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904Des confidences faites à la revue The Atlantic par des “officiels US”, manifestement délégués par l’administration Obama pour faire entendre tout haut ce que le président pense tout bas, fixent l’état de dissolution avancée des relations entre les USA et Israël. Rien d’officiel, car officiellement, – AIPAC, électorat juif et Congrès obligent, – on reste amis jusqu’à la Fin des Temps, liés par des liens indissolubles d’une proximité idéologique, manichéenne et stratégique qui font partie du catéchisme commun... Dans la réalité vraie, la “vérité de situation”, ce sont l’incompréhension, l’exaspération réciproque, le mépris antagoniste, la haine même, qui règnent en maîtres.
(La Citation complète des “officiels” parlant à la revue Atlantic va comme ceci : «The thing about Bibi is, he’s a chickenshit... The good thing about Netanyahu is that he’s scared to launch wars. The bad thing about him is that he won’t do anything to reach an accommodation with the Palestinians or with the Sunni Arab states.” “The only thing he’s interested in is protecting himself from political defeat. He’s not Rabin, he’s not Sharon, he’s certainly no Begin. He’s got no guts.» Bref, Bibi placé en-dessous du pire de ce qu’Israël a produit comme politicards, dont les affirmations d’autorité et de résolution ne sont que vaines postures de trouillard pompeux ; dans ce cas, le terme “chickenshit“, terme d’argot de rue, vaut bien une traduction à mesure, du type “il n’a pas de couilles”, ou “n’a-pas-de-couilles” pour faire plus leste, — ce qui doit être ressenti rudement par le Premier ministre israélien.)
Ce qui est impressionnant dans cet épisode, c’est que ces citations d’anonymes, officieuses, etc., sont presque prises comme du comptant, presque comme des affirmations officielles, notamment par les Israéliens et implicitement par le côté américaniste. On se déguise à peine, les fleurets sont tout juste mouchetés. On se déteste, on se le dit, on se le hurle presque à visage découvert ... La Maison-Blanche a fait dire très officiellement qu’elle ne prend pas ces insultes telles quelles à son compte mais elle ne les dément pas, elle ne dit pas que des “officiels” parlant au nom de l’administration ne les aient pas dites ; elle les trouve juste un peu lestes, un peu “osées”, etc. Le Guardian du 29 octobre 2014 ne dissimule pas cet aspect-là, qui est le plus impressionnant...
«US relations with Israel have plunged to new depths of bitterness and hostility as senior officials in the Obama administration decried Binyamin Netanyahu as a “chickenshit prime minister”, “coward” and a man more interested in his own political survival than peace. The furious assessment delivered in anonymous but no-holds barred comments in an interview with the American journalist Jeffrey Goldberg in the Atlantic underline a state of anger with Netanyahu that is characterised as “red hot”. The remarks are particularly telling in having been made to Goldberg, a Washington insider who has interviewed both Obama and Netanyahu, and who warned US-Israeli relations were in a “full-blown crisis” that could only get worse after the midterm elections... [...}
«The Obama officials’ comments underline the dismal state of relations between the Obama administration and Netanyahu after a series of damaging announcements by Israel – including again this week – regarding its determination to push ahead with settlement building in occupied East Jerusalem and the West Bank. The temperature of relations plunged again last week when Israel’s defence minister, Moshe Yaalon, was pointedly snubbed by senior administration officials during a visit last week to Washington, which itself followed a public warning from the White House that Israel risked alienating its “closest allies”. [...]
»A White House spokesman sought to distance the administration from the remarks, insisting they were “inappropriate and counter-productive”, adding Netanyahu and Obama have “forged an effective partnership”. [...]
»Responding to the remarks in the Atlantic late on Tuesday night, Israel’s far-right economics minister, Naftali Bennett, used his Facebook page to call for Washington to renounce the comments: “If what was written [in The Atlantic] is true, then it appears the current administration plans to throw Israel under the bus.” “The prime minister is not a private person but the leader of the Jewish state and the whole Jewish world. Such severe insults towards the prime minister of Israel are hurtful to millions of Israeli citizens and Jews all over the world.” “Instead of attacking Israel and forcing it to accept suicidal terms, it should be strengthened. I call on the US administration to renounce these coarse comments and to reject them outright.”»
Cette passe d’armes de pure communication dans une époque où règne la communication est très significative, autant de l’état des relations entre Israël et les USA, et entre Netanyahou et Obama, que de l’état des gouvernements du bloc BAO dont Israël et les USA sont les représentants les plus huppés. Un passage très caractéristique de cette situation générale est celui où un autre “officiel” US reproche in fine à Netanyahou, si l’on comprend bien les finesses du propos, de ne pas avoir mené à bien l’attaque dont il a menacé l’Iran pendant des années (franchement son côté “pas-de-couilles”, ça)... «In comments designed to further sting Netanyahu, who has expended huge diplomatic effort on attempting to derail any deal with Iran over its nuclear programme, another official suggested the White House no longer believed Netanyahu would launch a pre-emptive strike on Iran to prevent it obtaining nuclear weapons. “It’s too late for him to do anything,” the official said. “Two, three years ago, this was a possibility. But ultimately he couldn’t bring himself to pull the trigger. It was a combination of our pressure and his own unwillingness to do anything dramatic. Now it’s too late.”»
On en reste tout de même un peu pantois. Ce n’est pas que nous ayons quelque affection excessive, ni pour Bibi, ni pour ses projets d’attaque de l’Iran, mais tout de même... Israël a menacé d’attaquer l’Iran d’une façon haute et claire, sinon officielle, depuis 2007-2008 et les USA se sont constamment mis en travers de ce projet, par tous les moyens possibles, les pressions, les dénonciations, les menaces, le chantage, etc. La chose est mentionnée dans le propos («a combination of our pressure and...»), mais très accessoirement, sans modifier en rien le jugement comme s’il s’agissait d’un point effectivement accessoire. En réalité, les USA ont décisivement sinon exclusivement contribué à transformer un aspect parmi d’autres de la personnalité de Netanyahou en son aspect dominant ; en partie velléitaire, en partie faux-semblant parmi d'autres traits de caractère, il l’est devenu complètement sous la pression et l’exemple US, alors qu’on vient lui reprocher maintenant cette évolution.
Il faut tout de même se rappeler le tintamarre lorsque Netanyahou (re)vint ay pouvoir en 2009. Il s’agissait du “faucon des faucons”, l'homme animé d'une fois religieuse pour anéantir l'ennemi irréductible, celui qui allait déclencher l’apocalypse, et cette réputation s’appuyait sans aucun doute sur des exploits passés. L’action lénifiante des USA sous la direction d’Obama joua un rôle essentiel dans l’engluement, l’ensablement du “faucon des faucons”, jusqu’au point où il semblerait que l’antagonisme haineux de Bibi contre les Iraniens ait laissé la place à une haine pure et simple à l’encontre d’Obama. (De son côté, question haine, Obama le lui rendait et le lui rend bien. Cela se sent à chacune de leurs rencontres.) Quoi qu’il en soit, le résultat est que le Premier ministre nucléaire Netanyahou s’est transformé en un politicien besogneux, arrangeur de combines, dont la vista stratégique se limite à des expéditions de tuerie saisonnières contre les Palestiniens, l’espace stratégique étant ainsi réduit aux faubourgs du réduit israélien. Il y en a encore pour évoquer tel ou tel “Grand Jeu” d’Israël pour redessiner le Moyen-Orient à sa convenance, mais quand l’on voit à quoi est arrivé ce pays, à quel résultat, à quel avantage, en trois ans, dans la crise syrienne sans fin sur sa frontière du Golan, on se permet de douter de ces rêveries d’un autre temps ... La puissante Amérique, la “nation exceptionnelle” sans laquelle rien n’est possible, a réussi, elle, depuis l’arrivée de saint-Obama qui-marche-sur-l’eau, l'exploit de rendre l’impasse israélo-palestienne aussi hermétique qu'une cellule de Guantanamo, donc plus hermétique qu'elle ne fut jamais. Voilà à quoi se résume la diplomatie obamesque qui devait tout changer sous nos yeux ébahis.
Ainsi, pendant que nous avions le dos tourné (vers l’Ukraine, vers les sauteries sauvages et barbares de Daesh/EI), Israël s’enfonçait dans son marécage, et les relations Israël-USA dans une espèce de glacière proche du zéro absolu où se trouve cantonnée la diplomatie du bloc BAO. Les relations israélo-américanistes ont elles-mêmes atteint le degré de paralysie et d’impuissance qui caractérise certainement le gouvernement de Washington, et très probablement, si nous le connaissions mieux, le gouvernement d’Israël. Les deux pays ressembleraient ainsi à deux petits vieux plus ou moins hémiplégiques qui, de leurs fauteuils roulants, échangent des invectives en s’affirmant pourtant comme les meilleurs amis du monde (et accessoirement comme les maîtres du monde)
Et alors disparaît peu à peu, dans une complète dissolution, l’un des axes de l’agressivité surpuissante du Système, l’un des outils déstructurants et dissolvant les plus efficaces du bloc BAO. Mais, aujourd’hui, tout cela s’abîme dans une mélancolique impuissance, qui est la forme bureaucratique et postmoderne de l’hyper-désordre dispensé par le Système lui-même. On observera tout aussi mélancoliquement que même l’AIPAC, lui-même plombé des maux inhérents du Système en fin de course, même le Congrès qui vote à des majorité de 130-150% des motions enfiévrées en faveur d’Israël mais est incapable d’animer la moindre politique cohérente, ne peuvent rien y changer.
Mis en ligne le 30 octobre 2014 à 10H53
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