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1180…En précisant aussitôt qu’en écrivant “Golfe”, il ne s’agit pas du Persique mais bien du Golfe du Mexique. Il était intéressant de constater les suites de la nouvelle diffusée depuis le 14 août 2012 par le site “Washington Free Beacon” (voir le 15 août 2012 sur ce site), concernant l’éventuel séjour, indétecté, d’un sous-marin nucléaire porteur de missiles de croisière, à caractéristiques furtives avancées, de la classe (nom-code OTAN) Akula. Dans ce cas, nous prenons la nouvelle sous un angle complètement différent, sous l’angle de l’action éventuelle du système de la communication, éventuel producteur d’évènements.
Nous avons fait une rapide enquête, très succincte, sélective, etc., pour avoir une idée de ces réactions, et envisager les effets de l’“information”. Les guillemets ne signifient ni notre méfiance, ni notre déni de la chose, ni notre acceptation et notre approbation, mais simplement que nous la prenons comme objet d’examen, d’enquête si l’on veut. Le but n’est pas de savoir si elle est vraie, – démarche totalement inutile et absurde dans le monde des narrative entrecroisées où nous vivons, – mais si elle subsistera avec un coefficient acceptable de crédibilité dans l’esprit des lecteurs-commentateurs-experts, pour qu’elle devienne de cette catégorie intermédiaire et floue qu’on désignerait comme “peut-être-vraie/peut-être-pas-vraie”. Bien entendu, nous nous situons selon l’état des choses aujourd’hui, avec la possibilité qu’un (des) élément(s) nouveau(x) apparaissent, mais avec l’esprit qu’il s’est passé un laps de assez important pour que le phénomène ait commencé à installer ses propres racines.
• Un point à préciser concernant la nouvelle de FreeBeacon, que nous n’avions pas mentionné hier parce que ne nous intéressions pas au crédit obtenu par elle. Une précision, dans la nouvelle, la renforce auprès des connaiseurs : l’intervention de l’expert Norman Polmar, qui a manifestement été consulté sur la signification de la nouvelle ; Polmar ne l’endosse pas nécessairtement mais il donne son avis sur les éléments qui lui sont soumis, ce qui signifie pour le moins qu’il ne rejette pas la nouvelle comme sans aucun fondement possible. («“Sending a nuclear-propelled submarine into the Gulf of Mexico-Caribbean region is another manifestation of President Putin demonstrating that Russia is still a player on the world’s political-military stage,” said naval analyst and submarine warfare specialist Norman Polmar. “Like the recent deployment of a task force led by a nuclear cruiser into the Caribbean, the Russian Navy provides him with a means of ‘showing the flag’ that is not possible with Russian air and ground forces,” Polmar said in an email.») Ce point est souligné par nous parce que Polmar est un expert naval de grande réputation, depuis plusieurs décennies, collaborant notamment à la revue officielle cde l’U.S. Navy Proceedings.
• L’auteur de la nouvelle, Bill Gertz, travaille au Washington Times, est l’auteur de plusieurs ouvrages, spécialisé dans les nouvelles concernant les “menaces” diverses. Parfait relais des neocon pourrait-on considérer, puisque lui-même d’opinion ultra-conservatriuce ; il n’empêche, journaliste disposant d’un réel crédit, habitué à travailler avec ses “sources” (il a déjà refusé, en 1997, de divulguer le nom d’une “source” malgré l’injonction de la justice, invoquant le Cinquième Amendement) ; sans aucun doute avec beaucoup d’expérience, travaillant dans le champ de la sécurité nationale qu'il connaît bien. Tout cela rend son intervention dans FreeBeacon professionnellement crédible, même si idéologiquement suspecte.
• Russia Today a repris la nouvelle de FreeBacon, en publiant les principaux points d’intérêt , sans aucune appréciation spécifique. (Voir le 15 août 2012.) D’autres sites russes ont repris la nouvelle, ainsi que dans divers autres pays (notamment l’Inde, qui utilise depuis le début de l’année un sous-marin de classe Akula II, loué par la Russie pour dix ans.)
• Global Times, le journal chinois, est intervenu le 16 août 2012 (très tôt, à 00H10), pour reprendre l’information mais dans le mode “passif”. La dépêche commence en effet par l’annonce que le Pentagone venait de démentir, répondant à une requête spécifique du même Global Times. («An official with the US Department of Defense on Wednesday denied media reports that a Russian nuclear-powered submarine recently operated in restricted US waters for up to a month without being detected. “I don't know what that information was based on, but it was not correct,” Wendy Snyder, a spokeswoman with the Pentagon, said to the Global Times.»)
• Le 16 août 2012, en fin d’après-midi (18H37), Novosti donnait le démenti du Pentagone (sans nouvelle préliminaire sur le sujet) et donnait également la réaction officielle du ministère russe de la défense, qui est ni démenti ni confirmation (politique officielle à l’égard des déplacements des sous-marins russes). «A spokesman for the Russian Defense Ministry neither confirmed nor denied media reports on Thursday saying only that all information on the movement of Russian submarines around the world is classified.»
• Il y a eu une foule de reprises de la nouvelle sur divers sites plus ou moins politiques aux USA, largement orientés à droite et de type conservateur, neocon, etc. Certaines publications ont repris la nouvelle sur leur site ou leurs blogs, comme, notamment et sans surprise, le Weekly Standard, hebdomadaire des neocons.
• Le systématiquement original site WhatDoesItMean a repris l’information (le 15 août 2012), lui donnant une tournure bien spécifique et hors des sentiers battus, comme à son habitude. Le site fait de l’équipée de l’Akula (identifié à cette occasion et pour enrichir le thème comme le Gepard, troisième unité de la classe Akula II) une mission d’évaluation des conséquences de la catastrophe BP/Golfe du Mexique du printemps 2010 : «A shocking report from Russian Northern Fleet scientists aboard the Gepard Akula II, which just completed its maiden voyage off the United States coastline in the Gulf of Mexico, warns the aftereffects from the 20 April 2010 BP Oil Spill Disaster are “beyond catastrophic” and borders on the “truly apocalyptic.”» Ce qui est tout de même notable dans le cas de la fameuse Sorcha Faal de WhatDoesItMean, c’est la rapidité de la reprise de l’information et de l’élaboration de sa propre information…
• Il y eut même la publication d’articles d’autres époques traitant du même problème, la croisière de sous-marins alors soviétiques près des côtes US, sans pouvoir être détectés par l’U.S Navy. (Voir cet article du 2 décembre 1971 repris par Google. Ces années du début de la décennie 1970 furent effectivement des années d’alerte extrême de l’U.S. Navy, face à la marine soviétique.)
• Hier en fin d’après-midi, la consultation Google à la phrase extrêmement spécifique “Russian submarine Akula in the Gulf of Mexico” donnait 34.300 références sur divers sites, essentiellement US bien entendu, ce qui indiquait une affluence remarquable sur ce sujet précis. (Le nombre de références était tombée à 20.700-21.000 ce matin [05H30-09H00], correspondant à la période nocturne aux USA.)
Pourquoi tout ce remue-ménage de notre part ? Parce que les conditions sont idéales pour une offensive radicale de communication dans le champ d’un antagonisme direct de tension entre les USA et la Russie (crises syrienne et iranienne, crise des antimissiles, rapport tendus à cause des pressions d’“agression douce”, campagne électorale aux USA, etc.)… Et nous parlons, non pas nécessairement d’un montage en tant que tel mais d’un montage découlant d’une offensive volontaire ou involontaire, dans les deux cas mais dans le dernier cas surtout du fait de la dynamique même du système de la communication. Par ailleurs, ce “montage de communication” tel que nous le concevons n’est pas entièrement infondé, nous voulons dire par là qu’il peut aussi bien accompagner ou précéder des faits. En ce sens il ne s’agit pas de pure communication mais aussi d’une atmosphère politique générale : comme Norman Polmar le précise, la Russie a d’ores et déjà fait croiser récemment un détachement naval de surface dans les Caraïbes, tandis que des indications précisent les intentions russes de réactiver certaines installations militaires à Cuba, qui existaient du temps de l’Union Soviétique. Cet ensemble d’indications montre que la Russie semble envisager la remise en place d’une infrastructure de présence et de processus de démonstration militaires qui dupliquent ceux de la Guerre froide, cela en réponse à l’activisme US en la matière. De ce point de vue, les Ruses peuvent aussi bien être indirectement satisfaits de la façon dont le système de la communication a rendu compte de l’affaire de l’Akula, ni trop ni trop peu selon ce point de vue, et cela sans qu’il soit nécessaire pour nous de trancher sur la véracité de l’événement. Que l’Akula ait effectivement croisé ou non dans le Golfe du Mexique devient secondaire ; l’événement deviendra effectivement et historiquement réel ou passera à la trappe des narrative sans suite selon ce que sera l’évolution des relations directes entre la Russie et les USA.
Dans ce cadre général, l’affaire de l’Akula apparaît comme un test très intéressant, du point de vue de la communication mais concernant une prospective bien précise. Nous prenons bien garde de ne pas prendre position et même de répéter notre désintérêt pour l’instant sur le fait de savoir s’il y a eu ou non un sous-marin russe en déploiement dans les conditions précisées, s’il y a eu ou non un montage volontaire ou involontaire pour le faire savoir si la chose est vraie, pour le faire croire si la chose est fausse. Nous nous en tenons à une enquête dans le seul champ de la communication pour observer l’écho obtenu par la “nouvelle” ou soi-disant et sa diffusion. Notre constat est que sa diffusion et sa pénétration en profondeur, dans le tissu de communication que constituent les multitudes de sites idéologiques essentiellement partisans d’une néo-Guerre froide de l’Internet ont été extrêmement importantes ; par contre, sa promotion “spectaculaire” (du terme “spectacle”) a été quasi nulle au niveau de la presse-Système, – laquelle est effectivement réduite, dans cette sorte d’occurrence, à un rôle de presse-spectacle pour la promotion des nouvelles diffusées par le Système, y compris des nouvelles dans le sens négatif, dans le cas où seraient rejetées les spéculations autour de l’annonce de la croisière du sous-marin. Ces constats indiquent que nous nous trouvons dans une position intermédiaire où le système de la communication est prêt à s’activer selon la suite des évènements. Le Système lui-même (le bloc BAO), dans sa sphère officielle, semble avoir été pris au dépourvu du point de vue de la communication et a réagi faiblement, signe qu’il n’a pas de politique précise vis-à-vis d’une éventuelle résurgence d’une politique de tension directe entre la Russie et les USA, peut-être même signe qu’il n’envisage pas une telle résurgence, selon le constat souvent fait que l’hubris du Système ne peut imaginer une Russie agissant agressivement sur un mode contre-offensif, ou ayant les moyens de le faire.
Notre appréciation, par contre, est que les Russes sont prêts à une telle opération, pour réagir aux multiples pressions et agressions de communication du bloc BAO contre la Russie. S’il devait vraiment y avoir une résurgence dans ce sens, le problème militaire pur (disposition et déploiement des moyens) serait posé essentiellement pour les USA, dont la machine militaire est à la fois au bout de ses capacités et essentiellement déployée selon un schéma maximal de projection de forces. Les USA seraient conduits à envisager nécessairement, par simple précaution répondant aux pressions de la communication encore plus qu’aux nécessités stratégiques, un redéploiement de leurs forces avec une composante défensive plus importante pour le territoire même des USA. Cela constituerait une opération très difficile, à cause de la pauvreté des moyens US, lorsqu’on sait par exemple que la flotte assure de moins en moins une présence sur les côtes US à cause de ses déploiements outremer (Golfe Persique essentiellement) ; d’autre part, que la mission aérienne dite de “protection de la souveraineté” sur le territoire US est extrêmement handicapée par le manque d’effectifs matériels, qu’elle se trouvait déjà dans un état déplorable en 2009 (voir le 29 janvier 2009) et que la situation n’a pu qu’empirer depuis. Dans tous les cas, il y aurait une dimension symbolique forte, avec une telle évolution (de communication, de démonstration de force) : pour la première fois depuis le fin de la Guerre froide, les USA seraient obligés d’envisager leur puissance dans une posture plus défensive alors qu’ils ne vivent plus qu’au rythme d’une puissance offensive.
Mis en ligne le 17 août 2012 à 08H58
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