Les étoiles (US) sans enthousiasme belliciste

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Les étoiles (US) sans enthousiasme belliciste

Partout à Washington, généraux et amiraux argumentent contre ou condamnent les perspectives de guerres diverses (Iran, Syrie) agitées par les habituels civils allumés par les perspectives rancies des increvables neocons … L’apparent paradoxe de l’opposition à l’attaque de l’Iran de chefs militaires US, ou de chefs militaires US récemment retirés, et également de l’opposition dans les mêmes milieux à une intervention en Syrie, continue à s’affirmer, en même temps qu'il nous ramène à une position connue. En quelques jours, divers évènements ont placé des chefs militaires à la retraite, donc dégagés d’un “devoir de réserve” dans les prises de position politiques, ou bien des chefs militaires en fonction, dans une posture antiguerre marquée concernant l’attaque de l’Iran ou d’éventuelles opérations en Syrie.

• Dans le premier cas chronologique, on retrouve l’amiral Fallon, (cette fois à la retraite), qui s’était affirmé comme la figure centrale du sabotage de toute tentative d’attaque contre l’Iran dans les années 2007-2008. Il a à ses côtés, dans le même rôle d’opposant à la guerre contre l’Iran, l’ancien adjoint au président des chefs d’état-major, le général des Marines Cartwright. (C’est Antiwar.com qui rapporte ces interventions, le 2 mars 2012, à partir d’un débat tenu le 28 février au CSIS de Washington.)

«“We are reaching this crescendo of talk – just constant – war, war, war,” said former CENTCOM Commander, Admiral William J. Fallon. ”It’s almost like the old movie, the black and white, beating the drum, and the galley slaves. And the chant goes on. Certainly not very helpful at all.”

»Fallon spoke on a panel hosted by CSIS along with former Vice Chairman of the Joint Chiefs of Staff General James Cartwright last week. The panelists were in firm agreement that a military operation to try to stop Iran’s nuclear program is a bad option for the United States. When asked if a military strike could prevent a nuclear-armed Iran, General Cartwright replied bluntly, “no.” He explained, “you’re not going to kill the intellectual capital to just rebuild the centrifuges someplace else and continue on.”

»Asked whether others in the military believed that a military strike on Iran would be prudent, the men indicated they did not. “No one that I’m aware of [in the military] thinks that there’s any real positive outcome of a military strike or some kind of conflict,” Admiral Fallon said. …”At the end of the day,” said Admiral Fallon, “these are people - 70,000,000 of them. They have aspirations and desires, and there needs to be room for demonstrated cooperation and a willingness to walk away from things that are detrimental to the region–that there’s something in this for them. And so, having some light at the end of the tunnel, not closing off all options, but letting them know ‘hey, we’re willing to have you play a role in the region. You got a lot of capability, you got a lot of smart people, a lot of things you could really be helpful [with] if you decided to be cooperative in your dealings with your neighbors.’”»

• Le 5 mars, une annonce sous forme de lettre ouverte paraissait dans le Washington Post, engageant Obama à ne pas céder aux “sirènes” bellicistes” type-Netanyahou, pour une attaque contre l’Iran. Elle était signée de différentes personnalités militaires à la retraite (avec certains civils ayant occupé des postes de responsabilité de sécurité nationale). A nouveau, Antiwar.com rend compte, ce même 5 mars 2012, de cette initiative.

«Several former high-level military and intelligence officials took out a full page ad in Monday’s Washington Post urging President Obama to resist pressure to attack Iran nuclear program. The letter retired Army Maj. Gen. Paul Eaton, retired Army Lt. Gen. Robert G. Gard Jr., retired Marine Gen. Joseph Hoar, retired Army Brig. Gen. John H. Johns, retired Army Maj. Gen. Rudolph Ostovich III, former deputy director of National Intelligence for analysis Thomas Fingar, former CIA national intelligence officer Paul Pillar, and retired Army Col. Lawrence Wilkerson.

»The page is headlined “Mr. President: Say No to a War of Choice with Iran,”… […] The letter states that “not every challenge has a military solution” and “unless we or an ally is attacked, war should be the option of last resort.»

• Le 6 mars 2012 (AFP, par RAW Story), le général des Marines James Mattis, commandant à CENTCOM, dont dépend la région de l’Inde à l’Egypte, déposait devant le Congrès. Mattis s’est montré très réticent devant la possibilité d’une intervention armée US en Syrie. Mattis a mis en évidence le rôle opérationnel des Russes et la présence massive d’al Qaïda dans les rangs des rebelles qui seraient les alliés des USA dans une telle aventure... (A noter que c'est la première fois que l'argument opérationnel de l'intervention russe en Syrie, même indirecte, est présenté comme péremptoire dans une crise de cette sorte. C'est une nouveauté qui en dit long sur l'évolution des rôles et de l'influence de chacun dans cette région. [Voir aussi notre Bloc-Notes de ce même 8 mars 2012.])

«Possible military intervention against the regime in Syria would be “extremely challenging” given the country’s advanced air defenses and the presence of Al-Qaeda extremists, a top US general said Tuesday. Syria has Russian-made missiles and radars that would complicate any outside effort to use air power to protect civilians or resistance forces, General James Mattis, head of US Central Command, told the Senate Armed Services Committee.

»“The Russians have provided very advanced integrated air defense capabilities — missiles, radars, that sort of thing — that would make imposition of any no-fly zone challenging if we were to go that direction,” Mattis said.»

• Mattis a été complètement confirmé, dans des termes très similaires, par son président du comité des chefs d’état-major, le général Dempsey, qui témoignait le 7 mars devant le Congrès (voir Russia Today, le 8 mars 2012), au côté du secrétaire à la défense Panetta, qui l’a complètement soutenu dans sa position.

«Among the military options, Dempsey envisaged the enforcement of a no-fly zone and humanitarian relief. Panetta added that other non-lethal assistance was also being considered. But Dempsey warned that a long-term air campaign would pose a challenge because Syrian air defense systems are a lot more advanced than those Libya had, and are mostly located in populated areas.

»“They have approximately five times more sophisticated air defense systems than existed in Libya, covering one-fifth of the terrain,” he said. All of their air defenses are arrayed on their western border, which is their population center." Suppressing such air defenses would take an extended period of time and a significant number of aircraft. An effort like this could only be led by the United States, Dempsey explained. And given the location of Syria’s air defenses, a potential military strike targeting them could mean scores of unintended deaths.»

Il est assez intéressant de mesurer l’évolution des positions depuis le début de l’administration Obama sur cette question de l’interventionnisme militaire. En 2009, le débat se développa entre les militaires (essentiellement Petraeus et McChrystal), partisans d’un engagement accentué en Afghanistan contre Obama qui semblait vouloir résister (voir notamment le 29 septembre 2009). Cette fois, la faction belliciste des militaires semble complètement dissoute dans une position générale qui est son contraire, qui rappelle celle des militaires contre GW Bush dans les années 2007-2008. Le retour public de Fallon, silencieux depuis sa démission de mars 2008, est significatif. La position des militaires de 2007-2008, avec leur argument contre des guerres inutiles et coûteuses, avec des conséquences potentielles désastreuses, est aggravée et renforcée dramatiquement par une position budgétaire et structurelle des forces armées US catastrophique.

(Il faut noter, en nous référant à notre article du 17 février 2012, la spécificité de la position de l’U .S. Navy. Lorsqu’il s’agit de la liberté et du contrôle des mers, notamment par rapport à la liberté de navigation dans le détroit d’Ormouz, l’U.S. Navy a une position agressive, car il s’agit d’une prérogative fondamentale de son point de vue. Le cas est tout à fait différent de celui d’une attaque contre l’Iran, qui suppose une guerre offensive dont la Navy ne voit absolument pas, ni l’avantage, ni la nécessité. Les deux “Fox”, l’amiral Mark Fox qui commande actuellement la Vème Flotte et affirme la prépondérance de la Navy dans le contrôle de la navigation dans le Golfe, et l’amiral à la retraite William “Fox” Fallon, qui plaide contre une attaque de l’Iran, sont au fond complètement d’accord.)

Actuellement, l’argument selon lequel Obama ne veut pas d’engagement militaire, aussi bien en Syrie que contre l’Iran, et laisse parler ses militaires dans ce sens, n’empêche en rien le constat que c’est lui, Obama, qui a laissé filer sa politique jusqu’à en faire de facto une continuation de la “politique-Système de l’idéologie et de l’instinct” inaugurée par GW Bush. Qu’il tente indirectement aujourd’hui d’en limiter les effets et les écarts, d’ailleurs plus par manque de moyens et par intérêt électoral, ne l’exonère en rien de la faute originelle dans son mandat. En ne mettant pas un terme brutal à cette politique, par indécision et goût de la manœuvre politique pour se concilier tous les partis, Obama a effectivement poursuivi et réactivé cette politique, si bien qu’il donne une certaine “légitimité-Système” aux clowns de service, type-McCain, lorsqu’ils réclament une intervention en Syrie, et, à l’occasion, lorsqu’aura lieu la prochaine audition sur le sujet, une attaque contre l’Iran,.

Nous sommes donc à nouveau en 2007-2008, avec beaucoup de moyens en moins, une situation budgétaire catastrophique, et une situation économique et générale idem. Mais la “légitimité-Système” de la politique interventionniste et belliciste existe toujours et ce sont les militaires qui, une fois de plus, se battent pied à pied contre elle. (…Cela, bien entendu, sans préjuger des engagements secrets et illégaux déjà réalisés, par diverses “forces spéciales” et autres, dont le texte référencé de Russia Today rappelle les principaux éléments connus. Cette situation, par rapport aux réticences des chefs militaires vis-à-vis des interventions armées, explique en bonne partie le projet actuellement en examen de faire passer le JSOC, ou commandement interarmes des diverses “forces spéciales”, sous le contrôle de la CIA.)

 

Mis en ligne le 8 mars 2012 à 12H23