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11088 mars 2013 – D’une façon générale, les réactions à la mort d’Hugo Chavez ont été considérables et assez diversifiées. Il ne fait nul doute que, dans cette époque de communication, cet homme simple devenu président et affirmant une forte capacité de communication, est devenu ce qu’on nommerait un “homme d’État” correspondant effectivement à ces temps étranges, lui-même cultivant l’art de la parole nette, de la franchise enjouée, de l’éloquence populaire et du discours interminable et festoyant. (Ne disons pas “populiste” pour qualifier l’éloquence, de crainte de “déraper” dans les salons où l’on veille à débusquer la bête brune au “ventre toujours fécond”.)
Nous sommes également d’un jugement que le comportement de Chavez sur la fin de sa maladie n’a pas été sans témoigner d’une force d’âme remarquable, qui a marqué et marquera les esprits durablement et profondément, même si d’une façon inconsciente. Un homme dans son état de santé, connaissant sans aucun doute l’issue fatale proche pour lui après deux années de soins intensifs et d’une dégradation continue, avec l'épuisement qui va avec, l'affaiblissement de la psychologie, et se lançant dans une campagne présidentielle, et la gagnant comme il l’a fait, pose un acte décisif qui a sans doute accéléré sa fin, qui est aussi un acte politique héroïque de responsabilité qui le dépasse dans la mesure où il assure à ses successeurs une base renouvelée de popularité pour le régime, qui n’a plus rien à voir avec ses propres ambitions. Les réactions soulevées, ainsi que la ferveur populaire accompagnant ce décès n’auraient pas été aussi intenses et aussi “politiques” dans le sens de la ferveur pour son parti, pensons-nous, s’il n’y avait pas eu l’épisode de l’automne dernier.
Nous mentionnons ci-après quelques attitudes, réactions, etc., qui nous paraissent dignes d’être notées, d’être commentées, etc., en raison de leurs caractères inhabituels. Elles vont dans des sens divers et nous assurent effectivement du caractère peu commun de l’événement, cette fois considérés dans le chef des réactions qu’il a suscitées, et de ce que ces réactions montrent de nos contradictions et de nos confusions.
Notre attitude est extrêmement sélective, très restreinte dans cet aspect quantitatif qui nous est étranger, comme nous avons l’habitude de procéder. Nous négligeons et manquons certainement de nombreuses choses mais notre choix nous permet de substantiver et de soutenir un commentaire général sur une attitude générale, directement ou indirectement liée au Système qui domine tout, mais aussi exprimant directement ou indirectement la crise de l’effondrement du Système qui, elle aussi, paraît comme la crise primale, omniprésente, dont l’influence est totale et même totalitaire, – et domine tout, elle aussi, par conséquent.
Pour une fois, commençons par parler d’un texte officiel tel qu’il est… L’on sait que nous ne sommes pas amis des textes officiels, qui nous ennuient au-delà de tout, et encore moins des communiqués. Pour ce cas, pourtant, celui des institutions européennes (Conseil Européen, Commission), signé par le président du Conseil van Rompuy et le président de la Commission Barroso, et adressé au vice-président du Venezuela Nicolás Maduro Moros, ne manque pas d’intérêt, – indirectement, sans nul doute. Le voici…
«The European Union has received with sadness the news of the passing away of the President of the Bolivarian Republic of Venezuela, Hugo Chávez.
»Venezuela has stood out for its social development and for its contribution to South America's regional integration.
»Hoping to deepen our relationship in the future, we would like to send our sincere condolences and sympathy to the people and the government of Venezuela.»
Par rapport à la norme du bloc BAO, ce communiqué est remarquablement modéré, proche d’être marqué d’empathie (effectivement, plutôt que sympathie dans ce cas), voire de chaleur, pour Chavez ou, dans tous les cas, pour le Venezuela de Chavez. C’est van Rompuy qui a voulu cette forme, tandis que Barroso aurait voulu qu’on ajoutât un mot, une phrase, pour “saluer” ce qui serait peut-être “des temps nouveaux”, plus ouverts aux “marchés”, c’est-à-dire au Système.
La chose est à noter, au sein d’un système européen en général verrouillé par l’idéologie. Il s’agit d’une agitation humaine bien identifiée pour tenter d’échapper au diktat permanent du Système. On y parvient, temporairement, dans un cas qui n’aurait pas dû, normalement, c’est-à-dire selon les normes du Système, permettre un tel écart.
D’une façon générale, Chavez a toujours été une cible favorite de la presse-Système. Sur ce sujet, comme si elle était déliée de tout devoir de retenue et de civilité, la presse-Système sembla toujours s’agiter avec délice dans un océan de lieux communs où dominaient le mépris et la haine. Le barbare ne se trouvait pas du côté qu’on croit.
Un rappel à cet égard est publié sur le site Fair, le 6 mars 2013, qui porte effectivement sur la période depuis 2002 et le coup d’État monté avec l’aide des USA et finalement manqué contre lui. La bassesse de la propagande la plus primaire déployée contre Chavez est remarquable…
«Venezuela's left-wing populist president Hugo Chávez died on Tuesday, March 5, after a two-year battle with cancer. If world leaders were judged by the sheer volume of corporate media vitriol and misinformation about their policies, Chávez would be in a class of his own.»
Il nous est ainsi rappelé combien cet homme servit de symbole de la forme de diffamation furieuse du Système contre ce qui est considéré comme absolument apostatique pour la religion que promeut le même Système. Chavez était donc un symbole encore plus qu’une «class of his own» ; le symbole a contrario de la bassesse du Système, de la pauvreté de sa pensée réduite aux acquêts du schématisme primaire, de la médiocrité de son langage étendue dans la brutalité de l’invective comme on s’ébroue dans la paresse et la grossièreté.
Les réactions à la mort du président Chavez ont contraint à entrer dans le domaine des faits, parce qu’il s’agissait d’un événement considérable qu’on ne pouvait réduire aux seuls lieux communs de la propagande. Ils ont donc été différents de la simple calomnie-Système que nous avons connu avec Chavez, d’autant plus que 2013 n’est pas 2002, que de l’eau a coulé sous les ponts, que des crises considérables ont eu lieu, qui éclairent d’une lumière gênante les tares du Système et diminuent d’autant sa capacité à crucifier les autres au nom de sa propre vertu.
Cela donne des situations qu’on peut qualifier d’étranges, voire d’amusantes. On trouve cette sorte de situation, qui dissimule à peine un embarras inconscient entre la nécessité de la diffamation et les faits s’imposant d’eux-mêmes, et qui se manifeste parfois par des situations comiques. Ici, nous prenons un cas très précis, dans la presse disons la plus chic, cette presse “libérale” anglo-saxonne que nous définissions, à l’image du Guardian, comme ayant «un gros pied clouté dans le Système, [et] un pied léger, type-ballerine, hors du Système».
Cette fois, il s’agit de The Independent. Les articles du journal couvrant le climat de Caracas après la mort de Chavez, ou ce qu’a accompli Chavez, sont loin d’être négatifs ou manifestement orientés. Leur lecture est satisfaisante et l’on se dit que Chavez était un brave homme et un homme politique qui sut tracer son œuvre. Puis, voici soudain l’éditorial (le 6 mars 2013)… Qu’on nous pardonne si nous nous étendons un peu sur le cas, mais il nous semble de bonne facture.
Effectivement, voici l’éditorial, et nous entrons dans l’univers du rêve-narrative, à l’image des mots employés par l’auteur, mais contre Chavez bien entendu («Fourteen years later, the dream is still just that – a dream»). Le texte annonce, sans donner de précisions, que «Chavez leaves a Venezuela crippled by poverty…», avec d’autres description de type apocalyptique («As a result, the country’s infrastructure is falling to pieces, its public hospitals are death-traps, and Caracas has become a city of slums with one of the highest crime rates in the world. Meanwhile, a vast black market is flourishing, policed by armies of malandros with a finger in every pie from the pettiest local racket to international organised crime…»)
Les précisions factuelles et même statistiques manquantes, – pour ces esprits férus d’objectivité scientifique, –sont ailleurs, mais dans le même journal, le même jour, notamment sous la plume d’Owen Jones (donc le même 6 mars 2013). Curieusement, Jones nous présente un Chavez diablement sympathique, avisé, bienfaisant et ainsi de suite. Surtout, il y a ce paragraphe qui sonne étrangement à nos oreilles par rapport aux descriptions apocalyptiques de l’édito-narrative, de la pauvreté qui emporte tout sous le règne de Chavez-l’illusionniste, et de la responsabilité directe du même Chavez :
«The truth is that Chavez won democratic election after democratic election, despite the often vicious hostility of the media, because his policies transformed the lives of millions of previously ignored Venezuelans. Poverty has fallen from nearly half to 27.8 per cent, while absolute poverty has been more than halved. Six million children receive free meals a day; near-universal free health care has been established; and education spending has doubled as a proportion of GDP. A housing programme launched in 2011 built over 350,000 homes, bringing hundreds of thousands of families out of sub-standard housing in thebarrios. Some of his smug foreign critics suggest Chavez effectively bought the votes of the poor – as though winning elections by delivering social justice is somehow bribery.»
Quel étrange éditorial, par conséquent, quel curieuse tournure d’esprit qui vous conduit, vous-même, à écrire à quelques lignes d’intervalles deux affirmations exactement contraires, comme ce passage enchaîné où il est deux fois question de l’infrastructure hospitalière publique (cela, avec l’aide du souligné en gras de notre part) : «As a result, the country’s infrastructure is falling to pieces, its public hospitals are death-traps, and Caracas has become a city of slums with one of the highest crime rates in the world. Meanwhile, a vast black market is flourishing, policed by armies of malandros with a finger in every pie from the pettiest local racket to international organised crime.
»It is by this that Mr Chavez must be judged, not by the reach of his own rhetoric. Some of his ideas were, ostensibly, good ones. It is hard to find fault with medical clinics in poor areas, for example…»
Enfin, pour ne nous laisser aucun doute sur ce climat incertain, il nous est affirmé, dans le même éditorial, qu’alors qu’on pleurait dans les rues autour de l’hôpital où était mort Chavez, on dansait dans les autres rues, à Caracas, pour célébrer la mort du même susdit Chavez… «The mixed response on the streets of Caracas to Mr Chavez’s death is evidence of his troubled legacy. While crowds of supporters chanted “We are all Chavez!” outside the military hospital where the mercurial President lost his battle with cancer, elsewhere in the dilapidated, violent capital there were celebrations.» Où l’écrivain inspiré, auteur de l’éditorial, a-t-il trouvé qu’on dansait dans les rues de Caracas pour applaudir à la mort de Chavez ? Nulle part, ni ici et là, ni ailleurs, ni dans The Independent d’ailleurs...
Dans l’article de ce quotidien où l’on décrit Caracas le jour d’après la mort du président, il n’est question que des centaines et des centaines de milliers de Vénézuéliens venant saluer sa dépouille et de rien d’autre (le 6 mars 2013 : «“We are all Hugo Chavez”: supporters gather to pay tribute to Venezuela’s dead President») On s’interroge à propos de l’éditorial puis l’on tombe sur le titre d’un des articles référencés du journal sur la page réservée à la mort de Chavez, et effectivement l’on y lit d’un coup d’œil rapide les mots “Jubilation”, “Caracas”, ”Hugo Chavez” ; – mais cela concerne une toute autre date et une toute autre occasion, sans doute une erreur de référence… (L’article-piège : «Jubilation in Caracas as Hugo Chavez returns from Cuba (and announces his arrival on Twitter)», le 18 février 2013.)
Notre hypothèse est que notre plume éditorialiste et agile a traduit ces mots machinalement enregistrés par un coup d’œil rapide dans le sens qui lui importait, l’esprit ailleurs, occupé des consignes habituelles du Système. Ainsi l’éditorialiste n’est-il pas un mauvais bougre, il se trompe, comme vous et moi, et c’est touchant, c’est de l’“humain, trop humain” ; pour le reste, il y a les consignes automatiques du Système qui, étrangement ou ironiquement c’est selon, lui font écrire le contraire de ce que les journalistes de son journal écrivent. D’ailleurs, il devait avoir bu un coup cet éditorialiste, pour célébrer la mort de Chavez ou pour saluer le président qui venait au secours des pauvres, c’est selon… “Humain, trop humain”, vous dit-on.
L’intérêt de cet intermède dont on pardonnera le détail au cœur de la presse-Système la plus sophistiquée du monde, et ornée des références qui la feraient prendre pour tolérante, c’est d’illustrer ce qu’il nous semble ressentir, – comme l’on hume un vent nouveau. Chavez n’a pas été “enterré” par la presse-Système comme il l’aurait été il y a cinq ans ou dix ans. Il a été “enterré” avec une certaine gêne dans le chef de ceux qui continuent à appliquer les consignes-Système, celles-là mêmes qu’ils se donnent à eux-mêmes sous l’inspiration pressante du Système. C’est à cela que nous attribuerions les étranges maladresses et les grossiers contresens de propagande de cet éditorial, dignes d’un débutant et d’un mauvais petit fonctionnaire d’une médiocre bureaucratie totalitaire, dans le chef d’un titre prestigieux d’un segment de la presse-Système qui ne l’est pas moins. Pour le reste, dans les autres articles du journal, ils se jugent obligés de rendre compte assez justement de l’œuvre de Chavez, – et cela est un signe.
Il y a cinq ou dix ans, les invectives haineuses, les remarques dédaigneuses, à la limite, – mais limite franchie, certes, – d’un racisme qui se ramène à un suprématisme sans mesure, au-delà de la limite de l’excommunication religieuse, venaient aisément sous la plume. Elles concernaient, avec le même mépris, ce Chavez illettré et les foules des pauvres gens qui le soutenaient, tenues dans la même considération méprisante. Aujourd’hui, – c’est-à-dire hier, à l’occasion de sa mort, c’était plus difficile, et parfois cela en était presque gênant à force de heurter ce qu’on sentait être la vérité. En un sens, avant de mourir Chavez était déjà entré dans l’Histoire.
C’est avec cet état d’esprit que nous aborderions certains textes d’analyse concernant la situation du Venezuela et, surtout, de l’Amérique latine, après la mort de Chavez. C’est le cas de ce texte de Russia Today, du 6 mars 2013, où un expert argentin, Adrian Salbuchi, est interrogé.
Salbuchi est inquiet pour la situation au Venezuela même (de la part de “forces extérieures”, et l’on comprend lesquelles), autant que pour celle du continent. Salbuchi pense que les pressions US devraient redoubler pour renverser la nouvelle situation d’affirmation souveraine qu’on peut qualifier de “continentale”, dont Chavez fut certainement le déclencheur et le moteur historique. Cette évaluation termine son entretien avec Russia Today :
«I tremble to think, because the United States is definitely trying to make very, very strong inroads throughout South America. Hugo Chavez’s Venezuela was the main country really opposing American interventionism, because the other two countries are Bolivia and Ecuador which are much weaker. And even my own country of Argentina has a double standard, so to speak. They sometimes are for the global power elite, sometimes they make believe the Kirchner government goes against it.
»So I think America will now double its efforts and it will join forces with the countries that it already has under its way - Mexico with Pena Nieto, Colombia with President Santos even Chile with President Pinera, who are all pro-UK and pro-US, so I think we are going to see a geopolitical battle being waged in the Northern part of South America, around Venezuela. And it will be a very tough one, a very difficult one, and one that not only holds for the future of Venezuela, but for the future of the entire Latin American continent.»
Nous comprenons parfaitement la logique de Salbuchi, et ses craintes par conséquent. Pourtant, nous aurions tendance à ne pas les partager entièrement, dans tous les cas dans leur couleur pessimiste. Il va certainement y avoir une poussée et une pression américanistes contre le Venezuela, et plus généralement contre la situation nouvellement souveraine de l’Amérique Latine. D’un autre côté, cette pression a-t-elle jamais cessé ? Connaissant l’inertie bureaucratique, son alignement sur l’extrémisme politicien, l’activisme constant des pouvoirs divers et quasiment autonomes de Washington, la prolifération des officines de subversion liées à l’idéologie déstructurante et dissolvante et au crime organisée, et arrosées du fric du corporate power, notre réponse serait bien : non, elle n’a jamais cessé… L’automatisme de subversion du Système ne prend jamais de repos, il vit de sa rancœur déstructurante et dissolvante, comme l’organisme vit de l’oxygène. Cela n’a pas empêché l’Amérique latine de s’imposer, de développer à une vitesse fulgurante son affirmation souveraine.
Il ne fait aucun doute que Chavez est à l’origine de l’affirmation exceptionnelle de tout un continent, en une décennie. Mais son rôle moteur s’était estompé ces quatre dernières années, disons depuis 2008 et l’arrivée d’Obama, et bien plus encore, radicalement à partir de 2010 à cause de son état de santé. D’autres pays ont pris le relais, et parmi ceux-ci les plus puissants du continent (Brésil, Argentine). La dernière déroute des USA face à une Amérique Latine rassemblée malgré les différences encore existantes entre les pays qui la composent, au Sommet des Amériques (voir le 17 avril 2012), s’est faite sans Chavez, absent à cause de sa maladie.
Ce n’est pas diminuer Chavez que constater cette évolution, ponctuée par son affreux cancer ; c’est au contraire acter le succès de sa démarche qui, plus qu’une “révolution” (le bolivarisme), se marque, – selon le communiqué même de l’Union européenne car toutes les ironies sont bonnes à prendre, – dans une intégration du continent fondée sur des principes fondamentaux, la souveraineté et la légitimité qui nourrissent l’affirmation d’indépendance. Ce constat est cohérent avec les phases des “époques” successives que nous identifions. Celle du triomphe de Chavez va de 2001 à 2007 ; celle qui commence en 2008, déclenchée par la crise financière US et le début du processus d’effondrement du Système, acte également l’existence d’une intégration puissante et souveraine de l’Amérique latine effectivement en voie d’accomplissement et déjà opérationnelle. Désormais, à partir de 2008, une voix comme celle de Lula a plus d’importance et de poids que celle de Chavez, et le puissant Brésil, pour poursuivre l’exemple, s’est engagé dans une voie d’affirmation (notamment avec son extension au BRICS) qui rejaillit nécessairement sur le statut du continent tout entier. Il ne fait aucun doute que cette évolution est due pour l’essentiel à Chavez mais, dès 2009-2010, elle se poursuit sans lui, – ce qui est bien la preuve de sa réussite historique.
Nous ne disons pas qu’il n’y aura pas de grande bataille avec l’Amérique Latine soumise aux pressions US, comme Salbuchi le craint, mais nous disons que cela sera plutôt une continuation, et que l’Amérique Latine, et même le Venezuela, n’y seront pas nécessairement placés en position d’infériorité. Chavez lui-même devait avoir inconsciemment compris cela, qui a tout fait, comme on l’a dit au début du texte, pour renforcer son pays après sa mort. Nous irons même jusqu’à penser que si la succession de Chavez ne suivait pas l’ordre naturel (élection de son vice-président), notamment à cause de manigances du Système qui peuvent toujours profiter d’une conjoncture délicate de transition, il pourrai bien y avoir une réaction continentale sévère, qui mettrait encore plus en lumière la difficile situation d’imposture de l’action-Système (des USA) contre le continent.
Pour terminer, il y a la nécessité de passer par nos propres travers, par nos déformations regrettables, notre psychologie épuisée ou déformée, tout cela qui fait penser que la bataille de l’après-Chavez ne ménagera pas nécessairement une position affaiblie de l’Amérique Latine. (Nous disons “nous”, le Système, comme si nous étions “du Système”, – qu’on nous pardonne cet écart momentané du langage, – mais tout est dans tout, et inversement, dans cette époque étrange, et cela n’est pas indifférent pour notre propos. Il suffit de le savoir, en acceptant la logique du raisonnement, et de se tenir pour mieux s’en écarter au moment où il faut.)
Nous prenons une référence que certains jugeront “peu crédible”, et peu nous importe. En effet, la crédibilité ne nous importe pas mais l’état de la psychologie, dans ce tourbillon permanent entre Système et antiSystème, lorsqu’il faut constamment calibrer et recalibrer ses références. Il s’agit de la position d’Alex Jones et (en partie) de son site Infowars.com à l’occasion de la mort de Chavez, sur Chavez ou plutôt contre Chavez. On l’entend dans une émission d’Alex Jones présentée au 5 mars 2013, avec ce simple commentaire écrit, qui dit tout avec ce mot de “communiste” : «It’s official…another Communist strongman is dead.» Puis un texte, repris sur Infowars.com le 6 mars 2013, à partir du site Natural News (un des relais préféré de Infowars.com), le 6 mars 2013, de Mike Adams. Le titre annonce la couleur : «Hugo Chavez may be dead, but the great cancer of socialism continues to spread…» Les invectives chassent les dernières nuances qu’on espérerait encore y trouver («Read more about the scumbag piece of political filth known as Chavez; may his dark soul burn in Hell with all the other tyrants of history»). Le texte achève le tout….
«Hugo Chavez is dead, leaving one less control freak tyrant desecrating our planet, but one more empty seat of corruption and power to be filled. Chavez died of cancer, we are told, but the cancer of his left-leaning philosophies continues to disease our world, even rearing its head in the United States of America where government policies increasingly mirror those of Chavez…»
Certains diront, s'agissant de Jones & Cie : toujours cette extrême-droite (la “bête immonde”, etc.), et nous dirons : pas si vite. D’abord la gauche pure et dure ne fait pas mystère de ses réserves gravissimes concernant Chavez. (Voir WSWS.org le
Alors, le cas Alex Jones & Cie doit être pris autrement que selon le prisme aussi trompeur que “les lampes à huile” et “les caravelles” du Général, qu’est le prisme droite-gauche, déformant, faussaire, infécond, finalement qui-fait-le-jeu-du-Système. La critique nécessaire du cas Jones & Cie doit être conduite différemment. Il nous importe, à nous, de constater qu’il y a une grande, une insupportable absurdité dans cette position de ces extrémistes-complotistes type-Alex Jones. Ils ont en vérité une utilité antiSystème manifeste lorsqu’ils tirent à boulets rouges contre la terrorisation et la militarisation développées par le centre fédéral US, lorsqu’ils dénoncent le “complot globaliste”, – parce que tout cela contribue à mettre en cause le Système, et tous les moyens sont bons. Mais ils se retrouvent, avec ces anathèmes anti-Chavez, aux côtés du centre terrorisant et militariste et de l’éternel complot globaliste qui n’eut de pire bête noire que Chavez ; et, cerise sur le gâteau, ils en arrivent à faire d’Obama, le soi-disant maître du centre qui est en réalité le jouet du Système, le complice objectif de Chavez. Ouf…
N’insistons pas sur ces évidences mais constatons simplement que certains mots, venus à l’esprit pour éviter d'autres évidences, dérangeantes celles-là, du jugement nécessaire, agissent comme autant de réflexes de Pavlov : “communiste” pour l’un, “bête immonde” pour l’autre. Le prisme droite-gauche devrait être nommé “prisme de Pavlov”, non ? Et il devrait plutôt désigner une grande faiblesse de la psychologie qu’un jugement politique dépassé ; car comment peut-on s’attarder à de telles sornettes, des “poussières” avec lesquelles on peut jouer (“va jouer avec cette poussière”), alors que gronde l’immense crise d’effondrement du Système ?
Chavez, lui, nous laisse avec nos contradictions et nos tourments psychologiques, – “nous, le Système”, cela indiquant que même ceux qui se croient antiSystème ne le sont pas tout à fait s’ils ne répudient pas tout ce que manipule le Système, à commencer par le prisme droite-gauche. Chavez avait finalement comme vertu ultime d’être quitte de ces choses. Il embrassait le “gauchiste” Fidel, le Russe Poutine dénoncé comme fasciste, et même le capitaliste-Système Obama (lors d’un fameux Sommet des Amériques d’avril 2009 [voir le 15 mai 2009], lorsqu’Obama semblait encore promettre). Cet homme était un homme simple, – lorsque la simplicité, dans ce cas de la modernité dissolvante, est bien plus proche de l’Unité de la tradition fondamentale que toutes les circonvolutions cérébrales et encombrées de passions cachées du sapiens. Cet homme simple, donc, avait finalement et sans doute intuitivement, sans l’exprimer précisément, le sens de la nature des choses et du monde, et il sentait bien que son adversaire était une entité monstrueuse, le Système, bien plus que les hommes qui le servent (le Système), les hommes qui se trompent (dans leurs antagonismes), – bref, les hommes qui sont faibles plus que mauvais…. “Humain, trop humain”.
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