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1568A tout seigneur, tout honneur... Nos lecteurs n’ont pas manqué de proposer l’hypothèse de la connexion entre la crise courante à Washington (et ailleurs) PRISM/NSA/Snowden et la soudaine relance de la crise syrienne (l’annonce par la Maison-Blanche, le 13 juin, de l’acquisition, à assez bon marché, de la conviction de l’utilisation d’armes chimiques par Assad en Syrie ; l’annonce de mesures de rétorsion à venir, notamment et essentiellement des livraisons d’armes). (Pour nos lecteurs, voir les interventions dans notre Forum, au 14 juin 2013, de François Vadrot et de Jean-Paul Baquiast.)
Des sites ont également développé l’idée, notamment et évidemment aux USA. Nous avons noté celui de LewRockwell.com, le 14 juin 2013, et celui d’Economic Collapse, le 13 juin 2013 (au soir, le 14 juin pour nous), sous le titre «Is Obama Starting A War With Syria Just To Distract Us From All The Scandals?». Economic Collapse écrit :
«Well, isn't that convenient? At the moment when the Obama administration is feeling more heat then ever before, it starts another war. Suddenly everyone in the mainstream media is talking all about Syria and not about the IRS scandal, Benghazi, NSA snooping or any of the other political scandals that have popped up in recent weeks. As if on cue, Obama made headlines all over the globe on Thursday by claiming that the Syrian government has used chemical weapons against the rebels “multiple times”, and that the U.S. was now ready to do more to assist the rebels. That assistance is reportedly going to include “military support” for the rebels and a no-fly zone over at least part of Syria is being discussed. [...] As far as the Obama administration is concerned, there is no such thing as a coincidence. The timing of this announcement regarding Syria was not an accident. If Obama wanted to use chemical weapons as an excuse to go after Syria he could have done it weeks ago, or he could have waited several more months before taking action. He chose to do it right now for a reason, and hopefully the American people will be able to see right through this.»
Il ne fait aucun doute dans notre esprit que cette association est venue spontanément à divers esprits, tant elle a sa dose d’évidence. (Nous-même avons pensé dans ce sens, d’une façon complètement naturelle, bien que n’étant en aucune façon des fanatiques de cette sorte d’explication.) (Quant à la validité des “preuves” de l'utilisation de chimique par le bad boy de service, le scepticisme est très largement répandu. On signale, de ce point de vue, une analyse assez fournie de McClatchy.News, en général excellent dans son travail, le 14 juin 2013. Voir aussi l’article de Badia Benjelloun, sur ce site, le 30 mai 2013.)
L’idée de l’hypothèse d’une utilisation de l’affaire syrienne pour détourner l’attention apparaît plus clairement encore quand un officiel US précise, le 14 juin, que l’administration Obama a ses soi-disant preuves de l’utilisation de chimique depuis plusieurs semaines, par conséquent cette “conviction” du franchissement par Assad de la “ligne rouge”-version BHO chronologiquement à mesure. On est fondé alors à juger que la décision de rendre publique la chose le 13 juin est délibérée, – c’est le moins qu’on puisse en croire au regard de la belle organisation de la puissance US, – et qu’elle l’est en fonction des événements courants ; sans autre explication de l’officiel, quant à cette date choisie précisément, effectivement en plein cœur du scandale PRISM/NSA/Snowden, cela laisse à penser ... Pensons donc, pour observer que tout cela est un peu leste, ou un peu léger c’est selon, de la part de l’administration Obama et pour nous expliquer la soudaine allergie humanitaire qui pousse à la décision d’implication élargie dans l’affaire syrienne.
Voilà tracée une première connexion assez vraisemblable, sinon cousu main, entre deux crises, celle de PRISM/NSA/Snowden et celle de la Syrie. Qu’elle le soit en hypothèse ou dans la plus complète réalité, la connexion existe. Il existe au moins une connexion psychologique, qui implique une connexion de tension, et cette connexion est d’autant plus compréhensible que c’est vers la communauté du renseignement, naturellement impliquée à fond dans PRISM/NSA/Snowden, que se tourne l’administration Obama pour obtenir ses “preuves”. Il n’est pas absurde ni vulgaire de penser subsidiairement aux réflexions précédentes que cette communauté, dans la situation de tension où elle se trouve, s’est ou a été d’autant plus aisément convaincue, sans même nécessité de pressions extérieures, de confirmer l’existence de ces “preuves”.
On constate d’ailleurs que le débat sur la validité des “preuves” est assez mince, comme s’il était acquis comme une fatalité que le montage et la manipulation interviennent naturellement dans cette sorte d’exercice. L’atmosphère créée autour de la crise syrienne elle-même depuis deux ans, d’une référence constante à des narrative (voir le 2 avril 2012), appuyée sur une infraresponsabilité jouant complètement sur l’affectivité, semble réduire l’éventuelle rigueur scientifique à une nécessité absolument accessoire. Les “preuves”, manipulées bien sûr, ce n’est même pas une formalité, c’est tout juste un faux passeport imité à la va-vite et dont tout le monde, parmi copains et coquins du bloc BAO, se fout du tiers comme du quart pourvu qu'on puisse glapir “voilà des preuves”.
Là-dessus, on observera aussitôt, ce qui est un point intéressant, que le basculement sur la Syrie n’a pourtant pas l’effet attendu. Il est trop faible pour cela, et il est trop faible à cause de la pusillanimité d’Obama dans ce qu’il a ordonné en fait de conséquences opérationnelles de la présentation des “preuves“ de l’usage du chimique. (On reviendra sur la pusillanimité plus loin.) Le basculement n’étouffe nullement les effets de PRISM/NSA/Snowden, et cela pour la cause fondamentale du caractère d’Obama et de certaines circonstances qui lui sont liées, – cela au niveau opérationnel comme on le verra.
Mais il y a aussi un deuxième aspect entourant la décision US d’envoi d’armes aux rebelles (d'ailleurs pas une décision vraiment “décidée”) et l’échec de son effet attendu. Il s’agit des effets de la position intérieure d’Obama au niveau du prestige, du point de vue de sa notoriété “sociétale” autant qu’idéologique. Cette position est extrêmement affaiblie par les divers scandale, jusqu’à celui de PRISM bien entendu, en même temps que par sa politique de sécurité dont on a chaque jour une preuve supplémentaire (une vraie, celle-là), qu’elle prolonge et amplifie celle de GW Bush en se transmutant en politique-Système. Alors que certains (Justin Raimondo, le 14 juin 2013) y voient une confirmation de la trahison d’eux-mêmes par les libéraux-progressistes US, d’autres faits montrent au contraire que c’est l’occasion d’un grave déchirement chez certains de ces libéraux-progressistes.
Il faut lire la colonne larmoyante de Paul Harris, dans l’Observer (le Guardian) du 16 juin 2013. Harris nous décrit un Obama presque magique avec le discours qu’il fit à la convention démocrate de 2004, où il apparut comme l’étoile montante et déjà scintillante (et étoile africaine-américaine, comble de l’extase !) du libéral-progressisme à la sauce-Système de l’américanisme ; tout cela bientôt réalisé en une transmutation présidentielle, quatre ans plus tard, – ah, “génie de l’Amérique”, où tout change si vite et si bellement... («Change happens quickly in America; it is part of the genius of the nation. Four years after that night, Obama was in the White House, having ridden a wave of hope and optimism that made him a global hero and America's first-ever black president...»)
Il est étonnant de constater combien l’engagement idéologique moderniste, de l’idéologie libérale, économiste et sociétale, a le don rare de rendre extrêmement naïf dans le propos, même convenu, et d’une naïveté si grande qu’elle en ressemble parfois au synonyme d’idiotie congénitale. Sans aucun doute, il le faut, être extrêmement naïf et le reste, pour avoir cru, comme nous le dit Harris pour son propre chef, que sa réélection de 2012 allait permettra à BHO de réaliser toutes les promesses de l’Obama de 2004 ; qui ne savait déjà, en 2012, ce qu’il en était de la politique de sécurité d’Obama, devenue effectivement politique-Système ? Voici donc la confession et les larmes à flot de Paul Harris, de l’Observer.
«... Four years on again, he would win a second term, defeating Mitt Romney and the Tea Party hordes at his back. Surely that early promise of Boston had been fulfilled. Everything presaged in that remarkable 2004 speech had come true. I had indeed witnessed history in a glorious moment of its making. Sadly, I now think not.
»Over the last two weeks, the world has seen an extraordinary series of revelations about the scale, size and activities of the National Security Agency under Obama's administration. Though he came to power decrying the secret actions of Bush, Obama has embraced and extended many of the same activities... [...] No one in that hall in Boston in 2004 could have imagined that the young, eloquent and inspiring politician would have transformed so dramatically less than a decade later. Yet the Age of Obama is not one of hope and change; it is the era of the National Security President.»
La fin de l’article vaut citation, parce qu’elle va si loin, plus loin que l’auteur peut-être ne le voudrait, en nous disant que finalement rien ne s’explique fondamentalement par la racisme ni ne se résout par conséquent décisivement par sa cure de l’antiracisme... Elle nous dit que le rêve de Martin Luther King est peut-être accompli, celui où, un jour, on ne jugera plus, dans ce pays (les USA), quelqu’un “sur la couleur de sa peau, mais sur la vérité de son caractère” ; car on ne juge plus Obama sur la couleur de sa peau mais sur la vérité de son caractère, et le résultat n’est pas exaltant du tout puisqu’il est tout simplement catastrophique pour l’esprit des grandes espérances, – Obama l’Africain-Américain ne valant pas mieux que ses compères WASP du Système, – puisque tout le monde est du Système finalement...
«Due to his race, Obama is often cast in the light of America's civil rights movement and its heroic leader, Martin Luther King. Among King's most famous words are his hopes that his “four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the colour of their skin, but by the content of their character”.
»That dream of King's was what many believed Obama would one day fulfil. Perhaps he has, just not in the way anyone thought. In 2013 – amid drones, assassinations, mass spying, secret courts and tapping journalists’ phones – it seems that Obama's race matters less and less, while his inner character is shining through for judgment. It is sorely wanting.»
Puisque nous ne parlons plus de “race” (mot honni en France, comme l’on sait), mais bien de “caractère”, nous y voilà en revenant à une observation rapidement faite plus haut... Justement, dans la connexion entre PRIMS/NSA/Snowden et la Syrie, dans la façon dont le basculement vers la Syrie s’est fait très “petit bras” et réduisant ainsi d’autant l’effet recherché, on retrouve sans aucun doute la trace du caractère d’Obama tortueux et indécis, dans ce cas avec le premier trait mis en avant.
D’une part, il y a le constat qu’Obama a dû “avancer“ sur la Syrie (dans le sens de l’engagement) en développant une posture un peu plus agressive, sous des pressions semi-clandestines. On n’a pas été sans remarquer que le mirobolant Bill Clinton, qui fait équipe avec Tony Blair dans ses activités caritatives et lucratives, – lequel Blair recommande une invasion de la Syrie, – s’est effectivement rendu sur place (autour de la Syrie). Il en est est revenu gonflé à bloc, il a copiné avec la plus fine pensée de Washington D.C. (le sénateur John McCain), pour laisser dire publiquement qu’effectivement il favorisait une intervention en Syrie ou tout comme. Ce qui se dit est qu’Obama craint les Clinton comme la peste, notamment parce qu’Hillary pourrait bien détenir depuis l’affaire de Benghazi du 11 septembre 2011 quelques éléments compromettants pour lui-même ; Obama estime que cette sortie de Bill Clinton sur la Syrie se fait au service de sa fougueuse épouse Hillary, qui ne rêve que d’invasions humanitaires ; tout ce qui vient des Clinton doit donc être désamorcé avec précaution, et le “durcissement” pro-rebelles du 13 juin va dans ce sens.
A l’inverse, le même caractère “tortueux et indécis” joue, cette fois avec le deuxième trait, dans ce que le “durcissement” du 13 juin est très flou et reste très loin de ce que le War Party attend de son président favori. Cela nous vaut donc deux exemples des manœuvres Clinton versus Obama où chacun cherche à repousser l’influence de l’autre ou à pousser l’autre plus loin qu’il ne veut, avec un premier cas où Obama repousse les conclusions de Clinton, et un second cas où Clinton applaudit aux décisions d’Obama
Pour le premier cas, comme le rapporte CNN le 13 juin 2013 : «President Barack Obama – said to be weighing whether or not to send lethal weapons to Syrian rebels – will not decide on further American involvement in the country's civil war with his critics' opinions in mind, the White House said Thursday. The pushback came as a response to comments made by former President Bill Clinton, who on Wednesday said he agreed with Republican Sen. John McCain's calls for a greater U.S. role in assisting Syrian rebels battling President Bashar al-Assad.» Le 14 juin 2013, sur Politico.com, on voit donc un souriant Bill Clinton au cours de l’émission Morning Joe donner tout son soutien à Obama, qui ressemble un peu à la corde qui soutient le pendu, où Clinton laisse entendre qu’après ce bon début il faut qu’Obama aille beaucoup, beaucoup plus loin en Syrie... («Clinton said Friday that U.S. policy toward Syria is headed in the “right direction” after the White House’s announcement of stepped-up American involvement. [...] “Looks to me like this thing is is trending in the right direction now...»)
La conclusion de cet intermède washingtonien est donnée, dans le même texte de Politico.com, extrait de la même émission Morning Joe, par un Zbigniew Brzezinski toujours aussi grognon, mécontent, râleur, furieux et fulminant ... Il est souvent dit de Brzezinski qu’il joue auprès d’Obama un rôle d’éminence grise ; il le dissimule bien, et Obama ne doit pas rigoler tous les jours ... (Ou bien est-ce que Brzezinski joua ce rôle et l’a perdu, parce que trop rabat-joie, et qu’il ne se contient plus ?)
«Also appearing on “Morning Joe” on Friday, former National Security Adviser Zbigniew Brzezinski criticized the White House for a “sporadic, chaotic, unstructured and directed” approach. “I think we need a serious policy review with the top people involved, not just an announcement by the deputy head of the NSA that an important event has taken place and we’ll be reacting to it,” [...] “The leadership has to be more directed from the top down, involving the president and his top, top foreign policy advisers. Not by some casual communiqués, worded in a vague fashion.” “The fact of the matter is that we are threatened by sliding into a sectarian civil war in which both sides are very brutal. … I don’t see any real strategic guidance to what we’re doing. I see a lot of rhetoric, a lot of emotion, a lot of propaganda, in fact.”»
L’idée centrale de Brzezinski se nomme “désordre, désordre, désordre”, par incompétence, hésitations et manque de direction, sentimentalisme déplacé et émotions trop pressantes, propagande et manœuvres diverses où évidemment, les scandales washingtoniens, avec PRISM/NS/Snowden au premier plan et les autres également (dont celui de Benghazi), pourraient avoir la première place dans la façon où ils peuvent forcer à pousser les uns et les autres à des manœuvres de déflection vers d’autres théâtres (la Syrie en l’occurrence). (Un long article de Politico.com, le 13 juin 2013, permet de mesurer la complexité des tractations et des manœuvres ayant accompagné la décision du 13 juin sur la Syrie.)
La conclusion, pour ce qui concerne l’aventure syrienne telle qu’elle est en train de tourner ? Pourquoi pas celle d’un observateur extérieur, Patrick Cockburn, dans The Independent du 15 juin 2013 ? L’homme est avisé et expérimenté, et il sait de quoi il parle, à la fois du théâtre du Moyen-Orient et des entêtements hystériques de la politique US.
Cockburn estime que, dans les conditions actuelles où Assad est partout sur l’offensive en Syrie et fait des gains considérables, seule une “guerre totale” peut éventuellement l’arrêter, voire provoquer sa chute. Par “guerre totale”, Cockburn entend un engagement direct des pays du bloc BAO, dont bien sûr les USA... Ainsi Obama aurait-il bouclé la boucle de parvenir, pour des raisons diverses et sans guère de rapport avec la Syrie, et notamment la situation washingtonienne, à cet engagement total qu’il veut à tout prix éviter. Il serait sur le sentier de la guerre d’un nouvel Irak ou d’un nouvel Afghanistan, ces choses qu’il voudrait éviter comme la peste.
«Syria is close to following Afghanistan, Iraq and Libya as the target of a major Western military intervention. It certainly looks that way after the American decision last week to send weapons to the rebels in a move that can only deepen the conflict. The supposed aim of the United States arms supply is to “tip the balance” in favour of the insurgents and force Bashar al-Assad's government to negotiate its departure from power. But Assad holds all but one of Syria's cities and large towns, so, to transform the military situation on the ground the US, Britain and France would have to become the main fighting force of the rebels and engage in a full-scale war.»
Il est donc possible qu’on nous annonce, parmi les multiples versions de montage et de manigance qui défilent désormais sur l’internet et ailleurs, que Snowdon n’est rien d’autre qu’un false flag déguisé en sapiens, et fabriqué par le Qatar pour pousser Obama à l’engagement en Syrie par les divers enchaînements qu’on a tenté d’évoquer. Cette hypothèse existe parmi un choix considérable, certes, mais il subsiste quelques solides vérités, – et notamment celle selon laquelle certains continuent à prendre Snowdon pour une affaire terriblement sérieuse.
Ainsi et parmi ceux qui continuent “à prendre Snowdon pour une affaire terriblement sérieuse”, il y a les Chinois. Pour eux, comme on l’a vu le 15 juin 2013, Snowdon et ce qu’il apporte avec lui constituent cette affaire “terriblement sérieuse” avec laquelle on ne peut transiger. (Ce 17 juin 2013, WSWS.org élargit l’analyse des effets de l’intervention de Snowdon sur l’agression de cyberguerre des USA contre la Chine, et les réactions chinoises.) Les Chinois ont une sensibilité extrême à tout ce qui s’apparente à la cyberguerre dont la NSA est maîtresse d’œuvre aux USA, et Snowdon leur apporte la confirmation que les USA mènent effectivement contre eux une véritable agression s’apparentant à une guerre, et cela en cours depuis au moins 15 ans, – ce qui ne laisse aucun doute sur la réalité du rôle déstructurant et complètement belliciste des USA en Asie, et contre la Chine, – et encore plus alors que la stratégie générale US prétend s’orienter vers l’Asie.
Un durcissement chinois est sans aucun doute à attendre, et il doit se faire en parallèle avec un durcissement russe contre les mêmes (les USA, et, avec eux, les autres pays du bloc BAO), – dans ce cas, pour les Russes, essentiellement à cause de la Syrie dans sa phase actuelle, dont on a vu que l’affaire PRISM/NSA/Snowdon y a peut-être beaucoup à voir. De toutes les façons, les Russes ont, eux aussi, réagi à cette même affaire Snowdon, et leur sentiment, même s’il est moins vif que celui des Chinois, est au moins largement similaire. Cela conduit à une sorte d’ébauche d’une nouvelle crise, qui devrait se développer très vite, au rythme de cette époque martyrisée par le Système ; cette crise, une tension extrême et explosive, à moteurs multiples avec la Chine et la Russie cette fois formellement associées (peut-être même selon une procédure impliquant l’Organisation de Coopération de Shanghai), et en face les USA au sein du bloc BAO. Ce durcissement, pour la partie russe, puisqu’il implique le bloc BAO et par conséquent l’Europe, ne serait pas pour étonner ceux qui ont lu Alexandre Latsa (voir le 15 juin 2013). La tension dans une telle situation est telle qu’on pourrait bien parler d’une crise potentiellement à caractère mondial, d’une force à mesure des puissances impliquées directement.
En admettant l’hypothèse qu’on cherchait éventuellement à détourner l’attention de PRISM/NSA/Snowdon en lançant un nouveau prolongement dans l’affaire syrienne, on observe qu’on provoque au contraire un développement proliférant de cette crise, et qu’on parvient ainsi au résultat d’attiser d’autres crises, voire d’en créer certaines, sans faire cesser la crise initiale. La validité de l’observation, et par conséquent le processus, subsistent d’ailleurs quelle que soit les causes du processus, c’est-à-dire hors de la question de la validité ou non de l’hypothèse d’une manipulation...
Cette dernière hypothèse peut en effet largement, et avantageusement, être remplacée par une hypothèse concernant la psychologie et son exacerbation par la crise PRISM/NSA/Snowdon, là aussi alimentant des effets divers. PRISM succédant à d’autres scandales, exacerbant l’atmosphère de tension à Washington, poussant à des décisions, à des tensions nouvelles dans d’autres domaines, soit pour sortir de l’emprisonnement washingtonien, soit pour exprimer une frustration. Ce qu’on voit (le 13 juin 2013) de l’état psychologique de l’“homme le plus puissant du monde” (marque déposée) ne contredit pas cette idée.
Il reste le fait, relativement nouveau mais de plus en plus avéré, que PRISM/NSA/Snowdon se divise en deux pour ses effets, – donc devient au moins deux crises. D’une part, un effet intérieur direct, avec ses conséquences directes et colossales, sur le débat des libertés civiles et de la surveillance des citoyens ; avec ses conséquences indirectes éventuelles, durcissant la situation à Washington, aussi bien d’Obama que des diverses tendances autour de lui, et diffusant sa tension vers la Syrie. D’autre part, un effet extérieur presque direct, avec ce que pourrait, ce que devrait être la réaction chinoise, puis accompagnée de la réaction russe, avec leurs effets directs de tension avec le bloc BAO.
C’est une situation tourbillonnante, à la fois dans la manufacture et le développement de la crise PRISM/NSA/Snowdon, à la fois dans les rapports et les connexions de cette crise avec les crises existantes, ou avec de nouvelles crises en formation. D’une façon plus générale dans la séquence actuelle, on voit qu’un lien de plus en plus ferme est établi entre les diverses crises, actives ou en gestation. Cela tend à offrir la perspective d’un élargissement de la notion de crise haute qui avait transféré son centre bouillonnant dans la seule Syrie (voir le 1er juin 2013), qui s’élargirait désormais en une nébuleuse où seraient liées cette crise syrienne, la crise interne aux USA, une nouvelle tension sur un axe Est-Ouest avec un durcissement stratégique de la Chine se rangeant décidément au côté de la Russie en “position de combat”.
On ajoutera, en appendice fort démocratique hors de notre propos mais qui s’y connecte selon la même logique crisique générale, que l’élection démocratique iranienne, complète de façon élégante le tableau général. Elle place le bloc BAO dans l’emportement et l’incontrôlabilité de sa propre crise qu’il diffuse dans le monde pour en recevoir les effets en un mode blowback dévastateur généré par le processus d’entropisation de ses propres prétentions, qui implique la faiblesse et l’inefficacité finales de l’attaque et invite à des effets pervers et des contre-attaques antiSystème. L’élection iranienne, par les conditions qu’elle expose et le probable accroissement de l’influence de l’Iran qu’elle implique, face à l’entropisation de la narrative du bloc BAO (voir ce 17 juin 2013), est une de ces contre-attaques antiSystème. Ainsi constate-t-on sans surprise que cette situation tourbillonnante animée par la surpuissance du Système, transforme conformément à sa propre logique et à l'équation bien connue cette surpuissance en autodestruction.
Dans ce cadre de la crise haute qui est finalement une transcription opérationnelle de la crise d’effondrement du Système, la situation la plus remarquable aujourd’hui est le phénomène de diffusion entre les crises, qui crée de nouvelles crises par extension ou projection sans nécessité de proximité géographique ou géopolitique, ni même de logique politique. (Dans ce cas, nous tenons, une fois de plus, le facteur psychologique comme essentiel parce qu’il diffuse la tension crisique et permet une combustion spontanée des crises potentielles.) Dans ce domaine crisique règne également le désordre engendré par la poussée constante et déstructurante du Système. Cette activité d’exacerbation et de multiplication pourrait être perçue comme une sorte de phénomène de “recrudescence” permanente dans le cadre de ce que nous nommons l’infrastructure crisique. (On sait que, dans notre rangement, l’infrastructure crisique représente une sorte de latence des crises effectivement activées et inscrites dans cet ensemble plutôt que de se manifester normalement sous forme d’éruption. Bien entendu, l’infrastructure crisique n’empêche nullement la manifestation de crises “normales”, sous forme d’éruptions.)
D’une certaine façon, les crises envisagées ici, en pleine exacerbation et multiplication, sont effectivement des éruptions favorisées par l’infrastructure crisique. Ces éruptions étant largement diversifiées elles-mêmes dans leurs éparpillements géographique comme dans leurs motifs, tendent à régurgiter un renforcement général de l’infrastructure crisique. Ce qui est remarquable dans le cas présent, c’est bien entendu la prolifération entre les crises, par la diversité de leurs développements et souvent sans liens directs évidents, souvent comme par combustion spontanée. L’action des protagonistes de telles crises, qui sont très souvent des acteurs-Systèmes, ou figurants-Système pour être plus juste, pris dans les contradictions que leur imposent les pressions du Système, concourt avec efficacité, et bien entendu complètement de façon inconsciente de la part du figurant, à la création et à la diffusion de ces crises, renforçant ainsi autant la crise haute que l’infrastructure crisique.
Ainsi est en train de se développer une généralisation de ce qu’on pourrait nommer “éruption crisique”, à partir de l’infrastructure crisique et tendant à s’intégrer dans la crise haute (celle-ci pouvant évoluer pour ce qui est de son foyer central, selon les intensités crisiques). Cela signifie que toutes les crises, chaînes crisiques, etc., dans leur dynamique initiale, avant d’être intégrées dans les grands ensembles (infrastructure crisique et crise haute) tendent à se réunir de plus en plus dans le concept crique en général, et à alimenter ces grands ensembles autant que s’y alimenter avant même d’y être intégrés. Ainsi les crises ne répondent-elles plus qu’aux impulsions crisiques : cela signifie que la situation générale est désormais totalement hors du contrôle humain (même des montages, false flags et autres, dont nous sommes friands, qui ont effectivement lieu mais donnent des effets complètement incontrôlables). Les conséquences des crises sont par conséquent purement eschatologiques, donnant des effets et des conséquences qui ne peuvent par définition être appréhendés par la raison humaine, et encore moins maîtrisées.
Les crises se manifestent de plus en plus en se corrélant entre elles, en créant des sous-ensembles crisiques et en renforçant continuellement le processus d’intégration d’elles-mêmes dont l’effet obtenu est toujours supérieur et de substance différente de la simple addition, et se réalisant par conséquent avec le renforcement qui va avec dans la crise haute (opérationnelle) et dans infrastructure crisique (latente). Il y a la mise en place progressive d’une situation générale d’enfermement intégré dans un milieu totalement crisique qui tend à exercer une pression contradictoire explosive sur le cadre d’enfermement qui a caractérisé et caractérise encore le Système. C’est le renforcement constant des conditions de ce que le jargon anglo-américain désigne, lorsque tous les événements se rassemblent pour une explosion générale la plus forte possible, sous l’expression de perfect storm. On peut faire l’hypothèse, – on n’en est pas à une près mais celle-ci vaut le détour, – qu’il s’agit d’une voie pour une substantivation opérationnelle des conditions d’accélération finale de la crise générale d’effondrement du Système.