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1378L’excellent M K Bhadrakumar porte toute son attention, ce 5 janvier 2013, sur des nouvelles du BRICS, qui regroupe dans une association informelle et aux compétences peu définies, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Nous apprenons notamment ceci :
• Le 1er janvier 2013, le Conseiller principal de Sécurité Nationale (National Security Advisor, ou NSA) du gouvernement indien Shiv Shankar Menon a rencontré son vis-à-vis iranien, le secrétaire général du Conseil National de sécurité de l’Iran, Saeed Jalili. Une rencontre, observe M K Bhadrakumar, “extrêmement significative dans sa chronologie et dans son contenu”. Ce qui a été discuté, c’est l’ouverture probable de négociations pouvant amener à un complet bouleversement stratégique autour de l’Iran, et ces négociations entre l’Iran et les USA. M K Bhadrakumar considère que la nomination de Chuck Hagel à la tête du Pentagone, attendue à Washington cette semaine, peut-être aujourd’hui ou demain, est un élément primordial pour l’évolution de la situation iranienne et des relations USA-Iran ; pour lui, Hagel ne serait pas loin d’être “l’oiseau qui annonce le printemps”, l’homme-clef pour débloquer décisivement la situation entre l’Iran et les USA. On verra…
• Le BRICS, lui, a déjà vu, et c’est là une information particulièrement importante. L’Inde a décidé d’inviter les autres NSA du BRICS pour une rencontre, jeudi prochain à Delhi, avec Shiv Shankar Menon. Ce sera la première fois que cette association se réunira, avec des représentants et sur des thèmes essentiellement stratégiques et de sécurité nationale. Nul doute que Menon parlera à ses collègues de sa rencontre avec Jalili ; et puis, le reste… «The BRICS meet is expected to focus on the Middle East and what passes as ‘counter-terrorism’. The brew in the BRICS NSAs’ cauldron can be expected to carry the flavor of the season — Syria, Iran, Arab Spring, Afghanistan and so on. As host country, the responsibility to distill the consensus on these burning issues lies with New Delhi.»
• Il y a deux dimensions dans cette réunion. D’abord, sa connexion avec les événements en cours et, peut-être, – sans doute, sûrement, – avec l’évolution possible entre les USA et l’Iran à la lumière de la nomination probable de Hagel, et aussi avec toutes les conséquences de cela sur la situation stratégique de la région. La seconde dimension, selon une question spéculative posée par notre commentateur, c’est de savoir si cette rencontre pourrait devenir un modèle-“pilote”, comme l’on dit de la première émission d’une série TV, d’un processus de consultation régulière des NSA des pays du BRICS. Il s’agit de l’idée d’une structuration de coopération stratégique, qui conduit M K Bhadrakumar à faire un parallèle entre le BRICS et l’OCS (le BRICS est-il en train de devenir une seconde Organisation de Coopération de Shanghai, quant à son fonctionnement ?).
• Un test majeur pour répondre à cette question spéculative repose sur les relations et la valeur des rapports entre le NSA indien, Menon, et le NSA chinois Dai Binghuo (ce sera leur deuxième rencontre en quelques mois). Si l’on comprend bien M K Bhadrakumar, on pourrait avancer l’hypothèse que le BRICS est à un tournant de son existence dans le sens décisif d’une extension institutionnelle vers des sujets stratégiques, – alors que, note ironiquement notre commentateur, plusieurs voix et articles annoncèrent ces derniers mois son enterrement. En bref : si les Indiens et les Chinois arrivent à s’entendre dans ces discussions fondamentales de sécurité nationale, le reste doit suivre, et le BRICS achever ainsi sa mue.. «Because, it also signifies consolidation of the remarkable transformation that has come over the India-China discourses in the past year. There is no gainsaying the fact that the BRICS’s strategic credibility in the international system depends heavily on the extent to which China and India can set aside their differences and recognize that they have more — much more, in fact — in common by way of shared interests and concerns than what might separate them in the contemporary world situation.»
Depuis plusieurs semaines, déjà, résonnent les rumeurs d’un accord entre l’Iran et les USA, à faire, déjà-fait, presque-fait, en-cours-de-manufacture, etc. En cette rentrée de janvier, la rumeur est plus forte que jamais, et il faut bien dire que la très probable nomination de Hagel ajoute une cerise sur le gâteau, de si bel aloi que la cerise pourrait apparaître comme supplantant le gâteau lui-même. Dans ce cadre, les manœuvres du BRICS, telles que nous les décrit M K Bhadrakumar, ont du sens. Passer alors du conjoncturel (l’agitation à propos des relations USA-Iran) au structurel (passer à des consultations régulières intra-BRICS, au niveau de la sécurité stratégique), devient presque logique. Il faudra donc suivre cette évolution possible du BRICS, avec à l’esprit cette remarque de M K Bhadrakumar selon laquelle le succès de la chose repose en grande partie sur l’amélioration décisive des relations de sécurité stratégique entre l’Inde et la Chine, – ce qui permettrait alors de mesurer la capacité vertueuse et assez paradoxale inhérente à une association comme le BRICS : réussir à rapprocher deux voisins géopolitiques de cette importance dans le cadre d’une association qui n’a pas grand sens géopolitique… Au reste, la réunion proposée par les Indiens constitue elle-même un événement original, puisqu’elle porte sur un domaine fondamentalement géopolitique et rassemble des pays qui ne sont fondamentalement liés entre eux tous par aucun des habituels facteurs géopolitiques. Si cette réunion devient structurelle pour le BRICS, on aurait là un signe de plus, d’une force singulière, qu’aujourd’hui les questions géopolitiques ne se règlent pas par des outils ou des situations géopolitiques, mais à l’occasion de rassemblements qui ne se réfèrent pas à la géopolitique… Le BRICS, décidément et s’il lui faut une définition, se définit essentiellement par une fonction antiSystème potentiellement très forte.
Cela nous conduit à observer qu’en cas de développements de cette nouvelle structure que signale et qu’espère M K Bhadrakumar, il ne s’agira en aucun cas de l’émergence dans le chef du BRICS d’un nouveau centre de puissance, comme on a l’habitude d’en identifier en se référant à la géopolitique. Il s’agit, d’une façon très différente, de l’apparition possible d’une structure dont le rôle est de tenter de contenir, d’exercer ce qu’elle peut fournir en matière de tentative de contrôle, d’événements dont il est manifeste que personne ne les contrôle plus fondamentalement. Cette perte de contrôle, on le sait, est due à la politique-Système, et c’est donc bien à la lumière de cette référence qu’il faudra voir l’éventuel renforcement du BRICS dans le sens structurel qu’envisage M K Bhadrakumar. La définition qu’on en peut proposer est effectivement de type antiSystème.
Mis en ligne le 7 janvier 2013 à 03H41
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