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1275Nous avons hésité à propos de ce titre… Fallait-il écrire “Notes sur une attente d’insurrection” ou “Notes sur un besoin d’insurrection” ? Le mot “attente” signifie aussi bien une prévision passive, éventuellement plutôt effrayée dans ce cas, qu’une prévision active, impliquant que l’espérance qu’on en a se réalise effectivement. Le mot “besoin” ajoute une dimension au mot “attente” dans sa deuxième interprétation : c’est non seulement une “prévision ‘active’”, c’est également une nécessité… Alors, nous avons choisi une troisième voie, qui paraîtrait plus neutre mais qui doit être entendue comme intégrant les deux propositions précédentes pour bien rendre compte de notre situation psychologique.
Nous parlons ici de bruits, de rumeurs, d’analyses, de déclarations diverses, le tout rassemblé pour donner une sensation de pression allant vers la possibilité de troubles divers et insurrectionnels, touchant le bloc BAO. Il s’agit aussi bien des USA que de l’Europe, malgré sa toute neuve “nobélisation” ; une sorte de “printemps transatlantique”, si l’on veut bien envisager l’expression à l’imitation du “printemps arabe”, au cœur de l’automne 2012… Mais l’on verra qu’en allant plus loin, avec d’autres nouvelles, on ne peut s’en tenir à un seul printemps, ni au printemps seulement.
Voici l’éditeur du site The Economic Collapse, des USA, qui collationne les sujets relatifs aux possibilités variées d’effondrements, qui s’est attaché à une enquête sur les messages divers, personnels, semi-professionnels, des réseaux divers aux USA, des twitters aux blogs personnels ou politisés. Ce qui est remarquable, c’est le contraste entre une campagne assez morne et sans passion apparente, et les réactions ainsi enregistrées dénotant une tension terible et une passion à mesure.
Ce qui est également remarquable, c’est que la colère et les diverses menaces de brutalités et d’émeutes concernent aussi bien, sinon plus, les partisans d’Obama que ceux de Romney alors que la vindicte civique avait été jusqu’ici surtout exprimée dans le sens d’une hostilité à Obama. Infowars.com, qui entretient à l’encontre d’Obama une hostilité viscérale et tenace, a réalisé un DVD qui rassemble les innombrables menaces d’émeutes et d’insurrectionsqu’on peut trouver sur Internet actuellement, au cas où Obama ne serait pas réélu (voir le 14 octobre 2012).
Cette “enquête” sur les “menaces d’émeutes” aux USA est ainsi présentée sur The Economic Collapse, le 11 octobre 2012 : «Will the most divisive campaign in modern American history culminate in massive riots in our major cities? Right now, supporters of Barack Obama and supporters of Mitt Romney are both pinning all of their hopes on a victory on November 6th. The race for the presidency is extremely tight, and obviously the side that loses is going to be extremely disappointed when the election results are finalized. But could this actually lead to violence? Could we actually see rioting in communities all over America? Well, the conditions are certainly ripe for it. A whole host of surveys over the past few years have shown that Americans are very angry and very frustrated right now. In fact, a Pew Research Center poll from late last year found that 86 percent of all Americans are either angry or frustrated with the federal government. We have seen this frustration manifest in protest movements such as the Tea Party and Occupy Wall Street, but right now things are fairly calm as liberals and conservatives both look forward to November 6th. Many Republicans started the countdown to the next election literally the day after John McCain lost back in 2008. All of their hopes of getting Obama out of the White House are riding on a Romney victory. For many Democrats, Barack Obama is a “once in a generation” icon. Just the thought of Mitt Romney replacing Obama in the White House is enough to push many of them to the brink of insanity. In recent years we have seen horrible rioting erupt in cities after major sports championship games. How much worse could the rioting potentially be if this bitterly contested election is decided by a very narrow margin – especially if there are allegations that the election is “stolen”?»
Quoi qu’il en soit de la concrétisation de ces diverses menaces et alarmes, le point qu’on doit retenir est que l’extrême tension qu’on enregistre aux USA à propos de l’élection présidentielle, mais hors du champ classique de la compétition électorale, portent sur le point tout à fait inhabituel d’une hostilité irrationnelle, complètement intérieure et propre à un état de division structurelle des USA, sans référence à un problème particulier de politique, intérieure ou extérieure. (On ajoutera, comme exemple d’une situation inhabituelle, ces révélations sur des comportements extrêmes et presque caricaturaux de milliardaires divers et activistes, comme les frères Koch de l’extrême droite républicaine, menaçant les employés de leurs diverses entreprises, au nombre de 50.000, de licenciements massifs “s’ils votent pour Obama”, – ou plutôt, d’une façon effectivement caricaturale et grotesque qui fait de ces employés des otages, “si Obama est élu”, – car comment savoir qui vote pour qui, malgré tous les moyens du bord ?)
Ce phénomène d’extrême tension exprime une crise psychologique profonde, rendant compte d’une profonde division antagoniste, une polarisation explosive aux USA. C’est l’effet d’une crise ontologique et existentielle s’exprimant dans le domaine de la psychologie, à la place des crises habituelles dont l’objet est un problème politique concret ; ici, la crise préexiste, qui est celle de la psychologie, et cherche un point où se fixer, et n’en trouve de meilleur que celui de la division viscérale qu’exprime indirectement la compétition présidentielle.
Par rapport à l’Europe, maintenant, nous voulons signaler une assez grande publicité faite à une intervention d’un professeur (depuis 2005) au U.S. Naval War College, John R. Schindler (voir sa présentation sur son site XX Committee). Schindler a fait paraître sur son site deux articles successivement, les 7 octobre 2012 et 8 octobre 2012.
L’intérêt de son intervention (essentiellement dans son texte du 7 octobre 2012) est qu’il s’appuie sur des citations et des évènements en Suisse, qui semblent présenter l’hypothèse acceptée par certaines autorités suisses et par l’armée suisse de la possibilité d’émeutes dans certains pays européens conduisant à des flux de réfugiés vers la Suisse. Ces scénarios sont évidemment basés sur la situation économique et sociale de l’Europe, dans la perspective qui semble considérée comme très possible et très proche où les conditions en rapide détérioration conduiraient effectivement à des incidents violents.
«Ueli Maurer, the Swiss defense minister, has been making coy statements about the European crisis getting ugly – as in really ugly, like needing armed troops to deal with it. This sounds more like Greece, where the rioting is regular and increasingly scary, than anything in Central Europe, but where the whole EU furball is headed does seem less than clear of late… […]
»Minister Maurer, accompanied by whispers from the top uniformed leadership in Switzerland, is trying to raise awareness that Europe’s massive fiscal-cum-political crisis could get very unpleasant. Swiss military exercises in September, called STABILO DUE, were based on EU instability getting out of hand. The Swiss have stayed out of the EU – one more thing the very prosperous Swiss are gloating about these days – and they certainly don’t want EU problems spilling over into their peaceful little country. That the Swiss military is adding four new military police battalions to the army, to be spread around the country, indicates that the threat they have in mind is more disorder and chaos than actual invasion.»
Dans son texte du 8 octobre, Schindler développe plutôt des hypothèses d’émeutes à caractère insurrectionnel dans les populations musulmanes émigrées de divers pays européens. Il reprend plus ou moins, appliqué à l’Europe, le “modèle Innocence of Muslims” qui a déclenché une “troisième vague” du “printemps arabe”. Il développe aussi l’hypothèse d’un attentat massif du type de celui du Norvégien Breivik, mais cette fois contre des musulmans. Schindler note, plutôt dramatiquement bien entendu…
«I hang out frequently with European security officials, and when the press isn’t around they discuss in detail their paramount fears of local incidents spiraling out of control, leaving whole cities in disorder. And by “disorder” they mean “low-level war.” When the next self-styled “defender of Europe” à law Breivik decides to take the counterjihad upon himself and shoots up a mosque or an Islamic center – note I said when
D’une façon générale, on retrouve un peu un schéma équivalent à celui qu’on a proposé pour le cas américaniste. Il s’agit plutôt de diverses expressions d’une tension diffuse mais extrêmement vive, et cherchant des points concrets, des articles de politique ou de trouble effectifs, où se fixer. Schindler passe ainsi, pour développer l’alarme suisse qu’il considère avec toute l’attention et le respect dus à la grande tradition de l’industrie horlogère de ce pays, d’une hypothèse l’autre, à deux hypothèses très différentes (des troubles sociaux consécutifs à la situation économique ou des troubles ethniques consécutifs à des actions de provocation ou apparentées). Là encore, il s’agit de tenter de substantiver une tension dont on peine à trouver la cause évènementielle humaine.
Les articles et prospectives de Schindler ont été repris par divers sites de cette filière classique des annonces d’évènements déstabilisateurs (comme Paul Joseph Watson sue Infowars.com, le 11 octobre 2012). Plus intéressant, le fait que Russia Today ait repris la nouvelle le 12 octobre 2012 (y compris en l’illustrant dans sa rubrique
«The Swiss Army is preparing contingency plans for violent unrest across Europe. A nation mostly famous for its banks, watches and chocolate fears it may face a massive influx of European refugees in the near future.
»One of the world’s richest nations openly expressed concerns over the possible outcome of Europe’s continuing financial troubles, and is currently conducting army exercises against the possibility of riots along its borders. […]
»Bern’s biggest fear is likely the disorganization of neighboring nations’ armies that would follow general instability; the eurozone crisis and the severe austerity measures in the EU are forcing member-states to significantly slash their military budgets. If protest continues to spread across Europe, police and armed forces may find themselves ill-equipped to manage the unrest. “I will not rule out that we will need the army in the coming years,” Swiss Defense Minister Ueli Maurer said last Sunday…»
Si l’intervention de Russia Today nous intéresse, c’est à cause de la représentativité de ce site et de la station de TV qu’il représente, parce que nous jugeons par conséquent qu’elle représente un état d’esprit russe nouveau, qui est d’insister désormais sur les fragilités et les vulnérabilités du bloc BAO. Cette tendance a été illustrée récemment par une réunion élargie de l’OTAN, une réunion de contact avec la Russie à laquelle assistaient également les dirigeants de la politique étrangère de l’UE.
Le discours de l’ambassadeur russe auprès de l’OTAN, très calme, très mesuré dans les termes, a constitué un procès radical, du point de vue russe, de la politique américaniste-occidentaliste et de l’OTAN. (Qu’il s’agisse des antimissiles, de l’interventionnisme humanitaire, des pressions sociétales [“agression douce”] ne tenant aucun compte de la souveraineté russe, de la politique de l’énergie, de la politique financière et économique, etc. Dans tous ces domaines, l’ambassadeur exprimant sans le moindre ménagement la “complète déception” de la Russie.) Ce discours a été reçu comme un avertissement extrêmement sérieux, une possibilité très grave de révision radicale de la politique de coopération entre la Russie et le bloc BAO recherchée depuis la fin de la guerre froide…
Cette attitude russe commence d’ailleurs à donner des ondes de choc souterraines dans toutes les directions. A Paris, l’Elysée a ordonné une revue complète de la politique russe de la France, ce qui semble indiquer que les Français commencent à réaliser la grotesquerie de l’orientation de leur politique étrangère considérant de facto la Russie comme un acteur à la fois mineur et peu recommandable. Nul ne sait ce qui sortira de cette revue et peut-être ne faut-il pas en attendre des miracles, – mais, au moins, il se passe quelque chose dans le fait que les Français semblent admettre qu’il faut faire quelque chose. La question russe n’est pas de simple politique, elle est beaucoup plus large, elle aborde le domaine de la crise existentielle du Système dont les Russes sont certainement les plus conscients.
Poursuivons notre revue, cette fois en allant voir du côté du FMI et de l’ONU. Bien qu’il s’agisse d’institutions qui sont au cœur du Système, ou peut-être à cause de cela après tout, leurs deux cris d’alarme ont une signification particulière.
D’une part, il y a le constat fait par le FMI de la persistance de la crise, sous forme de la possibilité d’un nouvel effondrement (domaine financier, précisons). Le rapport annuel du FMI va dans ce sens. Même s’il n’est pas le premier document du genre, depuis 2008, à avertir que la crise n’est pas fini, il intervient alors que domine un état d’esprit général à la fois extraordinairement pessimiste et témoignant d’une extraordinaire impuissance, ceci à mesure de cela. Quatre ans après l’effondrement de 2008, c’est la première fois qu’apparaît avec autant d’acuité, non pas la perspective de difficultés considérables, de mesures radicales, etc., toutes choses déjà envisagées t constamment présentes à l’esprit, mais la perspective de rien de moins que celle d’une impasse totale du Système.
Selon WSWS.org, le 13 octobre 2012 : «Four years after the collapse of Lehman Brothers, the latest Global Financial Stability Report published by the International Monetary Fund (IMF) makes clear that the threat of a complete meltdown of the international financial system remains. And the dangers of such an event are increasing. The report, issued earlier this week, began by noting that risks to financial instability had increased since the previous report last April and that “confidence in the global financial system has become very fragile.” The main risk to financial stability was a further deterioration in the euro area crisis, but “rising imbalances elsewhere are also a cause for concern.”»
D’autre part, et, à notre sens, comme un complément dramatique du point précédent, il y a l’annonce par l’ONU que se profile à l’horizon, dès 2013, une crise alimentaire majeure. Le fait que le lien avec la menace d’effondrement financier apparaisse assez peu évident du point de vue technique, mais qu’il soit perçu, au niveau psychologique, comme absolument lié, comme dans une chaîne ininterrompu d’effondrements divers, mesure dans ce cas l’universalité générale de la crise d’effondrement. Et, dans ce cas de la crise alimentaire, il s’agit, dans la perception que nous en avons pour l’instant, de quelque chose qui nous paraît à la fois irrémédiable et complètement insoluble. En fait, on connaît déjà cette perspective depuis la grande sécheresse US de l’été (voir le 28 juillet 2012), et l’on réalise aussitôt que cette même perspective donne une dimension eschatologique à la crise générale, qui rajoute à son caractère irrémédiable, qui renvoie à des forces sur lesquelles nous n’avons bien entendu aucun contrôle mais dont il apparaît comme une évidence intuitive qu’elles ont été favorisées au-delà de toute mesure, sinon déclenchées par l’activité déstructurante et dissolvante du Système.
Voici quelques données de la crise annoncée par l’ONU, selon l’Observer du 14 octobre 2012 :
«World grain reserves are so dangerously low that severe weather in the United States or other food-exporting countries could trigger a major hunger crisis next year, the United Nations has warned. Failing harvests in the US, Ukraine and other countries this year have eroded reserves to their lowest level since 1974. The US, which has experienced record heatwaves and droughts in 2012, now holds in reserve a historically low 6.5% of the maize that it expects to consume in the next year, says the UN.
»“We've not been producing as much as we are consuming. That is why stocks are being run down. Supplies are now very tight across the world and reserves are at a very low level, leaving no room for unexpected events next year,” said Abdolreza Abbassian, a senior economist with the UN Food and Agriculture Organisation (FAO). With food consumption exceeding the amount grown for six of the past 11 years, countries have run down reserves from an average of 107 days of consumption 10 years ago to under 74 days recently. Prices of main food crops such as wheat and maize are now close to those that sparked riots in 25 countries in 2008. FAO figures released this week suggest that 870 million people are malnourished and the food crisis is growing in the Middle East and Africa. Wheat production this year is expected to be 5.2% below 2011, with yields of most other crops, except rice, also falling, says the UN.
»The figures come as one of the world's leading environmentalists issued a warning that the global food supply system could collapse at any point, leaving hundreds of millions more people hungry, sparking widespread riots and bringing down governments. In a shocking new assessment of the prospects of meeting food needs, Lester Brown, president of the Earth policy research centre in Washington, says that the climate is no longer reliable and the demands for food are growing so fast that a breakdown is inevitable, unless urgent action is taken. “Food shortages undermined earlier civilisations. We are on the same path. Each country is now fending for itself. The world is living one year to the next,” he writes in a new book…
Il est caractéristique que, dans tout ce qui est exposé ci-dessous, on ne trouve pour l’instant rien de concret, rien de réalisé. En d’autres temps, cela dévaluerait d’autant l’analyse, et sans doute même n’y aurait-il pas eu d’analyse… Mais nous sommes dans nos temps où triomphe le système de la communication, sa puissance qui fait souvent d’une annonce, selon la crédibilité qu’on peut lui accorder, d’un événement à venir un fait considéré comme probable, sinon acquis, et provoquant les effets psychologiques à mesure, – sans aucun doute réels et immédiats, eux. Et cette façon de prendre effectivement sérieusement, presque comme un évènement, ce qui n’est qu’annonce incertaine d’un événement, reflète simplement combien nous sommes préparés à ces évènements, justement comme s’ils existaient déjà, voire comme si nous les attendions et les sollicitions. Ainsi se poursuit, avec notre psychologie de crise et en crise, l’accélération de l’Histoire, comme nous le notions à propos des nouvelles relations (armements) entre la Russie et l’Irak.
Le point particulier qui apparaît ici est que toutes ces supputations concernent le domaine des conséquences “intérieures globales” de la crise générale du Système, c’est-à-dire des conséquences étrangères aux tensions, conflits et affrontements dans le champ international, résultant de l’activisme de nations ou de groupes de nations, d’organisations officielles ou de groupes non-officiels et clandestins (comme les crises actuelles au Moyen-Orient notamment, ou les diverses situations d’activisme déstabilisant et d’“agression douce”). Il s’agit du champ des effets et des conséquences suscités par les seuls évènements, ou par des “forces impersonnelles” selon l’expression employée par le désormais “néo-maistrien” George Friedman pour définir la “nouvelle doctrine” US, également de type maistrien… Il s’agit du champ eschatologique de la crise.
Cela rejoint l’essentiel du propos de Lester Brown, président du Earth Policy Research Centre cité par l'Observer dans l’article référencé plus haut, et Brown commentant l’avertissement de l’ONU concernant les restrictions et la crise alimentaires… «We are entering a new era of rising food prices and spreading hunger. Food supplies are tightening everywhere and land is becoming the most sought-after commodity as the world shifts from an age of food abundance to one of scarcity. The geopolitics of food is fast overshadowing the geopolitics of oil. […] The situation we are in is not temporary. These things will happen all the time. Climate is in a state of flux and there is no normal any more. We are beginning a new chapter. We will see food unrest in many more places. Armed aggression is no longer the principal threat to our future. The overriding threats to this century are climate change, population growth, spreading water shortages and rising food prices…»
Ces divers points de tension et d’alarme tendent à nous éloigner des autres crises en cours, ou plutôt de l’autre famille de crises en cours, principalement celles qui sont nées du “printemps arabe” et qui sembleraient évoluer en diverses situations de confrontation renvoyant à des types plus classiques de conflits et d’affrontements (crises libyenne et syrienne, crise iranienne, etc.). Si l’on veut, il y a les crises intra-Système, celles que nous décrivons ici à partir des tensions que nous percevons, et les crises qu’on voudrait croire hors-Système, que le Système voudrait nous faire croire hors-Système, pour nous éloigner de la perception du Système et de ses tourments dans une tentative classique de “déflection”.
Pour autant, nous avons déjà observé combien ces deux types de crise tendaient finalement à être beaucoup plus proches qu’on ne croit, et à se réunir finalement dans le concept de crise haute. Cette réalité joue en permanence comme une dynamique constante d’interférence. On citera comme un exemple entre tant d’autres le cas actuel où l’on constate la faiblesse des actes sinon l'impuissance d'agir des pays du bloc BAO par rapport à leurs menaces interventionnistes et à leurs récriminations furieuses dans la crise syrienne, et le rapport immédiatement établi avec leur situation intérieure complètement catastrophique qui est la cause de cette faiblesse.
Ce qu’il faut observer, plus que le parallélisme de ces phénomènes, c’est leur concurrence permanente qui se transforme en permanence en convergence à mesure que se développe le dynamisme de l’évolution. En un sens, on pourrait envisager que l’une des causes de la première réaction majeure du bloc BAO au “printemps arabe” (l’intervention en Libye) a constitué un acte de concurrence, visant à l’extension du Système vers des pays en ébullition, avec le projet presque d’un réaction inconsciente de réhabilitation du Système sous couvert de sa présentation vertueuse, donc une démarche de négationnisme de la crise du Système. L’évolution de la situation en Libye, le chaos suivant la “libération”, les interférences avec nos propres situations intérieure à l’occasion de l’affaire du “film” Innocence of Muslims, réalise cette convergence et ramène à la réalité de nos propres crise intra-Système (voir le 24 septembre 2012). Cette dynamique est partout à l’œuvre, elle est permanente et en permanent renouvellement, et elle est irrésistible en raison du système de la communication qui ne cesse de la relancer, par l’imagerie, par la représentation, par l’évocation, tout cela perçu comme s’il s’agissait d’actes déjà accomplis. Certains attendent l’élection du 6 novembre en espérant voir un Obama qui, soudain, transformerait la crise syrienne à l’avantage du bloc BAO (voir , sur Strategic-culture.org, le 15 octobre 2012). Mais il est absolument possible, sinon probable et bien plus que probable, que l’on obtienne avec cette élection une tension accrue, totalement intra-Système, aux USA même, en même temps que l’approche très rapide (décembre 2012) de mesures budgétaires qui ressemblent à une montée vers la guillotine aux conséquences intérieures catastrophiques.
Bien sûr, on dira que c’est le grand archétype de “la fuite en avant” (éloigner des crises intra-Système en suscitant des crises hors-Système). Mais le fait est que la concurrence entre les deux types de crise ne cesse de grandir, et la convergence de s’accélérer, ce qui fait de la “fuite en avant” une sorte de grand écart de plus en plus insupportable. A cet égard, le système de la communication est impitoyable : c’est lui qui favorise irrésistiblement cette accélération et empêche les crises hors-Système de remplir leur rôle, et les conduit rapidement à se faire absorber par les crises intra-Système, ou à devenir elles-mêmes en partie des crises intra-Système.
Aujourd’hui, l’on en est à la recherche de mesures désespérées, des mesures les plus extrêmes pour tenter d’éloigner le spectre de la crise intra-Système, allant jusqu’à envisager le déclenchement des conflits de la plus haute intensité (type-Guerre mondiale) comme mesure de crise hors-Système. Il s’agit de tentatives désespérées, au de celles que l’on envisage lorsque l’on est le dos au mur. La cause en est que la diversité et la perception des crises-intra, réalisées (quelques-unes) ou potentielles (beaucoup), sont tellement puissantes qu’elles dressent, en précipitant la psychologie dans l’humeur tragique de la perspective catastrophique, un obstacle tendant à devenir infranchissable à la machination de tels projets. Le Système est sur le point de se trouver à court de munitions pour lancer ses dernières tentatives de déflection de la perception de sa propre crise, voire à cours de volonté pour utiliser ces dernières munitions. Grosse, grosse fatigue du Système...
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