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1113Il est intéressant de voir l’évolution de certains aspects difficilement conciliables, jusqu’ici, de la dissidence US. Par exemple, il est intéressant de noter qu’Antiwar.com, qui est la référence de la dissidence antiguerre aux USA, est resté jusqu’ici sur une complète réserve vis-à-vis du mouvement Occupy Wall Street (sauf l’un ou l’autre article sur les violences policières). (Par ailleurs, Antiwar.com peut justifier cela par le fait que son centre d'intérêt est la situation des conflits extérieurs. Cela accentue l'ambiguïté du propos général.)
Hier, rompant cette attitude au moins en partie, paraît un texte de commentaire de Ray S. McGovern, ancien officier de la CIA devenu militant ardent du mouvement antiguerre. McGovern est souvent présent dans les colonnes d’Antiwar.com ; il ne représente certainement pas stricto sensu la position d’Antiwar.com mais on ne peut dire qu’il la trahit ou qu’il la subvertit, en aucune façon. Le texte de McGovern est donc du 12 octobre 2011 et concerne l’“occupation” de Washington D.C. par le mouvement october2011.org, par le biais symbolique de le Freedom Plaza, devenue — «our “Tahrir Square”»
«“Exhilarating” is the most appropriate word to describe our assembly since Thursday on Freedom Plaza — our “Tahrir Square” — in Washington, D.C., called into being by October2011.org. And it appears we will be staying for the duration to exercise our freedom to assemble to petition for grievances — peacefully, unless the National Park Police go back on the stay they granted us Monday evening.
Last Thursday marked a sad anniversary — 10 years since the U.S. attacked Afghanistan, even though its rulers offered to hand over Osama bin Laden once they were provided with proof of his complicity in the attacks of 9/11.
»So, on day four of our “occupation” in D.C., hundreds of military personnel, veterans, and families against war marched at noon Sunday from Freedom Plaza to the White House to ask President Barack Obama, “Where’s our beer summit?” The Secret Service would not forward our petition but rather gave us a telephone number to call.
»At an impromptu assembly across from the White House in Lafayette Square, a mother of a U.S. Marine gave a very moving talk about her son, who has orders to go back to Afghanistan early next year for his FIFTH deployment to the area. Her voice, and the voices of other mothers in similar pain, reminded me of what I have come to regard as a universal truth: that mothers grieve in such circumstances in ways that the rest of us cannot even comprehend.
»After I added some remarks, videographer Bill Hughes asked for an interview off to the side. The first thing that came to mind was a 19th-century Russian poem by Nikolay Alekseyevich Nekrasov, the first line of which is “Paying attention to the horrors of war.” It is a poignant commentary on the unique, “sacred, sincere tears” of mothers of the fallen…
»I tried to provide a translation on the fly but could not do the poem and the feelings justice. Translations into English also fall short. Here’s one stab at it (not by me).
»Hearing the terrors of the war, sore troubled, By each new victim of the combat torn — Nor friend, nor wife I give my utmost pity, Nor do I for the fallen hero mourn. Alas! the wife will find a consolation. The friend by friend is soon forgot in turn. But somewhere is the one soul that remembers — That will remember unto death’s dark shore, Nor can the tears of a heart-stricken mother Forget the sons gone down on fields of gore. One soul there is that like the weeping willow. Can never raise its drooping branches more.
»You are all invited to join us on “Tahrir Square” in Washington.»
… Nous avons tenu, dans l’extrait de ce texte, à inclure la mention du poème de Nekrassov et sa traduction en anglais (d’un traducteur anonyme) offerte par McGovern, en plus des détails d’une journée d’“occupation”, pour montrer le paradoxe de ces mouvements d’“occupation”. Leur importance et leur prolifération sont avérées, et elles sont avérées, à notre sens, dans le sens d’une manifestation d’un “Moment psychologique” essentiel. D’un autre côté, et exactement à l’inverse mais comme confirmation de ce qui précède, les détails donnés par McGovern montrent la futilité du point de vue politique disons “activiste” et efficace de ces “occupations”. (Nul ne niera l’importance esthétique, symbolique, etc., d’un poème comme celui qui est cité en traduction, mais nul ne niera non plus sa futilité du point de vue de l’acte politique concret, selon les conceptions des stratèges révolutionnaires et des batailles de rue.) Littéralement, ces “occupants” n’ont rien à faire là où ils se trouvent, sinon trouver en permanence des justifications apparentes pour rester là où ils se trouvent. Pourtant, le sérieux et le poids politique de ces choses ne peuvent être niées, au regard de l’effet obtenu, des commentaires déversés, des réflexions, des enthousiasmes et des inquiétudes suscitées. C’est donc finalement que leur importance est bien celle de leur capacité de représentation “terrestre” de quelque chose de plus haut qu’eux-mêmes, et alors ce “Moment psychologique” que nous évoquons fait l’affaire dans la mesure où il se réfère à la réalisation collective de l’état de crise et de la nécessité de chercher à susciter une rupture du Système. Ces mouvements sont bien la représentation de la pesanteur de cet événement psychologique.
D’autre part, il faut constater combien les habitudes d’institutionnalisation du système de l’américanisme, développées pour structurer la cohésion de ce système, joue cette fois contre lui. La dynamique métastasique qu’on observe se développe non seulement à partir d’Occupy Wall Street, mais par imitation d’OWS, par la création d'une multitudes de regroupements. Ici, il s’agit de october2011.org, qui se réclame de OWS, qui attaque le corporate power comme le fait OWS, parce que ce corporate power est perçu comme le plus puissants des composants du Système, mais qui ajoute un accent antiwar particulier, dont témoigne McGovern. La multitude de ces “associations”, qui s’inaugurent par l’ouverture d’un site, l’appel à donation, à des soutiens matériels, etc., tend effectivement à créer une “institutionnalisation” du mouvement qui n’est justifiée que par le seul fait d’établir une sorte de protection structurelle extérieure, comme une sorte de carapace, d’un phénomène qui n’a en lui-même aucune structure spécifique comme on ne cesse de l’observer.
On pourrait alors penser que c’est de cette façon, par le biais d’un processus métastasique, par imitation, par institutionnalisation, que peuvent se rapprocher des courants qui sont en général idéologiquement très méfiants les uns des autres. (Dans ce cas, l’aspect plutôt radical de “gauche” et activiste, – termes employés à défaut de plus de précisions, – que certains estiment pouvoir distinguer dans OWS, et l’aspect antiguerre dominé par la droite libertarienne et isolationniste d’antiwar.com.) Ainsi tendrait à s’étendre (métastase) cet “ensemble” à la structure incertaine, sinon cette institutionnalisation de convenance, pour aboutir à des coalitions de facto qui sont en général refusées par les idéologues, et pour former un système antiSystème d’une très grande puissance, cette fois directement affiché comme tel, et directement installé au cœur du Système.
Mis en ligne le 13 octobre 2011 à 04H35