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1697Une conférence du major général israélien Eyal Eisenberg, chef d’état-major du commandement du front intérieur depuis un mois, a produit un effet considérable. La conférence était donnée lundi soir 5 septembre à l’Institut des Etudes de Sécurité Nationale de Tel Aviv. Elle portait sur la situation de sécurité d’Israël, sur les menaces qui pèsent sur ce pays, etc. Pour la première fois depuis bien longtemps, la menace iranienne a été mentionnée plutôt en passant, et la question palestinienne largement diluée dans un contexte bien plus large. Pour la première fois (bis), le “printemps arabe” a été de facto identifié comme la principale menace contre la sécurité israélienne en étant rebaptisé en un possible “hiver islamiste radical” à venir, en plus d’une mention spéciale faite aux relations “en détérioration rapide” entre Israël et la Turquie.
La perspective d’un conflit conventionnel général au Moyen-Orient est évoquée par Eisenberg : «This leads us to the conclusion that through a long-term process, the likelihood of an all-out war is increasingly growing… […A]n all-out, total war, with the possibility of weapons of mass destruction being used.» Le site YNet.news a rapporté divers extraits de l’intervention du général israélien, le 5 septembre 2011.
«Recent revolutions in the Arab world and the deteriorating ties with Turkey are raising the likelihood of a regional war in the Middle East, IDF Home Front Command Chief, Major General Eyal Eisenberg warned Monday. “It looks like the Arab Spring, but it can also be a radical Islamic winter,” he said in a speech at the Institute for National Security Studies in Tel Aviv. “This leads us to the conclusion that through a long-term process, the likelihood of an all-out war is increasingly growing,” the IDF general said.
»“Iran has not abandoned its nuclear program. The opposite it true; it continues full steam ahead,” he said. “In Egypt, the army is collapsing under the burden of regular security operations, and this is reflected in the loss of control in the Sinai and the turning of the border with Israel into a terror border, with the possibility that Sinai will fall under the control of an Islamic entity.”»
Debka.com a repris l’information en développant une analyse à partir de ses sources (le 6 septembre 2011). Là aussi, on découvre une appréciation stratégique complètement différente de ce qu’elle aurait été il y a seulement un petit mois d’ici. L’analyse de Debka.com est particulièrement alarmiste et détaillée en ce qui concerne deux pays, au centre du “printemps arabe” et constituant aujourd’hui un axe fondamental de la politique de communication du bloc américaniste-occidentaliste en faveur de ce “printemps arabe” : l’Egypte et la Libye.
• Concernant l’Egypte, l’analyse est extrêmement pessimiste et alarmiste. Elle tend à mettre en évidence que les militaires égyptiens sont totalement débordés, qu’ils ne contrôlent la situation égyptienne que dans la mesure où ils cèdent constamment aux islamistes, cela se traduisant dans le Sinaï par une inaction complète face à divers groupes terroristes. Cette situation ne pourrait être modifiée que par un coup de force “anti-démocratique” des militaires égyptiens, ce qui semble exclu pour l’heure.
«The military rulers' only hope of staying in power is to stage a second Egyptian revolution to suppress the drive for democracy… […]
»This pattern applies equally to Israel's security backyard in Sinai, where debkafile's intelligence and counter-terror sources report that the military rulers in Cairo have abandoned any attempt to root out terrorists despite their increasing use of this territory as a jumping-off base.
»Not a single smuggling tunnel carrying arms to Hamas in the Gaza Strip has been destroyed, contrary to reports appearing in the Israeli media.
»For three weeks, Israel has maintained troops on high alert on its southern border with Egyptian Sinai and kept main highways closed to civilian traffic, since being forewarned of a large Palestinian Jihad Islami terrorist team from the Gaza Strip lying in wait to strike southern Israel from the Egyptian border. Egyptian security forces have not lifted a finger to interfere with their movements.»
• Concernant la Libye, l’analyse est également très alarmiste, plus aucune précaution n’étant prise pour affirmer que les islamistes sont au pouvoir en Libye, et cela grâce aux options choisies par le bloc BAO. Le renversement de Kadhafi est décrit presque explicitement comme une catastrophe et la situation libyenne avec les “rebelles” au pouvoir est qualifiée d’“une des plus graves menaces” contre Israël.
«While Libya was never part of the Arab front line against Israel, its relevance to Israeli security is growing. Since NATO launched its operation to unseat Muammar Qaddafi in March, gunrunning from Libya is rife, channeling large quantities of Libyan arms by smuggling routes into the Gaza Strip and Sinai. […]
»One of the greatest threats comes from the new regime the US, Britain, France and NATO are preparing to anoint in Tripoli. Since Qaddafi's departure, the Libyan capital has fallen under the control of pro-Al Qaeda rebel elements and extremist Salafis. Their Western sponsors have put their trust in these extremists changing their spots and embracing moderation and democracy. This illusion they are liable to replicate in Cairo and Damascus. Israel would then be beset at all hands by avowedly hostile Islamist regimes whose ideology obliges them to wage jihad against the Jewish state.»
Les déclarations du général Eisenberg ont déclenché des réactions extrêmement sèches du cabinet du ministre de la défense Barak. Il est également reproché au général Eisenberg d’avoir dévoilé que les groupes terroristes et palestiniens disposaient de nouveaux types d’armes, beaucoup plus puissantes, phénomène qui a commencé à être constaté à l’été 2006, lors de l’affrontement avec le Hezbollah. Le conseiller politique du ministre, Amos Gilead, a présenté, ce matin, dans une interview radiodiffusée, la situation israélienne de cette façon : «Israel's security situation has never been better. We have deterrence in the north and the south, the Arab regimes around us are stable…»
Le renversement des positions est de taille, hors de toutes les considérations qu’on pourrait faire sur la validité des analystes très pessimistes qu’on a mentionnées. En l’occurrence, la question de la validité de ces analyses ne nous intéresse pas précisément, puisqu’il s’agit d’un affrontement de positions partisanes et d’évaluation qui s’avèrent opposées, où les perceptions et les jugements sont évidemment outrés. Ce qui importe ici, c’est d’observer un complet renversement des tendances, et cela en quelques semaines, avec les deux récents évènements des incidents du Sinaï (17 août) et la prise de pouvoir à Tripoli par les rebelles (depuis le 22 août), auxquels on peut encore ajouter la brusque tension entre Israël et la Turquie.
Jusqu’ici, jusqu’à ces dernières semaines encore, l’extrémisme était représenté par le pouvoir civil israélien, totalement tourné depuis des années vers sa paranoïa iranienne. Cette position correspondait à l’appréciation bien connue de la situation, mélangeant à doses à peu près égales idéologie et paranoïa, avec une touche d’hystérie, dans la dénonciation du danger iranien, et la poussée constante pour déclencher une attaque contre ce pays. L’establishment de sécurité nationale, du côté des exécutants (chefs militaires et des services de sécurité), n’était guère favorable à cette stratégie d’humeur fondée sur bien des aspects excessifs du Likoud. C’est au nom de cette position que l’ancien chef (jusqu’en septembre 2010) du Mossad, Meir Dagan, partit en campagne, en juin 2011, contre les projets éventuels d’attaque. Entretemps, le gouvernement avait liquidé les principaux chefs militaires et des services de sécurité de ces dernières années, pour y nommer ses propres hommes, caractérisés par l’acceptation des politiques extrêmes, et n’avoir plus cette sorte d’opposition type-Dagan. Mais, depuis août, – depuis le Sinaï et Tripoli, – la situation a complètement changé, et les dispositions prises par le gouvernement risquent de se retourner contre lui.
L’équipe Netanyahou, absolument construite sur l’idéologie et les relations publiques, a tout misé sur le mythe iranien, lié à un soutien inconditionnel du Congrès US, et, éventuellement, un soutien forcé du Pentagone. La Libye, la Turquie, et surtout l’Egypte, c’est une toute autre affaire. Le gouvernement se retrouve devant des situations bien réelles d’incertitude et d’insaisissabilité, sur des questions où l’on ne sait plus qui est pour quoi, y compris à Washington. Du coup, l'extrémisme du gouvernement se transforme en modération, et l’on découvre des faiblesses à l’équipe Netanyahou, qui valent bien celles des militaires égyptiens.
Mais les militaires israéliens, et autres chefs des services de sécurité, requis pour leur maximalisme sécuritaire au nom de la mythique menace iranienne, se retrouvent encore plus maximalistes lorsque la menace se nomme “Egypte”, “Sinaï”, “Libye”. Il suffit de prendre sa chaîne d’arpenteur pour comprendre. Et là, ils se retrouvent contre le pouvoir civil, qui déteste se risquer dans l’invective lorsqu’il s’agit de territoires proches et lorsque le soutien US n’est pas aveuglément acquis. Ainsi la situation stratégique se renverse-t-elle, et l’équipe Netanyahou se trouve à nouveau embarrassée de chefs militaires et des services de sécurité un peu trop récalcitrants pour sa politique d’“apaisement”, notamment vis-à-vis de l’énorme morceau qu’est l’Égypte… Sans compter que, comme dit le général Eisenberg, les relations avec la Turquie “ne sont pas au mieux de leur forme”.
…Concluons en saluant le “printemps arabe”, qui poursuit avec zèle sa tâche de déstructuration des situations et de dissolution des politiques s’appuyant sur ces situations. Effectivement, sa vertu n’est pas d’établir de nouvelles situations où justice, démocratie et liberté seraient livrées clef en main, avec le destin expéditif qu’on leur connaît, mais de maintenir sur les situations-Système et sur les politiques-Système une constante pression déstructurante et dissolvante. De ce côté, sa vertu apparaît, si l’on peut dire, absolument inviolable.
Mis en ligne le 6 septembre 2011 à 16H18
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