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13899 décembre 2013 – Ce fut un tsunami de la sorte qui ne doit rien au global warming, et un tsunami qui dure, avec d’immenses et monstrueuses vagues de vertus innombrables battant sans cesse les rivages de notre contre-civilisation qui doit prétendre plus que jamais l'être, – une civilisation. Les vertus saluées dans le personnage nous reviennent effectivement selon la méthode tsunami, qui ne fait pas dans la dentelle, comme si elles étaient nôtres, c’est-à-dire celles dont le Système nous pare si nous faisons allégeance au Système.
On parle de cet ouragan médiatique qui a salué la mort de “l’icône”, du symbole même de la modernité antiraciste, multiculturelle, globalisée, droitdel’hommiste, mariée avec tous et mariée pour tous. Le monde du bloc BAO s’est arrêté de respirer, il a peaufiné ses communiqués, il a déprogrammé des films du soir pour programmer Invictus. (Par ailleurs film remarquable sur l’extraordinaire entreprise de réconciliation nationale réalisée, pour ce cas, par la complicité de Mandela et de François Pienaar, capitaine des Springboks, le XV d’Afrique du Sud vainqueur de la Coupe du Monde de rugby en 1995 [voir The Observer, le 8 décembre 2013].) Le Système a peaufiné ses communiqués et les déclarations de ses délégués en charge de nos contrés, et il prépare toutes affaires cessantes ses délégations pour les funérailles nationales-globalisées qui seront la fête-Système qu’on imagine (le 15 décembre), dans un pays dont on se demande bien entendu, destin habituel, s’il n’est pas désormais exposé à des risques d’explosion et de fragmentation, sous les pressions imposées par le régime général que le Système impose partout.
On se doute que Nelson Mandela, qui n’était pas un sot et qui n’est pas encore dans sa tombe, doit presque en ressusciter de rire. Le “premier président noir” de l’Afrique du Sud, arrêté en 1963 par les services de sécurité sud-africains nommés BOSS, l’avait été avec l’aide empressée de la CIA ; vainqueur de l’apartheid avec la complicité du président (blanc) F.W. de Klerk, célébré par le monde entier du bloc BAO jusqu’à l’extase hystérique, il était encore catalogué “terroriste” dans les archives des services de sécurité US jusqu’en 2008. Il faut un peu de temps à notre société moderne, entreprenante et dynamique, et d’une si grande souplesse d’adaptation, pour “déclasser” un individu profondément suspect pour l’essentiel de sa vie, et qui ne l’était plus officiellement, selon une décision du département d’État qui s’était aperçu de quelque chose et recommandait à partir de 1988-1989 de le sortir de la catégorie “terroriste”, histoire de se mettre au diapason de l’air du temps. Mandela nous a donc quittés en nous tendant un miroir où nous pouvons nous contempler, pour voir ce que nous sommes précisément, – c'est-à-dire ce qu'est le Système qui célèbre le héros.
La mort de Mandela met en évidence ce que nous désignerions comme une schizophrénie-nécessaire du Système, très opérationnelle et active à l’occasion de cet événement. Nous disons “schizophrénie-nécessaire” parce qu’en plus d’être évidemment pathologique, – la schizophrénie est une pathologie, – elle est aussi, et plus encore, “rationnellement” nécessaire (en se référant évidemment à la raison subvertie par le Système). Cette attitude remarquable trouve évidemment sa nécessité schizophrénique dans un sens opérationnel par la nécessité de coordination des narrative du Système par rapport à certaines vérités de situation irritantes par la contradiction qu’elles illustrent et même imposent.
Dans la narrative morale du Système, l’antiracisme tient une place prépondérante, écrasante, presque métaphysique. Mandela-selon-le-bloc-BAO, ce héros d’une stature historique, ce “géant du XXème siècle” comme l'on dit, est en vérité, pour le Système, une marionnette fondamentale de ce récit fictif construit à la gloire du Système. Il l’est pour toutes les raisons du monde : Africain, héros d’une odyssée de résistance puis de souffrance s’étendant sur des décennies, finalement sorti vainqueur de l’affrontement, contrôlant et inspirant le mouvement et les modalités de la destruction de l’apartheid et du passage au statut nouveau ainsi réalisé, conduisant cette opération avec une tolérance exceptionnelle et un sens admirable de la réconciliation nécessaires entre Blancs et Noirs. La fonction de premier président de la nouvelle Afrique du Sud, qui lui revenait aussi bien symboliquement qu’historiquement, couronne cette narrative dans l’esprit du Système : ce président-là, selon la narrative, est un homme qui doit nécessairement adouber le Système et confirmer ses vertus, même si le Système l’a combattu férocement jusqu’à la dernière minute, jusqu’à son triomphe du fait des Sud-Africains (blancs compris) eux-mêmes.
Effectivement, d’un certain point de vue dont on imagine aisément la source et l’objectif, Mandela porte en lui toutes les vertus de la narrative de l’antiracisme : l’anticolonialisme, la rébellion morale puis armée, l’émancipation progressiste, la modernisation de l’Afrique, la réconciliation multiculturelle. Présenté de la sorte, il est l’archétype de la modernité et un des fondements historiques de la légitimité du grand mouvement sociétal et néo-libéral lancé par le Système à partir de 1989-1991. Voilà la narrative primordiale, dont l’affirmation, la diffusion, la répétition, la célébration sont aujourd’hui plus que jamais primordiales pour un Système qui sombre irrémédiablement dans ses monstruosités, sa barbarie, son infamie et son imposture, qui a besoin de toutes les bouées de sauvetage possibles dans le champ de la communication. Mandela-marionnette-fondamentale-du-Système est une de ces bouées de sauvetage.
Hors, à côté de ce Mandela-marionnette-fondamentale-du-Système, il y a un autre Mandela. Disons qu’il s’agit du vrai Mandela, et l’on dit ainsi le principal selon notre point de vue qui hausse l’essentiel de notre temps catastrophique à la bataille entre Système et antiSystème. Cet homme admirable par son courage, sa volonté et ses actes de révolte, ses souffrances et sa résilience sans fin d’emprisonné, son comportement exceptionnel par la générosité et la tolérance une fois libéré et l’Afrique du Sud conduite vers son statut définitif, cet homme-là ne pouvait avoir qu’une pensée politique libre et indépendante. Ainsi en fut-il après sa libération et une fois installé dans sa fonction présidentielle.
Par conséquent, il développa, à voix très haute, divers discours qui, eux, ne sont pas des narrative. Il condamna l’impérialisme yankee et la guerre en Irak de 2003 faite pour voler le pétrole («If there is a country that has committed unspeakable atrocities in the world, it is the United States of America. They don’t care for human beings... [..] If you look at those matters [of the coming attack on Irak] you will come to the conclusion that the attitude of the United States of America is a threat to world peace.»). Il soutint constamment les Palestiniens et condamna Israël à mesure («The UN took a strong stand against apartheid; and over the years, an international consensus was built, which helped to bring an end to this iniquitous system. But we know too well that our freedom is incomplete without the freedom of the Palestinians. [...] Israel should withdraw from all the areas which it won from the Arabs in 1967, and in particular Israel should withdraw completely from the Golan Heights, from south Lebanon and from the West Bank.») Il fut constamment un fervent partisan de Fidel Castro et de ce qu’il saluait comme “la lutte du peuple cubain contre l’impérialisme US”, surtout lorsqu’il devint très conforme et même impératif, de la droite à la gauche du bloc BAO, de mettre le Cubain à l’index à partir de 1989-1991. («From its earliest days, the Cuban Revolution has also been a source of inspiration to all freedom-loving people. We admire the sacrifices of the Cuban people in maintaining their independence and sovereignty in the face of the vicious imperialist-orchestrated campaign to destroy the impressive gain made in the Cuban Revolution….Long live the Cuban Revolution. Long live comrade Fidel Castro.» [en 1991]) Il soutint Kadhafi lorsque des sanctions furent imposées contre lui par l’ONU en 1997. («It is our duty to give support to the brother leader…especially in regards to the sanctions which are not hitting just him, they are hitting the ordinary masses of the people … our African brothers and sisters.»)
Et ainsi de suite...
Cet aspect de la pensée et de l’action de Mandela mérite d’être largement documentée, à la mesure de la discrétion extraordinaire de la presse-Système, extatique à propos de l’“icône” de l’anti-apartheid, évasive concernant le penseur de l’anti-impérialisme, c’est-à-dire en langage actualisé à l’essentiel affrontement en cours, évasive concernant l’activiste antiSystème... Pour mesurer ces péchés dissimulés et escamotés de l’“icône” dans le chef de la presse-Système et du Système, le texte de ThinkProgress du 6 décembre 2013 est très intéressant, à la fois court mais rapportant toutes les facettes de l’activisme antiSystème de Mandela. Outre celles qu’on a mentionnées déjà et qui sont bien sûr répertoriées dans ce texte, on y trouve son opposition au capitalisme hyperlibéral, la déonciation de la pauvreté qu’engendre ce capitalisme, son opposition à la “Guerre contre la Terreur”, sa dénonciation de la situation florissante du racisme aux USA, etc. C’est ce qu’on nommait le “Malcolm X qui était en Mandela” (le seul activiste noir vraiment antiaméricaniste et donc antiSystème). (On gardera la référence de ce texte en mémoire pour un autre développement, plus loin dans l’analyse.)
« In the desire to celebrate Nelson Mandela’s life — an iconic figure who triumphed over South Africa’s brutal apartheid regime — it’s tempting to homogenize his views into something everyone can support. This is not, however, an accurate representation of the man. Mandela was a political activist and agitator. He did not shy away from controversy and he did not seek — or obtain — universal approval. Before and after his release from prison, he embraced an unabashedly progressive and provocative platform. As one commentator put it shortly after the announcement of the freedom fighter’s death, “Mandela will never, ever be your minstrel. Over the next few days you will try so, so hard to make him something he was not, and you will fail. You will try to smooth him, to sandblast him, to take away his Malcolm X. You will try to hide his anger from view.” As the world remembers Mandela, here are some of the things he believed that many will gloss over.
» 1. Mandela blasted the Iraq War and American imperialism. Mandela called Bush “a president who has no foresight, who cannot think properly,” and accused him of “wanting to plunge the world into a holocaust” by going to war in Iraq. “All that (Mr. Bush) wants is Iraqi oil,” he said. Mandela even speculated that then-Secretary-General Kofi Annan was being undermined in the process because he was black. “They never did that when secretary-generals were white,” he said. He saw the Iraq War as a greater problem of American imperialism around the world. “If there is a country that has committed unspeakable atrocities in the world, it is the United States of America. They don’t care,” he said.
» 2. Mandela called freedom from poverty a “fundamental human right.” Mandela considered poverty one of the greatest evils in the world, and spoke out against inequality everywhere. “Massive poverty and obscene inequality are such terrible scourges of our times — times in which the world boasts breathtaking advances in science, technology, industry and wealth accumulation — that they have to rank alongside slavery and apartheid as social evils,” he said. He considered ending poverty a basic human duty: “Overcoming poverty is not a gesture of charity. It is an act of justice. It is the protection of a fundamental human right, the right to dignity and a decent life,” he said. “While poverty persists, there is no true freedom.”
» 3. Mandela criticized the “War on Terror” and the labeling of individuals as terrorists, even Osama Bin Laden, without due process. On the U.S. terrorist watch list until 2008 himself, Mandela was an outspoken critic of President George W. Bush’s war on terror. He warned against rushing to label terrorists without due process. While calling for Osama bin Laden to be brought to justice, Mandela said, “The labeling of Osama bin Laden as the terrorist responsible for those acts before he had been tried and convicted could also be seen as undermining some of the basic tenets of the rule of law.”
» 4. Mandela called out racism in America. On a trip to New York City in 1990, Mandela made a point of visiting Harlem and praising African Americans’ struggles against “the injustices of racist discrimination and economic equality.” He reminded a larger crowd at Yankee Stadium that racism was not exclusively a South African phenomenon. “As we enter the last decade of the 20th century, it is intolerable, unacceptable, that the cancer of racism is still eating away at the fabric of societies in different parts of our planet,” he said. “All of us, black and white, should spare no effort in our struggle against all forms and manifestations of racism, wherever and whenever it rears its ugly head.”
» 5. Mandela embraced some of America’s biggest political enemies. Mandela incited shock and anger in many American communities for refusing to denounce Cuban dictator Fidel Castro or Libyan Colonel Muammar Gaddafi, who had lent their support to Mandela against South African apartheid. “One of the mistakes the Western world makes is to think that their enemies should be our enemies,” he explained to an American TV audience. “We have our own struggle.” He added that those leaders “are placing resources at our disposal to win the struggle.” He also called the controversial Palestinian Liberation Organization leader Yasser Arafat “a comrade in arms.”
» 6. Mandela was a die-hard supporter of labor unions. Mandela visited the Detroit auto workers union when touring the U.S., immediately claiming kinship with them. “Sisters and brothers, friends and comrades, the man who is speaking is not a stranger here,” he said. “The man who is speaking is a member of the UAW. I am your flesh and blood.”»
Russia Today consacre également un article (ce 6 décembre 2013) à ce mouvement considérable de communication constaté pour sa mort, et essentiellement sur son aspect tronqué, faussaire, prodigieusement hypocrite et hystérique-schizophrénique à la fois, conformément à la narrative-Système. John Glaser, sur Antiwar.com le 6 décembre 2013, va dans le même sens.
La conclusion de ces caractères des saluts à Mandela du monde du bloc BAO qui a pris par son vertige schizophrénique l’essentiel de l’activité de la communication complète ce que nous écrivons plus haut sur la description du personnage selon la vision du Système. L’ampleur formidable de l’événement mesure sans le moindre doute les doutes et l’angoisse du Système face aux attaques antiSystème portées contre lui. Le cas de la mort de Mandela a aussitôt été perçu, sans consigne nécessaire, par réflexe pavlovien de tous les réseaux-Système, comme une occasion impérative de tenter de renforcer l’aspect “moral” que la narrative du Système tente de prêter au Système. Cette ampleur, ce déferlement d’appréciations convenues, cette hystérie schizophrénique, sont une bonne mesure de la tentative constante et sans guère d’espoir d’être rencontrée de faire figurer le Système à la hauteur des “valeurs” et de la vertu morale dont il habille son action de déstructuration et de dissolution du monde.
Il s’agit, au travers de cette puissance de réaction, de la démonstration à la fois de l’angoisse du Système devant la dégradation extraordinaire de la perception qu’on en a, comme d’une entité absolument nihiliste et entièrement tournée vers la destruction du monde, à la fois de sa perception de l’extrême difficulté effectivement de parvenir à seulement ralentir l’extension de cette perception. C’est enfin la démonstration que le Système est persuadé qu’il doit pour survivre s’affubler de ses “valeurs” et de vertus morales, donc qu’il n’a pas assez de force pour apparaître pour ce qu’il est alors qu’il apparaît effectivement de plus en plus pour ce qu’il est.
C’est là sa faiblesse la plus radicale, son incapacité d’imposer son empire de destruction du monde sans dissimuler une seconde qu’il est un empire de destruction du monde, et même en l’affirmant avec assurance, certitude et hybris sans frein. Cette extrême faiblesse, qui ne cesse de se renforcer et de se manifester est, au niveau psychologique, le plus sûr garant de la transformation de sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction. Si l’on veut, le Système sait ce qu’il est et ce qu’il fait, et en même temps il ne supporte pas d’être ce qu’il est et de faire ce qu’il fait, – c’est-à-dire qu’opérationnellement, il ne supporte pas que cela se sache et que cela se dise. (Mais comment faire taire définitivement ceux qui savent et ceux qui disent puisque, pour les faire taire définitivement, le Système devrait justement se manifester pour ce qu’il est et pour ce qu’il fait, sans aucune restriction ni habillage “moral” ? ... Restent les substituts du type de la narrative-Mandela.)
Mais nous n’en terminons pas là-dessus, car la mort de Mandela et les réactions que cela engendre offrent un autre aspect, bien intéressant. Pour cela, nous en revenons comme annoncé au texte de ThinkProgress. Ce texte remarquable est, en même temps, lui aussi, complètement schizophrénique. En découvrant le vrai et glorieux visage de Mandela-antiSystème, ThinkProgress qui soutient avec ferveur son président démocrate et africain-américain met involontairement et indirectement en accusation Obama, sa clique et ses ors, – puisqu’on sait bien que, derrière sa rhétorique et son ton prophétique pour saluer Mandela “son inspirateur”, BHO est le parfait continuateur et accélérateur de Bush, donc le plus parfait serviteur du Système à cet égard, donc un traître et un imposteur épouvantable lorsqu’il se réclame de Mandela l’antiSystème...
Où l’on voit, pour notre compte, qu’on se trouve bien loin des hystéries extatiques du parti des salonards sur le triomphe de l’antiracisme, faux-nez pseudo-métaphysique du Système pour tenter de se vêtir d’atours convenables. La mort de Mandela et la réflexion qu’elle amène ne peuvent avoir de cohérence et de vertus d'illustration de la vraie situation du monde que si elles sont envisagées selon la seule référence Système versus antiSystème. Tout le reste est polémique accessoire qui ne mérite que le sort de l’inconnaissance.
Ce qui est remarquable est que nous avons la même situation de l’autre côté, pour ce cas du côté de ceux qui dénoncent Obama et son activisme-Système, qui se manifestent donc comme antiSystème dans ce cas. Ceux-là, soudain, avec le cas Mandela, dénoncent certaines activités du héros sud-africain qui est pour nous, d’abord, une personnalité antiSystème, sans même effleurer la dimension essentielle et fondamentale qui fait de lui un antiSystème. On trouve cela dans un texte de Infowars.com, le 6 décembre 2013.
Ce texte est assez curieusement fait, mettant ainsi en évidence les contradictions internes de ceux qui prétendent à une lutte qu’on pourrait juger d’antiSystème tout en défendant des causes diverses (à gauche pour ThinkProgress, à droite pour Infowars.com) qui sont finalement utilisées par le Système à son avantage. Ainsi le texte présente-t-il le détournement de Mandela par le Système comme on l’a décrit précédemment, ce qui revient à accuser le Système et ses manigances en faisant implicitement l'éloge de Mandela ; cela, tout en accusant Mandela de diverses ignominies, comme “terroriste” et adversaire du gouvernement sud-africain de l’aparteid, d’une façon qui le condamne et condamne par conséquent sa véritable posture antiSystème... Et pourtant, le texte se poursuivant par une attaque violente contre les gouvernements US qui soutinrent l’apartheid et, par conséquent, luttèrent contre Mandela et son action ; par conséquent (suite), voilà qui tendrait à “réhabiliter” Mandela, ce qu’on trouverait évidemment d’autant plus justifié à la lumière de son action antiSystème, – mais, certes, il n’en est pas question, puisque Mandela n’est qu’un vulgaire “terroriste”. (Et pire encore, diable, “un communiste” fulmine Alex Jones, en rajoutant une couche lors de son show dans son show télévisée qui reprend le sujet le 7 décembre 2013.) Le fait est qu'il faut choisir, dans ces temps où l'urgence fait de certaines nuances des contradictions qui ne profitent qu'au Système, choisir entre l'essentiel et l'accessoire.
«Expect Obama to use your hard-earned confiscated tax dollars to pay for an expensive trip to South Africa where he will attend Nelson Mandela’s funeral. [...] Nelson Mandela stands atop a hallowed pedestal in the pantheon of political correctness. His struggle against the scourge of apartheid – government sanctified racism – was fashioned into a human rights struggle by the establishment and its propaganda media. The distorted image of Saint Mandela has been dutifully scrubbed of its dark side. There is no room for truth or historical fact as the tribute to Saint Mandela unfolds and will continue to do so well into next week and beyond.
»Here’s what you won’t hear. Nelson Mandela was a terrorist. His Umkhonto we Sizwe, the military wing of the African National Congress, targeted civilians. [...]
»Of course, it is hardly surprising the government and its media would praise a terrorist and make him out to be saint. It does this all the time. From Taliban “freedom fighters” (as the script-reader Reagan dubbed them) who would later become convenient enemies to the creation and support of al-Qaeda and its terrorist operations in Afghanistan, Bosnia, Libya, Syria and elsewhere, the U.S. government remains actively in the business of manufacturing terrorists, although most of them are not anointed with sainthood like Nelson Mandela...
»But, when you think about it, Mandela is merely a low-level terrorist when stacked up against the sort of psychopaths and knuckle-draggers the U.S. government has supported over the years, including General Augusto Pinochet in Chile and General Suharto in Indonesia, to name but two.
»It probably will not be mentioned today or in the coming week that in the not too distant past the government Obama now represents (or reads a teleprompter for) supported racists in South Africa and Rhodesia. Reagan, who liked to fashion himself a libertarian (or his speechwriters did, anyway), supported P.W. Botha’s South African government and its “total war” on a black majority. Nixon did likewise when Ian Smith’s Rhodesian government engaged in starving to death citizens who wanted to throw out the white minority government ruling with an iron fist... [...]
»Nelson Mandela is another establishment generated distraction. His sanitized presence in the manipulated flow of corporate media propaganda and entertainment fluff is designed to bolster the latest tool of domination devised by the ruling elite – color and culturally based political correctness. All who disagree or take issue with the ruling elite and their plan for global domination are dismissed as scurrilous racists and haters.»
Dans tout cela, dans ces textes cités pêle-mêle, on trouve diverses vérités de circonstance qui eurent leur importance in illo tempore, en fonction d’autres circonstances plus importantes, et d’autres vérités essentielles parce qu’antiSystème mais nullement présentées dans ce sens puisqu’on sent bien qu’elles sont dites pour renforcer discrètement la gloire d’un parti en place et absolument engagé pour le Système. Nous voulons dire par là qu’il n’y a pas, dans cette seconde approche critique, de ces déformations grossières, de ces mensonges par omission, de ces silences devant l’évidence qui saupoudrent les textes de la presse-Système, – celle qui célèbre le Mandela antiraciste et ignore absolument le Mandela antiSystème. Il n’empêche, cette seconde critique, elle aussi, tombe dans le même travers, car si elle côtoie et mentionne certaines évidences antiSystème propres à Mandela, elle en fait des circonstances annexes tout juste bonnes à conforter la position partisane qu’elle défend, que chacune des tendances qui figurent dans cette critique défend.
Ainsi la mort de Mandela est-elle un exercice pratique in vivo de la façon dont nos appréciations et nos conceptions restent prisonnières du Système, même lorsqu’elles prétendent être antiSystème, si elles ne prennent pas soin de préciser constamment, dans une constante répétition qui forge l’âme d’une résistance, la spécificité et la grandeur, exclusives du reste et écrasant le reste, de l’affrontement avec le Système. Elle est la mise en lumière de l’évidence que les conceptions idéologiques, partisanes, dialectiques, nées de ces concepts de “droite” et de “gauche” avec leurs diverses progénitures respectives nous enfermant dans les situations faussaires des XIXème et XXème siècles, sont le plus sûr moyen de venir en aide au Système, même en faisant de l’antiSystème, parce que le Système est expert dans la manipulation de ces domaines. Dont acte, une fois de plus.
Pour autant, cela n’est pas nécessairement un sujet de désespoir, parce que de toutes les façons ce grand brouhaha autour de la mort de Mandela ne fait que mettre encore plus en évidence le désarroi que les pressions du Système entraînent chez ceux qui sont chargés de le servir, en même temps que ces pressions déchaînées et schizophréniques démontrent un peu plus le désarroi du Système lui-même, obligé de se réfugier dans un passé falsifié et dont la falsification ne cesse de se révéler, pour se justifier “moralement” à ses propres yeux. Les divers excès qui ont accompagné et accompagnent cette campagne spontanée de sauvegarde qu'est ce culte-Système rendu à Mandela, qui voudraient démontrer indirectement la légitimité du Système par la justesse de ses “valeurs”, montrent au contraire combien le Système n’a aucune légitimité parce qu'illégitime en substance et absence d'essence, et combien les “valeurs” dont il se réclame sont faussaires et inverties. Cela n’est en rien une observation théorique ou accessoire, parce que le Système est ainsi conçu qu’il a besoin, du point de vue de sa posture par rapport au système de la communication sur lequel il s’appuie, de légitimité à ses propres yeux, et de “valeurs” sans cesse réaffirmée pour justifier constamment cette légitimité qui n’est tenue par aucun principe.
Dans son premier hommage, qui se voudrait sans doute comme un des grands moments de sa présidence comme il en raffole, Obama a qualifié Mandela de «meilleur être humain à avoir fréquenté cette terre» et affirmé qu’il «ne nous appartient plus, il appartient à l'histoire». Il n’est peut-être pas nécessaire d’activer l’esprit de compétition américaniste et anglo-saxon qui est si caractéristique de l’“idéal de puissance“ dont dépend le Système, pour qualifier un peu excessivement Mandela de façon à justifier ce “grand brouhaha” fait autour de sa mort, et justifier d’autant le Système qui s’agite de la sorte ; ainsi le terme de «meilleur» sert-il tout juste à mesurer les urgences du Système. Il n’empêche, – que le «meilleur être humain à avoir fréquenté cette terre» selon le Système dont les USA d’Obama sont les plus loyaux serviteurs ait dit : «If there is a country that has committed unspeakable atrocities in the world, it is the United States of America. They don’t care for human beings...», – voilà qui n’est pas indifférent.
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