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1220Nous nous gardons avec une grande prudence, sinon une grande méfiance, des prévisions dépassant le terme des six mois ou de l’année, – et encore. Mais il y a, dans les prévisions elles-mêmes, l’indication souvent d’un état d’esprit bien réel, bien présent. C’est de cette façon qu’il nous faut prendre cet “avertissement” d’un analyste boursier sur les dépenses de défense, reproduit par le Wall Street Journal, ce 7 juin 2009, en lui donnant une importance qui en dit long sur le crédit qui lui est accordé.
(Rick Whittington, le consultant cité par le WSJ, est très actif dans les milieux de l’industrie de la défense et conseille divers sociétés du Complexe, dont Lockheed Martin et Norhrop Grumman.)
«U.S. military spending, which rose for the past decade, may be about to peak. That could be bad news for many large defense contractors and lead to declines in their share prices, according to Rick Whittington, a veteran defense-stock analyst with JSA Research in Malta, N.Y. Most defense contractors will see earnings climb next year, due to Bush-era spending increases. But Mr. Whittington warns there is roughly a two-year lag between passage of the Defense Department's annual budget and its impact on a vendor's bottom line.
»Mr. Whittington says the Pentagon's base budget could be cut to $420 billion for the fiscal year ending Sept. 30, 2015, from the $534 billion requested for fiscal 2010. In addition, the $130 billion requested for fiscal 2010 for war and nonwar supplements could fall to $20 billion in five years, roughly where it stood eight years ago. […]
»Defense spending has gone straight up since the start of this decade. The Defense Department has requested $664 billion for the 2010 federal fiscal year, which starts Oct. 1, including its aforementioned base budget of $534 billion. That's more than double the $285 billion spent in fiscal 2000 and about 4.5% of gross domestic product, compared with 2.4% in fiscal 2000.
»But there is broad support for an end to the wars in Afghanistan and Iraq, and Defense Secretary Robert Gates has promised to remove all troops from Iraq by 2011. And in the face of an ever-growing U.S. budget, Mr. Gates seems willing to slash military spending wherever he can.»
Il y a là des indications générales qui rencontrent le climat actuel autour du Pentagone, les projets de réforme qui sont évoqués quotidiennement, le climat d’incertitude qui entoure le développement de la QDR 2010 qui doit déterminer la stratégie, les acquisitions et le volume des dépenses du Pentagone pour les quatre prochaines années, voire la confusion, dont nous relevons des indications quotidiennes, qui caractérise le JSF, le principal programme de ce même Pentagone. Bref, il y a une cohérence entre les appréciations de Whittington et la situation générale.
Les chiffres cités par Whittington sont considérables, en fonction de la situation au Pentagone, notre fameux Moby Dick. Pour un ensemble tel que le Pentagone, totalement improductif, constamment en état de dépassement de ses prévisions, vivant dans le gaspillage et l’absence complète de maîtrise de ses dépenses budgétaires, bref dans un état d’absence complète de contrôle de soi-même, passer de $634 milliards (chiffre nominal, en réalité destiné à être dépassé si l’on s’en tient aux habitudes établies depuis 2001, où les dépenses de fonctionnement et les dépenses opérationnelles sont mélangées sans contrôle) à $440 milliards en quatre ans signifie des contraintes extraordinaires sur les acquisitions et les processus bureaucratiques. Une telle programmation ne peut être obtenue par de simples mesures de rationalisation et de rentabilisation, de simples décisions de freinage d’équipements voire même d’abandons de programmes, etc. Si une telle programmation doit être tenue, elle supposera inéluctablement des réductions très importantes dans d’autres domaines, essentiellement dans les domaines de l’activité opérationnelle du Pentagone. Cela pose donc la question de savoir si les USA pourront continuer la politique d’engagement outre-mer de leur puissance militaire, qui pèse d’un fardeau considérable sur le budget; certes, poser la question dans les conditions où on le fait, c’est y répondre, et négativement cela va de soi.
De telles contraintes prévisionnelles correspondent, en fonction de la crise financière, économique et budgétaire des USA, à la situation typique décrite par divers historiens sur la situation des empires en décadence, avec une projection de puissance au coût insupportable qu’il devient impératif de réduire. Elles mesurent effectivement la possibilité du déclin effectif des structures mondiales de la puissance US, renversant ainsi une tendance lancée avec l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941. La question qu’impliquent ces observations concerne alors le rythme et l’ampleur que pourraient prendre un tel déclin, un tel retrait; la question de savoir si la dynamique US qui s’auto-alimente selon les habitudes économiques et bureaucratiques dans le sens de l’accélération, qui l’a fait pour l’expansion de l’empire, notamment dans les huit dernières années, ne pourrait pas également le faire dans le sens inverse de la retraite, voire de la déroute. On a connu une telle phase, extrêmement brève mais significative, dans les deux années qui ont suivi la capitulation du Japon de septembre 1945, où la politique US a oscillé sur l’orientation à prendre; une dynamique de déstructuration des forces armées et de retrait avait pris un rythme explosif (le général Marshall parlait en décembre 1945 d'une «désintégration des forces armées» semblable à celle de l’armée russe en 1917) avant que l’administration Truman ne renverse complètement le mouvement en 1947-48. (D'une façon très significative, cet épisode de retrait proche de l'effondrement n'avait, comme on le constate, rien à voir avec la fortune des armes puisqu'il suivait la victoire de 1945, et tout avec les capacités budgétaires et économiques des USA autant qu'avec la psychologie régnante et la volonté autant de la population que de ses représentants du corps législatif.)
Mis en ligne le 8 juin 2009 à 14H18
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