Les USA face à l’Iran : la puissance passe la main

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Selon le site DEBKAFiles, les USA auraient modifié leur attitude vis-à-vis d’un durcissement des sanctions contre l’Iran et, éventuellement, d’un soutien ou d’une participation à une possible attaque contre l’Iran (par Israël, avec ou sans la participation US). La nouvelle que présente le site DEBKAFiles expose la situation, principalement autour du fait du déclin de la puissance militaire US, sans autrement élaborer à propos de l’aspect politique (volonté d’une attaque ou pas). C’est effectivement, selon nous, ce point de la capacité militaire des USA, notamment en relation avec la situation financière et économique, qui est intéressant.

Le 8 novembre 2011, effectivement DEBKAFiles détaillent les raisons qui auraient conduit l’administration Obama à écarter un durcissement systématique, aussi bien au niveau des sanctions, qu’à celui d’une possible attaque.

«Four considerations persuaded the Obama administration to backtrack on new sanctions, thereby letting Tehran prevail in this round of the nuclear controversy:

»1. Because it is too late. Even the harshest sanctions would not alter the fact that Iran has arrived at a position wherbey it is capable of building a bomb or warhead any time it chooses.

»2. Severe penalties against Iran's central bank and its fuel exports would exacerbate the turmoil on international financial markets. The Los Angeles Times reported Tuesday, Nov. 8, “Though US officials had declared they would hold ‘Iran accountable’ for a purported plot [to assassinate the Saudi ambassador to Washington], they now have decided that a proposed move against Iran's central bank could disrupt international oil markets and further damage the reeling American and world economies.” Instead, say those officials, Washington will seek to persuade some of Tehran's key trading partners, including the Persian Gulf states, South Korea and Japan, to join existing sanctions.

»3. For the first time in American history, Washington has admitted its military capabilities are constrained by economic concerns. This constraint was also reflected in the Washington Post of Tuesday: “The possibility of a US strike is considered remote, however. That is partly because there is no certainty it would successfully stop Iran and partly because of the diplomatic and political repercussions for a cash-strapped nation emerging from two wars.”

»4. Israel's Defense Minister Ehud Barak said Tuesday in a radio interview that he was not optimistic about tough sanctions because there was no international consensus to support them…

Dans la même interview citée dans le quatrième point, le ministre israélien Barack dément qu’Israël ait pris la décision d’attaquer l’Iran. L’absence de “consensus international” à laquelle il se réfère concerne notamment, d’une façon générale et extrêmement appuyée, la Chine et la Russie. Antiwar.com relate, le 8 novembre 2011, cette intervention des deux puissances, ainsi que celle de l’Allemagne, contre toute possibilité d’attaque de l’Iran. La France est également hostile à cette idée.

Il y a donc un paysage général qui s’assombrit rapidement pour d’éventuels projets, même de pressions violentes contre l’Iran, avec néanmoins l’évolution de cette loi HR1905 à la Chambre des Représentants, qui pourrait être votée contre l’avis du président Obama et conduirait à une autre crise, d’abord entre le Congrès et le président. On a déjà eu l’exemple de lois de cette sorte votées par le Congrès contre l’avis du président, notamment durant les mandats Clinton, et toujours à propos de l’Iran. Cette sorte d’initiative, lorsqu’elle n’est pas synchronisée avec l’administration, introduit un désordre considérable, d’abord aux USA même. On dira que Washington, aujourd’hui, n’en est pas un désordre près…

Le plus important, dans ce paysage tourmenté, reste l’affirmation de DEBKAFiles, selon laquelle les USA ont d’abord passé la main parce qu’ils n’ont pas la capacité militaire de soutenir, ou de participer à une attaque contre l’Iran d’une façon adéquate selon leurs conceptions. Comme le souligne DEBKAFiles, c’est une “première” dans l’histoire des Etats-Unis, dont l’affirmation militaire est la principale manifestation “activiste” de leur puissance, et un moyen fondamental de substantiver leurs pressions constantes et leur hégémonie sur le reste du monde. Il s’agit donc du terme d’une décadence continue des capacités de cette puissance militaire depuis les années 1950, lorsque l’appareil militaire US était d’une capacité telle qu’il pouvait envisager “deux guerres et demie” (c’est-à-dire, simultanément, deux guerres conventionnelles du plus haut niveau, – comme pendant la Deuxième Guerre mondiale, en Europe et dans le Pacifique, – et en plus une “demie guerre”, ou guerre de basse intensité, de type non conventionnel, comme une guerre de contre-guérilla ou une guerre conventionnelle contre une puissance régionale de capacités non globales). Aujourd’hui, les USA sont officiellement engagés dans l’équivalent postmoderniste de ce qu’on nommait dans les années 1950 une “demie guerre” (en Afghanistan) et ils estiment ne pas pouvoir envisager un autre engagement d’une intensité équivalente quoique dans des conditions très différentes, contre l’Iran, si la nécessité s’en présentait.

Bien entendu, on constate également, dans l’analyse de DEBKAFiles, la mention des interférences de la crise financière et de la crise économique, aussi bien au niveau intérieur US qu’au niveau international, dans le blocage de la politique de Washington vers une option sanctions dures/attaque possible. Cela est à considérer à côté des limitations réelles des capacités militaires US, les deux choses s’équivalant, et s’additionnant dans ce cas pour renforcer l’impasse. On observera que ce schéma correspond à l’évolution que nous avons signalée le 2 novembre 2011 des relations internationales vers une situation chaotique, où les puissances, y compris et particulièrement les USA, sont conduits à une politique extérieure complètement dépendantes de leurs crises intérieures, et par conséquent limitée d’autant. Dans le cas des USA, c’est particulièrement grave, dans la mesure où leur puissance est effectivement basée, comme on l’a déjà dit, sur l’outil militaire, et un outil militaire appuyé sur une capacité de projection de forces extrêmement coûteuse et extrêmement lourdes du point de vue économique, et, en contrepartie, extrêmement sensibles à des conditions intérieures détériorées. La démonstration en serait donc faite ici, confirmant que la position en retrait des USA durant l’affaire libyenne était bien l’expression de ces premiers signes de la fin de la supériorité militaire absolue des USA sur le reste, – et, surtout, de la fin de la capacité des puissances de maîtriser leurs politiques extérieures. Il s’agit bien de l’entrée dans l’ère capitale où les événements imposent les politiques, et notamment les événements intérieurs par rapport aux politiques extérieures.


Mis en ligne le 8 novembre 2011 à 15H09