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10847 janvier 2013 – Intéressons-nous à ce que nous qualifierons dans le corps de cette analyse d’“accident”, qui n’a guère bénéficié de la moindre publicité selon les normes de promotion du Système, mais que nous investissons d’une réelle signification symbolique. Il s’agit, plus précisément, d’un “accident” par rapport aux normes du Système, et d’un “accident” statistique où la “science” statistique, utilisée mécaniquement et sans guère d’intention préméditée, a une réelle et vertueuse utilité ; servant d’outil pour éclairer une vérité désormais extrêmement puissante, caractère fondamental de notre temps considéré comme une “époque” en soi (au sens maistrien), et que le Système veut naturellement dissimuler. Il s’agit d’une circonstance extrêmement anodine venue d’une société de consultance et de conseil du domaine financier anglo-saxon, l’Eurasia Group.
L’Eurasia Group est une chose très sérieuse , un de ces groupements de consultance et de conseil en matière financière qui pullulent dans le monde anglo-saxon où la finance n’est jamais très loin du pouvoir politique et vice-versa, mais Eurasia Group occupant une des premières places dans ce pullulement. Au travers d’un portrait de son fondateur et président Ian Bremman (qui dispose d’un blog personnel sur le site de la très honorable revue Foreign Policy) , cette firme est ainsi présentée sur le site de la même Foreign Policy : «[T]he leading global political risk research and consulting firm. In 1998, Bremmer founded Eurasia Group with just $25,000. Today, the company has offices in New York, Washington, and London, as well as a network of experts and resources around the world. Eurasia Group provides financial, corporate, and government clients with information and insight on how political developments move markets.»
Tout cela pour nous rassurer, et nous assurer que la chose est sérieuse, qu’il n’y a pas, derrière cela, une sorte de vaste complot, par exemple pro-russe et antiSystème. Sur son blog, le 2 janvier 2013, Bremman présente le classement par son groupe des “dix personnes les plus puissantes du monde”. Russia Today reprend l’information, le 4 janvier 2013. Voici la liste…
• N°1, Personne (Nobody). • N°2, Poutine. • N°3, Ben Bernanke, directeur de la Federal Reserve. • N°4, Angela Merkel. • N° 5, Barack Obama. • N°6, Mario Draghi, président de la banque centrale européenne. • N°7, Xi Jinping, nouveau président chinois. • N°8 & 9 (ex aequo), l’Ayatollah Khamenei et Christine Lagarde (Iran & FMI). • N°10, le roi d’Arabie Saoudite Abdoullah Ben Abd al-Aziz.
Ce classement est le résultat d’un “sondage rapide et informel ” fait au sein de la firme. La chose est présentée de cette façon par Bremman : «A few days ago, I took a quick, informal survey around Eurasia Group on power and global politics. The question: Who are the world's most powerful people? We're defining power as “a measure of an individual's ability to (singlehandedly) bring about change that significantly affects the lives and fortunes of large numbers of people.”»
Nous donnons ci-après les trois réponses (les trois classements) qui nous ont le plus intéressé et le plus impressionné. Les autres classements correspondent assez bien à des appréciations de personnes dont les activités professionnelles concernent le secteur financier avec de fortes connexions politiques… Elles ne contredisent pas les trois jugements mentionnés ci-dessous, ni n’y interfèrent, mais simplement reflètent des préoccupations plus sectorielles (le monde de la finance) qui n’ont guère d’intérêt en elles-mêmes à notre sens, et, dans tous les cas, aucun intérêt pour notre propos.
«1. Nobody – In a G-Zero world, everyone is waiting for someone else to shoulder responsibility for the world's toughest and most dangerous challenges. The leaders you'll see named further down this list are preoccupied with local and regional problems and don't have the interest and leverage needed to take on a growing list of transnational problems.
»2. Vladimir Putin – In Russia's personalized system, this is still the person who counts. He isn't as popular as he used to be, and his country has no Soviet-scale clout or influence, but no one on the planet has consolidated more domestic and regional power than Putin. […]
»5. Barack Obama – Even at a time when Washington is focused almost entirely on Washington, the elected leader of the world's most powerful and influential country carries a lot of water. The Obama administration will watch the eurozone from the sidelines and keep commitments in the Middle East to a minimum, but America will continue to broaden and deepen security and commercial relationships in East Asia, and Obama's decisions on how far and how fast to move will be crucial…»
Ce qui nous frappe d’abord, dans ce classement spécifiquement, c’est son exceptionnelle puissance symbolique, dans sa signification propre renforcée du compte qui doit être tenu de la source (anglo-saxonne, financière, etc.). Au reste, cette puissance symbolique, qui s’affirme sans aucun doute inconsciemment dans le chef des auteurs de la chose, et qui ne concerne que le classement répétons-le, semble être justement inconsciemment perçue dans sa dimension iconoclaste par rapport au Système, si l’on tient compte de certains des commentaires (ceux qui sont faits pour Poutine et pour Obama). En quelque sorte, l’Eurasia Group, qui semble manifestement un de ces regroupements absolument liés au Système et qui a produit de son point de vue un exercice amusant et apte à faire sa promotion de communication dans la dynamique compétitive du Système, a accouché d’un monstre dont la dimension symbolique antiSystème apparaît de plus en plus évidente, et qu’il tend à pondérer autant que faire se peut par ses commentaires, pour retrouver sa fonction normale (vertueuse) dans le Système.
Expliquons-nous, point par point, pour éclairer cet aspect symbolique. Et observons, parallèlement et préalablement, que l’importance que nous accordons à cet “accident antiSystème” venu du Système et qui semblerait mineur, tient à ce qu’il s’agit d’un accident significatif et, si l’on veut, “accidentel” dans le sens parfait de l’idée, – c’est-à-dire sans préméditation ni intention politique structurée, ni même une intention de commentateur d’une situation générale. En ce sens, nous le prenons, d’un point de vue qualitatif dans notre démarche (sans nous occuper de sa valeur qualitative propre, mais bien comme un sondage accidentel et ingénument sincère par conséquent) ; comme découvrant pendant un instant une vérité que le Système veut cacher et que pourtant les psychologies même des sapiens-Système ont incubé ; enfin, d’autant plus intéressant et instructif (de l’état psychologique du Système) pour cela, – et effectivement investi d’une réelle valeur qualitative (antiSystème, par conséquent), même si “accidentellement”… On comparera cet “accident” avec la décision préméditée-Système, pathétique de médiocrité et d’imbécillité hagarde du Time, dinosaure fossilisé et quantitatif du Système, nommant Obama Man of the Year pour la deuxième fois. De ce côté, les esprits des petits hommes, sapiens-collabos, manquent singulièrement d’alacrité dans leur travail de soumission qui devrait montrer plus d’originalité et de brio. (Il y a, dans leur travail, à ces braves cœurs de Time, une attitude touchante d’admiration éperdue et également désemparée pour le Grand Leader du jour.)
• Le Mister Nobody en n°1 est certainement une grande trouvaille d’un esprit collectif qui s’est révélé par inadvertance incroyablement frondeur, incroyablement antiSystème. De ce point de vue, le commentaire ne dépare par la force symbolique de placer un symbolique (justement) “Monsieur Personne” en n°1 des “personnes les plus puissantes du monde”. C’est mettre en évidence le vide total du pouvoir aujourd’hui, que ce soit le pouvoir politique, le pouvoir économique, le pouvoir politique-sous-l’influence-du-pouvoir-économique, etc., – bref, quelque pouvoir que ce soit, défini par la légitimité qu’il a (ou qu’il n’a pas, en fait et alors pouvoir réduit effectivement au fantôme de lui-même). Il s’agit là d’une représentation symbolique involontairement et inconsciemment très audacieuse d’un ensemble global où le Système assume tous les “pouvoirs” (notamment avec l’évolution de l’Occident en “bloc BAO”), c’est-à-dire impose d’une façon affirmée, à ciel ouvert et sans le moindre compromis possible, sans aucune “couverture” vertueuse, ses buts de néantisation et d’entropisation, avec sa dynamique surpuissance-autodestruction engendrant des objectifs ouvertement nihilistes et équivalents à la recherche du Rien et du Néant. Mister Nobody pourrait être Mister Nothing et Mister Entropy chaleureusement réunis… Même cette vérité-là, qui est suprême et décisive, se trouve bonne à dire par un groupe issu du Système. On goûtera l’anecdote comme il se doit.
• Poutine en n°2, c’est également audacieux puisque cela fait du président russe le “dirigeant le plus puissant du monde” par défaut, puisque cela implique que ce “dirigeant le plus puissant du monde” n’est pas le président US mais le président russe officiellement dénoncé et haï par tout ce qui représente de près ou de loin le parti des salonards prépondérant dans les directions politiques des pays du bloc BAO ; et ces remarques valant effectivement, plus que jamais, dans le cas des milieux financiers et anglo-saxons… On peut même remarquer que Poutine est quasiment le seuls dirigeant politique dans la liste a être vanté pour ses qualités politiques pures, plutôt que par son habileté en matière économique (Merkel) ou pour le seul statut de son pays (Obama, Xi Jiping, l’ayatollah Khamenei, le roi d’Arabie). En quelque sorte, cela revient à faire de lui, Poutine, le seul dirigeant politique à pouvoir faire encore de la politique, et cela lui valant la première place par défaut. Par ailleurs mais très significativement, ces qualités de Poutine qui lui valent cette place sont présentées en des termes paradoxalement et curieusement réticents, et sans le moindre enthousiasme. Cela semble montrer que ceux qui ont rédigé ces notes “ont conscience”, ou sont conduits par réflexe à faire comme s’ils avaient conscience qu’en décernant cette place à Poutine ils prennent un risque considérable par rapport aux normes conformistes du Système.
• …Ainsi, la 5ème place donnée à Obama paraît-elle, comparée à la 2ème (1ère) place donnée à Poutine comme une sorte de crime de Lèse-Majesté ou de “crime du Père” complètement inconscient, fomenté par un cerveau malade, qui “perd ses repères” comme l’on dit… Comment celui-là, le POTUS, qu’on désigne presque mécaniquement, comme une poupée de Pavlov (nouvelle catégorie de poupées russes), comme “l’homme le plus puisant du monde”, peut-il ne pas l’être dans ce classement, même pas par défaut, mais ignominieusement supplanté par le Russe Poutine, par son banquier central favori, par la Merkel… ? On dirait que les animateurs de l’enquête ont également réalisé cela, comme dans le cas de Poutine, et ils ont fait sur Obama un commentaire dithyrambique, dont on se demande comment l’heureux récipiendaire peut, après cette brassée de fleurs, figurer encore à la place où il se trouve. Il s’agit du “chef élu” du “pays le plus puissant et le plus influent du monde”, et même s’il s’occupe d’abord de la situation politique de Washington (ce qui a toujours été le cas de tous les présidents), son poids politique est évidemment énorme (il “carries a lot of water”) ; Washington sous Obama continue à s’occuper de tout, et même si ce président devrait suivre une politique d’engagement plus restrictive, “toutes les décisions d’Obama d’agir jusqu’où et à quelle vitesse seront cruciales”. Et pourtant, cet homme-là, dont la description ressemble bien à celle de l’Auguste-empereur de notre temps, – même si le temps est un peu rance et pue un tantinet le pourri, – est à la 5ème place, et surtout supplanté par un n°2/n°1 (Poutine) jugé du point de vue de sa puissance politique, – et le seul de la liste dans ce sens… Ce lapsus (toute cette puissance quasi-impériale reléguée à la 5ème place, supplantée en tête de liste par Mister Nobody et Poutine) est du genre qu’on a coutume de qualifier de “révélateur”.
Le monde n’est donc plus celui du G-7 ou du G-8 (les nations les plus industrialisées du monde sans ou avec la Russie), ni du G-20 (le G-8 plus les puissantes émergentes), ni du G-2 (duopole rêvé USA-Chine), mais bien le monde G-0 de Mister Nobody… “Dans ce monde G-0, tout le monde attend qu’un autre prenne la responsabilité d’affronter les défis mondiaux les plus durs et les plus dangereux. Les dirigeants… se préoccupent des problèmes locaux et régionaux et n’ont ni la puissance de levier ni l’intérêt nécessaire pour prendre en charge les problèmes transnationaux grandissants”. On devra noter la correspondance étonnante à première vue, – ou bien, au contraire selon notre analyse, pas du tout étonnante puisque révélatrice, – entre ce commentaire d’un groupe financier anglo-saxon et un commentateur politique russe à Moscou comme Fedor Loukianov (voir notre F&C du 24 décembre 2012) ; Loukianov, qui nous dit qu’«en dépit de sa puissance incroyable, Washington cherche comme les autres à s'adapter à l'évolution chaotique des événements, n’ayant jamais disposé d'outils de gouvernance globale», que le gouvernement de Poutine «tente seulement de minimiser les risques, ce qu'il fait dans la mesure de ces capacités et de sa compréhension», que « la politique se transforme en réaction au coup par coup et que toute action comporte davantage de risques que l'inaction», que «[l’]aspiration au pouvoir pour ne rien entreprendre est un nouveau phénomène dans la politique internationale»
Ce F&C du 24 décembre 2012 proposait notamment la réflexion suivante : «En d’autres termes, le processus général intégré en 2008 sous la forme de structures de crises, jusqu’à la généralisation de la crise comme facteur primordial sinon exclusif de la situation du monde, s’est largement répandue dans les directions politiques en 2012, notamment à l’occasion des changements de directions. L’une ou l’autre crise sert de remarquable exercice pratique du processus, essentiellement la Syrie, après le coup d’essai de la Libye qui marque le début du processus d’inversion où l’action des directions politiques engendre paralysie et impuissance (transformation de la Libye de Kadhafi, avec laquelle l’Ouest s’arrangeait en général, en un foyer d’instabilité échappant au contrôle du bloc BAO, – entretemps, l’“Ouest” s’étant effectivement transformé en “bloc BAO”). Le phénomène général est donc, maintenant, l’évolution accélérée de cette situation générale de crise (le “monde changeant” de Loukianov) alors que l’exercice du pouvoir s’enfonce dans cette situation encalminée qu’il décrit (“Gouverner pour ne rien changer”). Il s’agit d’une situation métahistorique arrivée à son point d’efficacité maximale. Le sapiens-Système, l’homme de pouvoir idéalement défini dans le cadre des pays du bloc BAO, est définitivement devenu le figurant au rabais d’un affrontement colossal qui se passe bien au-delà et bien au-dessus de lui, et qui se passe aisément de lui. C'est la phase fondamentale de la crise terminale du Système et sapiens-Système, soi-disant homme de pouvoir, n'y a aucune utilité particulière sinon celle de s'exécuter sans discuter ni rien y comprendre.»
L’intérêt du sondage-express de lui-même de l’Eurasia Group, de la communauté financière anglo-saxonne, est de confirmer, d’une façon symbolique extrêmement forte quelques caractères essentiels de la nouvelle situation du monde qui s’est installée depuis quelques années et s’est verrouillée à l’occasion de plusieurs événements durant l’année 2012, – et cela, comme réalisation et concrétisation de la phase d’effondrement accéléré commencée en 2008, comme noté dans l'extrait ci-dessus… “Effondrement accéléré”, entendons-nous bien : 2008 marque la prise du pouvoir, nécessairement catastrophique, par le Système en tant qu’entité désormais absolument autonome ; et pourtant, effectivement, “effondrement accéléré”, parce que le Système est désormais, en mode-turbo, lancé dans sa dynamique équationnelle surpuissance-autodestruction, où les deux dynamiques (surpuissance et autodestruction) ne sont plus en mode séquentiel mais en mode d’une intégration parvenue au point d’une complète identification, avec le facteur autodestruction orientant irrésistiblement l’ensemble par son caractère objectif d’accomplissement du Système dans la néantisation et l’entropisation, et mettant donc la surpuissance au service de cet objectif.
Ce que montre cet “accident-Système” du sondage Eurasia Group, – nous aurons de plus en plus de ce type d’“accidents” puisque le processus d’autodestruction emporte tout et que son information, sa perception, sa réalisation, transpirent vers les psychologies, – c’est évidemment :
• que le pouvoir politique n’existe plus, ayant totalement perdu sa légitimité principielle... Il y a la fausse exception de Poutine, dirigeant effectif et efficace mais comprenant évidemment qu’il se trouve, comme le reste du monde, devant cette situation eschatologique, et qu’il ne peut faire que tenter d’en aménager certains aspects du processus. Dans ce cas, Poutine, qui dispose avec la Russie d’une certaine puissance, raisonne avec l’acquis de l’atavisme russe, la Russie étant aujourd’hui l’ensemble politico-spirituel le plus apte à “comprendre” la situation et à éventuellement admettre son caractère eschatologique, – la Russie comme l’entité la plus sensible à cette évolution générale ;
• qu’aucun pouvoir n’a remplacé le pouvoir politique, et certainement pas le pouvoir financier ou économique, qui ne représente que des forces de pression, énormes certes mais sans aucune légitimité principielle, donc sans aucune capacité d’organiser la puissance et la dynamique du monde vers une orientation structurelle cohérente. Le pouvoir financier et économique est un pouvoir vide, mort, sans âme et totalement déstructuré, seulement capable d’hâter la chute en participant activement au processus d’autodestruction du Système par sa puissance qui s’ajoute comme un poids de plus (en soi, un “poids mort”) pour renforcer la puissance de ce processus d’autodestruction. Le pouvoir financier et économique répond désormais presque parfaitement, comme une sorte de zombie hagard et totalement désorienté par l’ivresse d’une simili-puissance, à la Troisième Loi de la Thermodynamique sur l'entropie. Ce pouvoir est absolument incapable de produire quelque chose qui se définisse par “pouvoir”, il est absolument producteur d’entropie, l’entropie atteignant des zones de folie absolue, vécue d’ailleurs dans une médiocrité privilégiée, comme avec le spectacle d’un Bernanke produisant ses $milliards par tonnes de papier, régulièrement, tous les trois mois, comme un bon élève du faux-monnayage… ;
• que l’ère géopolitique (avec son outil, le système du technologisme) est totalement morte, réduite à une dissolution extraordinairement rapide, et cédant toutes ses capacités structurelles de puissance au système de la communication, outil principal et ô combien ambigu de l’ère psychopolitique. (Voir, dans notre Glossaire.dde, le texte du 14 décembre 2012, sur “technologisme versus communication”.)
Une telle chute, d’une telle puissance, s’est concrétisée en quelques années d’un temps devenu extrêmement court par contraction explosive de lui-même, par accélération exponentielle de l’histoire jusqu’à nécessiter de faire de celle-ci une métahistoire. Qui aurait pu envisager, par exemple en 2003, lors de l’attaque de l’Irak, ou en 2005 lors de sa réélection, de ne pas mettre le POTUS, le président des États-Unis, le naïf et enfantin GW Bush, en première place de tous nos classements, sous la rubrique sempiternelle de “l’homme le plus puissant du monde” ? Même la raison la plus courante de la modernité, subvertie jusqu’à la moelle par cette modernité, comme l’est le sentiment général courant dans le monde financier anglo-saxon, n’hésite plus à nous présenter un univers sans le moindre contrôle, un univers G-0 avec “monsieur Nobody” aux commandes, roulant sur lui-même dans sa pente, comme dit l’artiste, “Like a Rolling Stone”, emporté dans une chute d’effondrement et de bouleversement total.
… Comment envisager autrement que par un bouleversement à mesure, la plus petite hypothèse de rattrapage de cette catastrophique évolution déjà accomplie, qui ne serait qu’un rétablissement dans l’état précédent, – hypothèse qui nous semble absolument impensable, stupide et sans aucun espoir, – mais celle-là présentée comme l’issue, à reculons, du minimum minimorum. Plus “raisonnablement”, plus logiquement, d’une façon par conséquent beaucoup plus mesurée, et tout cela étant présenté dans un mode évidemment paradoxal, il nous faut donc envisager un bouleversement bien plus puissant encore, bien plus catastrophique, un bouleversement d’effondrement du Système, pour parvenir à envisager une situation où pourrait se concevoir quelque chose qui ressemblerait à une restructuration… Tout cela est effectivement complètement paradoxal, mais, aujourd’hui, l’hypothèse de l’effondrement du Système n’est rien moins que l’hypothèse raisonnable et rationnelle, qu’il faut accueillir avec le plus de faveur, en personne sérieuse et attachée à une analyse mesurée. C’est donc le signe que la métahistoire est en train d’investir enfin notre raison pour nous imposer sa loi, pour nous faire comprendre que le plus fondamental, le plus essentiel, le plus bouleversant, est évidemment ce qui est à considérer en priorité pour répondre au jugement équilibré de la raison. (Les fous sont ceux qui croient que tout peut encore tenir ou qu’on peut encore réparer l’usine à gaz.) En d’autres mots, l’histoire courante, celle des sapiens devenus sapiens-Système n’étant plus d’aucune utilité, ayant bien trop servi.
… Preuve par l’Eurasia Group ! Pour conclure, en effet, on appréciera combien cette évolution générale et catastrophique de la situation, bien qu’officiellement totalement passée sous silence par le Système, parvient à transpirer de la vérité du monde et à toucher les psychologies, pour qu’une entreprise typique du système financier comme l’Eurasia Group nous restitue une appréciation symbolique qui en rend si judicieusement compte.
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