Notes sur la “ligne rouge” des Russes...

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Notes sur la “ligne rouge” des Russes...

17 octobre 2014 – Plusieurs éléments très concrets montrent que la diplomatie russe est entrée dans une nouvelle époque. Il n’y a plus de “relations privilégiées” avec les USA, selon l’idée de la Guerre froide que les deux grandes puissances nucléaires devaient coopérer pour assurer une certaine stabilité de leurs relations et, partant, des relations internationales, idée reprise en filigrane lors de l’épisode dit du reset des relations Russie-USA, au début de 2009.

La Russie avait averti à de multiples reprises depuis le commencement de la crise ukrainienne, à mesure de la mise en évidence du comportement des différents acteurs de la crise, qu’elle serait conduite à devoir envisager une nouvelle attitude, complètement différente du point de vue structurel, qui prendrait en compte l’hostilité agressive manifestée par les USA (et le bloc BAO) à son encontre, à mesure que se confirmait cette hostilité. Personne, au sein du bloc BAO, n’a entendu la Russie, pour la raison d’ailleurs assez simple que personne n’écoutait puisque tout le monde était (et reste) accaparé par la narrative qui décrit la situation pour le compte exclusif du bloc BAO. La Russie est un pays sérieux, qui ne parle pas pour ne rien dire et qui, en matière diplomatique, entend dire précisément et substantiellement ce qu’elle pense et ce qu’elle fait. En conséquence, la Russie est passée à l’acte.

La fin d’une époque

Il s’agit de la confirmation de ce qu’écrivait Fédor Loukianov le 2 octobre 2014 dans The Moscow Times (voir notre texte du 16 octobre 2014). Nous reprenons l’extrait cité de l’article de Loukianov, qui décrit parfaitement la fin d’une époque :

«Current events could be compared to another of Russia's breaking points, 1917 — the point at which the Russian Empire was gone forever and its successor state became an international pariah. Hit by sanctions that fundamentally changed its status in the international system, Soviet Russia was placing its bets on autarchy, or creating a closed and self-sufficient economy. I am in no way suggesting that post-Crimea Russia is analogous to the country that emerged from the flames of the 1917 revolution. I am saying that once the ruling authorities in a country have been deemed unfit by foreign partners, they can never fully repair relations with them... [...]

»Following the end of the Cold War, Russia's dialogue with the West as a whole, but especially with Europe, was based on the assumption that Russia would eventually become part of an extended “Western society,” although both sides had different ideas of how that would happen and Moscow's ultimate role in it. However, they retained the idea of a “strategic partnership,” a relationship that required if not sincere mutual trust, then at least mutual silence to mask lingering suspicions. The application of sanctions has ended all that...

»Today, a single man personifies the entire Russian political system. Western attempts to apply pressure against him have produced very predictable retaliatory measures at both the personal and government levels. And unlike the former presidents of Iraq and Serbia, President Putin has very imposing political and economic tools at his disposal to enact his own retaliatory deterrence measures. In effect, Western sanctions are attempting to oust the very person who alone determines Russia's political course. For Putin, the question is not simply one of winning or losing a tactical position in a game. At stake is his own political survival and, by extension, Russia's future political landscape. With the stakes that high, why would anyone expect him to make serious concessions, especially knowing that he can never restore relations with the West?...»

Trois événements décrivent la nouvelle époque

Nous distinguons trois éléments, trois événements apparus ces trois derniers jours qui fixent effectivement la nouvelle ligne de la Russie. Il y a désormais une “ligne rouge”, comme aiment à dire les “communicants” de Washington et du bloc BAO, entre la Russie et le bloc, mais plus spécifiquement entre la Russie et les USA. On a pu en distinguer le tracé ces trois derniers jours, au gré des trois événements en question.

Il est probable qu’avec l’Europe, la Russie peut travailler à chercher des arrangements moins stricts que cette “ligne rouge” qui concerne essentiellement les USA. Mais cela devra être payé, pour les Européens, par un éloignement des USA à mesure. Emettre cette restriction, c’est mettre en évidence le caractère extrêmement incertain de l’hypothèse. (Notre sentiment est sans aucun doute qu’il faudrait des bouleversements en Europe, au niveau des gouvernements des États-membres, pour s’orienter vers de telles conditions qui pourraient rétablir de bonnes relations avec la Russie, au prix d’une certaine distance mise avec les USA. Il s’agirait, par exemple, de changements radicaux de directions, comme l’arrivée de partis “eurosceptiques” à la tête des exécutifs.)

Nous détaillons ces trois événements intervenus dans la politique et la diplomate russes, dans l’ordre chronologique plus que selon un jugement de leur ordre d’importance. Il s’agit ici d’identifier les éléments constitutifs de la nouvelle ligne suivie par la Russie.

La colère de Medvedev

Le premier de ces événements est survenu le 15 octobre 2014, du fait du Premier ministre russe Medvedev lors d’une interview à la chaîne de télévision CNBC. Le choix du moyen de communication lui-même est marquant : CNBC est une chaîne US d’audience nationale. On en déduit évidemment que l’intervention de Medvedev a été faite pour avoir le maximum de retentissement.

Cette intervention est particulièrement dure, dite dans des termes particulièrement crus. Cela est d’autant plus remarquable que Medvedev est un homme jugé en général comme “libéral” dans le sens moderniste du terme, c’est-à-dire un modéré plutôt de la tendance occidentaliste de Moscou, autant qu’un homme calme et mesuré. Qu’importe, Medvedev ne mâche pas ses mots. Il affirme purement et simplement que le président Obama doit être “mentalement dérangé” pour avoir placé, dans son discours de l’ONU, parmi les “menaces contre l’humanité”, la Russie en deuxième position derrière le virus Ebola et avant ISIS/EI/Daesh... (Voir notre texte du 25 septembre 2014.) Cet extraordinaire classement qui relève du plus pur “esprit neocon” sinon d’une dialectique-guignol comme on en fabrique à Kiev, avec le sens des responsabilités à mesure, semble avoir été ressentie à Moscou comme une insupportable insulte faite à la Russie. La réaction de Medvedev est, elle aussi, à mesure.

Obama est-il dérangé (dans sa tête) ?

L’intervention de Medvedev, évidemment présentée sur le site de la CNBC le 14 octobre 2014, est présentée par Russia Today le 15 octobre 2014 dans ces termes :

«The Russian PM has suggested that Obama’s charges against Russia were caused by a “brain aberration” and added that such rhetoric saddened him. “I am very upset by the fact that President Obama, while speaking from the United Nations’ podium and listing the threats and challenges humanity is currently facing, put Ebola in first place, the Russian Federation second and the Islamic State organization was only in the third place. I don’t even want to comment on this, this is some sort of aberration in the brain,” Dmitry Medvedev said in an interview with CNBC television.

»The top Russian official stressed that his country was not isolating itself from the rest of the world, but sought mutually beneficial cooperation with foreign nations. “We want to communicate with all civilized peoples on friendly grounds. Of course, this includes our partners from the United States of America, but for this the situation must be leveled,” Medvedev said. However, the Russian PM also noted that the Western sanctions have inflicted considerable damage to Russia’s cooperation with the US, and without cancellation of this policy there can be no return to partnership...»

Le danger de la confrontation suprême

Il y a ensuite l’avertissement discret mais bien réel de Poutine lui-même, qui constitue le deuxième événement de la tendance générale qu’on analyse ici. Le président russe a glissé en fin de sa longue interview au journal serbe Politika (à l’occasion de sa visite en Serbie) quelques mots qui constituent ce qui devrait sans aucun doute être considéré, – si l’on porte quelque attention à ce qui se dit, surtout dans le chef du président d’une puissance comme la Russie, – comme un avertissement sur les dangers d’une confrontation nucléaire au plus haut niveau, particulièrement pour les deux principales puissances nucléaires.

Là aussi, la chose est présentée dans des termes assez fermes puisqu’elle décrit le contexte d’une tentative de “faire chanter” la Russie. Il s’agit bien entendu des relations de la Russie et des USA, dans le cadre de la crise ukrainienne et des relations brutalement détériorées entre les deux puissances. A notre connaissance, c’est la première fois que Poutine évoque, en des termes aussi précis quoique très courtement et d’une façon implicite, la responsabilité marquant les relations entre les deux puissances nucléaires, et le risque suprême si cette responsabilité n’est pas assumée d’une façon satisfaisante, – nous allions écrire “d’une façon responsable“... (Le texte complet de l’interview est notamment publié par Russia Today le 16 octobre 2014.)

On ne fait pas chanter la Russie

Nous présentons ces quelques mots qui concluent l’interview dans le contexte général où ils sont dits, en réponse à la dernière question portant sur les relations de la Russie avec l’Ukraine et avec les USA («What do you think the future holds for Russian-Ukrainian relations? Will the United States and Russia re-establish a strategic partnership after all that has happened, or will they build their relations in a different way?») Le passage que nous choisissons, qui termine l’interview concerne effectivement et spécifiquement les relations entre la Russie et les USA... (Nous soulignons en gras le passage sur l’“avertissement” de Poutine.)

« As for Russian-US ties, our aim has always been to build open partnership relations with the United States. In return, however, we have seen various reservations and attempts to interfere in our domestic affairs. Everything that has happened since the beginning of this year is even more disturbing. Washington actively supported the Maidan protests, and when its Kiev henchmen antagonized a large part of Ukraine through rabid nationalism and plunged the country into a civil war, it blamed Russia for provoking the crisis.

»Now President Barack Obama in his speech at the UN General Assembly named the “Russian aggression in Europe” as one of the three major threats facing humanity today alongside with the deadly Ebola virus and the Islamic State. Together with the sanctions against entire sectors of our economy, this approach can be called nothing but hostile. The United States went so far as to declare the suspension of our cooperation in space exploration and nuclear energy. They also suspended the activity of the Russia-US Bilateral Presidential Commission established in 2009, which comprised 21 working groups dedicated, among other things, to combating terrorism and drug trafficking.

»At the same time, this is not the first downturn in relations between our countries. We hope that our partners will realize the futility of attempts to blackmail Russia and remember what consequences discord between major nuclear powers could bring for strategic stability. For our part, we are ready to develop constructive cooperation based on the principles of equality and genuine respect for each others’ interests.»

Le bloc BAO et son problème pathologique

Divers autres sujets ont été abordés dans cette interview, autour des thèmes de la crise ukrainienne et des relations avec le bloc BAO. Il a été question des sanctions, sur le fond général du jugement de Poutine qu’il est particulièrement difficile de comprendre pourquoi elles ont été décidées, en fonction de leur chronologie et des événements en Ukraine, et selon l’appréciation du même Poutine qu’il est complètement absurde de prétendre “isoler la Russie” comme il est dit en général pour commenter les sanctions, par divers personnels politiques du bloc BAO, dont notamment le POTUS washingtonien... Bref, à la question concernant l’“objectif ultime” des sanctions décidées par l’UE et les USA, Poutine répond que cette question «doit être posée à l’UE et aux USA, dont le raisonnement à cet égard est particulièrement difficile à comprendre...».

Quoique dit d’une façon moins tranchante, ce jugement renvoie, pour l’humeur et l’esprit, à ce qu’on a dit plus haut de l’intervention de Medvedev. Il montre d’une façon assez précise que la direction politique russe, avec toutes ses nuances, partage le même jugement sur le comportement du bloc BAO, en le situant au niveau quasi-pathologique d’un dérangement des capacités mentales.

D’une façon générale, l’“avertissement” de Poutine n’a pas été mis en exergue par les commentaires russes, suivant en cela la politique diplomatique russe qui est clairement de manifester avec discrétion une fermeté de fer concernant cette nouvelle ligne. Ainsi, RT, dans son commentaire sur l’interview de Poutine, titre sur l’observation où la tentative d’isoler la Russie est appréciée comme “un but illusoire et absurde”. La phrase sur la “stabilité stratégique”, elle, est citée dans l’avant-dernier paragraphe, sans commentaire particulier (RT, le 16 octobre 2014).

L’héroïsme milanais des FEMEN

D’une façon générale également, la réaction des médias du bloc BAO traite très accessoirement l’avertissement de Poutine, toujours selon cette attitude d’extrême légèreté et de complet mépris pour la position et les activités diplomatiques de la Russie. Ainsi, le Guardian, qui enterre le texte de l’interview dans un commentaire sur les relations de la Russie avec la Serbie, donnait la vedette dans ce domaine, le jour de la parution de l’interview, à ce qui semblait ainsi apparaître comme la grande nouvelle du jour : une manifestation de deux FEMEN à Milan, en marge de la conférence de l’ASEM où l’on reçoit les plus grands (de Poutine à Merkel, de Hollande à Porochenko). Les deux FEMEN avaient à l’esprit d’accueillir avec la vigueur qui convient “un tueur” couvert du “sang des Ukrainiens”. Elles étaient en mini-jupe rouge, sans rien au-dessus bien entendu puisqu’il s’agit d’être héroïque et de ne rien craindre de la violence et de l’injustice du monde ; à propos, le rouge entendait symboliser le fameux “sang des Ukrainiens” et “le tueur”, lui, n’est autre que le président russe. (Voir le Guardian du 16 octobre 2014.)

On observera avec intérêt avec quelle extraordinaire facilité les institutions les plus sérieuses et les plus professionnelles selon leur propre classement, – dito, le Guardian, – peuvent sombrer dans le ridicule et l’extrême futilité lorsque la passion idéologique et sociétale les emporte et leur dicte la narrative à suivre. Quant aux FEMEN, si besoin était la messe est dite, pour décrire ce petit groupe fastueusement financé par les habituelles sources de fric, Soros en tête, pour réduire la politique au degré du zéro absolu et conchier tout ce qui peut exister de structuré dans ce pauvre monde. Le Système fonctionne.

On notera tout de même que, sur l’internet, ZeroHedge.com a bien compris l’importance de l’intervention de Poutine (le 16 octobre 2014). Tyler Durden interprète clairement la déclaration lorsqu’il titre : « Putin Warns Of “Nuclear Power Consequences” If Attempts To Blackmail Russia Don’t Stop». Le texte est très court et cite pour l’essentiel une dépêche de Bloomberg.News, qui présente également la phrase de Poutine comme un avertissement sérieux. Durden le termine par cette seule ligne de commentaire qui reprend l’idée : «Opportune timing with markets weak for some nuclear sabre rattling...»

Kerry tout sourire

Le troisième élément que nous voulons mettre en évidence ponctue la rencontre Lavrov-Kerry qui s’est faite le 16 octobre à Paris, dans une bonne atmosphère puisque le secrétaire d’État, abandonnant sa dialectique type-Nuland, s’est montré tout sourire avec son “ami Sergei” pour tenter d’obtenir la coopération des Russes dans la lutte contre ISIS/EI/Daesh. Il s’agissait donc de demander à la “deuxième menace contre l’humanité” d’aider les USA, qui règlent ce qui est bon et ce qui est mauvais pour l’humanité, à lutter cotre la “troisième menace contre l’humanité” dont on sait qu’elle a été constituée, formée, financée, armée, par les USA eux-mêmes avec les amis habituels (Arabie, Qatar & compagnie). Tout cela est très logique et plein du sens des responsabilités.

Après la rencontre, les deux ministres ont fait des déclarations séparées. Russia Today en rapporte la substance le 16 octobre 2014 au soir. Comme on le voit, Kerry ne manque pas de rappeler que les deux puissances, – USA et Russie, – “ont des responsabilités communes importantes”. Il était en effet très important et particulièrement sage, de la part des USA, de rappeler la chose à la face du monde entier et singulièrement à l’ami Sergei. Une pratique aussi constante et en aussi parfaite inconscience de l’inversion, au rythme des narrative, ne laisse guère le temps de reprendre son souffle...

«Nevertheless, Kerry stressed on Wednesday the importance of cooperation in a wide range of issues, including counter-terrorism, saying that “we have major responsibilities together.” “In our discussions today I suggested Foreign Minister Lavrov that we intensify intelligence cooperation in respect ISIL and other counter-terrorism issues of the region and we agreed to do so. We also agreed to explore whether Russia could do more to support Iraqi security forces and FM indeed acknowledged their preparedness to help with respect to arms, weapons…they are doing that now and they already have provided some, and with also potentially training and advising aspects,” Kerry said.

»In a separate statement that summed up their meeting, Lavrov said that "we can cooperate better together” especially in issues concerning “the fight against terrorism, which has now become the main threat to the whole Mideast.” However, the Russian FM did not specify the details of such cooperation...»

Bras d’honneur de Lavrov

L’on fut assez prompt, après cette rencontre qui nous annonçait que les monstrueux et barbares tueurs russes étaient après tout extrêmement fréquentables et assez utiles, à conclure que les USA et la Russie, sur injonction souriante des premiers, avaient décidé d’échanger leurs renseignements sur ISIS/EI/Daesh. C’est-à-dire, traduisons, que les Russes acceptaient de fournir aux USA leurs renseignements à ce propos. Il n’en est rien, ont précisé les Russes, – mais vraiment rien du tout.

L’on revient au texte de RT, dont l’essentiel se trouve dans l’annonce du démenti, par le ministre russe des affaires étrangères, de toute coopération de la Russie avec les USA. La Russie explique ainsi que ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais simplement la force des choses telles qu’elles sont ... Fidèles à leur volonté de concevoir une politique extérieure selon les engagements, les structures et les principes, les Russes font observer par la bouche de Lavrov : 1) qu’il n’existe aucune résolution de l’ONU organisant une coalition contre ISIS/EI/Daesh, et donc aucun cadre légal international pouvant justifier cette coopération  ; et 2) qu’une structure existe entre les USA et la Russie, pour organiser la coopération opérationnelle contre le terrorisme, mais que les USA l’ont eux-mêmes, unilatéralement, mise en sommeil, comme part des sanctions et autres décidées à l’encontre de la Russie dans le cadre de la crise ukrainienne interprétée selon la narrative qui dicte la marche du monde à Washington... Donc, pas de coopération au niveau du transfert de renseignements.

«Russia has refuted media reports that Washington and Moscow have agreed to share intelligence on Islamic State terrorists. The news reports followed Wednesday talks between Russian Foreign Minister Sergey Lavrov and US Secretary of State John Kerry.

»Following the Paris talks, the counterparts held separate media conferences. Reports suggested that the two officials agreed that their countries would share intelligence on Islamic State militants in Syria and Iraq, and Russia's participation in training and advising Iraqi security forces. On Friday, Russia’s foreign ministry issued a statement saying that “such issues were raised by US Secretary John Kerry.” Lavrov stressed that Russia has been consistently fighting terrorism and providing assistance to other countries in the face of the terrorist threat, and will continue its aid to Syria, Iraq, and other countries in the region to strengthen their combat capabilities in the fight against the extremists.

»However, the ministry’s statement added that Russia “will not be involved in any ‘coalitions’ set up in bypass of the UN Security Council and in violation of international law.” Kerry’s attention was also drawn to the fact that within the framework of the Russia-US Bilateral Presidential Commission, there was a counter-terror group which was aimed at improving the communication and cooperation between the two governments regarding terror threats. But the mutually beneficial exchange of information was suspended in 2014 by the US, the ministry reminded.»

Avis de rupture

Il est manifeste que ce dernier élément est le plus significatif de ce tournant de la diplomatie russe, autant que de son tournant stratégique et de son tournant conceptuel. La réaction de Lavrov est une sorte de fin de non-recevoir, un avis de rupture non plus seulement dialectique, mais opérationnel. Il constitue une conclusion nette de la séquence qui dit que nous sommes passés d’une ère de coopération structurelle, et d’une certaine complaisance de la part des Russes, – il faut cela pour “coopérer” avec les USA, – à une ère de repli sur les intérêts nationaux avec une éventualité de coopération avec les USA mais selon les normes internationales et en jugeant sur pièces ce que vaut cette coopération.

Le plus original dans cet épisode, – cela n'étonnera personne, – c’est évidemment l’attitude des USA. Il est assuré que les échos de presse selon lesquels les Russes passeraient des renseignements aux USA sont venus d’“officiels” US, c’est-à-dire de la bureaucratie du département d’État. Cela signifie que le département d’État, comme l’administration entière, comme Washington, comme le Système dirons-nous pour faire bref, attendent sans le moindre doute que la Russie coopérera effectivement en fidèle “partenaire” des USA. Il n’est plus question d’Ukraine, d’“agression russe”, d’annexion expansionniste de la Crimée, de sanctions, de rien de tout cela. Tout redevient normal et a Russie tiendra le rôle auquel les USA veulent bien la convier. Il s’agit, à côté de l’affectivité qui triomphe dans la politique du bloc BAO, de l’inculpabilité et de l’indéfectabilité de la psychologie américaniste en mode-turbo, passés au tamis de la doctrine de l’exceptionnalisme... Effectivement, comment peut-on imaginer de refuser ce privilège extraordinaire de voir les USA vous offrir de “coopérer“ en leur passant les renseignements dont vous disposez ?

Hagel et la sagesse de l’OTAN

D’ailleurs, voici une confidence : au fond les USA s’en foutent puisqu’en réalité, seuls eux-mêmes les intéressent... Au même moment où Kerry entreprenait Lavrov et faisait dire par ses fidèles dans la presse-Système que les Russes allaient passer à la casserole du privilège de la coopération, le gentil Hagel, le secrétaire à la défense, l’homme dont on attendait qu’il mît un peu de sagesse et de mesure dans cet incommensurable bordel qu’est, notamment, la politique étrangère US, s’employait lui aussi à en mettre sa dose, de bordel, en agitant le spectre d’une agression russe contre les forces de l’OTAN. La chose n’est pas passée inaperçue du côté russe, et le gentil Hagel lui-même a été désigné à la vindicte de la nouvelle politique de sécurité nationale de la Russie... (Itar-Tass, le 16 octobre 2014)  :

«Russian presidential press-secretary Dmitry Peskov has dismissed US Defense Secretary Chuck Hagel’s rhetoric to the effect Russia was on NATO’s doorstep as unprofessional and alarmist. “We can only regret that rather emotional, alarmist and unprofessional statements are being made,” Peskov told TASS. “Surely, they by no means reflect the real state of affairs.” The realities can easily be seen if one takes NATO maps of 1991 and 2012, he said. “Then nobody will feel in the mood of making any statements, emotional or whatever,” he remarked.

»Speaking at the Association of the US Army’s annual conference on Wednesday Hagel called upon the military to be prepared “to deal with Russia” which, he argued, was “on NATO’s doorstep.” “The demands on the (US) Army will grow more diverse and complicated. Threats from terrorists and insurgents will remain with us for a long time, but we must also deal with a revisionist Russia - with its modern and capable army - on NATO’s doorstep,” he claimed.»

Le coup de la red line

Mais lorsque nous disons que nous sommes passés de l’ère de la coopération à “une ère de repli sur les intérêts nationaux avec une éventualité de coopération mais selon les normes internationales et en jugeant sur pièces ce que vaut cette coopération”, – est-ce bien sûr ? On peut accepter ce jugement si on le tient comme transitoire et intermédiaire. Il indique surtout la rupture des liens du “partenariat stratégique“ de facto entre la Russie et le bloc BAO, principalement les USA, mais il ne limite pas la positon russe à ce seul événement. D’ores et déjà, la Chine attend la Russie, et les pays du BRICS également ... Ce “repli sur les intérêts nationaux” introduit en réalité, pour la Russie, une ouverture féconde et extrêmement rapide vers l’Est et le Sud, vers tout-ce-qui-n’est-pas-le-bloc-BAO, par conséquent un réaménagement de fond en comble des relations internationales.

Qui cela étonnera-t-il ? On devine depuis quelques temps que ce réaménagement est inévitable, au rythme de l’aggravation de la crise du bloc BAO, et des exigences et prétentions paradoxales qui accompagnent la chute de cette entité. On sait toutes ces choses et l’on se doute bien que l’on en reparlera plus qu’à leur tour. En attendant, le constat qu’il faut faire est que les Russes, qui sont des gens d’ordre et de rangement d’une part, qui entendent d’autre part gouverner leur propre destinée selon les principes fondamentaux des grandes structurations du monde et non selon les caprices de l’interprétation de communication des événements internes de Washington déclinés au rythme de l’exceptionnalisme US, les Russes donc ont tracé leur “red line” et ont signifié à leurs “partenaires” américanistes que, désormais, ils ne la franchiraient plus. Sans doute les “partenaires” américanistes ne se sont-ils aperçus de rien, ce qui n’a pas beaucoup d’importance puisqu’ils n’ont jamais vraiment tenu compte de la situation internationale et de l’avis et décisions des autres pour développer leur politique extérieure et leur politique de sécurité nationale.