Les impertinences du scénario

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Les impertinences du scénario

26 août 2011 – La “victoire” commence à s’abîmer dans le désordre. Ainsi les événements de Libye nous montrent-ils un scénario qui ne semble pas correspondre à celui qui était écrit lorsque fut lancée l’offensive “finale” sur Tripoli. En termes de communication, la situation montre une tendance inquiétante, avec la possibilité désormais que la perception générale, notamment celle du brave public de nos démocraties, bascule d’une “victoire” sans (trop de) bavures à un “désordre type-irakien”. Cette question de perception est vitale, notamment pour déterminer les positions des directions politiques, et modifier complètement l’argument de la situation libyenne, – de la poussée révolutionnaire irrésistible, nécessairement vertueuse, au désordre des “rebelles” incapables de se discipliner tandis que s’organise une autre résistance qui pourrait avoir un aspect populaire.

• Le cas “humanitaire” reste très sensible et il est désormais publiquement menacé par la publicité nécessairement faite autour de ce qui se passe à Tripoli. La narrative type-BHL/Sarko reste que le bloc américaniste-occidentaliste (BAO) est intervenu en Libye pour prévenir des massacres. Voilà qu’on commence à trouver des traces indubitables d’exécutions sommaires de partisans de Kadhafi par les rebelles, dans un premier cas (une trentaine de tués au moins) qui va jusqu’à provoquer une réaction de l’ONU et une affirmation stalinienne d’un “ambassadeur des rebelles” (?) qu’il ne peut s’agir d’un massacre perpétué par les rebelles puisque l’ordre a été donné aux rebelles qu’il n’y ait pas de massacre… (Voir Jason Ditz, sur Antiwar.com, le 26 août 2011.) Amnesty International, qu’on est obligé d’entendre désormais, rapporte d’autres affaires du même genre. C’est un pan important du montage communicationnel qui est menacé, avec le lourd appareil de l’humanitarisme international tournant cette fois dans un sens défavorable aux rebelles et au bloc BAO.

• La chasse au colonel Kadhafi reste toujours l’objectif n°1 des rebelles. Russian Times rapporte, le 25 août 2011, des avis d’experts selon lesquels existe la forte possibilité que Kadhafi soit en train d’organiser une contre-guérilla, un peu à l’exemple évident de Saddam Hussein en Irak, après la chute de Bagdad. (Un ancien officiel du Pentagone, Michael Maloof : «Two thousand tribes have pledged support to Gaddafi. We have not heard of them yet. […] Gaddafi’s leaving Tripoli to the rebels could be a strategic retreat on his part to begin waging guerilla warfare.») Par ailleurs, des experts commencent à mettre sérieusement en cause la “stratégie” des rebelles, qui est justement de tout faire pour prendre Kadhafi ; par conséquent, ces mêmes experts condamnent l’attitude de l’OTAN et des principaux pays impliqués, qui soutiennent cette “stratégie” en aidant activement à l’organisation de la chose. Cette critique se trouve notamment dans le Guardian du 25 août 2011, sous la plume de Shashank Joshi, un expert du fameux RUSI (Royal United Services Institute). Pour Joshi, la première priorité doit être la restauration de l’ordre à Tripoli et l’installation effective d’une autorité centrale avec les services essentiels, notamment de sécurité, assurés effectivement. Faisant allusion à la “prime” de $1,3 million promise à qui présentera sur un plateau la tête du colonel Kadhafi, Joshi remarque :

«The $1.3m would be more usefully directed to paying the salaries of regime policemen. The UK defence secretary, Liam Fox, who confirmed that Nato forces were supplying intelligence and reconnaissance to the hunt, would be better advised to redirect those drones, aircraft and satellites to the ongoing battle for Sirte and the entrenched pockets of resistance in many parts of the city. And why are British special forces joining the chase when some of the most sensitive parts of Tripoli remain contested? These resources, and rebel manpower, could be securing the airport and its links to the city…»

• Se plaçant un peu plus haut dans le degré de l’analyse, Richard Norton-Taylor (le Guardian, le 25 août 2011>D>) croit distinguer dans l’intervention libyenne un nouveau schéma interventionniste, avec les acteurs suivants : la logistique et le soutien aérien offensif de l’OTAN, c’est-à-dire des pays de l’OTAN intéressés dans l’intervention, tout cela très voyant et tonitruant ; dans ces pays, il ne faut plus vraiment compter les USA, qui se tiennent “sur le siège arrière”, n’ayant plus guère de goût pour les interventions ; il y a aussi les interférences avec les interventions terrestres non officiellement reconnues (forces spéciales notamment), venues des mêmes pays de l’OTAN, mais aussi d’un nouvel acteur : l’ensemble des pays arabes du Golfe, ainsi engagés dans la croisade du “printemps arabe”, justement pour étouffer le “printemps arabe”… Cela conduit à la conclusion paradoxale (de Michael Clarke, directeur du RUSI, cité par Norton-Richard) que ce nouveau schéma a inspiré une opération présentée comme un “succès” à l’issue de laquelle l’OTAN apparaîtrait comme fortement affaiblie… «Michael Clarke, director of the Royal United Services Institute, pointed out on Thursday that only nine of Nato's 28 members were prepared to put themselves on the line physically and politically and attack ground targets. “It is difficult to avoid the conclusion that Nato emerges from this successful operation weaker than it went into it. The military operation itself created an image of Nato's limitations rather than its power,” he said.»

• Pendant que son frère David nous informe, le 26 août 2011 dans The Independent, à propos de la situation incertaine et inextricable à Tripoli, Alexander Cockburn donne à Russian Times une analyse générale (le 26 août 2011). Cockburn rapporte la vision pessimiste évidente, – c’est-à-dire la vision normalement informée : guerre “pour le pétrole”, acteurs divers et très divisés, l’opération actuelle devant conduire à une longue période d’insécurité et d’instabilité, avec le message principal pour tous les pays concernés qu’ils ont intérêt, – comme l’a fait la Corée du Nord, – à développer des armes nucléaires parce que seuls l’arme nucléaire, – comme le montre le cas de la Corée du Nord justement, – vous met à l’abri de l’habituelle “intervention humanitaire”… «In my view the whole thing has been deplorable from the start, as NATO’s operations always are, as a matter of fact. They are continuing on the basis that they had to do a humanitarian intervention, which very rapidly became a joke, as it became clear that NATO were simply engaged in getting rid of Gaddafi by whatever means possible.»

• Un point important à observer est l’extraordinaire insistance des USA pour se tenir hors de toute implication sérieuse dans les affaires en cours, notamment la “chasse à Kadhafi”, où Français et Britanniques sont par contre fort impliqués et sans aucune intention de le dissimuler. (Le ministre britannique de la défense Liam Fox l’a affirmé sans aucune ambiguïté.) Reuters rapporte cette attitude des USA, le 25 août 2011, sous la forme d’affirmations extrêmement claires des porte-paroles concernés (département d’Etat et département de la défense), ce qui implique une politique concertée et expressément imposée à toute l’administration. Comme il est spécifié par les porte-paroles, la position US implique nécessairement la position de l’OTAN, selon le principe des décisions à l’unanimité au sein de l’Organisation ; les USA refusant toute implication terrestre pouvant ressembler à une participation effective aux opérations, ils mettent implicitement leur veto à tout engagement de l’OTAN de cette sorte. (Certes, toutes les spéculations quant à la réalité de la situation et de l’action de l’OTAN sont autorisées et même recommandées ; il reste que la position officielle US est fortement significative.)

«The United States on Thursday distanced itself from efforts to hunt down Libyan leader Muammar Gaddafi, saying neither U.S. assets nor NATO forces were targeting the fugitive strongman. Comments by Pentagon and State Department officials highlighted Washington's sensitivity toward any perceived shift in NATO's military mission in Libya toward direct involvement in regime change.

»NATO's mission, as authorized by the United Nations, is to protect Libyan civilians -- not take out Gaddafi, even as he becomes the focus of the apparent final chapter in the rebel overthrow of his regime. “Neither the United States nor NATO is involved in this manhunt,” said State Department spokeswoman Victoria Nuland. At the Pentagon, spokesman Colonel Dave Lapan said: “I'm not speaking for any other national authorities – whether any of our partner nations might be doing something. But NATO itself, and the U.S. as part of it, are not.”»

L’ensemble, the whole picture”, ne donne pas une impression de certitude et de maîtrise des choses, comme il aurait été nécessaire après la première impression de jubilation victorieuse de la “victoire” du début de la semaine. Ce qui suscite une surprise générale, c’est le spectacle d’opérations militaires d’une part mûrement préparées, comme l’a été l’attaque de Tripoli, c’est-à-dire une opération générale de maîtrise de la situation avec les moyens qu’il faut (en contravention avec le mandat international, qu’importe) ; cela, aboutissant à une “victoire” qui, d’autre part, génère un désordre de plus en plus important, c’est-à-dire un processus accéléré de perte de maîtrise de la situation. Il y a toujours, il y a plus que jamais, comme un mal impossible à extirper, ce dysfonctionnement entre l’exécution correcte d’opérations tactiques dans un but stratégique manifeste, débouchant sur une situation stratégique absolument contradictoire, qui semble justement n’avoir été stratégiquement préparée en aucune façon. Le résultat est qu’une impulsion tactique efficace aboutit à l’installation d’une situation stratégique potentiellement pire que celle qui existait auparavant (avant l’attaque). Le bloc BAO, conforme à l’esprit-Système, connaît fort bien l’exécution des choses qu’il entreprend mais ignore absolument le fondement et la “légitimité” (même fabriquée à la hâte) qu’il faut donner à ces choses pour les nimber de l’existence stratégique ou ontologique, même simulée, qui les fera effectivement exister tout court.

On trouve cette même tendance complètement paradoxale, finalement, dans le jugement de Michael Clarke, du RUSI, d’une “opération réussie” à l’issue de laquelle le principal instigateur et exécutant, l’OTAN, se trouve fortement affaibli. Comme disait l’autre, qui le répète d’ailleurs depuis l’Irak, “encore l’une ou l’autre victoire de la sorte et nous n’aurons plus besoin d’ennemis…” (L’adage est d’ailleurs vrai depuis le début de la période post-9/11.) Certes, la Libye est une guerre pour le pétrole, une guerre impérialiste, une guerre néo-coloniale, une guerre de l’expansionnisme du bloc BAO, une guerre d’éradication de toute résistance anti-BAO, une guerre dans le schéma de la conquête du monde et ainsi de suite ; une guerre venue de plans élaborés depuis si longtemps, préparés dans les officines secrètes qu’on connaît si bien, et d’ailleurs vous donnant jusqu’à l’identification des victimes… (Voir les obligeantes précisions du général Wesley Clark, rapportées le 5 mars 2007 et donc connues de partout, sur ce que le même Clark avait appris au Pentagone, un jour de septembre 2001, après l’attaque  : «…And he said, “This is a memo that describes how we’re going to take out seven countries in five years, starting with Iraq, and then Syria, Lebanon, Libya, Somalia, Sudan and, finishing off, Iran.”»… On remarquera tout de même le considérable retard sur l’horaire, au moins autant que le programme JSF lui-même.)

…Le problème ici est de prendre le virtualisme des intentions et des situations pour la vérité du monde. L’Irak et l’Afghanistan, et la guerre contre la Terreur en général, ont bien eu lieu selon le début du prévision du Pentagone et de Rumsfeld ; mais il se trouve qu’elles sont en bonne part la cause de l’effondrement du Système, essentiellement aux USA, grâce notamment au moyen de leur coût, qui se situera entre $4.000 et $6.000 milliards. Est-ce vraiment ce qu’on appelle une “conquête du monde réussie” (ou un “complot réussi”) ? La Libye accélérera donc le processus, par ce moyen des coûts ou par d’autres moyens, en l’étendant au reste du bloc BAO, c’est-à-dire à ces étranges Européens (ces étranges Français), fascinés par le modèle exceptionnel d’effondrement qu’offre le destin de l’américanisme. Mais l’étonnement doit s’arrêter là, lorsqu’on en vient finalement à l’explication qui importe : il s’agit bien de la marche irrésistible de la dynamique générale du Système, avec les dynamiques parallèle de surpuissance et d’autodestruction, où la dynamique de surpuissance, fonctionnant à plein régime, s’est mise en position d’alimenter de toute sa surpuissance la dynamique d’autodestruction.

On peut même trouver du charme au chaos ainsi créé, ou plutôt augmenté, et aller au devant des thèses favorites des raisonneurs paradoxaux, des neocons aux anti-neocons : “Certes, nous sommes (ils sont) en train d’installer le chaos, mais c’est bien ce que nous cherchons (ce qu’ils cherchent)” ; sous-entendant que ce chaos, finalement, c’est la marque du succès pour l’américanisme dans un monde resté maîtrisé, et donc conquis par même américanisme… Il s’agit d’un parfait raisonnement-Système, parfaitement sophistique, l’idée que le chaos à lui seul est “créateur” étant certes l’idée d’habillage de cette tendance, mais une idée qui restitue le fondement de la chose ; laissons la référence au hasard, ce sympathique bouche-trou des théories perdues, pour constater que cette idée est en effet celle d’une unité totalement invertie, par définition évidemment subversive, résumant effectivement l’esprit du Système et du “déchaînement de la matière”, et débouchant effectivement sur la destruction du monde. Le raisonnement se résume finalement à l’absurde habituel, qui ridiculise le sophisme en l'abaissant au rang d'accessoire de circonstance : si la destruction du monde, c’est la conquête du monde par l’américanisme, alors certes, l’américanisme a gagné.

(C’est l’argument, depuis très longtemps, des plus radicaux des climatosceptiques, les climatosceptiques idéologiques qu’on trouve également et particulièrement chez les néoconservateurs, actant effectivement la déstructuration de divers organisations et équilibres majeurs de l’univers. En 2003, le neocon Michael Leeden expliquait à des experts portugais de l’OTAN qui se lamentaient à propos des incendies des forêts portugaises de l’été, qu’ils attribuaient au changement climatique, que cette destruction accélérerait la déstructuration des campagnes et donc l’intégration des paysans conservateurs et arriérés dans les structures modernistes, pour les transformer à mesure. Il n’est pas utile d’ajouter que nous tenons effectivement un tel raisonnement, – dans son esprit, quoi qu’il en soit de la réalité de la chose décrite, – pour un raisonnement-Système aussi pur que la plus pure des sophistiques, conduisant au résultat final du souhait ardent du chaos entropique tel que le recherche la modernité conduite par le “déchaînement de la matière”. L’admiration, courante chez certains, de l’habileté des USA parce que ce pays suivrait la thèse du “chaos créateur”, revient à l’admiration de la mécanique sophistique du Système organisant la destruction entropique du monde. Il faut savoir où conduit la beauté du raisonnement.)

…Mais l’on conviendra alors que cette “victoire”-là, qui est celle de l’américanisme sur le monde d’ores et déjà américanisé (Saddam, Moubarak, Kadhafi, etc., étaient tous, tour à tour ou parallèlement, d’une façon ou l’autre, eux-mêmes américanisés), cela revient à détruire le “monde américanisé”. Tout est alors bien, et logique ; l’américanisme, neocons en tête, et aussi adversaires de l’américanisme qui prêtent tant de vertus de puissance à l’américanisme, en arrive à détruire son propre monde qu’il a inspiré, c’est-à-dire l’aliment même de sa puissance. La dynamique de surpuissance s’est glissée là où il faut pour renforcer décisivement la dynamique de l’autodestruction.

La contraction du “modèle irakien”

…Il n’empêche, ces quatre ou cinq jours depuis la “victoire perplexe” (l’entrée des rebelles dans Tripoli) ont de quoi nous laisser cois. Nous voulons dire par là que c’est la vitesse du processus, surtout, qui arrête l’attention. Nombre d’experts parlent du “modèle irakien” pour caractériser l’évolution de la situation libyenne. Il y a de cela, sans doute, avec l’étrange colonel Kadhafi dans le rôle de Saddam. L’aspect remarquable de cette analogie, c’est bien sûr l’extraordinaire contraction du modèle, si les événements poursuivent leur cours dans l’orientation constatée depuis ces quatre jours. Il fallut plusieurs mois, dans la situation irakienne, pour acter que nous étions passés d’une situation de “victoire” (virtualiste, on l’a vu depuis), en avril 2003, jusqu’a la réalisation qu’il ne s’agissait que d’une première phase de la guerre, et que nous enchaînions sur une seconde, beaucoup moins réjouissante. (Constat commençant à être présenté fin août 2003, et complètement acté en décembre 2003.) La situation libyenne nous offre un calendrier complètement différent du point de vue du rythme et de la rapidité.

Cette accélération de l’Histoire par le moyen de la contraction du temps dans le défilement des événements, par rapport au “modèle irakien”, se marque également par un désordre conséquent au niveau du parti de la civilisation. Il manque manifestement la voix impérative et assurée d’elle-même de notre grande Amérique (voir plus loin). Les rapports entre les différents pays de cette étrange “coalition”, agglomérés dans l’infinie capacité de fabrication de médiocrité de la bureaucratie de l’OTAN, n’ont rien de l’élan tout d’“idéal de puissance”, allumé-neocon, qui marqua l’affaire irakienne. Nous ne parlons pas ici du volume d’implication des acteurs, de leur nombre, etc., bref des caractéristiques quantitatifs de ces choses, mais bien de la fièvre, de l’entrain, de l’ardeur de la narrative, infiniment plus actives au temps du début de la croisade de GW Bush. De ce point de vue, le “modèle irakien” de l’affaire libyenne ne donne qu’une pâle caricature. Quatre jours après la “victoire”, les doutes se multiplient, chez les experts, les commentateurs, etc., et ajoutent à l’incertitude implicite des évènements. Tout se passe comme si nous repassions un plat alors que nous savons que “l’Histoire ne repasse pas les plats“, et que nous faisions cela très vite, en accéléré, pour éviter d’avoir à nous trouver confrontés à la vérité des effets de nos œuvres, passée l'heure du “plat du jour”. Et puis, enfin, l’Europe n’a vraiment pas la fibre virtualiste malgré ses efforts, ni une psychologie peuplée d’inculpabilité et d’indéfectibilité.

La “contraction du ‘modèle irakien’” va jusqu’à accélérer la prise de conscience des USA des difficultés et des embuches épouvantables de la chose. Comme dans les scénarios d’anticipation, cette prise de conscience précède l’acte lui-même, en provoquant même un mouvement antiwar au Congrès (à la Chambre), qui a terrorisé le pauvre président Obama. (Dire que certains imaginaient qu’Obama allaient enfourcher l’idée de la “victoire” de Tripoli pour marquer des points contre le Congrès et remonter dans les sondages ; mais BHO est en vacance…) Ainsi, les USA se trouvent-ils en retrait (habiles tireurs de ficelles, affirment certains, selon un raisonnement du type-“chaos créateur”), en étant tout de même impliqués, comme on l’a vu au Congrès. Ceux qui plaident pour la thèse de l’habileté type-“tireurs de ficelle” connaissent bien peu de chose à la psychologie et à l’hubris américanistes (ce qui est la même chose). Le résultat réel, en profondeur, de la situation actuelle, c’est d’acter symboliquement, non pas le déclin mais l’effondrement de la puissance US. On nous opposera des chiffres (avec raisons : les USA ont assuré en soutien 16% des sorties offensives, seconds juste derrière les Français) ; mais c’est ne rien entendre à la structuration, comme à la puissance du symbolisme, – d’ailleurs, symbolisme selon une démarche instituée par le parti américaniste lui-même, qui a fabriqué sa puissance d’abord à partir de sa présence militaire universelle, de ses moyens militaires, etc., tous autant les uns que les autres présentes comme autant de symboles… Que nous importe, à nous, le 16% des missions si la bannière étoilée n’est pas visible partout, si le président Obama ne fait pas des discours enflammés à la gloire de la guerre, et ainsi de suite. Tout se passe alors, comme si les USA étaient absents du conflit et laissaient le leadership aux autres.

…Ce qui revient à la vérité du monde, puisque cette absence ne fait qu’acter l’effondrement de la puissance US. Là aussi, la démonstration a été réalisée en parfaite contraction du temps, avec tous les épisodes défilant très rapidement (hésitations puis engagements subreptices du président, posant la question de la réelle implication des USA, réactions du Congrès, affirmation du refus d’engagement des USA comme on le voit aujourd’hui, – tout cela en cinq mois de temps). Nous sommes en train de nous regarder dans le miroir de la fin de notre “contre-civilisation” ; la mine n'est pas resplendissante.