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1295Nous avions été invités le 7 décembre 2006 à l’animation d’une soirée du groupe alternatif du cinéma Nova, consacrée à l’attaque du 11 septembre 2001. La première partie était consacrée à un film de 90 minutes, première partie d’un triptyque consacré à 9/11 : 9/11 Mysteries – Part 1 : Demolitions, réalisé en 2006.
(Cette première partie s’attache à la destruction des deux tours du World Trade Center, et à la destruction mystérieuse de la troisième, la WTC-7. Les deux autres parties ne sont pas encore terminées. Il s’agit d’un magnifique et minutieux travail d’enquête sur l’attaque, le comportement des deux tours principales jusqu’à leur effondrement, les circonstances de la destruction de la troisième, etc. )
Après le film, présentation des débatteurs (Giulietto Chiesa, eurodéputé, journaliste et écrivain ; Philippe Grasset, de dedefensa.org), puis un “questions-réponses” traditionnel.
Le débat fut animé et plutôt de type crescendo, — sympathique, polémique, ouvert, éventuellement houleux ou rigolard. Beaucoup de questions, beaucoup d’interventions. Fort heureusement, on se détacha du seul fait de l’attaque 9/11 pour embrasser toute la période qui a suivi, jusqu’aux questions les plus actuelles.
Confrontés à la tâche inévitable de dire quelques mots d’introduction sur le thème de la soirée, — c’est-à-dire 9/11, — mais en espérant aussitôt nous en détacher pour tenter d’entraîner l’audience vers des thèmes plus généraux et, surtout, caractéristiques de l’époque nouvelle où nous nous trouvons de notre point de vue, nous avons tenté de poser le problème (de 9/11) en des termes nouveaux, ou disons différents.
Nous avons distingué quatre éléments — que nous baptisons aussitôt “les quatre vérités de 9/11”, c’est trop tentant, — qui présentent différents axes d’appréciation.
• La première de ces “quatre vérités” est le simple constat que l’événement de l’attaque du 11 septembre 2001 nous apparaît aujourd’hui comme un événement dépassé, un événement du passé. Cette affirmation a soulevé quelques protestations… Pourtant, il faut la maintenir coûte que coûte, en s’en expliquant certes.
Mais cet événement du passé a provoqué lui-même divers nouveaux prolongements qui caractérisent la nouvelle époque qu’inaugure 9/11.
• Il a précipité une (r)évolution psychologique aux Etats-Unis.
• Il a précipité la mise en place d’un réseau alternatif d’information d’une puissance inimaginable.
• Il a précipité la création de la méthode du virtualisme pour “créer” une fausse réalité à la place de la vraie.
La projection au Nova avait lieu le 7 décembre, ce qui était un symbole intéressant puisqu’il s’agit de l’anniversaire de l’attaque de Pearl Harbor. L’attaque du 11 septembre ne nous a pas paru plus moderne que celle de Pearl, et même plus anarchique ne serait-ce qu’à cause de l’inexactitude de l’analogie. (On fait trop souvent un parallèle entre Pearl Harbor et l’attaque 9/11 alors que l’analogie devrait être évoquée d’une façon antagoniste. Les conditions “opérationnelles” de 9/11 ; notamment l’absence de forces militaires réelles, l’absence d’une entité souveraine chez l’attaquant au contraire du Japon, etc.) justifient cette appréciation antagoniste.
Comment expliquer cette sensation passéiste ? Devant nos yeux, l’Amérique (le réalisateur) s’interroge, elle enquête, elle relève les faits suspects, les affirmations trompeuses. Il y a une volonté de faire la lumière sur l’événement. Paradoxalement, il y a une sorte de certitude fondamentale dans cette quête de l’incertitude. On sent que l’Amérique attaquée le 11 septembre, c’est encore l’Amérique originelle, sûre d’elle-même, assurée de ses processus ; une Amérique qui se connaît, qui ne nie pas ses tares (la corruption, le conformisme, etc.) mais qui ne doute pas que sa vertu fondamentale a tous les outils qu’il faut pour les mettre à jour et les dénoncer ; une Amérique qui ne doute pas, pour faire court, qu’en faisant toute la lumière sur 9/11 elle retrouverait toutes ses certitudes.
Cela, c’est du passé.
Il est bon, il est honorable, que l’on s’emploie à éclairer 9/11 d’autres choses que les palinodies officielles et les jappements un tantinet angoissés des journalistes de la presse MSM/“officielle” ((MSM, ou MainStream Media), qui ne supportent pas qu’une presse non-officielle existe et s’affirme. (On parle de tous ces journalistes qui noircissent du papier pour dénier aux autres le droit d’examiner 9/11 et y découvrir d’éventuelles manipulations...) Pour autant, cela ne fait pas remonter le temps.
Ce que montre 9/11, c’est que l’Amérique attaquée le 11 septembre est bien l’Amérique d’un autre temps. L’Amérique du temps où il y avait l’Amérique comme une espérance inextinguible.
Quoi qu’il en soit d’un possible complot, quels qu’en soient les éventuels participants, il est manifeste que 9/11 a causé à l’Amérique un choc psychologique d’une puissance qu’on peut aisément qualifier de “sans précédent”.
(Sans le moindre doute, le choc causé par Pearl Harbor en 1941 est beaucoup moins important. Les sondages montrèrent cela tout au long de la guerre, où la victoire venait en deuxième position dans les préoccupations des Américains, la première place revenant à la crainte d’un retour de la dépression économique… Justement, s’il fallait une analogie, nous choisirions plutôt le jour du grand Crash de Wall Street d’octobre 1929. A la lumière de la Grande Dépression, qui est la conséquence psychologique bien plus qu’économique du choc de ce jour-là, le Black Thursday d’Octobre 1929 apparaît comme un événement d’une puissance inouïe par l’effondrement de la perception de la puissance américaniste qu’il impliqua pour les psychologies.)
Le choc psychologique causé par 9/11 concerne également les dirigeants. Il y a des signes qui nous paraissent manifestes de la réalité de la transformation, presque instantanée, d’un homme comme GW Bush ou d’un autre comme Dick Cheney. (L’attitude d’un GW apprenant la nouvelle dans une école de Californie (*), filmée comme on le sait, en porte témoignage.) Nous ne dirions pas que cette transformation est un changement radical, du blanc au noir, mais plutôt une transmutation d’une extraordinaire puissance de tendances latentes en attitudes psychologiques irrésistibles. 9/11 a agi comme un “libérateur” psychologique ; il a déchaîné la psychologie américaniste pour le meilleur ou pour le pire. Il va sans dire que, dans la formule et pour le cas GW-Cheney (et l’establishment washingtonien), nous choisissons “le pire”.
Après 9/11, la psychologie américaniste ne connaît plus de bornes. Elle est exaltée, angoissée, paranoïaque, unilatéraliste et autiste, dans une mesure inimaginable et complètement imprévisible. Si tous ces comportements existaient déjà, comme autant de latences plus ou moins affirmées selon les circonstances, ils sont désormais sans frein.
9/11 installe un conformisme de fer. La grande presse officielle US, la presse MSM, semble trouver comme naturellement, comme si sa nature (ses tendances latentes) n’attendait que cela, la voie de la plus complète auto-censure. On observera aussitôt que, dans ce cas également, il s’agit de l’accomplissement d’une attitude latente et déjà exploitée avec habileté et dissimulation, et que nous avons toujours ignorée — nous en Europe, et en admiration devant la Sainte Vertu de la presse américaniste.
Aussitôt, l’auto-censure est devenue censure. Il était dorénavant insensé de mettre en doute la version officielle de 9/11. Cette sotte attitude, à la limite de la puérilité, a marqué pendant 3-4 ans la presse “officielle” soi-disant la plus prestigieuse, du New York Times au Monde, au Financial Times. Les “comploteurs” ou adeptes des théories complotistes se sont réfugiés sur le Net.
En réalité, cette approche de notre thèse est futile. Ce n’est pas à la véracité ou pas d’un complot que nous mesurons le phénomène essentiel que nous voulons présenter ici. Mais il est vrai que la chose est aussi bien introduite parce que la situation est exceptionnelle. Face à cette censure et auto-censure conformistes presque à visage découvert, posées sur ce qui s’affichait jusqu’alors comme affirmation de liberté, s’est dressée une alternative radicale, bientôt concurrente, bientôt irrésistible. On est conduit à penser que ceci explique cela ou, pour le moins, le facilite.
Après l’expérience préliminaire de la guerre du Kosovo (voir “Notre samizdat globalisé”, sur ce site), 9/11 permet l’achèvement de la mise en place de l’information libérée des contraintes économiques et donc apte à tenir à distance le conformisme (voir “Notre samizdat globalisé (suite)”, également sur ce site).
Les canaux de l’information dissidente triomphent sur Internet. D’importantes nouvelles font surface par cette voie de communication. Certains spécialistes de ces canaux dissidents sont reconnus et publiés dans la grande presse officielle (cas du Pr. Juan Cole et de son site Informed Comment) sans qu’ils abandonnent pour autant leurs propres moyens de diffusion. Les audiences de la presse indépendante sont désormais considérables, même sans aucun moyen de promotion (voir notre propre cas).
La presse officielle ne connaît plus d’impunité parce qu’elle a perdu son exclusivité. La puissance économique n’est plus nécessaire pour être un diffuseur d’informations, et des plus crédibles. Au contraire, cette absence de pression économique sur les auteurs des canaux dissidents leur vaut évidemment un crédit considérable. L’information achève sa mue fondamentale commencée à la fin du XXème siècle. Ce siècle ne ressemblera pas au précédent.
Dans la rubrique Analyse du numéro 07, Volume 22 (10 décembre 2006) de notre Lettre d’Analyse dd&e, nous décrivons la politique extérieure US à l’heure de ce que nous nommons l’ère psychopolitique. Nous écrivons notamment :
« Nous prenons comme point de départ le 11 septembre 2001. Il n'est pas temps de dire que tout a changé ce jour-là, que la veille (le 10 septembre) il s'agissait d'un monde différent et que, le mardi 11 septembre, tout devint différent. Il n'empêche, les événements furent, ce jour-là, assez frappants pour nous permettre de procéder de la sorte. Si l'on veut, “tout se passe comme si”, pour les USA, tout changea le 11 septembre 2001. En un jour, en quelques heures, tous les changements visibles ou non, accumulés dans les années, peut-être les décennies précédentes, se mirent en place pour permettre aussitôt une nouvelle forme de politique extérieure qui correspondit aussitôt à la nouvelle époque qui se mettait en place.
»... Mais nous voulons dire par là quelque chose de très particulier. L'important n'est pas l'attaque du 11 septembre, dans le cas qui nous occupe, mais la perception qu'on en eut. Cette perception ne fut pas formée par l'attaque ni par une analyse rationnelle de l'attaque mais par l'image qu'en projetèrent nos moyens de communication. C'est-à-dire que nous n'eûmes pas une mais dix, cent, mille attaques ce jour-là. La projection “en boucle”, sur toutes les TV, entrecoupée de nouvelles “du front”, transforma fondamentalement la perception de l'événement. On eut bientôt, en quelques heures, la perception d'un événement monstrueux, inimaginable, auquel rien ne pouvait se comparer en horreur, en tension, en émotion, que ce soit la Guerre Civile, Verdun ou Hiroshima. Ainsi naquit la nouvelle politique étrangère de l'ère psychopolitique.»
Parlant de l’ère psychopolitique, nous parlons également du virtualisme, qui est un autre de nos concepts favoris. Le virtualisme, est le géniteur monstrueux de l’ère psychopolitique. Par elle-même, comme nous l’observons par ailleurs, l’ère psychopolitique n’est ni bonne ni mauvaise. Il s’agit d’une nouvelle époque, caractérisée par un déplacement du centre de puissance de l’économie de force influant sur la géographie (géopolitique) vers les réseaux de communication dont l’influence s’exerce sur la psychologie.
Il nous semble manifeste que 9/11 a installé cette nouvelle époque, évidemment en germe dans ce qui a précédé. C’est un apport fondamental d’un événement qu’il nous reste complètement à apprécier dans sa véritable substance, dans un contexte historique. De ce point de vue, 9/11 est aussi bien un événement destructeur (de la fausse “hyperpuissance“ américaniste) qu’un événement fondateur (de l’ère psychopolitique).
(*) Note du 31 décembre 2006 : notre lecteur repris en commentaire de ce texte a parfaitement raison. Il s'agit de la Floride et non de la Californie. Avec toutes nos excuses.
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