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539224 juin 2013 – Cette aventure, le sort d’Edward Snowden durant la journée du 24 juin 2013 jusqu’à ce matin, à l’heure où nous écrivons ce texte, – et sans préjuger de la suite dans cette même journée du 25 juin, – cette aventure pourrait se nommer “le whistleblower volant”, qui serait une version absolument postmoderniste du fameux vaisseau fantôme dont même Wagner, dans son Fliegender Holländer ne parvint pas à percer le secret.
...Mais il s’agirait alors d’une allégorie dans la plus complète inversion, bien dans notre époque. Le “Hollandais volant” avait été ainsi transmuté en fantôme condamné à errer sans fin sous le coup de la justice divine. («Les marins de toutes les nations croient à l'existence d'un bâtiment hollandais dont l'équipage est condamné par la justice divine, pour crime de pirateries et de cruautés abominables, à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles. On considère sa rencontre comme un funeste présage.») Nous dirions plutôt, pour cette odyssée du “whistleblower volant”, qu’elle a plutôt bénéficié jusqu’ici de la protection de la justice divine, pour avoir posé un acte des plus vertueux, digne de l’intérêt de la métahistoire. Parler de “jusqu’à la fin des siècles” à son propos est exagéré, mais, dans notre époque où le temps se contracte et l’Histoire ne cesse d’accélérer, parvenir jusqu’à la fin d’un jour ou deux sans que hyper-Big Brother ne puisse s’assurer de lui est déjà un indice que la justice divine pourrait être partie prenante dans l’affaire.
... Car la fulmination de Washington, tout au long de ces longues heures, est palpable et mesurable, presque comme un scientifique de ce monde nouveau en train de se créer (hyper-Big Brother à la barre) pourrait le déterminer exactement. Snowden a déjà lâché trois volée de documents (PRISM, l’espionnage des dirigeants politiques au G-20, le rôle du GCHQ britannique comme relais de la NSA), relayés par Greenwald et publiés par le Guardian ; plus diverses révélations concernant la cyberguerre washingtonienne contre la Chine. Il se dit, à Washington, qu’il en a au moins deux cents du même tonneau. Edward Snowden est un homme dangereux ; où est le “whistleblower volant” et quel va être son destin ?
Russia Today (RT) mérite bien ses galons récemment acquis (voir le 3 juin 2013). La station de TV russe a été, si l’on ose dire lorsqu’il s’agit de la Russie, impériale dans sa couverture de l’odyssée Day One (24 juin 2013) de l’envolée de Hong Kong d’Edward Snowden. RT a suivi heure par heure cette affaire, ayant déjà montré auparavant, depuis la défection de Snowden, l’intérêt qu’elle lui portait et les moyens dont elle disposait pour la couvrir.
On parle bien de “l’affaire” et non de Snowden lui-même, et d’ailleurs en insistant absolument sur ce fait déjà mis en évidence par nous : l’“affaire PRISM/NSA/Snowden” est devenue une crise en elle-même, d’ores et déjà intégrée dans l’“infrastructure crisique”. Ainsi écrivions-nous le 20 juin 2013 : «Cela signifie qu’une nouvelle crise est installée, qu’elle est désormais constitutive d’elle-même et autonome, ne nécessitant plus de sollicitations extérieures pour être relancée et peu sensible par conséquent aux tentatives d’étouffement, et même devant résister d'une façon active face aux contraintes extérieures pour continuer à exister. (D’autre part, bien entendu, les sollicitations extérieures dans le sens de la relance, notamment les révélations régulières de Snowden via Greenwald et le Guardian, promises pour un très long terme, plusieurs mois, voire sur plus d’une à deux années, agiront effectivement en accentuant les capacités de relance et d’éruption conjoncturelle de la crise devenue infrastructurelle.)»
Sentant évidemment qu’il fallait marquer une étape, RT s’est donc fendu, ce 25 juin 2013, d’un très long texte, sous le titre de «Hide and leak: Where in the world is Edward Snowden?». On y retrouve un recensement de tous les événements de la journée du 24 juin, de toutes les rumeurs, contradictions, affirmations et démentis, et aussi de quelques faits avérés après tout. Nous allons emprunter une partie de ce texte, sa conclusion, qui nous instruit qu’à cette heure, en cette fin de matinée du 25 juin 2013, eh bien personne parmi ceux qui sont en-dehors du cœur de la “crise PRISM/NSA/Snowden” ne sait où se trouve Snowden...
On lira avec un particulier intérêt les deux dernières phrases, portant sur les rares faits avérés de cette journée du 24 juin (le départ de Snowden de Hong Kong). On les complétera avec cet article du Guardian du 24 juin 2013, sous le titre qui dit tout, – «Whistleblower Snowden escapes arrest in Hong Kong thanks to US errors»... Et l’on terminera sur cette interrogation naïve, de type complètement non-scientifique : mais bordel, que fait donc hyper-Big Brother, alias Captain America, qui voit tout, qui sait tout, qui pense pour nous, qui a laissé Snowden s’enfuir de Hong Kong comme un vulgaire condamné à vie s’évadait de la forteresse d’Alcatraz ?
Voici donc, comme promis ci-dessus, la conclusion du long article de RT du 25 juin 2013. Que cela ne décourage personne de le lire en entier : la chose est à la fois instructive, passionnante, stupéfiante, – et, finalement, elle devrait laisser à penser quant aux capacités de contrôle de nous par nous (puisqu’il paraît, selon la réflexion-Système, que nous sommes tous, hyper-Big Brother et nous, du même genre, dit humain).
«Once Snowden failed to show for his Havana-bound flight, RT’s Irina Galushko noted there were at least four flights leaving on Monday that could put Snowden on route to Ecuador. A source familiar with the situation earlier told Interfax that Snowden might take the next flight to Latin America via Cuba. “He’s probably got another ticket also via Cuba, as there are no direct flights [from Moscow] to Caracas or Quito.” Like so much other information that has leaked out of Moscow’s international hub, nothing ever materialized. The same source later told Interfax that Snowden was probably already outside of the Russian Federation.
»Speaking at a joint press conferred with his Indian counterpart in New Delhi, Secretary of State John Kerry said he had no knowledge of Snowden’s final destination, adding he would be deeply troubled if Moscow or China had prior notice of Snowden’s travel plans, Reuters reports. More baffling to Washington is how Snowden ever left Hong Kong as his passport had been revoked one day prior. On the same day, the US asked Hong Kong to hand over Snowden under the terms of a 1998 extradition treaty with the Chinese territory.
»However, The Hong Kong special administrative region [HKSAR] government said their decision not to block Snowden’s departure stemmed from the fact that “the documents provided by the US government did not fully comply with the legal requirements under Hong Kong law.” “As the HKSAR government has yet to have sufficient information to process the request for provisional warrant of arrest, there is no legal basis to restrict Mr Snowden from leaving Hong Kong. The HKSAR government has already informed the US government of Mr Snowden's departure,” the statement continued.
»On Friday, federal prosecutors filed a criminal complaint against Snowden for leaking a trove of documents regarding the NSA’s clandestine surveillance programs. Snowden was charged with theft, “unauthorized communication of national defense information” and “willful communication of classified communications intelligence information to an unauthorized person.” The last two charges were brought under the 1917 Espionage Act, which allow for the issuance of an international arrest warrant against him.
»Russia, which has no extradition treaty with the US, said it would be under no obligation to hand over a US citizen. Foreign Minister. Sergey Lavrov has previously said Russia would be willing to consider an asylum request from Snowden. However, an unnamed security official told RIA-Novosti news agency on Monday that no orders for Snowden's arrest have been dispatched through Interpol to Russian law enforcement agencies.
»Speaking from Hanoi on Monday, Patino said he did not know Snowden’s current whereabouts, or where the whistleblower planned to travel next. The Ecuadorian FM, who read a letter in which Snowden likened himself to Bradley Manning, the US army private who is currently on trial for leaking classified information to Wikileaks, intimated that the former NSA contractor’s asylum request would be considered on human rights grounds.
»Following news that Snowden’s passport had been revoked, State Department spokeswoman Jennifer Psaki said he “should not be allowed to proceed in any further international travel, other than is necessary to return him to the United States.” That Snowden could leave Hong Kong on an invalidated passport despite the charges leveled against him speaks volumes about the fallout from the United States sweeping surveillance activities. And despite the massive troves of information the US government continues to cull both at home and abroad through PRISM and related surveillance programs, one critical fact remains elusive: where in the world is Edward Snowden?»
Ce qui apparaît comme une quasi-certitude extrêmement discrète, c’est le rôle de la Chine dans l’organisation du départ de Snowden de Hong-Kong. Ce départ a eu lieu dans des conditions très incertaines du point de vue de la légalité internationale, si l’on s’en tient à la lettre de la chose, puisqu’il y avait eu une intervention de Washington auprès de Hong Kong, et une suspension de la validité du passeport US par le département d’État. RT fait un compte-rendu sur cet aspect de l’affaire, notamment à partir de l’intervention de Reuters auprès d’un avocat de Hong Kong qui a joué un rôle important dans ce départ. (RT, le 24 juin 2013.)
«A lawyer for the former spy agency contractor has pointed out that Edward Snowden was told to flee Hong Kong by a middleman claiming to represent the Chinese controlled territory – which evidently could mean the advice was Beijing-backed. Lawyer Albert Ho, who is also a Hong Kong legislator critical of China, indicated that he was approached by Snowden several days ago, according to Reuters.
»The American asked the Hong Kong government if he could leave the city freely if he chose to do so, and tried to find out the Hong Kong government’s position on his situation. After that, Ho met a senior Hong Kong official, who did not offer any comment. However, Ho claims Snowden later told him an individual supposedly representing the Hong Kong authorities had contacted him and indicated he should leave the city, and wouldn't be stopped by the authorities. Ho said he believed the middleman was acting on Beijing's orders. However, he had no solid evidence to prove it. “They (Beijing) used someone behind the scenes to get Snowden to leave. And the Hong Kong government didn't have much of a role. Its role was to receive instructions to not stop him at the airport,” Ho told Reuters.»
Snowden étant passé par Hong Kong, la Chine étant intervenue, Snowden s’étant ensuite rendu à Moscou, – dans tous les cas, selon la version générale du voyage, – il y a là un cas intéressant pour les relations internationales avec l’implication évidente et furieuse des USA. Notre ami M K Bhadrakumar s’intéresse, le 24 juin 2013, à cet aspect des choses comme à un “test” de l’ordre international qu’il juge nouveau, – à la fois “ordre”, effectivement, ce qui est une qualification peut-être audacieuse, et “multipolaire”, – «Snowden tests multipolar world order». (USA + ROW, ou Rest Of the Workld, si l'on veut.)
M K Bhadrakumar observe que l’équipée de Snowden dispose d’une organisation minutieuse et remarquable. Effectivement, le parcours d’ailleurs inconnu de Snowden implique une telle organisation, et notamment l’intervention active des autorités concernées, – russes essentiellement dans ce cas. Bhadrakumar s’arrête enfin au cas d’un Snowden se trouvant en Russie (même si dans la zone extra-territoriale de l'aéroport de Moscou), avec les USA demandant son extradition, pour mettre en évidence des situations auxquelles on ne pense guère.
«It appears Snowden’s onward journey is being meticulously worked out. His being in the transit lounge at Sheremetyevo technically absolves Russian authorities of responsibility since he is not exactly on “Russian soil”. The Kremlin spokesman says he has no clue to Snowden’s whereabouts. Of course, there is no question of Russia giving asylum to Snowden. However, it will be fun to watch how Washington makes a demarche with Moscow.
»To be sure, it will be an awfully embarrassing thing for the US to do after having given asylum to the notorious Chechen separatist leader Ilyas Akhmadov almost a decade ago. The Americans rubbed the Russian nose in the dust only last year when amidst much pomp Akhmadov’s book was released in Washington. Zbigniew Brzezinski wrote the book’s preface. Incredible, isn’t it? The Russian foreign ministry cried ‘murder’, but Obama administration simply ignored the protest.
»Then, there is the celebrated case file of the “Angel of Death”, a former Soviet air force officer – with intelligence background, probably – by name Viktor Bout who was spirited away from Thailand by the US intelligence despite Moscow’s protests, taken to the US, sentenced to 25 years imprisonment, locked up in solitary confinement and the key thrown away. The Obama administration turned down Moscow’s request for Bout’s extradition. The birds are coming to roost, finally.»
Aux USA, les réactions depuis le départ de Snowden de Hong Kong sont, du point de vue officiel-Système, absolument furieuse. Il y a bien sûr les déclarations de Kerry, déroulant l’habituelle argumentation, et des pseudo-avertissements à Pékin et à Moscou, – et aussi la reconnaissance, lorsque ces déclarations furent faites, que Washington ignore ce que Snowden va faire. (Voir RT, le 24 juin 2013, sur un Kerry nous confiant qu’il serait “très troublé s’il s’avérait que la Chine et la Russie étaient au courant des plans de Snowden”. Voir également, sur le même RT, le 25 juin 2013, que la réaction russe est d'une dureté rarement égalée, avec le visage de Lavrov pour l'exprimer.)
Pour une réaction plus affirmée, et donc plus véridique du Système, on se reportera par exemple aux déclarations, le 23 juin 2013 (rapportées par le Washington Times), du sénateur démocrate Charles Schumer. Il s’agit de menaces contre Poutine et la Russie, en commentaire direct de l’annonce, connue lors de l’interview retranscrite de CNN, que la Russie avait autorisé Snowden à au moins transiter par Moscou. «President Vladimir Putin’s decision to allow Edward Snowden to land in Russia will have “serious consequences” for U.S.-Russian relations, Sen. Charles E. Schumer said Sunday. [...] “The bottom line is very simple: Allies are supposed to treat each other in decent ways, and Putin always seems almost eager to put a finger in the eye of the United States, whether it is Syria, Iran and now of course with Snowden,” Mr. Schumer said. “That’s not how allies should treat each other, and I think it will have serious consequences for the United States-Russia relationship.”»
Un dernier mot intéressant dans l’intervention de Schumer : l’affirmation empressée que l’attitude de certains pays dans cette affaire ne signifie nullement le déclin de l’influence US («Mr. Schumer dismissed the contention that Hong Kong’s snubbing of the extradition request followed by Russian involvement in the case indicates a waning of American influence.») On peut toujours le dire, sinon y croire.
Quittons maintenant le cas direct de Snowden, pour musarder à droite et à gauche de cette imposante affaire devenue crise fondamentale. On peut commencer, par exemple, par un cas qui a l’air minime, quantitativement, mais qui est qualitativement d’un réel intérêt, et d’une réelle signification. (Pour bien comprendre les enjeux de cette gigantesque crise, il nous paraît essentiel de nous attacher à une appréciation qualitative des choses, et non pas quantitative, comme la NSA, avec ses quadrillions de bits et autres machins du genre, nous y inviterait.) Le cas concerne Nancy Pelosi, une des très grandes figures du parti démocrate, élégante, catholique affirmée, perçue comme une très, très grande conscience progressistes du parti et de la Grande République, chef de la minorité démocrate de la Chambre et ancienne Speaker de ladite Chambre. Bref, quelle grande dame...
Pelosi tenait une réunion à San Francisco, avec une audience triée sur le volet de démocrates de tendance progressiste, base essentielle et électeurs fidèles de Pelosi. Il s’agissait, à première vue, de cousu-main. Cela ne le fut pas du tout, et c’est là une considérable surprise, un de ces “petits faits” stendhaliens qui en disent long.
Le site LibertyBlitzkrieg.com du 24 juin 2013 est repris par le site très influent ZeroHedge.com, du même 24 juin 2013, pour nous rapporter l’aventure de Pelosi.
«You know it’s bad for the establishment when Nancy Pelosi gets booed and heckled by her own supporters at a progressive gathering in her home state of California. It seems the actions of the criminals in control of these United States finally have become so absurd that the apathetic citizenry is being shaken from its long slumber. While the process may be frustratingly slow for many of us, things are moving in the right direction at the grassroots level and the zeitgeist of the nation is changing for the better. Once again, we must be eternally grateful for the courageous actions of Edward Snowden, as his disclosures have forced us all to honestly pick a side between freedom and fascism. From the Associated Press: [...]
»...“Some of the activists attending the annual Netroots Nation political conference Saturday booed and interrupted the San Francisco Democrat when she commented on the surveillance programs carried out by the National Security Agency and revealed by a former contractor, Edward Snowden. As she was attempting to argue that Obama’s approach to citizen surveillance was an improvement over the policies under President George W. Bush, an activist, identified by the Mercury News as Mac Perkel of Gilroy, stood up and tried loudly to question her, prompting security guards to escort him out of the convention hall.”
»“Leave him alone!” audience members shouted. Others yelled “Secrets and lies!,” ”No secret courts!” and “Protect the First Amendment!,” according to the Mercury News. “We’re listening to our progressive leaders who are supposed to be on our side of the team saying it’s OK for us to get targeted” for online surveillance, said Jana Thrift of Eugene, Ore. “It’s crazy. I don’t know who Nancy Pelosi really is.”»
Pour mémoire, on ajoutera que la malheureuse Pelosi est également prise à partie par certains dirigeants catholiques influents pour s’afficher catholique, alors que ses prises de position sur l’avortement et le mariage gay ne sont guère appréciées. La catholique Pelosi coincée sur sa gauche et sur sa droite, voilà qui dessine un destin-Système courant... Du Washington Times le 21 juin 2013 : «The Rev. Frank Pavone, national director for Priests for Life, isn’t pulling any punches in a letter he penned to House Minority Leader Nancy Pelosi, a self-proclaimed Catholic: Either comply with the teachings of the Church, or renounce your faith. [...] “Mrs. Pelosi, for decades you have gotten away with betraying and misrepresenting the Catholic faith as well as the responsibilities of public office,” he wrote. “We have had enough of it. Either exercise your duties as a public servant and a Catholic, or have the honesty to formally renounce them.”»
Une autre facette de l’affaire PRSIM/NSA/Snowden, tout aussi passionnante ? Les affirmations d’un autre whistleblower, Russel Tice, selon lesquelles la NSA exerce un chantage multiforme sur nombre de dirigeants-Système, – un peu, selon ce qu’on disait récemment (voir le 13 juin 2013) en faisant un parallèle avec J. Edgar Hoover, du FBI. Infowars.com reprenait la nouvelle le 21 juin 2013
«NSA whistleblower Russel Tice – a key source in the 2005 New York Times report that blew the lid off the Bush administration’s use of warrantless wiretapping – told Peter B. Collins on Boiling Frogs Post (the website of FBI whistleblower Sibel Edmonds):
»“Tice: Okay. They went after–and I know this because I had my hands literally on the paperwork for these sort of things–they went after high-ranking military officers; they went after members of Congress, both Senate and the House, especially on the intelligence committees and on the armed services committees and some of the–and judicial. But they went after other ones, too. They went after lawyers and law firms. All kinds of–heaps of lawyers and law firms. They went after judges. One of the judges is now sitting on the Supreme Courtthat I had his wiretap information in my hand. Two are former FISA court judges. They went after State Department officials. They went after people in theexecutive service that were part of the White House–their own people. They went after antiwar groups. They went after U.S. international–U.S. companies that that do international business, you know, business around the world. They went after U.S. banking firms and financial firms that do international business. They went after NGOs that–like the Red Cross, people like that that go overseas and do humanitarian work. They went after a few antiwar civil rights groups. So, you know, don’t tell me that there’s no abuse, because I’ve had this stuff in my hand and looked at it. And in some cases, I literally was involved in the technology that was going after this stuff. And you know, when I said to [former MSNBC show host Keith] Olbermann, I said, my particular thing is high tech and you know, what’s going on is the other thing, which is the dragnet. The dragnet is what Mark Klein is talking about, the terrestrial dragnet. Well my specialty is outer space. I deal with satellites, and everything that goes in and out of space. I did my spying via space. So that’s how I found out about this.”»
On pourrait ajouter, extrait du même texte qui donne les références, ces étonnantes précisions d’un ancien officier de la CIA devenu “dissident”, et honorablement apprécié dans le sérieux de ses informations, Ray S. McGovern. Il s’agissait de tenter d’expliquer le comportement et les décisions du président Obama au niveau de la sécurité nationale, c’est-à-dire sa politique hyper-bushiste. McGovern précisait :
«Which leads to the question, why would [Obama] do all these things? Why would he be afraid for example, to take the drones away from the CIA? Well, I’ve come to the conclusion that he’s afraid. Number one, he’s afraid of what happened to Martin Luther King Jr. And I know from a good friend who was there when it happened, that at a small dinner with progressive supporters – after these progressive supporters were banging on Obama before the election, “Why don’t you do the things we thought you stood for?” Obama turned sharply and said, “Don’t you remember what happened to Martin Luther King Jr.?” That’s a quote, and that’s a very revealing quote...»
Face à cette situation de l’hyper-Big Brother, il y a donc Snowden, le whistleblower. Y en aura-t-il d’autres, inspirés par son exemple ? La question est évidemment dans l’esprit de chacun, et les réponses, du côté des auteurs dissidents, sont souvent positives. (Tout cela ne nous empêchera pas de penser que, n’y aurait-il qu’un, qui se nomme Snowden, le tremblement de terre est déjà tellement considérable, et loin, si loin d’être fini, qu’on se demande s’il est vital qu’il y en ait d’autres, – mais tant mieux, bien entendu, s’il y en a d’autres...)
• Dans RT, le 24 juin 2013, quelques appréciations sur ce point, notamment de Pépé Escobar : «The emergence of whistleblowers like Julian Assange, Bradley Manning and now Edward Snowden means the world will have an increasingly clearer view of the actual state of affairs, Pepe Escobar, an Asia Times correspondent in Hong Kong told RT. “Definitely, we’re going to have a collection of Assanges, Mannings and Snowdens from now on, especially from the US tech geeks who are extremely uncomfortable with this Orwellian panopticon surveillance thing: not only in the US as we’ve seen some revelations on Britain as well. It is an Anglo-American thing. Of course everybody is involved in cyber wars, but the forefront is the US,” Escobar argues.
»Don Debar, an anti-war activist and journalist, believes that Snowden’s actions will encourage more whistleblowers to come out. “You have Bradley Manning and they throw him on ice, basically naked in a cell for a couple of years and threaten him with the death penalty. After him you have Assange and now you have Snowden and I only hope more will come out and people will start to listen here in the United States and do something about it.”»
• Dans un texte que nous avons déjà cité, Tom Engelhardt donnait son appréciation sur cette même question, et d’un point de vue très intéressant, qui est celui de la globalisation... (Le 17 juin 2013, sur TomDispatch.com) : «If the surveillance state has reached an industrial level of operations, and ever more secrets are being brought into computer systems, then vast troves of secrets exist to be revealed, already cached, organized, and ready for the plucking. If the security state itself goes global, then the urge to leak will go global, too... In fact, it already has... [...]
»Rest assured, they will not be the last. An all-enveloping atmosphere of secrecy is not a natural state of being. Just look at us individually. We love to tell stories about each other. Gossiping is one of the most basic of human activities. Revealing what others don’t know is an essential urge. The urge, that is, to open it all up is at least as powerful as the urge to shut it all down.
»So in our age, considering the gigantism of the U.S. surveillance and intelligence apparatus and the secrets it holds, it’s a given that the leak, too, will become more gigantic, that leaked documents will multiply in droves, and that resistance to regimes of secrecy and the invasion of private life that goes with them will also become more global. It’s hard from within the U.S. to imagine the shock in Pakistan, or Germany, or India, on discovering that your private life may now be the property of the U.S. government...»
Terminons ce tour d’horizon par des aspects plus technologiques et économiques, mais qui ont une importance incontestable. Leurs effets sur la situation politique de la crise sont indéniables et ils peuvent être considérables. On en jugera sans nécessité de commentaires supplémentaires.
• Le premier cas considéré concerne les réactions de l’internet à la suite du développement de la crise. RT, dans un texte du 24 juin 2013, s’attache à la question du développement exponentiel, ces derniers jours, des sollicitations vers les sociétés d’encryptage proposant une protection contre la surveillance extérieure et les intrusions illégales. Le rythme de leur développement actuel, depuis que la crise a éclaté, le 6 juin, est très élevé ; on ne s’en étonnera pas, mais on appréciera.
«“It’s going crazy. You know a lot of people suspected the US government was spying on Americans. But now we have this confirmation so everybody is contacting us now. We’ve had a huge surge in orders,” Phil Zimmermann, CEO of Silent Circle, encrypted communications firm has told RT’s Marina Portnaya. “We’ve created an architecture that doesn’t share cryptographic keys with the servers that we control. So if the government tries to persuade us to hand over something that we might have on our servers, we can’t give them the keys and we can’t give them the decrypted messages. We don’t keep logs of the connections between people. So a court order can’t make us give them something we don’t have...” [...]
»Another company that is bearing the fruits of the NSA’s misfortune is Seecrypt, a mobile application that encrypts information sent over the mobile phone. The South African company has clients in 200 countries, with the biggest demand stemming from the UK and US. “It’s just coming and it’s not stopping. It’s growing every day. Probably four-hundred percent growth in the last three weeks,” Mornay Walters, CEO of Seecrypt has told RT.»
• D’un point de vue beaucoup plus économique, un collaborateur de RT, lui-même ancien trader de Wall Street, développe la théorie selon laquelle toute cette affaire a moins à voir avec la sécurité nationale qu’avec l’économie US et la haute finance de Wall Street. Il s’agit de Max Keiser, du Keyser Report, une des émissions à partir de New York du réseau Russia Today : il est interviewé ici, et l’on donne une de ces réponses qui résument son analyse (RT, le 25 juin 2013.)
«The American economy runs on the confidence, confidence that the world accepts the US dollar as world reserve currency, confidence that the US bond market will remain the standard. And what we are seeing is a sell-off in a bond market and a sell-off in the stock market, because confidence in the US and its ability to maintain a global empire through interest rates and the Central Bank policy is crumbling before the world’s very eyes.
»What’s interesting is that Edward Snowden worked for Booz Allen. Booz Allen allegedly along with a few other companies are the masterminds behind LIBOR market rigging, energy market rigging, FOREX market rigging. And this is really the fuel that keeps the American military empire going, because the American economy itself cannot support its military ambitions so they’ve resorted to market manipulation and the kind of intelligence that Edward Snowden is able to aggregate is key to manipulating markets in ways that make Booz Allen, allegedly, the channel for billions and billions of dollars into America’s military campaigns. And this is really about money, markets and manipulations. It’s not about security. It’s not to do with anything that the White House says. Remember, the White House is a puppet of Wall Street, Booz Allen, the hedge funds and the financial interests of the corrupt bankers.»
On trouve dans tout cela de quoi alimenter notre jugement que cette affaire PRIMS/NSA/Snowden est devenue une crise majeure, qui s’est intégrée dans l’infrastructure crisique pour y jouer un rôle prépondérant. Les aspects considérés touchent un très grand nombre de domaines, mais il y en a un qui nous attache particulièrement à l’heure de notre conclusion en forme de commentaire... Nous l’avons déjà évoqué le 21 juin 2013, et nous avons montré combien il nous intéresse particulièrement. Il s’agissait de ce passage où, citant Engelhardt justement, nous développions cette réflexion sur la dimension la plus haute qu’on puisse accorder à cette affaire :
«Si nous citons le texte d’Engelhardt, c’est parce qu’il rend un ton presque mystique, ou plutôt satanique si l’on veut, sans dire un mot dans ce sens, simplement par la description extensive et notablement imagée de ce que l’auteur nomme le Global Security State, dont la NSA est le cœur et le cerveau à la fois. Il doit être alors reconnu que PRISM/NSA/Snowden introduit une nouvelle dimension, une nature nouvelle dans le champ du totalitarisme... [...] Cette sorte de totalitarisme sort littéralement du domaine humain, et c’est en cela qu’il rejoint une dimension de forme effectivement mystique marquée par une inversion satanique. L’évolution même exposée par PRISM/NSA/Snowden conduit à une situation, non pas d’un totalitarisme humain, d’une dictature humaine, etc., mais à une étape fondamentale dans la tendance que nous avons récemment illustrée par deux F&C successifs, les 13 mai 2013 et 7 juin 2013.»
En parallèle à cela, ou disons par une sorte de mimétisme inversé, apparaît également une dimension de fascination dans certaines appréciations, qu’on devinait déjà dans les deux textes cités dans l’extrait ci-dessus (les 13 mai 2013 et 7 juin 2013). Il s’agit de la fascination pour ce que ce domaine, ce champ que nous ouvre hyper-Big Brother peut apparaître également, dans certaines pensées théoriques, et avec toutes les précautions prises dans la rhétorique de la morale convenable, comme l’amorce de ce qui serait le triomphe de la science dans le contrôle complet de la vie, du mouvement, des êtres, bref de ce qui serait ainsi création et animation d’une “nouvelle réalité”. La chose aurait l’avantage, du point de vue scientifique qui est totalement intégré dans la conception du monde par la modernité, d’effacer par un effet classique de tabula rasa tous les échecs et les terribles catastrophes engendrés par cette modernité et la science qui va avec telles qu’on les décompte ces dernières décennies et ces dernières années, dans les débris épouvantables de notre “contre-civilisation” et du processus de la destruction du monde, et d’installer à la place quelque chose de complètement différent. (On vous laisse rêver.) Hyper-Big Brother réaliserait ainsi, après tout, le rêve de la raison enfin triomphante, après divers avatars terriblement agaçants. Il aurait, hyper-Big Brother, splendidement bien mérité du Système
On pourrait aisément voir cette conception du “la NSA ? Après tout, pourquoi pas ?” se développer, au prix de quelques arrangements avec la morale et les mots d’ordre habituel du Système (démocratie, droits de l’homme, etc.). On a l’habitude de ce genre d’arrangements. Bien entendu, nous aurons plus d’une occasion fructueuse de revenir sur ce sujet, et surtout ce qu’il nous dit, décisivement ou comme confirmation évidente, de l’esprit de la modernité, de la science dans la modernité, etc., avec escale fondatrice et décisive dans le “déchaînement de la Matière”.
Certes, notre appréciation est exactement inverse, s’il est vraiment utile de la dire... En attendant d’aller au fond des choses, qui a d’ailleurs été abordé dans les deux textes déjà cités qui peuvent parfaitement s’adapter à la situation (les 13 mai 2013 et 7 juin 2013), il y a ce que nous dit le développement de la crise en cours. Notre appréciation est que, loin d’installer le règne de la NSA et d’un développement des sciences concernées sous sa vigilante attention, la crise PRISM/NS/Snowdon marquerait tout au contraire le glas de la position de domination et d’impunité du système constitué autour de la NSA. Il s’agit, bien entendu, d’apprécier l’aspect qualitatif des choses ; le quantitatif, nous le laissons à la NSA, pour qu’elle s’y noie joyeusement.
Hyper-Big Brother ne marche à merveille que quand tout le monde ignore que hyper-Big Brother marche à merveille. La puissance de la surveillance secrète, c’est le secret, pas la surveillance, parce que le secret c’est le mythe et que le mythe domine tout dans nos esprits, et notamment la raison. La puissance d’hyper-Big Brother résidait dans l’ignorance technique précise qu’on avait de son existence, bien que tout le monde se doutait évidemment de son existence. Si vous savez d’un point de vue technique, et technologique, qu’hyper-Big Brother existe, vous le démythifiez et sa puissance de surveillance n’est plus mythique mais technique, ou technologique, et également humaine, avec toute la relativisation que cela suppose. Hyper-Big Brother descend de son piédestal et devient une puissance de notre domaine terrestre, un centre de pouvoir comme un autre ; et la science justement, celle qui est sollicitée comme on l’a vu plus haut, peut alors l’être dans le sens inverse, comme on le voit avec le développement des sociétés d’encryptage, – ce qui n’est qu’un début, un tout petit début, on peut en être assuré, dans le développement de l’action anti-NSA. Hyper-Big Brother perd l’absolutisme, l’hermétisme du mythe, pour une omniprésence affirmée scientifiquement et voulue comme infinie. La science peut alors se retourner contre lui parce que, selon la modernité elle-même, la science s’affirme sans limites, y compris celle de mettre en échec l’affirmation d’une omniprésence qui se voudrait sans limites (infinie). Nous aurons alors une nouvelle étape dans le désordre de très, très haute technologie...
A la limite, s’il faut une limite, Snowden, qui nous révèle l’omniprésence infinie de hyper-Big Brother, est par lui-même, par sa décision, par ses actes et par son épopée, la preuve que hyper-Big Brother n’est ni omniprésent ni infini, – et donc déjà perdant parce que s’il n’est pas tout il est rien. Au bout du compte, c’est l’habituelle équation de la surpuissance se transformant en autodestruction...
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