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105329 juin 2009 – Plusieurs signes sont lancés et montrés, avec l’intention de faire penser que les relations entre les USA et la Russie sont sur la voie d’une très sérieuse amélioration, et que bien sûr le sommet Obama-Medvedev doit en être une étape importante. Un diplomate de l’OTAN, où l’ordre du jour est aussi à l’amélioration des relations avec la Russie, parle un peu lyriquement d’«une nouvelle fin de la Guerre froide, un peu comme dans les années 1987-1990, mais cette fois avec des perspectives bien établies».
On verra. Il n’empêche que les signes sont là, sérieux et convaincants parce qu’ils sortent nettement du domaine médiatique de l’“annonce”, tout en y sacrifiant pour montrer qu’on veut que l’amélioration des choses soient très officiellement actés. On mentionnera essentiellement deux faits, datant des 25 et 26 juin.
• Une rencontre, le 25 juin, entre chefs militaires US et russes, à Moscou, se terminant par l’annonce qu’il y aura un accord de coopération militaire entre les USA et la Russie lors du prochain sommet de Moscou (Medvedev-Obama les 6-8 juillet). Selon la dépêche AFP du 26 juin 2009, l’accord sur ce point a été accompagné d’échanges de vue sur les principaux sujets militaires et stratégiques. Dans les déclarations, pas une seule fausse note, tout le monde a l’airt d’être content.
«Nikolai Makarov, the head of Russia's General Staff, announced the pact after meeting Admiral Mike Mullen in Moscow. “We determined the basic matters of military cooperation in 2009 and in the future and intend to sign these documents during US President Barack Obama's visit to Moscow at the beginning of July,” Makarov said. […] “We reached an absolutely identical understanding that in the world there are many more threats and challenges that we should solve on the political and military levels,” he said, quoted by all three major Russian news agencies. Makarov said that the two military chiefs had discussed a range of issues including Afghanistan, North Korea and a controversial US plan to place elements of a global missile shield in Eastern Europe.
»Mullen, the Chairman of the US Joint Chiefs of Staff, said the meeting had taken place “in the spirit of openness and mutual understanding,” according to news agencies which carried his comments in Russian. “What I got from this meeting was a readiness to move forward, in order to find shared solutions to the problematic issues that stand before us,” Mullen was quoted as saying.»
• Lors de leur rencontre à Washington, vendredi 26 juin, Merkel et Obama ont mis l’accent sur leur accord pour établir de meilleures relations avec la Russie. Merkel a été claire: pour elle, l’Allemagne (l’UE) est partie prenante dans la rencontre au sommet Obama-Medvedev de Moscou. L’Allemagne attend, espère un accord général dont l’effet sur la situation européenne (relations UE-Russie et Allemagne-Russie) sera immédiat. (Selon AFP, le 26 juin 2009.)
«The United States and Germany are working to build warmer and more solid ties with Russia, US President Barack Obama vowed Friday ahead of a key visit to the former Cold War foe. In talks with German Chancellor Angela Merkel the two leaders “reaffirmed our commitment to a more substantive relationship with Russia,” Obama told a White House press conference. “Working with the Russian government on issues where we agree and honestly confronting those areas where we disagree.” […]
»For her part, Merkel said Obama's Russia visit would be important for Germany and the European Union. “We have every interest also in seeing a very good relationship between the United States of America and Russia,” she said. She highlighted the important role Moscow could play in the current crisis over Iran's suspect nuclear program, adding “We want to forge a common position wherever possible with Russia, but also with China.” “We've done that over the years in the format of the United Nations with a number of resolutions, and that needs to be continued.’»
D’autres choses peuvent être dites. Mullen, sur la route de Moscou, s’est arrêté à Varsovie (concernée bien entendu parce qu'une base d’anti-missiles BMDE est prévue en Pologne). Les Polonais semblent montrer un visage plus serein, – doublement serein, semble-t-il, qui semblerait dire : “Nous nous arrangeons avec les Américains, mais AUSSI avec les Russes”. D’où la fortune d’une hypothèse disant que le BMDE subsisterait mais, ô surprise, avec des éléments qui seraient installés sur le territoire russes… Le 24 juin 2009, AFP transmettait les résultats de quelques questions posées au ministre des affaires étrangères de Pologne Sikorski :
«“We don't see anything wrong with it,” Sikorski said when asked about the installation of parts of the US shield on Russian soil. “It is better to have this shield and an American presence in Poland which does not provoke a reaction from Russia. From the beginning we have been counting on the fact that that United States will manage to convince the Russian side that the system is not directed against Russia.”»
…Ou bien encore, ceci: Medvedev, répondant à une question, lors d’une visite en Namibie (selon AFP, le 25 juin 2009): «No doors have been closed yet. […] We are continuing discussions with our American partners on these issues including on the linking of missile defence shield questions and the reduction of strategic offensive weapons.»
Qu’importe enfin, pour l'instant, le détail de ce qui n'est encore que spéculations; il est évident que tout cela va dans le même sens. A moins de deux semaines du sommet de Moscou, on ne s’aventure plus dans l'évocation d’arrangements ni dans de telles remarques optimistes si le climat, voire les décisions attendues du sommet ne vont pas dans ce sens. «May be, there is something big in the pipe-line», dit une source proche du Pentagone, lors d’une visite à Bruxelles, plutôt côté OTAN, il y a quelque jours.
Par conséquent, le sommet s’annonce bien. On en est à imaginer des combinaisons qui ont tout de même quelque chose de rocambolesque, comme les anti-missiles stationnés chez les Russes. Que ne ferait-on pas pour réussir un sommet sans que personne ne claironne que l’un ou l’autre a capitulé? Enfin, on verra plus tard ce qu’il en est du sort du BMDE.
Tenons-nous en pour l’instant à la “couleur” des relations avec la Russie, – aussi bien, dans ce cas, des relations de l’Europe (l’Allemagne dans ce cas) autant que des USA avec la Russie. Couleur plus éclatante, sans aucun doute… Il ne s’agit nullement, précisons aussitôt notre sentiment, d’un éclat qui traduit le triomphe mais, dirions-nous, qui exprime plutôt la nécessité. Il semble que tout le monde soit de plus en plus d’accord, à mesure que l’on avance en résolvant soi-disant les crises (les “green shoots” de la crise financière superbement maîtrisée), pour accepter de plus en plus nettement certaines réalités moins amènes. Le constat est celui-ci: les choses deviennent de plus en plus difficiles, les crises ne sont nullement maîtrisées, d’autres naissent, les échéances terribles (énergie, climat) continuent à se rapprocher. Tous ces gens, à côté de leur présentation virtualiste du monde, nous semblent être de plus en plus inquiets.
Une phrase du général Nikolai Makarov est particulièrement intéressante, surtout venant d’un militaire, lequel parle par son “nous”, également pour son vis-à-vis US, – avec le mot qui, à notre avis, importe, souligné en gras: «We reached an absolutely identical understanding that in the world there are many more threats and challenges that we should solve on the political and military levels…» Lisons entre les lignes, en extrapolant comme on peut le faire: le monde grouille de crises et de menaces nouvelles, déjà évidentes ou en développement, avec d’autres terribles qui s’annoncent, – alors tentons de résoudre celles qui peuvent l’être par notre accord, – politiquement mais aussi militairement. (On pense au système BMDE, archétype de la crise absolutely artificielle, s’il en est; on pense également à la Géorgie, cette sorte de provocation absolument gratuite échafaudée par les fous de l’équipe précédentes aux USA, et laissée aux bons soins des néo-conservateurs et des activistes des divers réseaux occidentaux du domaine.)
La rencontre des deux chefs militaires est particulièrement intéressante à cet égard, parce qu’elle marque l’acquiescement de l’establishment militaire à l’inquiétude générale et au besoin d’arrangement qui en découle. Elle marie et synthétise, en quelque sorte, une attitude générale commune. Depuis quelques années, depuis diverses aventures cuisantes et le constat que l’appareil bureaucratico-technologique qui soutient les forces armées est en train de se gripper, également avec le constat plus actuel de la crise financière et économique, les militaires campent sur des positions de plus en plus modérées, prudentes et inquiètes. Le cas de l’U.S. Navy, dont Mullen est évidemment un représentant en plus d’être le président du comité des chefs d’état-major, est patent à cet égard. Les militaires sont aussi extrêmement sensibles à l’émergence de ce que nommerions les menaces eschatologiques, générées par la folie du système et ses effets sur les conditions naturelles universelles, avec des conséquences déstructurantes en cascade. A notre sens, c’est cette perception du désordre montant qui commence à dominer les démarches militaro-politiques en cours, depuis l'arrivée d'Obama, et, dans ce cas, les perspectives de ce sommet de Moscou.
D’autre part, il y a le cas BHO. Les Russes l’aiment bien, à peu près autant que les Israéliens ne l’aiment pas. Obama a besoin désormais de concrétiser ses projets très réformistes dans le domaine international. Ses avancées iraniennes piétinent pour l’instant, on sait pourquoi. Un sommet réussi à Moscou serait fort bienvenu, avec, dans la foulée, la résolution ou la perspective de résolution de l’un ou l’autre problème (le BMDE? La Géorgie?). Et puis, pourquoi pas quelque chose du côté de l’Iran justement (cf Merkel), malgré nos louables préoccupations morales à propos du sort des droits de l’homme? Nous sommes dans le domaine de la spéculation pure, mais c’est pour marquer combien il existe de tendances qui poussent à une entente entre Russes et Américains. Les Européens, bien entendu égaux à eux-mêmes dans leur insignifiance stratégique, sont absents de cette affaire. Mais l’insistance de Merkel lors de sa rencontre avec Obama, le soutien enthousiaste qu’elle apporte au sommet et à ses perspectives, montrent que certains grands pays européens suivent l’affaire de près, qu’ils sont partie prenante. Eux aussi ne sont pas sans savoir que l’époque eschatologique s’affirme et qu’il est temps de développer tous les accords qui peuvent l’être. Là aussi nul triomphe, sinon celui des nécessités.
“Les cloches de juillet”? Peut-être bien aurions-nous dû plutôt choisir ce titre: “le tocsin de juillet”…
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