Le vol 253 et le paradoxe du complot

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L’attentat manqué du vol 253 a aussitôt fait apparaître des thèses de complot dans cette affaire. Ces thèses sont soutenues par divers faits qui sont sans aucun doute très significatifs, sinon convaincants. C’est-à-dire que la thèse du “complot” apparaît très défendable.

Le site WSWS.org, toujours très mesuré autour de ces thèses de complot, en fait un rapport détaillé et sérieux, qui montre effectivement la solidité de l’hypothèse. Le rapprochement avec l’attaque du 11 septembre 2001, où également les thèses de complots de l’une ou l’autre sorte sont appuyées sur des faits solides, est fait dans un texte du 31 décembre 2009.

Le texte détaille des “erreurs” du système qui ont permis au jeune Nigérien de monter tranquillement à bord du vol 253 avec sa bombe. Ces erreurs paraissent rocambolesques et confortent la thèse du complot ou d’une organisation similaire. (On ne doit pas s’empêcher également de constater que, dans d’autres cas où certaines “erreurs rocambolesques” du système renforçant certaines thèses allant dans le même sens que celles des complots pour mettre en cause le système sont, elles, acceptées sans aucune hésitation par les adversaires du système. Le fonctionnement de l’armée US en Irak et en Afghanistan, le fonctionnement du système JSF, etc., montrent des erreurs bureaucratiques absolument extraordinaires, que tous les adversaires du système ne mettent nullement en question. Cela est à garder à l’esprit, pour ne pas écarter l’hypothèse que tous ces “faux dysfonctionnements” sont peut-être tout simplement vrais.)

«Once again, as in the wake of September 11, 2001, the government and the media are peddling the explanation that all of these extraordinary lapses were the product of mere negligence or a “failure to connect the dots.”

»Eight years after 9/11, with all of the still unanswered questions surrounding the attacks that were used to justify an explosion of American militarism, the attempt to gloss over an event that nearly cost the lives of 300 people with this hackneyed metaphor does not hold water. The general outlines of the Northwest bombing attempt and the 9/11 attacks are startlingly similar. One might even say that what is involved is a modus operandi. In both cases, those alleged to have carried out the actions had been the subject of US intelligence investigations and surveillance and had been allowed to enter the country and board flights under conditions that would normally have set off multiple security alarms.

»Both then and now, the government and the media expect the public to accept that all that was involved was mistakes. But why should anyone assume that the failure to act on the extensive intelligence leading to Abdulmutallab involved merely “innocent” mistakes—and not something far more sinister?

»If this episode is to be examined seriously, the question must be asked: What would have happened had Northwest Flight 253 been destroyed? There is no question but that such a catastrophe would have had immense repercussions both internationally and within the United States. It would have seriously destabilized the Obama administration, politically strengthened the most extreme right-wing sections of the ruling class, and cleared the way for an even more massive expansion of military-intelligence operations overseas and a drastic curtailing of democratic rights at home.»

Donc, la thèse du complot est sérieuse et l’on peut accepter de raisonner comme si elle était fondée. Quelle conclusion tirer dans ce cas – et que WSWS.org ne tire pas? Que ce système est encore plus fou, plus aveugle, plus en crise et plus auto-destructeur qu’on ne pouvait le croire. Bonne nouvelle.

Notre commentaire

@PAYANT D’abord, que cherchons-nous? Nous espérons qu’on nous épargnera des réponses telles que “la vérité” et “la justice”, dans un monde totalement impliqué dans un système où la réalité est le résultat de l’accumulation de faux-semblants d’où toute objectivité comme prétendrait être “la vérité” a disparu, dans un système où la justice est une pantomime parce qu’elle est instantanément récupérée par la dialectique de communication moralisante du système. Nous avons souvent répété que si les contestataires de la version officielle de 9/11 avaient gain de cause, ils obtiendraient la condamnation d’une demi-douzaine d’anciens ministres US, peut-être celle d’un ancien vice-président et d’un ancien président dont tout le monde se fout du tiers comme du quart aujourd’hui – et, surtout, ils obtiendraient une splendide réhabilitation du système pour sa capacité à se faire justice vertueuse à lui-même en éliminant les branches pourries. La leçon du Watergate n’a-t-elle donc servi à rien ni à personne? On a liquidé un lampiste (Nixon) en donnant un regain de puissance aux vrais coupables (les chefs militaires) et un regain de prestige à un système pourri jusqu’à la moelle et à sa presse encore plus pourrie quoique sans moelle du tout? (Egalement, nous l’admettons, cela permit à quelques belles consciences libérales de se sentir plus à l’aise pendant quelques mois, de faire de beaux films et de belles déclarations. Cela compte.) Ceux qui n’ont pas vécu l’époque du Watergate ignorent le regain de prestige et d’influence que cet épisode apporta objectivement aux USA. La conclusion tirée partout où régnait le fameux “monde libre” ne fut pas “le système est pourri puisque des hommes comme Nixon sont élus présidents” mais bien “le système est vertueux puisqu’il arrive à éliminer son président dès lors qu’il est avéré que ce président est pourri” – observation d’autant plus moralement réjouissante que Nixon était bien loin d’être le plus pourri d’entre tous. Il ne faut pas oublier que l’adversaire est un système et non des hommes, et que le système se débarrasse de “ses hommes” sans la moindre hésitation, lorsque ceux-ci peuvent lui causer des ennuis. (Nous-mêmes, nous irions jusqu’à être enclins à trouver du charme à la thèse paradoxale que le seul fait que le système n’accepte pas de remettre en cause la thèse officielle de 9/11 alors que la contestation de cette thèse est si forte est une preuve de sa faiblesse bien plus que de sa puissance et de son habileté… Cela signifie que les intérêts particuliers des médiocres qui pullulent ont pris le pas sur l’intérêt collectif du système, dont le service dans ce cas serait de rendre au plus vite au système sa vertu mise en cause, quitte à liquider un Rumsfeld ou un Cheney.)

Maintenant, pour le vol 253. Quel est le principal enseignement à tirer de l’épisode si l’hypothèse du complot est acceptée? WSWS.org nous dit qu’il serait arrivé ceci: «It would have seriously destabilized the Obama administration, politically strengthened the most extreme right-wing sections of the ruling class, and cleared the way for an even more massive expansion of military-intelligence operations overseas and a drastic curtailing of democratic rights at home.» Mais ce que ne nous dit pas WSWS.org – et, dans ce cas, l’analyse est tragiquement incomplète et même faussaire en accréditant la thèse d’un système rendu encore plus puissant – c’est que toutes ces conséquences eussent conduit à un désordre encore plus grand à Washington, un déchirement du système entre démocrates et républicains encore plus accentué, des mouvements publics accentués entre partisans et adversaires d’une législation de répression renforcée, les uns et les autres jouant souvent à fronts renversés (les partisans d’une législation de répression renforcée venant de l’extrême droite républicaine alors que cette législation ne peut être édictée que par l’administration Obama, que hait cette extrême droite, etc.) D’ailleurs, rassurons-nous, c’est ce qui s’ébauche même avec l’attentat manqué – et, dans ce cas, l’hypothèse du complot en rajoute – et alors, vive l’hypothèse du complot…

Quant à l’ouverture éventuelle d’un nouveau “front“ au Yemen, si certains y voient une marque de puissance du système, nous y voyons plutôt la marque de sa folie auto-destructrice, notamment avec ses éventuels effets dramatiques sur l’Afghanistan en fonction des moyens réduits dont ce système aux abois dispose. Bref, s’il y a eu vraiment complot pour chercher à mettre en place tout ce que WSWS.org faisait comme hypothèse dans ce sens, il faut aussi en tirer la conclusion que l’aveuglement et la pauvreté intellectuelle du système sont tels qu’ils suscitent de telles initiatives dont le résultat sera immanquablement de l’affaiblir encore plus. Tant il est vrai que le principal facteur stratégique de notre époque psychopolitique est bien l’aveuglement du système par rapport à lui-même, par rapport à la vraie mesure de sa force, par rapport à la réalité de ses extraordinaires faiblesses, par rapport à ce phénomène extrême de “l’impuissance de la puissance”.

Ce que ne veut pas accepter cette sorte d’excellente analyse de WSWS.org, c’est l’idée que le système honni est à la fois un système qui tient tout et un système extraordinairement affaibli, que le seul moyen d’encore l’affaiblir est de le pousser à faire encore plus de ces folies qui ne cessent de l’affaiblir: plus d’expéditions extérieures, plus de dépenses inutiles pour le Pentagone, plus de lois répressives qui alourdissent une bureaucratie totalement incompétente, plus de programmes type-JSF et ainsi de suite. Il faut savoir ce que l’on veut et qui est l’“ennemi principal”.

Il semblerait que nombre d’ennemis du système veulent d’abord le triomphe de leurs propres principes. Nous, nous pensons que l’essentiel, c’est la destruction du système – et nullement sa “défaite” au sens des principes (lesquels, au fait?) et de la logique de notre raison, alors qu’il suffira d’une ou deux “victoires” de plus comme celle d’Irak pour achever la destruction de l’U.S. Army et du Pentagone. Tout ce qui affaiblit le système est bon, et notamment, et essentiellement, les choses pendables que fait le système dont il est avéré aujourd’hui qu’elles sont totalement autodestructrices. Ecoutez donc Sun tzi et retournez contre le système sa propre force, d’autant plus qu’il est lui-même si incliné à le faire.

Happy New Year, toi le système…


Mis en ligne le 31 décembre 2009 à 15H49