Les mots pour dire la crise

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Les mots pour dire la crise

24 janvier 2014 – Nous nous arrêtons donc à cet “Appel” du Collegium International, «Vers une gouvernance mondiale». On en trouve diverses publications, supposons-nous, dont on trouve des traces un peu partout. Nous y sommes venus par le site Raimanet.Wordpress.com, auquel nous nous nous étions intéressés parce qu’il avait eu l’idée de reprendre l’un ou l’autre texte de notre site, ; la reprise du texte «Vers une gouvernance mondiale» est du 22 janvier 2014 sur ce site et renvoie notamment à une publication du même texte dans Libération du 21 janvier 2014. Comme on le voit, il ne s’agit pas de nos lectures de chevet ni habituelles. Mentionnons enfin le fait que “l’Appel” a deux destinataires directs, deux personnalités dont nous pouvons chaque jour apprécier la stature, l’indépendance de l’esprit et l’audace de l’intelligence ..

. «L’Appel lancé par le Collegium International est adressé au Secrétaire général des Nations unies en vue d’être soumis à la considération du prochain Sommet G20 ainsi qu’au Président de la République française, hôte de la Conférence planétaire Paris-Climat 2015.».

Selon ces premières considérations, rien qui puisse nous ravir.

Du Collegium International, on peut avoir diverses informations, soit sur le site de cette institution elle-même, soit sur l’article que lui consacre Wikipédia. Constitué en 2002 avec notamment comme co-directeur Michel Rocard et parmi ses membres un Joseph Stiglitz, le groupe constitue un rassemblement classique de type-Système qui prétendrait éventuellement à des incursions dans les marges de l’antiSystème, restant dans les domaines “bon chic bon genre”. Au départ, le groupe veut constituer un instrument d’étude et de pression concernant les “grands défis” auxquels notre société, éventuellement mondiale, est confrontée ; nous parlerions d’un rassemblement qui se voudrait indépendant dans l’esprit de la chose, qui reste dans les normes de l’establishment, qui suit les grandes tendances philosophiques et politiques avec un zeste plus ou moins important d’œil critique. Toutes ces considérations ne marquent pas une vision particulièrement critique de notre point de vue, ni approbatrice certes, mais simplement une sorte de description “objective” à notre sauce, c’est-à-dire selon notre appréciation “subjective” qui se réfèrent à nos divers principes et paramètres.

Mais venons-en au texte lui-même, avant de revenir à cet aspect de l’appréciation de son sens. Nous en venons au texte, non pour illustration du propos mais parce qu’il constitue, ce texte, dans les termes employés, dans les mots choisis, lorsqu’il décrit la situation présente, un cas assez remarquable pour nous arrêter. Nous citons donc cette première partie consacrée à la description de l’état des choses (la Grande Crise, ou crise d’effondrement du Système selon nous, ou “polycrise” selon le groupe) et laissons de côté la seconde partie portant sur la proposition de constituer une sorte de “gouvernement mondial” sous l’égide de l’ONU, – ce qui fera passer de multiples tsunamis de frissons chez les uns et les autres, chez les souverainistes, chez nombre de “complotistes”, etc., – mais laissons cela pour le moment.

«Le monde fait face à une conjonction de crises d’envergure mondiale sans précédent dans l’histoire: épuisement des ressources naturelles, atteintes à la biodiversité, bulles financières et faillites bancaires, déshumanisation du système économique, désagrégations sociales, accroissement des inégalités et de la précarité, montée des intolérances, contestation des élites politiques, famines, pénuries, pandémies virales...

»Cette évolution, qui s’est opérée dans un contexte d’incontrôlable expansion et de révolution technologique des communications, résulte pour une large part d’une crise majeure de la pensée et du sens et de la détérioration de la matrice des valeurs.

»La conscience planétaire n’est pas à la hauteur de ces défis quand bien même l’espèce humaine, menacée par elle-même, doit se protéger de l’autodestruction en se protégeant des forces déchaînées. La communauté internationale doit, de manière urgente, concevoir les mesures et forger les outils permettant de lutter contre des risques menaçant l’existence de millions d’êtres humains sur l’ensemble de la planète.

»Il serait vain de se limiter à dénoncer les méfaits de la mondialisation, du capitalisme et du fanatisme ou illusoire de vouloir élaborer un programme ou un modèle de société. Il est devenu impératif de mettre en œuvre les réformes et d’engager les transformations nécessaires en les concevant de manière globale et interdépendante. Cette approche est d’autant plus importante que les problèmes sont interconnectés et constituent les vecteurs d’une “poly-crise” menaçant notre monde d’une “poly-catastrophe”.

»La globalisation économique a créé les infra-textures d’une société-monde, caractérisées par un réseau de communications et une économie planétaires. Dans le même temps, rien n’a été fait pour mettre en place les instances de décision légitimes que supposerait une telle évolution ou pour faciliter la prise de conscience d’une incontournable communauté de destin.

»La communauté internationale a regrettablement fait la preuve de son impuissance, sinon de son irresponsabilité, face à ces dangers...»

Suit un programme politique brièvement résumé, fondé autour de l’idée d’une “gouvernance mondiale” organisée aux Nations Unies. D’une part, nous dirons combien cette idée ne nous est aucunement sympathique, notamment parce qu’elle est fondée à son origine sur un schéma qui affronte et détruit nécessairement les principes de l’organisation du monde telle qu’elle devrait exister, par conséquent selon une dynamique déstructurante puis dissolvante, – c’est-à-dire dans la logique de la formule dd&e (voir le 7 novembre 2013) qui opérationnalise l’action du Système. D’autre part, nous avons déjà observé qu’avec l’extraordinaire rapidité des événements contrastant avec la paralysie de plus en plus avérée des directions politiques, y compris et même surtout celles de ce qu’on nomme les États-Nation, – si ce concept existe encore, ce dont nous doutons grandement, – l’argument précédent perd de plus en plus de sa pertinence. C’est ce deuxième point qui, aujourd’hui, se trouve majoritairement dans notre esprit, parce que les événements en ont décidé ainsi. Nous observions cela dans un récent F&C, le 31 décembre 2013, à propos d’une évolution en Russie, avec le développement d’un “néo-conservatisme” à vocation transnationale dans le chef de redéfinitions principielles développées par Poutine. Ecartant l’antagonisme entre l’entité nationale et les courants transnationaux ou supranationaux, – accordant moins d’importance déstructurante et dissolvante, et intrinsèque, au concept “supranational” à cause de la déstructuration et de la dissolution de lui-même du concept “national”, – nous écrivions notamment ceci :

«[L]a référence principielle qui se trouvait dans “la Nation” (l’entité nationale) se déplace aujourd’hui hors de la Nation, devient transnationale et éventuellement supranationale dans l’esprit s’il le faut (“globalisation”) pour parvenir aux conditions adéquates d’affrontement “au nom de la Nation” avec une force (la “globalisation”-Système) qui attaque tout ce qui est structuré et principiel, et par conséquent la nation prioritairement. C’est une évolution essentielle de l’état de l’esprit qui sollicite désormais les analystes hors de l’infection-Système, et les penseurs de la politique du même domaine. Dans ce sens, Fedor Loukianov retrouverait une certaine cohérence dans le fait en apparence contradictoire d’une politique extérieure russe triomphante et d’une situation intérieure russe qu’il juge incertaine, – contradiction résolue par le fait que les situations intérieures de tous les pays, qui sont toutes incertaines, ne peuvent se rétablir que dans la mesure où les événements extérieurs progressent grâce à l’établissement de liens transnationaux, éventuellement même tactiquement supranationaux, entre les différentes forces antiSystème des entités nationales. Cela signifie également que les principes qui sont les références de ces forces soient détachés d’entités strictes pour donner toute leur signification du point de vue de leur essence : le principe de souveraineté, y compris de souveraineté nationale, ne peut désormais disposer de toute sa puissance que s’il est affirmé bien au-delà de l’entité nationale.»

Cela était écrit, non pour proposer une “gouvernance mondiale” comme le fait le texte, mais pour inciter les esprits à concevoir la lutte antiSystème et les références principielles qui fondent ces luttes hors des entités jusqu’ici considérées exclusivement pour cet exercice (l’État-Nation, principalement). Nous n’évoquons pas le fait de la “gouvernance mondiale” pour le discuter sérieusement, ni pour le bannir d’ailleurs, simplement parce qu’il nous paraît totalement assuré qu’un tel projet est totalement irréalisable. C’est, pour nous, une affirmation opérationnelle sans le moindre parti-pris, comme un sauteur en hauteur qui avise la barre placé à cinq mètres et affirme sans discussion possible que le saut demandé est “totalement irréalisable”. Pour cette raison, nous ne nous attardons pas à cette proposition du texte cité et souhaitons beaucoup d’imagination et de zèle à ceux qui s’y opposeraient par détestation d’un “complot globaliste” ayant pour but d’établir la susdite “gouvernance mondiale”. Pour nous, il nous paraît qu’il y a eu assez de temps perdu à dénoncer ce danger qui n’existe pas, par simple impossibilité aujourd’hui multipliée, notamment et entre autres données mais en citant l'une des plus importantes, par un facteur infinitésimal du fait des infrastructures du système de la communication ... Entre autres situations crisiques multiples, la crise Snowden/NSA, autant que les divers projets délirants des groupes divers sur les hyper-sciences, les hyper-robots, etc., constituent à notre sens le meilleur combustible pour faire se développer une défense antiSystème qui va morceler à l’infini l’espace de la globalisation, rendant encore plus impensable une “gouvernance mondiale” dans les conditions que nous connaissons. Ceux qui s’effraient horriblement de l’arrivée d’un “Goulag électronique” ne s’avisent pas qu’ils s’y trouvaient jusqu’ici, – d’ailleurs avec les résultats médiocres qu’on sait, – et qu’ils viennent d’en sortir grâce à Snowden/NSA.

Tout cela ne règle rien du problème posé (“gouvernance mondiale” ou pas, etc.) mais règle notre position à cet égard : ce “problème posé” ne se pose pas, il est déjà résolu par l’absurde, puisqu’insoluble... Le groupe du Collegium International propose effectivement une “gouvernance mondiale” mais l’on réalise bien que c’est parce qu’il ne peut concevoir, selon sa logique intellectuelle et d’une façon complètement compréhensible, de lancer un tel appel qui concerne une situation si totalement catastrophique sans fournir un élément constructif. Sans dénier la nécessité logique d’une telle proposition, nous ne nous y intéressons pas parce que nous la tenons, en l’état de la crise d’effondrement du Système, comme irréalisable, – comme vu plus haut.

La chose importante, dans cette proclamation, se trouve dans la description de la situation. On n’y trouve aucune référence partisane, d’engagement, de parti-pris, mais simplement une description crue et puissante d’une situation de fait, de la situation du monde. C’est à cette question que nous allons nous attacher, plutôt qu’au “problème-déjà-résolu-par-l’absurde-puisqu’insoluble”.

“Polycrise” et “polycatastrophe”

Il est très intéressant de noter que le groupe avait diffusé un appel similaire en mars 2012 (période probable). Le texte disponible sur le site est également publié par Libération, selon une parution du quotidien en date du 6 mars 2012. La comparaison des deux textes est, pour nous, très éclairante. Les mêmes idées de base sont présentes, parfois des expressions se retrouvent. Le passage consacré à ce que nous jugeons être la description de la crise, ce qu’on nomme “polycrise”, est le suivant (plutôt d’ailleurs dans le seul premier paragraphe, le second n’étant qu’une description de la situation structurelle où se développe la crise ou “polycrise”) :

«1. Une “polycrise”. Nous devons faire face à une conjonction de crises d'envergure mondiale qui est sans précédent dans l’histoire : épuisement des ressources naturelles, destruction irréversible de la biodiversité, dérèglements du système financier mondial, déshumanisation du système économique international, famines et pénuries, pandémies virales, désagrégations politiques… Or aucun de ces phénomènes ne peut être considéré isolément. Ils sont tous fortement interconnectés et forment une seule “polycrise” menaçant ce monde d'une “polycatastrophe”. Il est temps de prendre la mesure systémique du problème, pour lui apporter enfin des solutions intégrées – premiers jalons pour redéfinir les principes qui devront inspirer à l'avenir la conduite globale des affaires humaines.

»2. Reconnaître nos interdépendances. Parce que ces grandes crises du 21è siècle sont planétaires, les hommes et femmes du monde entier doivent reconnaître leurs interdépendances multiples (entre Continents, Nations, Individus). Catastrophes survenues et catastrophes imminentes : dressée au carrefour des urgences, il est temps pour l'humanité de prendre conscience de sa communauté de destin. Point d'effet papillon ici, mais la réalité, grave et forte, que c'est notre maison commune à tous qui menace de s'effondrer – et qu'il ne peut y avoir de salut que collectif.»

La différence qualitative entre les deux textes est frappante. Du point de vue structurel d’abord : le texte de 2012 consacre de sept huitième aux trois quarts de son contenu (selon le classement choisi) à la description de la “solution” à la crise ; le texte de 2014 consacre deux petits tiers ou moins de la moitié de son contenu à la description de la “solution”, toujours selon le classement choisi. La différence de ton dans la description de la crise est encore plus frappante, là aussi du point de vue qualitatif. L’impression que rend le texte de 2014 par rapport à celui de 2012, c’est tout le passage d’un jugement volontairement “rationnalisé”, presque technocratique, d’un ensemble crisique ou “polycrisique” catastrophique mais contrôlable, qui le devient aussi naturellement dans l’impression qu’on retire, – à une toute autre sorte de perception. En 2014, il s’agit d’un jugement certes rationnel mais qui n’est pas dans ce cas transformé dans le sens d’une “rationalisation” ; la chose perçue est décrite comme un ensemble crisique/polycrisique catastrophique fondamentalement eschatologique parce qu’hors du contrôle humain, et même avec suggestion implicite, consciente ou non c’est selon, d’une origine qui paraît échapper aux critères rationnels habituels au regard des mots employés et des idées suggérées. Que sont donc cette “incontrôlabilité” du développement du technologisme, cette “crise majeure de la pensée et du sens”, cette “autodestruction” du genre humain que développent ces “forces déchaînées”, selon des mots qui sont bien habituels aux lecteurs de dedefensa.org (“équation surpuissance-autodestruction”, “déchaînement de la Matière”, “forces supérieures échappant à la maîtrise humaine”, etc.) ?

«Cette évolution, qui s’est opérée dans un contexte d’incontrôlable expansion et de révolution technologique des communications, résulte pour une large part d’une crise majeure de la pensée et du sens et de la détérioration de la matrice des valeurs.

»La conscience planétaire n’est pas à la hauteur de ces défis quand bien même l’espèce humaine, menacée par elle-même, doit se protéger de l’autodestruction en se protégeant des forces déchaînées. La communauté internationale doit, de manière urgente, concevoir les mesures et forger les outils permettant de lutter contre des risques menaçant l’existence de millions d’êtres humains sur l’ensemble de la planète...»

Dans le texte de 2014, l’appel à la “gouvernance du monde” est beaucoup moins détaillé, à peine développé, plutôt comme une obligation inévitable de ce genre d’appel mais sans réelle conviction, un peu comme un complément obligé de ce qui constituerait en fait un appel du type “au secours, nous coulons“. L’impression est renforcée par le rapport direct qui est fait, beaucoup plus fortement et même d’une façon tragique, entre la crise devenue eschatologique et l’action autodestructrice du Système en général ; on comprend d’autant mieux que la solution avancée (“gouvernance mondiale”) soit beaucoup moins l’expression d’une conviction qu’une simple convenance de forme, puisque, selon une de nos idées dominantes, on se trouve dans la position, pour proposer cette “solution”, de devoir faire appel à la force même (le Système) qui est le moteur de la “polycrise”.

A la lumière de cette appréciation du contenu de l’appel (et de son prédécesseur de 2012), nous insistons à nouveau sur ce groupe et sur ce qu’il représente, en écartant toute intention de polémique, de jugement politique, d’engagement politique habituel, mais simplement en considérant des personnalités d’une certaine notoriété, ayant fait une carrière en général conforme au Système, avec pour certaines des tentations ou des incursions vers des aspects qui peuvent être considérés comme proches de l’antiSystème, mais en général pour tous gardant une position institutionnelle de référence à l’intérieur du Système. (La question de leur influence ne nous intéresse guère, dans la mesure où l’influence aujourd’hui, même chez les plus puissants et les plus institutionnalisés dont on ne trouve aucun représentant dans ce groupe, est devenue aussi élusive et aussi incertaine et insaisissable que le permet un système de la communication évoluant à une vitesse fantastique et avec une puissance non moins formidable.) Nous insistons également à nouveau sur le fait qu’aucune de ces personnalités, avec des nuances pour l’une ou l’autre sans doute, n’est réellement proche de “notre parti”, si l’on veut parler en termes partisans de “parti” pour désigner ce qui constitue notre démarche systématiquement et absolument antiSystème, avec toutes les adaptations tactiques possibles pourvu que l’effet soit antiSystème... Mais ce constat n’importe pas puisque, justement, nous ne voulons nullement parler “en termes partisans de ‘parti’”.

Nous ne parlons pas ici de la qualité des constats et des propositions produits par des intelligences qui sont ce qu’elles sont mais de ce que ces textes révèlent de l’effet sur les psychologies des événements de la crise du monde, – ou “polycrise”, ou “crise d’effondrement du Système” selon le langage qu’on adopte après l’avoir développé pour cette circonstance qui est sans précédent dans l’Histoire connue. L’évolution 2012-2014 du groupe dont nous nous faisons l’écho pour son exemplarité de perception est bienvenue pour cela, et il est encore plus bienvenu que cette évolution ne soit accompagnée d’aucune explication ou justification rationnelles car alors c’est bien l’effet brut de la psychologie qui se manifeste. Par “effet brut”, nous entendons bien la perception ressentie, reçue sans filtre rationnel à ce point (la raison intervient plus en aval pour le jugement mais incorpore nécessairement cet apport psychologique puisqu’il n’y a pas eu de “censure” préalable de cette même raison, qui serait alors selon nous une raison subvertie par le Système, comme nous l’identifions souvent). Le langage nouveau de 2014, exprimant effectivement le changement de perception, lui-même répercutant le changement profond de la situation du monde, est quasiment le pur langage de la tragédie humaine face au développement eschatologique. La relation directe entre ce que nous nommons la destruction du monde (déstructuration-dissolution de l’environnement, rupture brutale de l’équilibre du monde) et la crise de l’effondrement du Système passant par ses diverses activités développées en état de surpuissance, cette relation est clairement établie et ressentie comme telle.

Ce qui nous importe ici est bien cette perception par la psychologie de la précipitation de la crise d’effondrement/“polycrise”, et sa transcription directe dans un texte qui ne cache rien de tout cela. On comprend que, dans de cadre, l’appel à “une gouvernance mondiale” passe au second plan, aussi bien dans le chef de ceux qui ont rédigé l’appel que dans celui de ceux qui veulent bien se donner la peine de le lire pour ce qu’il est. C’est alors que doit nous apparaître l’importance de ce texte, peut-être bien plus significatif encore que ses auteurs ne l’ont imaginé (ce qui n’a par ailleurs aucune importance, l’essentiel étant dans l’effet dont les mots son porteurs à l’intention des psychologies des autres, dans le cadre exceptionnel qui est celui que nous connaissons).

Nous prenons cette rapide “explication de texte” pour le signe que la perception de ce que nous définissons comme la “crise de l’effondrement du Système” ne cesse de gagner du terrain et influence les psychologies à mesure. C’est là l’événement le plus important que nous puissions envisager puisque, par ailleurs, toutes les prévisions et prospectives se trouvent dans l’état actuel des choses confrontés à des obstacles infranchissables pour notre raison et notre compréhension. L’influence des psychologies dans le sens de cette évolution permet d’envisager que les conceptions des intelligences nourries par ces psychologies soient modifiées de façon à pouvoir envisager, appréhender, accepter, des prolongements que la raison subvertie rejette, – bien entendu, nous-mêmes parlant de cette raison subvertie par le Système, dans un sens qui l’emprisonne, lui interdit justement d’envisager ces prolongements hors des normes du Système. Cela ne signifie en rien que l’on puisse prévoir ou envisager des événements, et encore moins l’évolution de cette crise ultime jusqu’à sa conclusion, et ce qu’il y a après. Cela signifie que nous sommes de plus en plus préparés à une telle évolution, ce qui constitue un facteur non négligeable pour faire évoluer le situation dans ce sens. L’inclusion dans le vocabulaire de mots et de concepts qui font appel à des références extérieures à ce que cette même raison subvertie permet (“crise majeure de la pensée et du sens”, “autodestruction” du genre humain, “forces déchaînées”) est un autre signe encourageant, et un signe de l’évolution des esprits qui suit et devra suivre nécessairement l’apport psychologique dont nous parlons. Notre satisfaction, nos avancées, se situent aujourd’hui à ce niveau de la conscience de l’ampleur de la crise, c’est-à-dire à l’apprentissage des esprits à des conditions absolument inédites par rapport à ce que nous connaissons de l’histoire du monde, en nous haussant au niveau de l’Histoire devenue évidemment métahistoire.

Addendum, ou conclusion après tout...

... Nous enchaînons, pour notre conclusion, sur cet aspect spécifique des choses, en nous référant à une remarque d’un lecteur qui nous a pour le moins étonné. Il s’agit de cette remarque sur le Forum du texte du 21 janvier 2014, Forum en date du 21 janvier 2014... Nous citons la première phrase qui est la proposition générale de la réflexion, tandis que le reste de cette réflexion se perd dans une direction qui n’est certainement pas la nôtre puisqu’après avoir affirmé implicitement qu’il faut aussi faire appel à des hypothèses non-humaines, le lecteur développe une hypothèse effectivement humaine (les “multinationales”) :

«A force de vous lire, il me semble qu'une hypothèse plausible échappe à votre perception. Votre théorie du "Système" présuppose que c'est une construction humaine, comme l'URSS d'antan, alors qu'il pourrait être une "chose" constituée en dépit de l'humanité.»

Nous rappellerons cette seule citation du Glossaire.dde (Le Système, le 8 juillet 2013), qui pourrait effectivement servir de conclusion, dans tous les cas du point de vue de la méthodologie recommandée pour lire ce texte...

«Le Système n’a pas de spécificité fondamentale, de “spécialisation” si l’on veut, puisqu’il est “notre Tout” de cette époque, qu’il est le Tout de la crise générale de la civilisation, ou “contre-civilisation” depuis le “déchaînement de la Matière”. Il n’est pas simplement technologique ou “de communication”, même si le système du technologisme et le système de la communication (voir le “Glossaire.dde” du 14 décembre 2012) sont ses deux “sous-systèmes” fondamentaux, – ses “adjoints”, si l’on veut, ou ses deux “bras armés” (dont l’un, le système de la communication, est d’ailleurs suspect de “double jeu”, dans certains cas qui dévoilent son aspect de Janus). Le Système est également politique, militaire et stratégique, économique et financier, social et sociétal, culturel, “entertainment”, etc. ; il est fondamentalement psychologique dans ses effets les plus dévastateurs de contrainte, bien plus que policier ou militariste comme il est également mais dans une moindre mesure. Il est, enfin, historique et à prétention métahistorique; chronologiquement, substantiellement, “structurellement”, il représente nécessairement ce que nous désignons comme “le Mal” (voir le “Glossaire.dde” du 14 février 2013) que dispense le “déchaînement de la Matière”. Il ne peut donc être considéré en aucune façon selon des données partielles, selon des données seulement scientifiques, etc.; il est système anthropotechnique, anthropotechnologique, anthropoculturel, anthroposociétal, anthropométaphysique, etc... En un mot qui conclut cette rapide définition par notre introduction: il est “notre Tout”, et il fait système de toutes les parties du Tout, jusqu’à être Système du Tout. [...]

»Il se trouve comme un élément fondamental pour nous que, dans notre système de pensée, nous croyons, pour notre compte, par intuition sans nul doute mais aussi par confirmation rationnelle selon une réflexion suivie et argumentée, voire éventuellement par expérience selon notre point de vue, à l’existence de forces supérieures échappant à la maîtrise humaine. Par ailleurs, tout dans notre perception, notre réflexion, notre expérience, et bien sûr notre intuition, nous conduit à avancer très fermement le jugement qu’aujourd’hui, le sapiens, guidé en cela par son hybris producteur notamment de narrative faussaires sans nombre, n’a jamais, – nous disons bien jamais, – été aussi peu maître de son destin, et du destin de la part du monde qui lui est attribuée, par rapport à l’Histoire que nous connaissons, et même, et surtout, dirions-nous, par rapport à l’histoire de ce qu’on nomme les Temps Anciens (l’antiquité). Ce n’est pas une question de conquête ni de puissance technologique, etc., mais une question de mesure de l’esprit, qui est le clef de la perception structurée du monde. Sapiens a perdu tout sens de la mesure du monde au profit de cette hybris diabolique, par conséquent tout ce qu’il croit maîtriser est pure illusion.

»... Par conséquent, ces “forces supérieures” absolument hors de la maîtrise humaine dont nous parlons sont effectivement plus actives et influentes que jamais, comme cela est le cas lors des “époques” de rupture fondamentale et métahistoriques ; elles le sont sans qu’il soit nécessaire à ce point que nous les identifions et les habillions d’acronymes type-Pentagone et traduisions leurs pensées et objectifs grâce au brio des trillions de trillions de tristes mégabits de la NSA. Cette conviction s’appuie, chez nous, sur ce que nous considérons être un arsenal intuitif et rationnel. Ainsi sont nos règles du jeu, et elles doivent être respectées pour appréhender complètement nos texte...»