Lind, plus que jamais Cassandre

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“Cassandre”, ou bien, selon lui-même, “Caton” (le vieux Caton du “Delenda est Cartago”), – William S. Lind continue imperturbablement à nous offrir des scénarios fort peu optimistes. Cette fois, il attire notre attention sur “l’autre élection”, dans un article du 29 octobre sur Antiwar.com. L’autre élection, c’est Israël. Si des élections ont lieu en février 2009, – et si, comme certains sondages l’avancent, le Likoud était gagnant? C’est l’hypothèse qu’envisage Lind, – dans un cadre général où Obama aurait été élu et où tout le monde en attendrait l’apaisement des engagements guerriers US, notamment au Moyen-Orient…

«A Likud government in Israel come next spring would make two wars virtually certain: a war between Israel and Hezbollah and another between Israel and Iran. The Israeli military leadership recently announced that in the event of another war with Hezbollah, Israel would destroy Lebanon's civilian infrastructure throughout the country. Since the neo-libs will make certain America backs Israel to the hilt, worldwide Islamic anger over the unnecessary destruction of a small, helpless Middle Eastern country (at least a third of whose people are Christians) will focus as much on America as on Israel. Islamic 4GW organizations will get a huge boost to their recruiting and fundraising, while the legitimacy of Islamic states with ties to America will be further weakened.

»An Israeli attack on Iran, in turn, could bring about the loss of the army America has in Iraq. If I sound like Cato in repeating this warning endlessly, I do so with reason. The destruction of an entire American army would mark an historic turning point, America's Syracuse Expedition, which is what the Iraq war has resembled from the start. Our strategic position in Iraq hangs by a thread, its long, thin supply line coming up through the Persian Gulf and Kuwait. If Iran and its allied Iraqi Shi'ite militias cut that line, the best outcome we can hope for is a sauve qui peut withdrawal of U.S. forces north into Kurdistan.

»To this happy picture a Likud government in Israel might add a war with Syria and an open U.S. break with Pakistan, driven by Pakistani popular anger at America for its alliance with a Likud-led Israel. That would cut our main supply line for the war in Afghanistan, again forcing a withdrawal.

»All of this would occur against a background of a world economic depression, a depression wars in the Middle East would intensify. The price of oil, now artificially depressed by a fire sale of commodities held by hedge funds, would soar to unprecedented heights. Those countries still exporting oil might dump the dollar and demand payment in gold. The American defense budget could skyrocket at a time when the U.S. faced an urgent need to cut federal spending, leading to printing-press dollars and hyperinflation.»

Ce que Lind écrit de l’influence d’Israël sur les démocrates, et sur Obama sans nul doute, est conforme à ce qu'on sait de la réalité à cet égard. Cette situation décrite par Lind pourrait constituer une sorte d’exemple structurel d’une présidence Obama bâtie sur un plébiscite et d’une victoire écrasante du parti démocrate au Congrès. Il s’agirait d’une part de l’installation d’une puissance force politique sans doute sans précédent dans l’histoire des USA, quasiment sans contrepartie ni contrepoids, d’autre part d’une puissante force politique avec quelques points précis d’extrême faiblesse. L’influence israélienne du Likoud sur les démocrates, qui est un processus complexe où entrent en jeu des attitudes politiques autant que des situations d’influence et des mécanismes psychologiques, est un de ces points de faiblesse d’une puissante victoire démocrate. C’est aussi une occurrence où un parti démocrate et un Obama tournés vers la situation intérieure seraient obligés brutalement de se retourner vers la politique extérieure dans des conditions très difficiles.

De ce point de vue des imbrications de la politique, Lind n’a pas tort. Du point de vue des “images”, effectivement, une victoire triomphale des démocrates suivie d’une victoire du Likoud installerait une situation où l’eau et le feu serait obligés de s’accorder. Le Likoud serait d’autant plus poussé à des mesures extrêmes qu’il aurait en face de lui un partenaire puissant mais à propos duquel il entretiendrait quelques doutes concernant sa résolution guerrière (par rapport à l’administration Bush); et sur lequel il serait conduit à exercer toute la puissance des réseaux de l’influence d’Israël sur la politique US. Les démocrates, soumis à cette influence à laquelle ils sont très sensibles, seraient d’autant plus empressés à répondre à ces sollicitations guerrières qu’ils craindraient d’être accusés de faiblesse dans un domaine de politique extérieure régi essentiellement par l’influence, l’émotion de l’argument et un “politically correct” pro-israélien de fer dans la politique US. La référence de Lind à 1914, qui est une de ses périodes historiques favorites, est alors justifiée: «[The Democratic Party's foreign policy establishment] is as tied to Israel as Russia's foreign policy establishment was tied to Serbia in 1914. Past, I suspect, is prologue.»

La situation stratégique qu’évoque Lind n’est pas nouvelle pour lui. Lind a toujours considéré que le déploiement du corps expéditionnaire US en Irak constituait un risque très grand de revers stratégique, selon des effets indirects de situations autour de l’Irak. Effectivement, si une telle explosion de violence avait lieu, il semble assuré que des répercussions graves auraient lieu en Irak; si l’on considère l’actuelle dégradation politique dans ce pays, essentiellement entre les USA avec leurs exigences et les forces politiques irakiennes principales, cette issue catastrophique qu'évoque Lind serait possible.


Mis en ligne le 30 octobre 2008 à 05H26