Notes sur la chute du “modèle” qui n’existait pas

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Notes sur la chute du “modèle” qui n’existait pas

De plus en plus d'observations et d'évaluations conduisent à faire envisager que la situation en Syrie s’est modifiée d’une façon structurelle, ou même rupturielle, à l’avantage du président Assad. On a pu lire une de ces analyses sous la plume de Sharmine Narwani, puis dans une interview de Russia Today (voir le 26 mars 2012).

Nous-mêmes, le 15 mars 2012, signalions combien la crise syrienne s’éloignait de ce que les experts du bloc BAO ont pompeusement désigné comme le “modèle libyen”, impliquant évidemment une victoire pour le bloc :

«On pourrait alors observer qu’on avance de plus en plus vers ce qui pourrait être un contre-“modèle libyen”, c’est-à-dire une crise qui mettrait à mal les entreprises du bloc BAO au nom du faux masque humanitariste et décrédibiliserait toute la campagne lancée depuis l’affaire libyenne. Tout l’avantage supposé (qui reste à démontrer) de la stratégie de l’interventionnisme humanitariste établie avec le “modèle libyen” pourrait alors se retourner complètement et apparaître comme un désavantage dangereux, conduisant à l’implication des acteurs de cette stratégie dans une affaire pouvant avoir des ramifications extrêmement risquées.»

La messe est dite

Un texte de Patrick Cockburn, paraissant le 26 mars 2012 sur le site de la Lettre d’Information co-édité par son frère aîné Alexander, CounterPunch, plutôt que dans son habituel relais The Independent, fait une analyse fouillée du destin de la crise syrienne, et de ce que Cockburn estime être, avec toutes les raisons du monde nous semble-t-il, l’échec du bloc BAO dans son entreprise de déstabilisation de la Syrie, à-la-libyenne : «The year-long effort to overthrow President Bashar al-Assad and his government has failed. […] Syria will not be like Libya. […] The Syrian regime will not fall without a radical change in the balance of forces…»

Cette analyse de Patrick Cockburn donne divers éléments qui ont joué un rôle important dans le destin de la crise et ont démarqué cette crise du “modèle libyen”. D'autres s'y ajoutent, sur lesquels nous insisterons. Tous ces éléments différencient radicalement la Syrie de la Libye, sans aucun doute, mais conduisent surtout au constat que le “modèle libyen” n'existe pas.

L’évolution sur le terrain

La situation actuelle est clairement définie, selon Cockburn, par un gel de toute initiative politico-militaire sérieuse contre le régime Assad, et par une nette reprise en main de la situation par les forces de l’armée syrienne.

«“Nobody is discussing military operations,” the UN Secretary-General, Ban Ki-moon, said last week. The insurgent Free Syrian Army has been driven out of strongholds in the central city of Homs, Idlib province in the north and, most recently, Deir el-Zour, in the east. Last Tuesday, Syrian soldiers supported by tanks rolled from four sides into Deir el-Zour, which is about 60 miles from the Iraqi border, forcing the rebels to flee and take shelter in homes and apartments after a short gun battle. Their retreat may make it more difficult to bring guns across the Iraq border from the overwhelmingly Sunni Anbar province. The swift Syrian army advance was in contrast with the month-long siege of the Baba Amr district of Homs which killed hundreds of people and left much of the area in ruins. Saudi Arabia and Qatar have blithely advised arming the insurgents, but there is little sign of them doing so.»

Les dernières nouvelles de la situation militaire montrent la poursuite de cette reprise en main grandissante de la situation intérieure par l’armée syrienne. Des points stratégiques importants ont été repris par l’armée syrienne, notamment sur la ligne allant de Damas à Alep.

Le “modèle” virtualiste

Spéculation intéressante  : pourquoi les gens du bloc BAO, si brillants dans leur intervention en Libye, sont-ils en train d’échouer en Syrie, et sans aucun doute selon le même modus operandi ? La réponse de Cockburn, assez acceptable, repose essentiellement sur des éléments de communication, qui se résument principalement à ceci : les dirigeants politiques du bloc BAO ont cru à ce que tous leurs organes de communication diffusaient sur la situation en Syrie. Tout cela était, bien entendu, largement orienté dans le seul sens favorable aux insurgés.

«What went wrong for the advocates of regime change? In general, they overplayed their hand and believed too much of their own propaganda. By this January, everything they did was predicated on international military intervention, or a convincing threat of it. But this ceased to be an option on February 4 when Russia and China vetoed a UN Security Council resolution, backed by the Arab League, calling on Assad to step down. The experience of the US, EU, NATO and the Arab Gulf states in overthrowing Muammar Gaddafi turned out to be misleading when it came to Syria. […] Watching al-Jazeera television, it might appear that heroic rebel militiamen – and at times they were heroic – had overthrown a tyrant but, in reality, military victory was almost wholly due to the NATO air assault. The militiamen were a mopping-up force who occupied territory after air strikes had cleared the way (this was also the pattern in Afghanistan in 2001 and in Iraqi Kurdistan in 2003).»

Quant à nous, nous ne serions pas inclinés à parler de propagande, mais bien de virtualisme (le seul virtualisme à demeurer), où la communication-Système peint un tableau correspondant à ce qu’elle juge qui est conforme aux “valeurs” BAO et aux souhaits des élites dirigeantes du bloc, et ces élites prenant pour du comptant ce montage inconscient, irrésistible, etc. De toutes les façons, ce Système installé sur la puissance de la communication (à côté de la puissance du technologisme), ne peut que s’y référer.

L’ardeur pour que les autres y aillent

Cockburn remarque combien l’enthousiasme fut assez faible pour un engagement réel en Syrie, au contraire du cas libyen où un enchaînement très rapide des évènements, avec implication directe de l’OTAN, conduisit à une intervention presque instantanée… Face à la Syrie, si les discours, les exhortations et les anathèmes ne manquent pas, l’entraînement fut toujours sollicité et assez artificiel.

«[E]verybody was in favor of somebody doing something to bring [Assad] down – so long as that somebody was somebody else. There was talk of “safe havens” being established on the Jordanian or Turkish borders, but neither Jordan nor Turkey showed any enthusiasm for an act that would lead immediately to armed conflict with Syria. King Abdullah of Jordan said ruefully that he had nothing against “safe havens” so long as they were a long way from Jordan. Turkey cooled on the idea as it became apparent that it was becoming embroiled in a regional Shia-Sunni conflict that would lead to Iran retaliating against Turkey in defense of its Syrian ally.»

Ces observations parcellaires sont confirmées par ce que nous savons des relations entre les deux piliers du bloc BAO. Depuis plusieurs semaines, et dans un mode crescendo, la bureaucratie européenne impliquée dans la crise identifie une poussée constante des USA pour que l’UE se mette en avant dans la crise. Par contraste, note cette bureaucratie européenne, les USA préfèrent de plus en plus s’effacer. Cette attitude retrouve curieusement une sorte de double inversé dans l’affaire iranienne, intimement liée à l’affaire syrienne. Les Européens, notamment les institutions de l’UE, jouent un maximalisme très affirmé en faveur des sanctions contre l’Iran, pour tenter d’éviter la possibilité d’une attaque USA-Israël en obligeant l’Iran à “capituler”. Le même jeu à contre-emploi a lieu du côté US : radicalisme des sanctions pour obliger l’Iran à “capituler” et éviter une attaque israélienne.

Suivant une méthodologie constante, la stratégie du bloc BAO s’est très rapidement pervertie en une sorte de double jeu des uns et des autres, où le but principal est devenu, pour chacun, de ne pas être trop impliqué soi-même et de tenter de pousser les autres. Cette stratégie accentue les divergences d’analyse et les divisions internes, aux dépens de tout progrès sur le terrain. Une sorte de “guerre bureaucratique” au sein des alliés du bloc s’est ajoutée aux projets de “guerre” sur le terrain, puis s’y est substitué, à mesure qu’apparut le fait que cette “guerre sur le terrain” n’avait pas lieu.

Les réticences des militaires US

L’entrée dans le jeu de détachement épars d’al Qaïda, notamment venus de l’Irak, la pénétration de certaines “structures” de l’opposition par le même al Qaïda, on été un élément important, principalement pour les USA. Cockburn note : «One of Barack Obama’s themes in the presidential campaign will be that it was his administration that killed Osama bin Laden and focused, unlike President Bush, on eliminating the perpetrators of 9/11. The White House does not want al-Qa’ida to show signs of life, so it has been nervous of its increasing role in Syria…»

Aux USA, depuis le 4 février et le veto russe de l’ONU qui a eu tout de suite une signification bien particulière pour eux (présence possible/probables de forces russes en Syrie), les militaires US ne dissimulent plus leur absence totale de goût pour une implication en Syrie. La présence d’al Qaïda est, entretemps, devenue un facteur important dans cette attitude désormais affirmée, et renforce Obama dans sa résolution de non-intervention.

Cette présence d’al Qaïda et d’autres groupes islamistes, d’autres groupes indistincts, indéterminés, plus ou moins mercenaires, participe de la mosaïque incontrôlable et discréditée qui constitue l’“opposition” au régime Assad. Ces divisions sont apparues très vite, comme un replay en accéléré de l’évolution libyenne ; depuis le début de l’année, l’image idyllique d’une “opposition” vertueuse et exemplaire ne cesse de se ternir.

Le tournant du 4 février

Il y a évidemment le point fondamental quoiqu’extérieur à la Syrie, de l’attitude de deux puissantes importantes, disposant notamment d’un droit de veto à l’ONU. La Chine et la Russie ont stoppé toute “légalisation” onusienne de l’entreprise subversive du bloc BAO, par leur vote du 4 février contre la résolution présentée par les pays du bloc alliés à la Ligue Arabe. Face à cet acte, l’hystérie, dénoncée par Lavrov, des réactions d’une Rice (ambassadrice US à l’ONU) ou d’un Juppé, montre bien l’importance de l’événement de ce qui commençait alors à devenir leur défaite.

Les deux pays, Chine et Russie ont travaillé avec constance à faire évoluer le dossier syrien vers une position plus “centriste”, hors de l’influence du bloc BAO et des entreprises d’intervention militaire et d’internationalisation. La nomination de Kofi Annan comme représentant “missionnaire” de l’ONU en Syrie (voir le 25 février 2012) a marqué symboliquement le succès de cette politique, complété par l’acceptation par la Syrie du “plan de paix” proposé par Annan.

La “victoire” a choisi son camp

Depuis quelques jours, l’air à la mode, du côté du bloc et de leurs alliés arabes, est d’enrôler Annan sous leur bannière. A l’UE, dans les couloirs, on affirme que “la Russie s’est rapprochée de nous”. Ces interprétations sont complètement sollicitées et relèvent d’une vision faussaire, ou virtualiste à nouveau. La réalité est qu’il y a, dans le périple de Kofi Annan, un air de défaite, – et qu’il faut savoir pour qui. Interviewé par PressTV.com le 30 mars 2012, le commentateur libanais Ibrahim Moussawi observe :

«Now everybody knows that it is not a condition anymore that the Syrian president has to be toppled or has to go away and has to give all of the authority to his deputy. This is something that they [Qatar and Saudi Arabia] were trying to highlight even now. While if you go to Kofi Annan and we see what is really happening, it is completely a different issue. By that, I believe the Syrians have emerged a little bit “victorious”. I do not want to talk about defeated or victorious people here in the area. But this front that was trying to internationalize the crisis is no more there, I believe, and now they will learn to be a little modest than like being arrogant and trying to dictate their conditions on other Arab countries.»

Le jeu brillant des Russes

Là-dessus, on observera d’une façon paradoxale que la Russie a joué un rôle central d’interdiction de l’internationalisation du conflit, et de sa militarisation par intervention extérieure, en l’internationalisant et en le militarisant elle-même, mais à son avantage. Cela s’est particulièrement ressenti, a contrario avec la prise de position implicite des militaires américanistes contre une intervention (voir les Bloc-Notes du 8 mars 2012 et du 20 mars 2012), en fonction d’une présence militaire russe de défense aérienne jugée dissuasive.

Le rôle de soutien militaire direct de l’Iran à la Syrie a joué aussi un rôle important, grandement facilité par la présence russe (des systèmes russes de défense anti-aérienne ont assuré la protection de vols iraniens de renforcement vers la Syrie dans les zones dangereuses). Les derniers échos (l’affaire des forces spéciales russes à Tartus, voir le 29 mars 2012) confirment ce rôle des Russes, qui ont pris le bloc BAO à son propre jeu : un interventionnisme pro-Assad plus rapide que l’interventionnisme anti-Assad.

Le tricot se défait

D’une façon générale, les rencontres de l’“opposition” à Ankara ont montré et montrent que ce regroupement dont le bloc BAO attendait religieusement qu’il manifestât une volonté collective du “peuple syrien” ainsi représentée, se dissout dans des querelles sans fin, des ruptures, des scissions, des accusations réciproques, etc. (On compte près de cent organisations différentes de l’“opposition”, divers exemples de pénétrations des unes ou des autres par des extrémistes type al Qaïda, notamment venus d’Irak, etc.) Certains pays du Golfe, le groupe en pointe représentant une prétendue légitimité arabe dans cette affaire, prennent leurs distances et songent à reprendre langue avec Assad. (Notamment le Koweït et les Emirats Arabes Unis.)

Au sommet de la Ligue Arabe, à Bagdad, Saoudiens et Irakiens se sont violemment affrontés sur la question syrienne, entre anti- et pro-Assad. Les cinq membres du BRICS ont affirmé dans un communiqué commun, ce 29 mars 2012, qu’ils estimaient “inacceptable” toute intervention étrangère en Syrie.

…Et ainsi de suite, et ainsi a-t-on l’impression d’une narrative qui se défait comme on détricote un tricot ; le “modèle libyen” semble se dissoudre, comme neige au soleil.

La Syrie reste un centre d’agitation

Bien entendu, Il n’y a pas ici d’affirmation de la fin de la crise syrienne mais bien de l’échec du coup contre Assad et de la répétition du “modèle libyen”. C’est la fin d’une phase de la crise, celle qu’a machinée le bloc BAO, qui se termine à son désavantage marqué, certainement par rapport à ses ambitions.

Au contraire pour le reste, à notre sens, la Syrie reste un centre fondamental d’agitation, et même un centre accélérant et élargissant cette agitation, en même temps que s’intégrant de plus en plus clairement dans la crise générale de la région, qui va de l’Iran à l’Egypte en passant par la Palestine, et s’intégrant à son tour complètement dans la “crise haute”. Il est plus que probable que la Syrie va également servir de point de concentration pour des contre-offensives, soit directement opérationnelles, soit encore plus par pressions diverses, de pays comme l’Iran et la Russie.

L’exception confirmant la règle

Rétrospectivement, on est conduit à observer que le “modèle libyen” fut bien ce que le système de la communication nous suggéra qu’il était, dès les premières circonstances qui le suscitèrent. Malgré diverses hypothèses sur des plans d’investissement hégémoniques, diverses agitations de services de renseignement ou de forces spéciales, ce fut d’abord “un coup” de communication réalisé par la paire BHL-Sarko. Saisissant une occasion, croyant à une opportunité, chacun avec les arrière-pensées personnelles habituelles, ils prirent tout le monde de vitesse, – à commencer par le pauvre Juppé descendant du Thalys Bruxelles-Paris le 10 mars et apprenant la nouvelle de la rencontre BHL-Sarko et de l’engagement français. (Le Figaro du 18 mars 2011 : « …Alain Juppé descend du Thalys à Bruxelles. Les caméras se jettent sur lui. Le masque. Manifestement, le ministre des Affaires étrangères n'est au courant de rien. »)

Le reste fut un enchaînement où le rythme même des choses dépassa toute conception, toute planification, toute prospective. Le vote à l’ONU fit d’autres cocus (les Russes, qui jurèrent qu’on ne les y reprendrait plus, – serment tenu), et l’intervention immédiate des Français emballa le tout en bloquant la mécanique de l’intervention. L’OTAN verrouilla le processus opérationnel.

Les conditions propres à la Libye, sa localisation géographique, la poussée de communication dans un seul sens firent le reste. Ce ne fut pas un “modèle” mais un guet-apens, un traquenard, où, finalement, tout le monde fut pris “à son propre piège”, comme s’il y avait autant de “pièges” que de participants ; guet-apens et traquenard de la surpuissance du Système, finalement, et des tentations d'user follement de cette surpuissance que le Système donne à ceux (type BHL-Sarko) qu'il asservit... La réalité de la Libye d’aujourd’hui, qui n’intéresse plus personne, est une sorte de “repose en guerre” du “modèle libyen”.

Le “modèle libyen” n’existe pas

C’est sans doute à cette occasion que le virtualisme (l’“auto-virtualisation”) de l’affaire libyenne a fonctionné en mode turbo. La narrative de la chaîne libératrice, essaimant la démocratie-BAO de dictateur abattu en dictateur abattu a enfiévré les esprit, dans le mode maniaque qui nous est familier. C’est un phénomène remarquable et inoubliable d’avoir vu toute l’intelligentsia occidentaliste, française au premier rang, reprendre à son compte les fantasmes énervés des neocons et du philosophe G.W. Bush, – Dieu sait si on l’avait ridiculisé, celui-là… Ce serait donc la Syrie après la Libye.

La critique s’épuise devant ce monument de vide et de creux qui fut édifié à cette occasion. Par conséquent, nous serions inclinés à laisser parler notre intuition pour donner une explication acceptable à cette extraordinaire entreprise de trompe-l’œil (l’œil trompé étant celui du coupable sans conscience de l'être, avant tout autre). Il s’agirait donc de l’hypothèse de la vérité à cet égard, qui serait que l’opération BHL, la narrative du “modèle libyen”, l’enchaînement sur la Syrie et toutes les pompeuses explications qui entourent cette floraison d’interventionnisme libérateur, feraient partie intégrante et quasiment exclusive de l’effondrement psychologique en cours des directions politiques occidentales.

Cet effondrement passe nécessairement, dans l’environnement de la communication, par une exacerbation de l’hypomanie, ou épisode maniaque, qui est d’autant plus affirmé que le système de la communication l’entretient, en en subissant lui-même les effets. L’extraordinaire cloisonnement qui caractérise les structures de tous les pouvoirs et de toutes les bureaucraties du Système a empêché une “riposte” de blocage de l’élément plus “raisonnable” du Système, distinguant les risques de l’aventure.

Cette successions de catastrophes sans aucune substance ni le moindre sens ne sollicite aucune autre explication, le relais de la surpuissance du système du technologisme, Rafale à contre-emploi inclus, faisant le reste et suffisant à provoquer les évènements terrestres, fort impressionnants, qui importent. L’emballage est fourni par les analyses pompeuses de la raison subvertie des experts, eux aussi emportés au pas de l’oie.

Dans l’œil du cyclone de la crise haute

Dans ce type de situation, on ne s’avoue jamais vécu, on n’accepte aucune des leçons de l’expérience. C’est pourquoi, – notamment et parmi d’autres raisons, certes, –, nous croyons, comme nous l’avons dit plus haut, que la crise syrienne n’est pas finie. Mais, cette fois, il n’est plus question de “modèle libyen”, mais de catastrophes en perspective, et de catastrophes inédites, où les aventuriers américanistes-occidentalistes, inconscients de l'enjeu, ne seront pas en reste de vilaines plaies et bosses.

Les plus ardents dans la folie sont et restent les Français, à l’image de leur président sortant qui veut être réélu, l’homme qui compare l’affaire de Toulouse à l’attaque du 11 septembre 2012. Actuellement, les Français inondent les Russes de “notes confidentielles” pour les avertir que les Saoudiens et les Qataris deviennent incontrôlables, qu’ils vont susciter une extraordinaire floraison de terrorisme hyper-islamistes (sunnites-turbo, ou salafistes high tech), qu’il importe absolument de les arrêter en leur offrant d’une façon raisonnable et maîtrisée, mais sur un plateau, ce qu’ils veulent obtenir par le déchaînement de la recherche du Grand Califat : la tête d’Assad… Ainsi, à Paris, en toute raison cartésienne, pense-t-on se mettre les Russes dans sa poche. Cela nous paraît un peu court, et les Russes pourraient avoir l’idée inverse (surarmer Assad pour en faire un écran face à l’invasion sunno-salafiste, sans doute avec l’aide du Mossad).

Au contraire du “modèle libyen”, la Syrie se trouve presque au milieu de la marmite, elle n’est pas loin de l’œil de la crise haute, comme on parle de l’œil du cyclone. Il existe nécessairement des scénarios qu’on qualifierait de “catastrophes” ou de “bouffons” c’est selon, parce que la crise haute favorise l’enchaînement de ces choses. Une réélection (surprise par rapport aux appréciations courantes) de Sarko, tel qu’il est, hypomaniaque et nouvellement chauffé à blanc depuis l’affaire de Toulouse, pourrait en être une des clefs... Mais il y en a d'autres, des clefs, si celle-là ne se matérialise pas.