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1257Entre deux intermèdes tragico-comiques sur 9/11 et le “choc des civilisations”, version radiotrottoir, ressurgit désormais comme une occurrence régulière l’alarmisme et le pessimisme noir comme de l’encre des commentateurs US sur l’économie de leur pays. Un texte d’AFP (RAW Story) du 12 septembre 2010 nous donne notre livraison quotidienne du domaine, de cette matière dite défaitiste et violemment dénoncée par Evans-Pritchard.
«Economists peddling dire warnings that the world's number one economy is on the brink of collapse, amid high rates of unemployment and a spiraling public deficit, are flourishing here.
»The guru of this doomsday line of thinking may be economist Nouriel Roubini, thrust into the forefront after predicting the chaos wrought by the subprime mortgage crisis and the collapse of the housing bubble. “The US has run out of bullets,” Roubini told an economic forum in Italy earlier this month. “Any shock at this point can tip you back into recession.”
»But other economists, who have so far stayed out of the media limelight, are also proselytizing nightmarish visions of the future...»
Un passage de ce texte a attiré notre attention, notamment parce qu’il joint à une prévision effectivement apocalyptique, une prévision et une perspective bien précise. Il s’agit d’une référence à un article de Paul Krugman, intéressante essentiellement dans la mesure où Krugman lie des perspectives d’effondrement économique aux résultats des élections de novembre prochain aux USA, à la lumière des récentes déclarations de John Boehner, leader de la minorité républicaine à la Chambre et futur Speaker (président de la Chambre) si les républicains emportent la majorité.
«Nobel Economics Prize winner Paul Krugman also voiced concern about the fate of the fragile economic recovery if voters return the Republicans to political power. “It's hard to overstate how destructive the economic ideas offered earlier this week by John Boehner, the House minority leader, would be if put into practice,” he wrote in a recent editorial. “Fewer jobs and bigger deficits the perfect combination.”
»The Wall Street Journal, usually more favorable to Boehner's call for tax cuts, ran a commentary from another Nobel Prize-winning economist – Vernon Smith – that failed to provide much comfort for readers.»
L’intérêt de ce dernier extrait et des observations de Paul Krugman est effectivement de lier une perspective catastrophique de l’économie US au calendrier bien précis des élections de novembre. Le programme républicain implique le maintien, voire le renforcement d’une taxation très réduite des plus grandes richesses (alors que nombre des démocrates, – mais avec un BHO indécis, comme de coutume, – veulent augmenter cette taxation), et un blocage de toute aide publique pour la réduction du chômage. Le programme de John Boehner est particulièrement radical dans cette instance, Boehner étant réputé pour être l’homme des lobbies par excellence, en plus avec une position de conservateur “dur” sur les questions économiques et de gouvernement (gouvernement avec de faibles pouvoirs, sans capacité d’intervenir dans l’économie). Sa position a la tête de la Chambre si les républicains l’emportent sera un point particulièrement important, dans la mesure où elle nous assurera d’une Chambre conduite vers des positions extrémistes et intransigeantes, avec un représentant à la fois du corporate power dans le sens le plus large et de pressions insurrectionnelles à sa tête, avec des pouvoirs considérables. Pour Krugman, cela implique une accélération de la crise, peut-être jusqu’à un effondrement.
Ce prolongement précisé par Krugman, à la suite de précisions donnés par Boehner, nous permet de mieux apprécier une dimension précise du scrutin de novembre, dans l’hypothèse aujourd’hui soutenue par tous les sondages d’une victoire républicaine (au moins à la Chambre). Non seulement la politique d’Obama sera complètement contrecarrée, mais elle sera concurrencée d’une manière structurelle par un programme précis du parti républicain se rapprochant en ampleur du Contract with America de la victoire républicaine au Congrès de novembre 1994. (Contract with America fut notamment élaboré par Newt Gingrich, devenu en novembre 1994 nouveau Speaker de la Chambre, avec notamment la collaboration, déjà à cette époque, de John Boehner.) Bien entendu, les circonstances de 2010 sont très différentes de celles de 1994, avec une situation économique et financière en crise profonde, et des crises diverses en cours signalant le développement de la crise d’effondrement du système. Ainsi, à la bataille polémique déjà d’une extrême violence depuis l’élection d’Obama, avec l’apparition de forces nouvelles telles que Tea Party, selon des circonstances inconnues en 1994, s’ajoutera une circonstance dont on a vu les effets à partir de novembre 1994, qui est une sorte d’insurrection du Congrès (au moins de la Chambre) contre le gouvernement.
L’alternative habituelle d’Obama, qui est de chercher un compromis par une position intermédiaire, qui a eu bien peu de succès jusqu’ici, apparaîtra alors comme une voie absolument sans issue. La tension intérieure est telle que le gouvernement et les démocrates vont être placés devant la probable obligation de devoir se battre pour ne pas être complètement étouffés, avec une politique absolument accaparée par les républicains, avec la possibilité de prolongements économiques dramatiques devant lesquels le président ne pourra rester inactif. (En 1994-1995, après un épisode personnel extraordinairement dépressif suite aux élections de novembre 1994, qui a été fort peu connu, qui le vit quasiment incapable de gouverner, Clinton se replia sur une défensive intérieure et se concentra sur la politique extérieure qu’il avait notablement négligée jusqu’alors. Là aussi, la différence est considérable. La politique extérieure est aussi en crise générale et Obama est déjà constamment sollicité par elle. On voit mal comment il pourrait y trouver un répit et une position de repli, alors que la pression de la crise intérieure serait d’une force exceptionnelle.)
D’ores et déjà, on peut envisager, – et on ne s'en privera pas, – l'hypothèse de remous politiques graves, avec une possible aggravation vers l’effondrement de la situation économique. La question de l’ordre public et du moyen de l’action par le désordre insurrectionnel est désormais évoquée, aussi bien du côté démocrate que du côté républicain, comme alternative à des situations de conquête du pouvoir, ou pour débloquer des situation d'affrontement sans issue à l'intérieur du pouvoir. On peut noter par exemple des déclarations de Danny Tarkanian, un candidat à la désignation républicaine pour le poste de sénateur du Nevada, qui a été battu par l’extrémiste républicaine Sharron Angle, soutenue par Tea Party ; Tarkanian rapporte des suggestions de membres du parti républicain d’initiatives insurrectionnelles (civil uprising) si le Congrès ne tombait pas dans les mains des républicains en novembre prochain, suggestions soutenues, voire même suscitées par Angle (voir Huffington.post du 12 septembre 2010) :
«What's perhaps more interesting is [Tarkanian's] admission that many people in the Republican Party were encouraging him to advocate a civil insurrection if Congress doesn't change hands. “I had people that were upset at me in the campaign that I wouldn't go as far to agree that there should be a civil uprising,” he said, adding that there were “people in the Republican Party that, when I was campaigning, wanted me to go that far to say that.” He was sure to add that he wasn't necessarily saying that Angle was calling for these extreme measures.»
Mis en ligne le 13 septembre 2010 à 15H40