Les “amis” Kazakhs et l’an 2010 pour l’OSCE

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Henry Kissinger, avec l’âge, le changement d’administration et le constat de l’affaiblissement étourdissant de la puissance US, retrouve des paroles de vieux sage. Changement de saison, si l’on veut, et souplesse adaptable du jugement. C’est le cas lorsqu’il déclare à propos de la Russie (dans une interview au Figaro le 17 octobre 2009, dont nous parlons par ailleurs): «Nous avons commis l'erreur d'avoir parfois manqué de considération à son égard. Lorsque vous avez un partenaire stratégique qui, à un moment donné de son histoire, devient plus faible pour des raisons intérieures, c'est toujours une erreur que de le traiter avec désinvolture. Nous avons sous-estimé l'humiliation qu'ont ressentie l'élite et la population russe avec l'effondrement de l'Union soviétique. Je pense que l'Administration Obama a eu raison de rétablir un dialogue d'égal à égal avec la Russie.»

Les Russes, eux, n’ont pas attendu les paroles de Kissinger pour revenir au “dialogue d’égal à égal”, et même plus encore. Il est possible, voire probable que l’on s’en aperçoive en 2010, notamment au sein de l’OSCE avec la présidence du Kazakhstan pour cette année (l’OSCE a une présidence tournante de ses membres sur une base annuelle).

@PAYANT Des sources politiques européennes, à Bruxelles, expliquent combien cette présidence kazakh pourrait être importante. Elle a été décidée malgré de fortes réticences de l’habituel parti des droits de l’homme, devant un régime qui ne s’est pas montré particulièrement pointilleux de ce point de vue. A côté de cela, le Kazakhstan est proche de la Russie et, très récemment, Sarkozy y est allé pour proclamer une “relation stratégique” entre la France et ce pays. (Là aussi, passons sur les droits de l’homme, y compris pour Kouchner.) Un sommet de l’OSCE aura lieu en 2010 (non encore fixé) sur la décision de sa présidence kazakh. C’est là que la chose devient importante.

Nos sources soulignent qu’aucune réponse constructive n’a été apportée par l’Europe en tant que telle (les institutions, Commission en tête) aux propositions Medvedev pour une nouvelle architecture de sécurité en Europe, faite en juin 2008. «On y travaille, disent nos sources, mais dans le sens négatif habituel. On est en train de faire un catalogue des organisations et arrangements qui existent, pour aller vers la conclusion inévitable que tout marche très bien en l’état et qu’il n’y a aucun besoin de rien de nouveau.» Cette démarche renvoie à l’habituelle nihilisme institutionnel européen dans sa non-“politique russe”. Nos sources observent tout de même que «certains, dans ces institutions, commencent à s’inquiéter de cet état de chose, alors que les Américains ont une nouvelle “politique russe” et que l’OTAN s’agite aussi de ce côté, sans parler de certains pays de l’UE» Mais la médiocrité générale des structures européennes fait craindre que l’on n’ira pas au-delà de ces inquiétudes éparses. Du côté de l’UE en tant que groupement des 27 Etats-membres, la présence d’irrédentistes anti-russes parmi eux fait craindre, là aussi, une paralysie complète.

On en revient alors à certains jeux nationaux, et, dans ce cadre, la visite de Sarkozy au Kazakhstan prend toute son importance. Nos sources estiment que les Russes progressent dans leur projet d’architecture nouvelle et élaborent pour 2010 des propositions plus concrètes. Celles-ci pourraient être prêtes pour le sommet de l’OSCE, en coordination avec le Kazakhstan. Mais la coordination pourrait impliquer également les Français, Sarkozy ne pouvant trouver meilleure occasion d’un “coup” diplomatique comme il les affectionne, et où il a pris l’habitude de redresser une position intérieure parfois bien délicate – comme c’est le cas actuellement. Du côté US, on pourrait trouver une administration Obama beaucoup mieux disposée à un nouvel arrangement européen avec les Russes, compte tenu de sa nouvelle “politique russe” et de son désir de détente et d’apaisement en Europe, voire d’un certain désengagement. Même l’OTAN, qui est normalement farouchement contre toute proposition pouvant mettre en cause son actuelle prépondérance d’organisation de sécurité en Europe, pourrait être plus conciliante dans le cadre de la politique d’ouverture vers la Russie lancée par le nouveau secrétaire général Rasmussen.

Une telle initiative et de tels prolongements seraient dans la logique de ce qui s’est passé depuis août 2008, avec la crise géorgienne, la présidence européenne de Sarkozy, la crise financière, la nouvelle politique d’Obama et l’abandon des anti-missiles. «Tous ces événements et toutes ces initiatives ont bouleversé le paysage européen de la sécurité, observent nos sources. L’argument des Russes sera qu’il faut acter tout cela par une nouvelle structure paneuropéenne. Les Américains, dans tous les cas du côté d’Obama, ne sont pas contre.» En ce sens, on observerait que si ces prolongements se confirmaient et si l’Europe institutionnelle ne réagissait pas, elle perdrait toute chance de jamais prétendre à une politique de sécurité propre.


Mis en ligne le 18 octobre 2009 à 07H08