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2797Nous parlons ici de l’un des débats techniques de la crise/“guerre” de Gaza. Actuellement, et au moins temporairement, la crise/guerre, ou Gaza-II si l’on veut après “Plomb fondu” de décembre 2009, est arrêtée par un cessez-le-feu, qui constitue une issue, dans ce cas, qui est tout ce qu’on veut sauf une victoire pour Israël.
A ce point, “Pilier de Défense” est une aventure extraordinairement pitoyable pour la puissance israélienne, à la fois incohérente et complètement contre-productive, un peu à l’image de la psychologie subvertie des trois dirigeants israéliens essentiellement impliqués, le gang Netanyahou-Barak-Lieberman. Bref, tout se passe selon le plan-Système prévu.
Le débat technique dont nous voulons parler est celui du système de défense anti-missiles (plutôt anti-roquettes) baptisé Iron Dome (certains, pour le fun, parlent du Iran Dome), développé par les Israéliens avec l’aide technologique et financière du Pentagone. Iron Dome a été une des vedettes de Gaza-II…
Plus précisément : quels ont été les résultats de Iron Dome face aux tirs de roquettes du Hamas ? Nous nous gardons de la moindre conclusion authoritative (terme employé pour désigner les conclusions des experts-Systèyme, – si l’on voit ce que nous voulons nécessairement dire). Nous citons ci-après quatre affirmations chronologiques venues de sources différentes (trois, dont deux fois la même) et qu’on peut estimer très antagonistes par ailleurs, donc répercutant des poiints de vue différents.
• Le 14 novembre 2012, disons après une journée de l’engagement de Gaza-II, DEBKAFiles publie un rapport général sous le titre «Egypt recalls envoy over IAF air strikes. Iron Dome hits 17 out of 50 missiles.». Dans le texte, ceci, sans autre commentaire ni évaluation, concernant la performance d’Iron Dome : «The Palestinians fired 50 rockets from Gaza Wednesday night, Nov. 14, after an Israeli air assault killed the Hamas military chief Ahmed Jabari and destroyed a long list of missile sites. Iron Dome intercepted 17 of the incoming rockets against Beersheba (three salvoes), Ashdod and Eshkol. None caused casualties.»
• Une interview, le 16 novepmbre 2012, de Webster Griffith Tarpley, sur PressTV.com. A une question sur les résultats obtenus par Iron Dome, Tarpley répond : «Well certainly it shows that this Israeli defense system that they have tautened so much where they have Arrow and David’s Sling and then Iron Dome at the bottom this is not working very well and what it sets up is the pattern that we have seen in the past, say in 2006 where they could not stop the rockets so then they tried a land invasion and that gets them into even bigger trouble.»
• Le 20 novembre 2012, nous lisons dans le texte que nous avons déjà cité, de l’universitaire indien M.I. Bhat, ce passage consacré à la poursuite de l'observation de la performance d’Iron Dome” : «The second clue comes from IDF update, which reports, “The Palestinians fired more than 800 rockets in four days, of which 250 were shot down by Iron Dome, including for the first time one in Tel Aviv.” Read it again. Mere 250 out of 800! 69 percent misses!
»Notwithstanding the hype, the IMPREGNABLE Iron Dome, after all, lets Hamas impregnate Israel surely and thoroughly with rockets! Hats off to the Iranian army commanders who always pooh-poohed hyped Israeli “impregnable” claim. Hamas has proved it for them thoroughly and comprehensively. How much it must boost Iranian army’s morale is anyone’s guess, and how much it has sapped Israeli morale is possibly best reflected in its desire to see Hamas “just stop” the rocket fire…»
• La dernière intervention sera mise un peu à part, et doit être appréciée à la lumière de la première citée ci-dessus (DEBKAFiles du 14 novembre 2012). Elle est certainement la plus stupéfiante, ou bien la plus révélatrice c’est selon. Elle vient de DEBKAFiles à nouveau, du rapport du 21 novembre 2012.
Le rapport exhale d’abord toute l’amertume et le pessimisme d’une analyse des conditions d’un cessez-le-feu, jugé sans aucun doute comme une défaite d’Israël par DEBKAFiles. (On a vu déjà le jugement sur l’hypothèse du cessez-le-feu de DEBKAFiles, rapporté par notre texte du 21 novembre 2012 : «Le rapport de DEBKAFiles cité insiste d’une façon pathétique pour que l’attaque ait lieu, pour que “la paix” avec le Hamas soit repoussée, parce que cette paix serait une victoire du Hamas. Dans son jusqu’auboutisme, DEBKAFiles n’a pas tort : après avoir déclenché ce cyclone où il hésite à entrer, Israël risque beaucoup plus dans le paix que le Hamas, et l’on comprend l’argument (sans pourtant croire à son efficacité) selon lequel une attaque poursuivie et étendue à l’offensive terrestre constituerait en un sens une tentative de structurer la politique et la stratégie israélienne… Mais la politique d’Israël, comme sa stratégie, comme dit Walt, est “vide”, c’est-à-dire déstructurée, – et, n'est-ce pas, comment espérer structurer le vide ?)
Curieusement, le texte de DEBKAFiles du 21 novembre 2012 est composé de deux thèmes, mélangés d'une façon chaotique. Autour de la partie principale, qui rend compte implicitement de la défaite d’Israël et de l’amertume déjà vus de DEBKEFIles, s'intercalent quelques phrases, concernant l'autre thème et “justifiant” (?) le titre lui-même extraordinaire («Iron Dome was the only real Israeli winner of the Gaza operation»). Ainsi en est-il, de cette façon… D’abord, «Iron Dome was the winner…», première phrase du rapport, qui en reste sur ce thème puisqu’on enchaîne aussitôt et abruptement sur l’analyse amère et pessimiste qu’on a dite ; puis au terme, ces phrases de conclusion, exprimant toujours amertume et pessimisme concernant la situation, au travers d’hypothèses esquissées, le tout “dominé” pourtant par l’affirmation ex abrupto du succès triomphal de Iron Dome…
«…What it finally boiled down to was a duel between the Iranian weapons wielded by Hamas and Jihad Islami and Israel’s Iron Dome missile interceptor.
»Iron Dome came out of the ordeal the unchallenged victor.
»With that success in hand, Israel had no need to get into negotiations with Hamas and Jihad Islami over a ceasefire, which neither of the two organizations is expected to honor. A unilateral ceasefire declaration from Jerusalem would have been enough. And in fact two hours after the ceasefire went into effect, Hamas had fired some 12 rockets against Israel. Schools in the south will remain closed Thursday.»
On apprécie l’exceptionnel contrepied, – Iron Dome qui affiche des pourcentages d’efficacité autour de 30% présenté comme “le grand vainqueur”. Mais, finalement, on comprend la démarche… Dans cette sorte de site qu'est DEBKAFiles, où le soutien de l’“internationale (US-Israël) neocon” est très présent et alimentairement très nécessaire, la présence de l’industrie d’armement israélo-américaniste n’est pas loin. (Voir le 12 mars 2012, quelques-unes de nos appréciations sur DEBKAFiles. Quant au complexe militaro-industriel, il est évidemment présent, et même partout présent, par exemple lorsqu’on mesure la proximité de Lockheed Martin des neocons US.)
Par conséquent, au bout du compte, au bout du catastrophique Gaza-II, il importe au moins d’affirmer que Iron Dome est un triomphe… Inutile de donner les chiffres (roquettes abattues, roquettes non abattues) puisqu’on vous dit que c’est un triomphe. (On aurait tout aussi bien pu lire, comme dans le cas du premier rapport du même site : “17 roquettes abattues sur 50, triomphe de Iron Dome.) Les auteurs des textes ne prennent même pas la peine de dissimuler quoi que ce soit, sans doute soumis à la nécessité d’affirmer qu’Iron Dome est un triomphe et peu inclinés à élaborer là-dessus pour tenter de ne pas trop compromettre leur réputation journalistique (affirmer qu’“Iron Dome est un triomphe”, sans autre détail, est tout de même moins intellectuellement attristant qu’affirmer qu’“Iron Dome a abattu autour de 30% des roquettes, c’est un triomphe”)
“On comprend la démarche”, écrivons-nous, et elle nous amène au Patriot. Nous apprenons en effet parallèlement, avec un soupir de soulagement concernant la sécurité de la malheureuse Turquie menacée par le colosse Syrie-Assad, que l’OTAN, dans son immense mansuétude, a accepté de transférer des batteries de Patriot sur la frontière turco-syrienne, sans doute d’extrême urgence (quelques mois, au rythme de la logistique US, qui intervient même lorsqu’il s’agit de quincaillerie vendue à la Hollande ou à l’Allemagne). Voici ce qu’en dit Russia Today, le 21 novembre 2012 :
«NATO has confirmed that it received a request from Ankara to deploy Patriot missiles on Turkish territory. The coalition said it would process the appeal soon. “I have received Turkey's request for NATO to deploy Patriot missiles. Allies will discuss this without delay,” NATO Secretary-General Anders Fogh Rasmussen said via his Twitter account. “The situation along the Syrian-Turkish border is of great concern,” Rasmussen said earlier at a meeting with the European Union's foreign and defense ministers. “We have all plans in place to defend and protect Turkey if needed.”
»The confirmation comes two weeks after Turkish Foreign Minister Ahmet Davutoglu announced that he had requested that NATO install the surface-to-air missiles near the Turkish border with Syria. Prime Minster Recip Tayyip Erdogan later denied that Turkey had made such a request.»
Cette grotesque farce (c’est le mot en vogue, puisque c’est par lui que Morsi désigne l’“agression” israélienne contre Gaza) que constitue le redéploiement de Patriot de pays européens de l’OTAN vers la Turquie est parfaitement dans la ligne comique de l’historiographie de Iron Dome… On peut même dire que, de ce point de vue du virtualisme et de la narrative, et ainsi de suite, en plus du point de vue de la technologie qui ne fonctionne pas, Iron Dome est le fils spirituel du Patriot, auquel il emprunte nombre d’éléments. Les résultats opérationnels d’Iron Dome montrent, en effet, que l’américanisation de Tsahal devenue IDF (voir plus loin) a touché les capacités technologiques israéliennes, qui basculent dans l’inversion à la suite du modèle américaniste. Israël est prêt à être équipé du JSF, cela lui conviendra bien.
Les Turcs, en attendant, vont recevoir des Patriot dont ils ne sauront évidemment que faire, et dont il vaut mieux qu’ils ne fassent rien puisque les Patriot sont surtout efficaces dans les tirs dits “fratricides”. (Plusieurs avions amis à son palmarès durant la récente guerre en Irak de 2003.) Cette demande fait partie de l’apparat turc pour justifier et expliciter la politique anti-syrienne forcenée de l’équipe Erdogan-Davutoglu, avec la fiction type-“farce” de la Turquie menacée par la Syrie. Bien entendu, les appels turcs à l’OTAN n’ont guère éveillé l’intérêt concret des pays-membres, sauf pour la quincaillerie, les USA intervenant pour que des Patriot soient effectivement transférés en Turquie, en provenance des alliés européens consentants. Il s’agit d’impliquer encore plus la Turquie dans le réseau de quincaillerie US du complexe militaro-industriel. Il s’agit d’être sérieux puisque, au bout du compte, il s’agit de vendre.
Cela nous conduit aussitôt à enchaîner sur quelques éléments de l’histoire du Patriot mêlés à l’histoire d’Israël, ce qui nous ramènera à l’histoire de Iron Dome et de ses éblouissants succès de ces derniers jours. L’histoire du Patriot, c’est les exploits du Patriot, particulièrement dans les guerres du Golfe, et, notamment et surtout, la première (1990-1991). Nous avons déjà publié des textes à ce propos, et notamment un texte, le 21 avril 2003, reprenant trois articles sur le Patriot.
L’occasion du texte que nous donnons en référence, c’était la deuxième guerre du Golfe (Irak), du printemps 2003, au cours de laquelle on parla également du Patriot, notamment de ses victoires contre des avions amis. A cette occasion, on pouvait se remémorer avec quelle vigueur les USA défendaient le Patriot depuis la première Guerre du Golfe, ou, plutôt, entretenaient la narrative autour de lui. Le président Bush d’alors (Bush-père) avait particulièrement été conquis par les exploits du Patriot et les avait célébrés au cours d’une visite électorale, dans une usine du Massachusetts. On parlait alors d’une efficacité de 80% et plus de ces missiles contre les Scud et autres nuisances de Saddam, durant la guerre de janvier-février 1991. Ce point de l’efficacité du Patriot fut l’occasion d’un accrochage de Bush-père avec Moshe Arens, le ministre israélien de la défense, qui doutait grandement de l’efficacité des Patriot que les USA avaient déployés en Israël, notamment à Tel-Aviv et alentour.
Parmi les articles que nous citions dans le texte référencé, un article de WSWS.org, sous le titre «TV documentary: US lied about Gulf War missile “hits”», du 7 février 2003 ; et ce passage, particulièrement, où il est question d’Arens…
«Accompanied by the media corps, the first President Bush traveled to where the Patriot missiles were manufactured, the Raytheon plant in Lexington, Massachusetts, to publicly congratulate the assembled employees. “It is thanks to the patriots here that the Patriot has achieved such success,” he stated.
»It is now clear from The Fifth Estate program that when he made that boast, Bush knew it to be a lie. Just before his appearance at the Raytheon factory, he received an urgent visit from Israeli Defense Minister Moshe Arens, who warned him that Israel was about to enter the war against Iraq because the Patriot missiles had proven completely ineffective.
»Interviewed by The Fifth Estate, Arens said he told Bush that, at best, the Patriots had intercepted 20 percent of the Scuds, a figure that soon turned out to be generous. Bush was desperate to forestall the Israeli threat, which could have inflamed the Middle East. He called in Pentagon officials, including Defense Secretary Richard Cheney, who insisted that the US military had reliable evidence of its “100 percent” hit rate.
»But by the time the 40-day war ended, 39 Iraqi Scuds had struck Israeli territory, killing two people and wounding hundreds, despite constant fire from US-operated Patriot batteries near Tel Aviv. American soldiers also became victims of the Patriot cover-up. In the most serious incident, 28 were killed when a Scud missile hit a barracks in Saudi Arabia.»
Quelques années ans plus tard, dans un autre documentaire sur la Guerre du Golfe, Arens fut à nouveau interrogé sur les performances du Patriot. Cette fois, ce n’est pas 20% de succès du missile qu’il cita, mais bel et bien 0%. Le Patriot n’avait pas intercepté un seul Scud en Israël, – ou bien, selon les plus optimistes parmi les sources du ministères de la défense, un Scud sur 36. Arens confirma l’entretien avec le président Bush ; et il précisa que le président s’était mis dans une fureur considérable lorsque lui-même lui avait expliqué la nullité technologique du système, et que le président lui avait intimé l’ordre de se taire. (Cela contredit l’interprétation de WSWS.org, selon laquelle Bush-père mentait sciemment en acclamant le succès des Patriot. Cela est, à notre sens, manifestement faux : les hommes-Système croit le Système et au Système ; entre les fiches techniques du Pentagone et de Ratyheon, et un vulgaire ministre de la défense israélien, il n’y a certainement pas la moindre hésitation à entretenir, et le second est considéré avec le plus grand mépris.)
Arens semblait amer, lors de l’interview que nous citons… Cet homme, Moshe Arens, fut l’un des derniers hommes politiques honorables d’Israël dans le domaine fondamental de la politique du point de vue de son pays et, dans tous les cas, le dernier à défendre la souveraineté de son pays, – non contre les masses terroristes et arabo-iraniennes, bien sûr, mais contre les USA, le Pentagone et le Système. Car c’est bien là qu’est le véritable affrontement. (On ne s’étonnera pas de voir, aujourd’hui, Arens prendre furieusement position contre l’achat du JSF par Israël, en rappelant l’aventure brisée du Lavi [voir ci-après] et de la souveraineté israélienne.)
En 1984-86, Arens se battit de toutes ses forces pour sauver le projet d’avion de combat israélien Lavi, qu’il considérait comme un projet garant de l’indépendance et de la souveraineté nationales israéliennes. Il n’avait aucune chance. Il perdit et le Lavi fut abandonné, sous la pression formidable du Pentagone, qui ne voulait pas d’un concurrent du F-16 à l’exportation. L’homme qui réalisa la liquidation du Lavi en mettant Israël à genoux pour le compte du Pentagone est un rabbin américain (ou américaniste), Dov S. Zakheim, par ailleurs neocon et affairiste, et qui était à l’époque un des cadres des services de l’exportation au Pentagone. Dans son livre Flight of the Lavi – Inside a US-Israeli Crisis (Brassey’s, 1996, Londres), Zakheim raconte ce que fut cette mission explicite de liquidation du Lavi, sa bataille à Tel-Aviv pour y parvenir. Zakheim et Arens nous montrent qu’il est un peu sommaire de réduire toutes ces affaires à des antagonismes entre Israéliens et non-Israéliens et entre Juifs et non-Juifs.
Le combat fondamental d’Israël, qui règle le sort d’Israël, c’est son “américanisation”, qui se fit sur le terme, entre 1967 et 1986 (liquidation du Lavi). On peut lire notre texte du 7 septembre 2006, qui est une reprise de la rubrique du texte de notre Lettre d’Analyse Context, de septembre 2006, après l’affrontement entre Israël et le Hezbollah. On y lit la description du processus d’américanisation de Tsahal devenue plus conformément IDF (Israel Defense Forces). Il s’agit du Système en pleine surpuissance déstructurante…
Dans le même texte déjà cité sur le Patriot et réunissant trois articles, nous citions un troisième article, de Defense News, du 7 février 2003. Nous présentions cet article, – qui vaut relecture, sans aucun doute, – de cette façon…
«Le troisième article, de Defense News, paru également le 7 février, est assez curieux. Il expose l’évolution de la position israélienne, en cours de négociation avec les Américains, dont l’un des effets serait d’abandonner toutes les critiques israéliennes contre le Patriot et de proclamer que le missile, notamment dans sa version PAC-3, marche superbement. C’est un des cas les plus évidents de démarche virtualiste dans le domaine de l’évaluation des performances des systèmes d’armes que nous connaissions. Littéralement, les Israéliens disent, à la demande des Américains et parce qu’ils ne peuvent pas leur refuser de tels services en ce moment : oui, nous allons dire désormais que le Patriot marche bien, alors que nous avions dit le contraire jusqu’ici. Les Israéliens semblent même prêts à en acheter (c’est-à-dire qu’ils seraient obligés par les Américains à utiliser une partie de l’aide US dans cet achat). La réalité est considérée de façon délibérée, sans aucune dissimulation, comme un élément complètement accessoire (ce pourquoi nous parlons de virtualisme). Les performances du PAC-3 en mars-avril 2003 ont été une douche froide à cet égard et des indications récentes disent que les israéliens achèteront bien des Patriot, peut-être moins que prévu, et les entreposeront sans intention de les mettre en service actif.»
Ce qui est dit dans cet article ci-dessus (Defense News), concernant le Patriot, pourrait être, en mode de contraction (contraction du temps et accélération de l’Histoire…) constituer les instructions données en général en Israël, et dont DEBKAFiles aurait recueilli l’écho. Elles se résument à ceci : “Enterrons le passé, disons que Iron Dome a bien marché et allons de l’avant”… “Aller de l’avant”, c’est-à-dire poursuivre le développement, la production et le déploiement de Iron Dome, qui est pour une bonne part inspiré des technologies des systèmes Patriot. D’ici là, d’ailleurs, il est possible que quelque belle narrative vienne s’installer pour refaire l’histoire de Iron Dome dans Gaza-II.
Du reste, la tonalité de la fin du rapport de DEBKAFiles nous suggère vers quelle destinée le complexe militaro-industriel, dans sa branche industrielle, verrait bien se diriger Israël : une forteresse protégée par un “dôme d’acier” qui, à défaut de bien fonctionner, fera marcher le commerce. Ces diverses conceptions, autant que les technologies employées, les conceptions déployées, etc., relèvent de l’américanisation dont il est question ici, c’est-à-dire, désormais, de la conception-Système de la situation, vue par le corporate power.
Ces développements de communication, qui construisent une narrative complète à la place de la réalité, sont d’autant plus impératifs qu’ils jouent pour le réseau antimissile US/OTAN, alias BMDE pour l’OTAN, auquel le Iron Dome israélien devrait être rattaché. Il s’agit des mêmes intérêts, des mêmes connexions, des mêmes réseaux. L’aventure Iron Dome durant Gaza-II n’a fait que confirmer diverses réalités et orientations : la défense antimissiles (ou anti-roquettes) ne marche pas, évidemment pas à 100%, certainement pas à 50%, et pas avant “autour de 30%” ; à côté de cela, la défense antimissile sera plus que jamais développée, et, nous dirions même, de toute urgence devant la gravité des situations diverses. Il n’y a aucun rapport entre ceci (efficacité du système) et cela (nécessité de développer et de déployer de toute urgence le système). Le seul rapport à établir, et qui vaut aussi bien pour Iron Dome que pour les diverses BMD des USA et de l’OTAN, est celui de la démonstration par l'existence même de Iron Dome de la nécessité des systèmes antimissiles ; par ailleurs, la profusion des missiles et roquettes du Hamas montre l’urgence de leur développement.
Voilà encore un domaine où l’américanisation d’Israël, dans le chef de son establishment de sécurité nationale, est largement confirmée et complètement réalisée. Cette américanisation est, aujourd’hui, très largement ce que nous qualifierions de situation-Système, basée sur le développement du technologisme selon une dynamique de surpuissance, sans intérêt réel pour les effets et pour le comportement des choses dans la réalité, sinon dans la vérité du monde, et avec bien entendu la nécessité du gain pour les forces placées au niveau du corporate power.
Cette puissance-Système qui s’avère fautive, sinon impuissante dans sa mission fondamentale, peut toujours arguer qu’elle renvoie au technologisme et, par conséquent, ne porte aucune responsabilité politique puisqu'il s'agit d'un courant impératif. C’est évidemment un complet sophisme, puisque c’est cette sorte de puissance qui, non contente d’accumuler des gains par la production et d’affirmer sa prépondérance par le technologisme, pèse d’un poids de plus en plus considérable sur un pouvoir politique de plus en plus affaiblie ; ce pouvoir doit alors prendre appui sur cette puissance pour affirmer “sa politique” et donc exprime en réalité toute l'influence qu'il subit de cette façon. En fait, ces développements technologiques si puissants ne cessent de réduire le champ des politiques possibles, par les contraintes technologiques, et indirectement de communication, qu’ils imposent. Bien entendu, comme le montre d’ailleurs Gaza-II, ils portent en eux-mêmes, irrésistible, la transformation de la surpuissance en autodestruction. Le processus est très rapide, comme l'a montré la rapidité de l'opération Gaza-II, la rapidité avec laquelle la direction politique d'Israël s'est trouvée devant l'échec, quelle que soit l'option choisie.
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