presidency.

» The aide said that guys like me were ''in what we call the reality-based community,'' which he defined as people who ''believe that solutions emerge from your judicious study of discernible reality.'' I nodded and murmured something about enlightenment principles and empiricism. He cut me off. ''That's not the way the world really works anymore,'' he continued. ''We're an empire now, and when we act, we create our own reality. And while you're studying that reality -- judiciously, as you will -- we'll act again, creating other new realities, which you can study too, and that's how things will sort out. We're history's actors . . . and you, all of you, will be left to just study what we do.'' »

Faith-based community” contre “Reality-based community

L’intérêt se concentre donc sur cet aspect extraordinaire de la présidence GW Bush. Un programme statistique, le Program on International Policy Attitudes (PIPA) de l’Université du Maryland, a examiné ses caractéristiques en s’appuyant sur les comportements et les jugements comparés des électorats de Bush et de Kerry, notamment dans la question de la guerre irakienne et de ses ‘causes’. Jim Lobe a présenté et analysé les résultats. Justin Raimundo préfère parler, ce 22 octobre, du Bizarro World de GW Bush, se référant à une autre de ses analyses où il examinait déjà cet étrange aspect de la présidence GW Bush. L’affaire est si célèbre désormais qu’on en fait des tee-shirts.

On observera qu’il s’agit d’un pas supplémentaire dans l’identification du virtualisme à Washington. Le pas précédent, que nous avions déjà signalé, concernait le facteur dit groupthink, dont l’ancien n°2 du Pentagone sous Clinton, John Hamre, avait longuement parlé lors d’une audition au Congrès. (L’idée de groupthink est apparue officiellement dans le rapport du Congrès sur la guerre en Irak, en septembre dernier : c’est un des reproches qui est fait à la CIA dans les conclusions de l’enquête du Congrès.)

Ces explications sémantiques et identifications diverses apparaissent évidemment dans le contexte de la campagne électorale. C’est dire si la polémique n’en est pas absente et, dans ce cadre, les radicalisations des jugements. Si les appréciations sur le virtualisme exacerbé (fondé sur la foi) du parti ‘bushiste’ sont fondées, la vertu de réalisme et du sens des réalités que suppose l’expression reality-based community n’est pas vraiment justifiée pour tous les adversaires de ce parti, tant s’en faut.

Ceux qui s’opposent à GW sont souvent d’opinion que la guerre contre l’Irak était justifiée, au nom de la menace que ce pays, ou son dirigeant (Saddam), aurait fait peser sur les USA et le monde occidental en général, le reproche fait à l’administration concernant la façon de conduire l’après-guerre. C’est le cas de John Kerry lui-même. On ne peut dire que cette analyse les mette hors de tout soupçon de virtualisme, c’est-à-dire d’appartenir tout de même à une variante, peut-être plus séculaire (à peine ?), de la faith-based community. Le débat va donc continuer et l’exploration du phénomène fondamental du virtualisme s’approfondir encore.