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13569 août 2013 – Nous ne ferons pas la grâce, qui serait évidemment usurpée, d’accorder le moindre intérêt diplomatique à la décision du président des USA (dit POTUS) d’annuler le sommet avec le président russe Poutine. Cette décision n’a rien à voir avec la diplomatie, avec la politique, avec la raison en politique et avec la raison tout court. Elle n’a aucune cohérence stratégique et n’aura strictement aucun effet prévisible et ordonné dans tous ces domaines qui sont désormais marqués prioritairement par “le chaos grotesque et dérisoire” (voir ce 8 août 2013). De ce point de vue et selon cette interprétation, il s’agit d’une poussière avec laquelle les experts-Système et les coursiers de la presse-Système sont invités à aller jouer, pour occuper leurs loisirs. Le seul intérêt politique et stratégique de cette décision, mais nécessairement selon des prolongements qui touche à l’immense conflit entre Système et antiSystème en cours, sera de savoir dans quelle mesure elle aura ou non contribué à déciller encore plus le regard que les Russes portent sur Washington-Système et sur les relations qu’il importe pour eux d’avoir avec lui.
Pour le reste, les divers arguments avancés par la partie washingtonienne qui entend “faire sérieux” dans cette affaire et justifier l’annulation par autre chose que la réaction psychologique et spasmodique au droit d’asile donné à Snowden, cette annulation ne changera quasiment rien dans la situation stratégique. A cet égard, la Russie n’avait et n’a rien à perdre, et tout ce qui naît de cette annulation par Washington est et sera au débit de Washington. Il semble bien que nous n’ayons rien à ajouter de ce point de vue par rapport à ce que nous écrivions le 13 juillet 2013, lorsqu’il n’était question que du droit d’asile à accorder à Snowden, mais sous-entendant que cette décision russe entraînerait ce qui se passe aujourd’hui : un effritement notable et accéléré des relations apparemment assez bonnes entre les USA et la Russie, – et, en réalité, inexistantes encore plus qu’exécrables, – donc effritement de rien du tout...
«La question est alors, pour poursuivre l’hypothèse que nous envisageons, de savoir ce que Poutine aurait à perdre en suivant une “politique”, un “choix” qui lui semblent par ailleurs pratiquement imposés, de résistance à Washington en assurant la protection de l’asile politique à Snowden dans les conditions envisagées. (Ces conditions étant, par la force des choses selon ce que nous dit Greenwald, que Snowden n’agit plus contre les USA, mais que les fuites se poursuivent par l’action de ceux qui en ont la charge. Cela suppose l’absence de pressions intolérables de Moscou pour forcer Snowden à exiger qu’on arrête la publication des “fuites”, – ce que Greenwald juge “impensable”.) Une rapide revue des principales crises et situations de tension montre que Poutine n’a rien à perdre par la force des choses, parce qu’il ne dispose aujourd’hui d’aucun avantage particulier dans ses relations avec les USA, et notamment d’aucun avantage particulier dans le fait que l’apparence des relations USA-Russie semble “bonne” alors que ces relations ne le sont pas précisément. (En fait, le reset des relations USA-Russie lancé à grand fracas en 2009 n’a rien donné, hormis un traité de limitation des armements stratégiques qui n’a aucune signification, aucun poids politique aujourd’hui. Pour le reste, les relations USA-Russie ne sont pas meilleures et, dans certains domaines, plus mauvaises qu’à l’époque Bush, surtout dans le deuxième mandat, même en comptant la guerre avec la Géorgie qui fut le fait essentiel de Saakachvili et dont les USA n’ont pas cherché à profiter.)»
Donc, il s’agit d’une manifestation de plus de la pathologie maniaco-dépressive du bloc BAO et de sa totale allégeance au Système, sous la forme d’un empire absolu accepté sur sa psychologie. Aujourd’hui, cet empire est notamment exercé par la NSA, devenue par les circonstances en cours un des principaux relais du Système, qui cherche à tenir les dirigeants-Système sous son emprise de pressions conjoncturelles et sous son empire d’une influence sans partage. Voilà, selon nous, dans quel sens il faut orienter le commentaire politique et diplomatique, qui se trouve dans l’état qu’on sait, notamment par l’éclairage que tente d’y apporter notre texte de ce 8 août 2013 ; qui, donc, nécessite une autre dimension que le politique et le diplomatique pour retrouver une certaine pertinence.
... Aussi acceptons-nous très largement l’idée que la décision d’Obama est très largement influencée par la communication terroriste qui règne à Washington, notamment relayée par la NSA, où chacun a peur d’en faire moins que l’autre pour ce qu’il imagine devoir faire par rapport aux exigences du Système, et où chacun surveille l’autre pour savoir si l’autre en fait assez pour prétendre en faire plus que soi-même. La psychologie de la décision, elle, est celle et l’hybris humilié, mais d’un hybris infantile et d’une perception infantile de l’humiliation. L’humiliation est, bien sûr, le fait de la protection accordée à ce “freluquet de 30 ans” qui défie l’hybris du Système et de ceux qui le représentent, – cela encore, que nous écrivions déjà dans ce texte référencé du 15 juillet 2013 :
«Car là est bien le problème... C’est moins au gouvernement US qui est dans un état de grand désordre et qu’on ne peut considérer comme une entité capable d’orientations précises, fermes et rationnelles, qu’au Système que nous avons affaire. Faire entendre raison au Système est une tâche herculéenne, qui dépasse évidemment l’appel à la raison, surtout quand elle est assortie d’une menace qui met la surpuissance du Système en cause, et provoque nécessairement son hybris. Il nous étonnerait donc grandement que le Système entende la voix de la raison que tente de faire entendre Greenwald, et qu'il lâche sa proie, Snowden, parce que sa surpuissance et son intelligence de la situation du monde sont tout entiers guidés par l’hybris.»
C’est dire combien, dans cet environnement exempt de toute rationalité du jugement et de toute sagesse politique, tandis que l’essentiel est accordé à la communication et à ses effets multiples, et aux perceptions les plus accessoires et les moins élaborées, la psychologie, surtout lorsqu’elle est affaiblie comme elle l’est aujourd’hui et donc vulnérable à toutes les influences, joue un rôle considérable. Il n’y a évidemment pas de domaine aujourd’hui, dans le contexte envisagé, où l’importance de la psychologie est plus grande que dans celui de la crise Snowden/NSA. On y trouve des disproportions considérables sinon monstrueuses, à partir de la disproportion des deux pôles de cette crise, – Snowden, ce “freluquet de 30 ans” et la monstrueuse NSA, aux accointances quasi-divines. Disproportion remarquable, également, entre le sentiment dominant de la population US (notamment vis-à-vis de Snowden), et le seul jugement “autorisé” à cet égard au sein du Système (malgré les dissidences qui se multiplient)... Par conséquent, réaction “disproportionnée” du POTUS, parfaite courroie de transmission du Système.
Ainsi peut-on considérer ce jugement de John Laughland sur la décision d’Obama, où revient le qualificatif “infantile” que nous avons utilisé plus haut, à dessein bien entendu, et qui est assorti de cet autre qualificatif de “disproportionné”... C’est Russia Today, qui nous donne cet avis de Laughland, le 8 août 2013.
«John Laughland of the Institute of Democracy and Cooperation tells RT that, while the US and Russia have drifted on topics aside from the Snowden affair, considering the positive sentiments by a large portion of Americans regarding Snowden’s actions the reaction by the Obama administration seems disproportionate. “A lot of Americans regard him as an honorable man, who is a whistleblower and not a traitor. Nobody likes the idea that their emails and internet surfing is being trawled through by federal spy agencies. And it’s quite clear that Snowden did what he did because he thought that what was going on was wrong. He wasn’t selling his secrets to a foreign country for personal gain, he was revealing them to the American people themselves. So, I think anyone that is reasonable about this can only conclude that he has acted honorably. And that’s why I’ve said... that I think Obama’s reaction to this was infantile. I can understand it, but I think that it’s been brought on by a rather infantile atmosphere in American political life.”»
Si l’on veut tout de même une appréciation commentée plus structurée, nous dirions que cette occurrence de l’annulation du sommet, dans le cadre de la crise Snowden/NSA, opérationnalise un pas de plus du déchaînement de la pathologie antirusse du bloc BAO, qui relève du réflexe-Système et prend également en compte ce qui est perçu de la dimension naturellement antiSystème de la Russie. C’est bien dans le domaine des relations et des perceptions multiples du bloc BAO et, par conséquent, de ces contradictions internes remarquablement éclairées par la référence russe, que l’annulation du sommet apporte un élément d’accélération et de dramatisation. Il n’y a, en effet, au sein du bloc BAO, pas d’exercice plus probant et contraignant de démonstration de ses contradictions internes, sinon de sa schizophrénie, que dans les relations avec la Russie, et la perception de la Russie, – et Dieu sait si la crise Snowden/NSA met cela en évidence depuis que Snowden est en Russie, – et Dieu sait, car il a plus d’un tour dans son sac, que la décision d’annulation du sommet, avec tout son potentiel de dramatisation théâtrale et de représentation, va renforcer cette mise en évidence. Encore une fois, nous sommes dans le déséquilibre des perceptions et des attitudes, donc dans le même territoire familier de notre crise de la psychologie.
Il se trouve que cette méthodologie du déséquilibre, de la crise de la psychologie nous est offerte par un quotidien désormais fameux, à la fois par son involontaire courage antiSystème, son sens commercial en général, et son zèle empressé à renouveler en permanence son allégeance au Système. On imagine de quelle schizophrénie il s’agit lorsque de telles exigences sont réunies sous un seul titre, – le désormais célébrissime Guardian, – et qu’elles doivent se manifester chaque jour.
Nous avons déjà dit quelques mots de la position centrale du Guardian dans cette crise, le 2 août 2013, à propos d’un texte du 1er août 2013 de Luke Harding, dans le même Guardian bien sûr. La référence tombe à merveille puisque la seule partie du texte de Harding qui n’entre pas dans le registre schizophrénique dont nous voulons parler concerne la position de la Russie avec l’asile politique accordée à Snowden, – très favorable à la Russie.
«D’où la conclusion de Luke Harding, du Guardian, le 1er août 2013... “Vladimir Putin's decision to grant Snowden asylum – and make no mistake, Putin called this one – is a humiliating, wounding rebuff to the US. [...] Among other things, the Snowden story has exposed the impotence of 21st-century US power. With no US-Russia extradition treaty there is little the White House can do to winkle Snowden out...” Nous reviendrons par ailleurs sur ce commentaire de Harding qui, à part cette sorte de remarque, est un monument somptueux élevé à la gloire de l’hypocrisie du bloc BAO, des libéraux-progressistes du bloc BAO, et du Guardian (rejoignant ce que nous écrivons plus haut : “...la schizophrénie du libéral moderniste, un pied dans le Système, un pied précautionneusement en dehors, on le verra”). La position du Guardian dans ses accointances à la fois moralement et politiquement estimables et commercialement juteuses avec Snowden-Greenwald, à la fois organiques dans le genre viscéral et l’esprit en dessous avec le Système, cette position est un modèle du genre des circonvolutions hypocrito-schizophréniques rendues nécessaires par la crise d’effondrement du Système et les dévotions benoîtement rendues aux vertus modernistes de la liberté de parole et du droit à la transparence des whistleblower... Que nous importe, puisque le résultat est un formidable déluge (encore ce mot) antiSystème et une situation juteuse (pour nous) de “discorde trouillarde chez l’ennemi”...»
Comme on le lit, il est question de cette position étrange du Guardian, qui est, par sa philosophie libérale-progressiste, nécessairement acquis au Système ; qui, depuis l’affaire Wikileaks et, surtout, l’arrivée dans sa rédaction, comme chroniqueur-vedette, du formidable Glenn Greenwald, exceptionnel de puissance dans son rôle antiSystème, exerce effectivement une activité antiSystème. Ainsi de la situation du Guardian aujourd’hui : porte-drapeau dévastateur du Système (Greenwald oblige), obligé constamment de tenter d’équilibrer cette terrible tendance par des gages précipitamment rendus au Système.
Ainsi a-t-on, le 7 août 2013, une chronique remarquable de rage diffamatoire et de fureur la plus basse possible contre la Russie et Poutine, tout cela dans le langage british de service, fourni avec lieux communs et enfonçage de portes ouvertes. C’est David Hearst, qui prend la suite de Luke Harding...
(Tous ces commentateurs-Système, qui vous balancent des affirmations comme «the Russia in which they live treats its own dissidents with a vindictiveness unseen for many decades» [citation du texte de Hearst] ont-ils vécu l’époque des Soljenitsyne et des Sakharov, circa 1970-1980, où l’on se passait les livres interdits par les réseaux de samizdat, où rien ne se faisait sans escorte du KGB, avec interrogatoires épisodiques à la Loubianka et assignation à résidence, – et encore s’agissait-il du brejnévisme, un paradis à côté de stalinisme ? Les “dissidents” d’alors étaient des hommes de grande vertu civique et non des milliardaires enrichis sous l’ère Eltsine et tombés en disgrâce, ni des agents appointés venant toucher leur solde chez le McFaul du temps, ambassadeur-Système et agent international de la déstructuration en tous genres, – parce que, en ce temps-là, le KGB ne permettait pas cette sorte de rendez-vous salarial, et qu’un McFaul aurait déjà été renvoyé chez lui... Le régime Poutine n’est certainement pas un réceptacle de vertus tant s’en faut, ni à l’abri de la corruption et de l’exercice des pressions, mais il en est arrivé à défendre des principes structurants et c’est ce qui nous importe pour mieux apprécier ce que valent nos démocraties-Système ; pour les vertus, on doit s’adresser à la maison BHO, de Guantanamo à la NSA, de Wall Street au private Manning et ses 90 ans de prison après deux ans de torture.)
Nous ne nous attardons pas au décompte de ce misérable petit tas de mensonges qu'est l'article cité, comme Malraux parlait du “misérable petit tas de secrets” pour définir le sapiens qui pourrait être sapiens-Système. Nous en tenons à la conclusion de Hearst/sapiens-Système le bien nommé. Ainsi l’écrit Citizen Hearst :
«The decision to forgo the summit is a blow aimed at Putin personally. It deprives the Russian leader of a valuable prop, one that tells his domestic audience it has a world leader who can measure his stature again[st] the biggest and the best.» Ainsi la décision d’annuler le sommet est-elle devenue une foudroyante intuition victorieuse de celui qu’on identifie aisément derrière le modeste the biggest and the best anonyme, – dito, BHO himself, dont on ne cesse effectivement de comptabiliser les actes de grandeur et les politiques les meilleures. Voilà bien le plus charmant de tous les mensonges extraits du “petit tas” cher à Malraux : bref, mission accomplie puisqu’hommage ainsi rendu, échine superbement courbée type-éclair au chocolat...
... Or, c’est dans le même quotidien qu’on trouve le texte que Glenn Greenwald n’a pas manqué de consacrer, ce même 7 août 2013 à la décision d’Obama. Cette décision est clairement identifiée comme une riposte contre la décision inique de l’insupportable Russie d’offrir l’asile politique à ce “traître”. Cela vaut citation.
«Civil rights hero John Lewis, in an interview with the Guardian today, praised Snowden for engaging in “civil disobedience” in the tradition of Thoreau, Gandhi and the Civil Rights movement. Meanwhile, 150 press freedom and human rights groups from around the world issued a letter demanding that the US cease prosecuting Snowden on the ground that “Snowden's disclosures have triggered a much-needed public debate about mass surveillance online everywhere” and “thanks to him, we have learned the extent to which our online lives are systematically monitored by governments, without transparency, accountability or safeguards from abuse.” At a hearing yesterday of the Brazilian Senate's Foreign Relations Committee, at which I testified, senators not only uninformly expressed indignation at indiscriminate NSA spying on their citizens and support for Snowden, but some borrowed Snowden masks worn by college students in attendance and put them on their own face to show support.
»Finally, Princeton University international law professor Richard Falk has an Op-Ed today explaining that the granting of asylum to Snowden wasn't just within Russia's rights, but was legally compelled.
»Maybe Obama can cancel meetings with all of them, too, as punishment (along with Hong Kong, China, Venezuela, Ecuador, Bolivia, Nicaragua, Cuba and Russia as countries who have been threatened). I think it's becoming increasingly clear here who the rogue and lawless nation is in this case.»
La cohabitation de ces deux textes pris comme références des deux tendances du Guardian est un phénomène intéressant. La nécessité d’à la fois faire antiSystème et suivre le succès commercial et d’audience (l’affaire Snowden/Greenwald), et d'à la fois se garder des pressions du Système par une révérence sans cesse plus basse, est un phénomène intéressant. L’existence de ces deux tendances qui ne cessent de se radicaliser chacune en sens contraire au sein du Guardian est par conséquent un phénomène intéressant. L’intérêt de ces phénomènes l’est moins par la pluralité forcée et épuisante jusqu’à la schizophrénie dont ils témoignent que par l’illustration qu’ils donnent de la situation du bloc BAO à la lumière, 1) de la “défection” de Snowden, 2) de l’asile politique de Snowden à Moscou, 3) de l’avalanche diluvienne des pratiques de la NSA pour établir un “Goulag électronique global” (voir le 1er août 2013) et exercer une pression souvent proche du chantage auprès des directions politiques du Système, et 4) de la décision prise par Obama pour punir le protecteur du “traître”...
Ainsi est-ce dans ce sens qu’il faut, selon notre appréciation, situer le poids de la décision d’annulation du sommet prise par le POTUS à Washington. Il n’y aura aucun changement dans les relations entre les USA et la Russie, qui continueront à cahoter entre l’agressivité, la vindicte, l’anathème de Washington et de son Congrès, et parfois la réunion pressante lorsque l’une ou l’autre crise s’aggrave (Kerry se précipitant dans les bras de Lavrov lorsque les choses vont mal en Syrie), en même temps que les relations suivies là où cela importe (rencontres russo-US cette semaine des ministres de la défense et des affaires étrangères). Rien de construit, rien de suivi, rien de structuré jusqu’ici ; eh bien, cela continuera de la sorte, avec aggravation évidemment au rythme de l’aggravation de la situation interne à Washington... Car là est le nœud gordien.
Par conséquent, c’est également là qu’est l’intérêt et l’importance de la décision (annulation du sommet). Toutes les contradictions radicales qu’on a relevées dans le chef du Guardian sont communes à l’Occident et au bloc BAO dans son entièreté. La décision d’Obama, avec les conséquences prévisibles, en tête les pressions accrues du Congrès et ses “fous du Système” type McCain/Graham d’en faire toujours plus, et tout cela sous la pression générale de la NSA agissant au nom du Système, devra nécessairement accroître la tension avec Moscou, dans tous les cas dans le champ essentiel de la communication. Mais la tension avec Moscou, c’est la tension avec Snowden, le “freluquet de 30 ans“ qui met en accusation le Système as a whole sous les applaudissements grandissants d’un nombre non moins grandissants de membres du Système soudain tentés par la libération antiSystème, et qui peuvent le faire, bon gré mal gré, grâce à Moscou qui protège, bon gré mal gré, Edward Snowden. Tout le monde se tient par la barbichette, ouvrant le champ à la poursuite en mode-turbo de cet affrontement gigantesque entre Système et antiSystème où des forces supra-humaines sont directement en action. (Dans ce cas, la NSA se trouve comme interférence, comme instrument de certaines de ces forces, vers ses répondants humains au service du Système.)
Le Congrès qui presse pour une attaque sans faiblir contre Moscou, est le même qui organise avec une ardeur décuplée une attaque de la même sorte contre la forteresse-NSA... A-t-on jamais vu dans l’histoire de la Grande République un Congrès aussi radicalement divisé selon l’esprit fondamental de la chose, une division véritablement dans l’essence de la chose, – entre ceux qui font de Snowden un “traître” et ceux qui en font un héros national, – sur un sujet aussi sensible, aussi capital ? Cette contradiction, cette division, cette bataille à l’intérieur même du Système dont le Congrès est le symbole et un instrument essentiel, sont le seul facteur d’importance à considérer. Tout le reste en dépend, aussi bien les “alertes terroristes”-bidon que les relations entre les USA et la Russie.
Ainsi doit-on considérer cette décision d’annulation du sommet Poutine-BHO, complètement en-dehors des relations diplomatiques même si c’est pour leur porter un coup, hors du champ d’une diplomatie réduite au “chaos grotesque et dérisoire”. On a dit que cette décision n’a pour seul cadre que l’énorme affrontement entre Système et antiSystème à l’occasion du cas Snowden-NSA, et là les sapiens, fussent-ils POTUS ou autre des rangs les plus hauts, jouent un rôle qui est complètement influencé par cet énorme affrontement. C’est dire combien nous tenons pour important dans cette décision, comme dans tout le reste de cette énorme crise Snowden/NSA qui se confirme comme modèle de la crise d’effondrement du Système, le rôle écrasant de la NSA à Washington pour justement orienter les décisions.
Nous ne sommes plus dans un domaine, et dans une époque sans nul doute, où la raison et la prise en compte du seul facteur humain suffisent pour expliquer les décisions qui sont prises. L’influence opérationnelle et psychologique de la NSA y joue un rôle central, non comme organisation soi-disant contrôlée par un groupe humain, mais comme entité non humaine sous le contrôle direct du Système et agissant comme telle. Cette influence est d’autant plus renforcée jusqu’à la pression extrême que cette organisation-Système se trouve confrontée à Washington même par des regroupements qui, pour des raisons diverses, organisent une ou des contre-attaques qui prennent nécessairement des allures antiSystème. Il y a même des rumeurs, venues de milieux “exotiques” mais dont l’insistance finit par leur donner quelque crédit, d’un mécontentement de certains milieux militaires contre le gouvernement-Système d’Obama, et jusqu’à des hypothèses de “coup” dans ce sens. (On citera l’exemple de cet étrange message sur Tweeter, le 26 juin dernier, de l’acteur Alec Baldwin, qui a une position d’influence au sein du parti démocrate et qui envisage une carrière de sénateur [il vient d'être engagé par la chaîne MSNBC pour créer son talk-show politique] : «Are we witnessing the beginnings of a military overtgrow of the US Govt ?») L’existence de ces rumeurs et leur insistance sont en soi un facteur politique de tension qui va dans le sens qu’on dit, quelle que soit la réalité et la crédibilité de l’hypothèse évoquée qui est dans ce cas et pour l’instant accessoire. Désormais, le gouvernement des USA doit être considéré comme l'élément important le plus “instable” de la situation mondiale, confirmant l’opinion de William Pfaff («The world regards the American government today with amazement and no little fear») autant que celle de Greenwald («the rogue and lawless nation»).
Il est donc tout à fait possible que cette décision d’annulation du sommet entre dans la nomenclature le classement historique comme la première décision diplomatique majeure n’ayant rien à voir avec la diplomatie classique, fût-elle même chaotique, grotesque et dérisoire, ni même justement avec le classement historique courant. Elle pourrait être alors la première “décision diplomatique classique” de forme, renvoyant en fait directement à la métahistoire, à l’affrontement entre Système et antiSystème, où les sapiens sont à peine des figurants, certains dans la position d’exécutants fidèles, d’autres dans celle d’esprits qui s’interrogent gravement sur la folie vertigineuse de la situation avec leur propre décision d’une éventuelle dissidence désormais en balance.
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