Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
641Certes, il est plutôt consternant de voir les Etats membres de l’UE soumettant leurs budgets nationaux à la vigilante supervision de la Commission européenne, avant que les Parlements nationaux, encore utiles par conséquent, se prononcent. Les Britanniques, eux, vont un peu plus loin, – c’est-à-dire que c’est déjà fait, la supervision se résumant à dépendre d’un veto extérieur. Ils vont à Washington présenter leurs projections budgétaires en matière de défense à la vigilante attention du secrétaire à la défense Robert Gates. Ce fut l’objet de la rencontre entre Gates et Liam Fox, mercredi à Washington, telle que la rapporte le New York Times du de 23 septembre 2010.
Extraits des révérences et préoccupations des uns et des autres…
«With other European nations embarking on substantial military spending retrenchments, and the Obama administration committed to acting in concert with allies whenever possible, the British spending review has received high-level attention in Washington, including in a meeting on Wednesday between Liam Fox, the British defense minister, and Defense Secretary Robert M. Gates.
»Mr. Fox told reporters later that, after any cuts, the British military would be able to respond to a broad array of threats and retain capabilities particularly valued by the Pentagon. He identified those as Britain’s Special Forces, its nuclear deterrent, its participation in the Joint Strike Fighter program and its ability to deploy substantial forces when needed. “We would be able to maintain a moderate deployable force for a considerable length of time, if required,” Mr. Fox added. “Maybe not exactly at the level we have now, but at still a respectable and useful level.” […]
»The cuts have set off a heated debate among Britain’s military services about what capabilities should be kept — and about the painful tradeoffs. British Army officers have questioned whether Britain should build two new costly aircraft carriers, and there have been fierce arguments about the cost of replacing submarines that carried nuclear-tipped Trident missiles. “There is no way that the U.K., in the current financial climate, will be able to maintain a permanent at-sea, submarine-based nuclear deterrent, the size of fast jet fleet that we currently have, the ambition for a two-aircraft carrier strike program and an army of 100,000,” said Richard Dannatt, the former head of the British Army. […]
»Whatever budgetary steps the British take have major implications for United States military planning. More than other allies, Britain has displayed both the will to join the United States in the initial phase of military operations and the wherewithal to quickly deploy, sustain and command its own forces. […]
»A spokesman for Mr. Gates declined to comment in detail on the meeting with Mr. Fox, who noted that he had gone over the budget review with Mr. Gates. “There will have to be some choices made,” Mr. Fox said. “So we need to concentrate on where we think we can be best contributors as an ally for the United States as well as being able to deal with Britain’s unique security interests.”»
Ces échos washingtoniens sont accompagnés d’une réaffirmation de la teneur du processus de réalignement du budget de la défense britannique. Les mots “improvisation”, “brutalité des décisions” éventuelles, “absence de coordination” le caractérisent. C’est effectivement le Trésor qui conduit ce processus en imposant ses limites budgétaires, bien plus que les priorités stratégiques du MoD conduisant à des choix et à des décisions («“We have not had enough time to produce a coherent strategic and defense overview,” said Paul Cornish, the head of the international security program at Chatham House, a leading British research center. “Instead of it being a Treasury-informed defense review, it is, by most accounts, Treasury-led. This is a fairly brutal cost-cutting exercise.”»)
On le devine, ce sont bien les caractères qui dominent et qui ont marqué la visite de Fox à Gates : confusion, indécision et sourires contraints. Les Britanniques du MoD savent qu’ils doivent couper beaucoup dans leurs effectifs et leurs programmes mais ils ne savent pas exactement comment puisqu'ils ne savent pas exactement combien, puisque c'est le Trésor britannique qui fixe les chiffres. La conséquence a été une présentation un peu chaotique de Liam Fox à Robert Gates, dans une rencontre qui apparaît assez surréaliste si on en mesure les aspects politiques généraux et fondamentaux ; il s’agit tout de même d’un ministre de la défense d’un pays qui se proclame souverain à qui veut l’entendre, venant chercher l’approbation de ses projections budgétaires, de ses choix d’effectifs, de programmes, etc., dans le chef du ministre de la défense d’un autre pays, tout aussi souverain semble-t-il. Par ailleurs, la servilité du comportement du ministre britannique de la défense était à la mesure de l’incapacité où il se trouve de donner les précisons qu’exigent les Américains. Ainsi, lorsqu’il déclare que Washington (le Pentagone) devrait être satisfait de son allié accessoire parce que cet allié conserve sa dissuasion nucléaire, alors que le cas des Trident n’est en rien résolu et fait l’objet de tractations politiques à Londres, avec la probabilité d’un recul de la décision de poursuivre ou pas les projets de modernisation.
D’un côté, Fox et les Britanniques pensaient rassurer les Américains avec des engagements formels, particulièrement celui sur le JSF. Il n’est pas sûr qu’ils y aient réussi, parce que, pour le Pentagone, l’engagement UK dans le programme n’est pas un avantage ni un motif de satisfaction, ni une heureuse surprise, mais un fait acquis. Ce que veut prioritairement le Pentagone, c’est écarter la possibilité de réductions d’autour de 20% des forces terrestres et d’intervention britanniques, car il peut avoir besoin des supplétifs britanniques pour l’un ou l’autre Irak, l’un ou l’autre Afghanistan supplémentaires. Il s’agit d’un impératif de la planification US, déterminant pour les grands engagements stratégiques des années à venir. Mais si les Britanniques doivent céder et “réduire la réduction” prévue sur leurs forces terrestres, il leur fait trouver de l’argent ailleurs. On s’approche alors de ce que les Britanniques eux-mêmes considèrent comme les “vaches sacrées” par rapport à Washington, dont certaines ont d’ailleurs elles-mêmes leur sort en balance (le Trident).
Pour l’instant, un seul programme est présenté officiellement comme intouché, sinon intouchable, la participation UK au JSF. L’affirmation elle-même est théorique et mise en doute par divers milieux, mais elle constitue l’axe central de la rhétorique de Liam Fox auprès de Robert Gates. Effectivement, la surprise, pour les Britanniques, est que cette affirmation n’a en rien desserré l’étreinte des exigences US, notamment sur le volume des forces terrestres britanniques. C’est à ce point un paradoxe qu’on peut se demander comment les Britanniques, pour satisfaire les “exigences” US concernant les forces terrestres, pourront parvenir à ne pas mettre en question leur participation au JSF.
Pour ajouter à la confusion sur cette question des relations avec le Pentagone, cet engagement britannique dans le JSF destiné à rassurer le Pentagone a été fortement compromis par une initiative parallèle prise par Liam Fox. Hier 23 septembre 2010, une lettre du même Fox a été reçue par la Commission des Forces Armées du Sénat en faveur du développement d’un deuxième moteur pour le JSF, le F136 auquel Rolls-Royce participe. Le sénateur Levin, le président de la Commission, a envoyé une copie de la lettre de Fox à Robert Gates. D’une façon générale, le Pentagone est tout simplement “furieux” de cette initiative britannique, parce qu’il est farouchement opposé, avec engagement personnel d’Obama, au développement du F136. Tout cela n’aide pas à éclaircir le débat.
Mis en ligne le 24 septembre 2010 à 15H53