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135311 juin 2013 – L’affaire des fuites du programme PRISM de la NSA a manifestement pris une ampleur nouvelle avec l’apparition publique d’Edward Snowden, le whistleblower (“dénonciateur”, dans le meilleur sens du terme). Il a certes introduit un élément humain, qui semble effectivement alimenter cette nouvelle dynamique qui n’existait pas d’elle-même, la semaine dernière, à la diffusion des documents. C’est déjà ce que nous notions hier, le 10 juin 2013 :
«“Un événement dans l’événement”, ou un événement plus important que l’événement ? On peut se demander, effectivement, si la sortie en public de Snowden, dans ces conditions de lucidité et de courage, ne vont pas provoquer un choc plus grand encore que la diffusion de PRISM. Nous parlons là, comme à notre habitude, de psychologie. La force du geste, son héroïsme, qui constituent les premières impressions qui vont nous frapper, auront bien du mal à être dispersées par l’action-turbo dont va nous inonder le Système, absolument furieux de l’insolence de ce Snowden. L’“événement dans l’événement” constitue en effet une mise à nu humaine brutale , sans le moindre artifice, de la véritable face du Système.»
D’une certaine façon, la diffusion des documents PRISM, suivant tant d’affaires et de “scandales” divers d’écoute, de surveillance, etc., aux USA de plus en plus transformés en un modèle d’État policier à surveillance de technologies avancées, avait d’abord rencontré une attention émoussée, une capacité de réaction amoindrie, – dans tous les cas dans le domaine du système de la communication. L’irruption d’Edward Snowden a fourni un remarquable facteur de dramatisation ; loin d’éclipser l’affaire PRISM elle-même, comme Snowden le craignait, elle a au contraire donné cette dimension dramatique à toute l’affaire. Il s’agit donc, désormais, de l’affaire PRISM largement élargie, ou PRISM/Snowden, ou NSA/PRISM/Snowden.
Il y a un autre facteur important dans la procédure suivie, qui est l’intervention directe du journaliste Glenn Greenwald, du Guardian. C’est bien à Greenwald directement que Snowden s’est adressé, et Greenwald est intervenu d’une manière directe dans cette affaire, avec bien sûr le Guardian derrière lui. Du coup, Greenwald, dont on connaît la notoriété considérable, est directement impliqué.
Cette implication a une réelle signification. Elle est apparue dans la soirée de dimanche aux USA, par un message sur Twitter du journaliste Steve Clemons. La chose est intéressante, parce que Clemons est honorablement considéré dans l’establishment washingtonien, où il tient un rôle important de journaliste politique et de conseiller, – tout en cultivant une certaine et au moins marginale liberté d’esprit. Il est certes tout ce qu’on veut sauf un excité, ou un personnage qu’on pourrait soupçonner d’outrance. Son intervention est par conséquent marquée de l’empreinte de ce sérieux ; elle est effectivement sérieuse, également dans le sens de la dramatisation, puisque Clemons rapporte une conversation qu’il a entendue à l’aéroport de Dulles-Washington, entre des hommes qu’il tient pour des agents de tel ou tel service de renseignement ou de sécurité, échangeant leurs sentiments sur la nécessité de l’“élimination” de Snowden et de Greenwald. (Sur Russia Today, le 10 juin 2013.)
«A US editor has alleged he overheard security officials saying that the NSA leaker and the Guardian columnist who broke his story should be “disappeared.” [...] “In Dulles UAL lounge listening to 4 US intel officials saying loudly leaker & reporter on NSA stuff should be disappeared recorded a bit,” the Atlantic's Washington-based editor-at-large Steve Clemons tweeted on Sunday.
»According to Clemons, four men sitting next to him at the airport “were loud. Almost bragging” while discussing an intelligence conference they had just attended hosted by the Intelligence and National Security Alliance. Clemens said he was unsure of the men's identities or which agency they worked for, and told the Huffington Post that one of them was wearing “a white knit national counter-terrorism center shirt.” Clemons also recorded part of their conversation and snapped some photos, hoping that “people in that bz will know them.” “But bad quality,” he noted about the quality of the photos. “Was a shock to me and wasn't prepared,” he wrote on Twitter.»
Snowden a été confronté à ces précisions fournies par Clemons, par le Guardian, pour donner son avis. Il a simplement observé que cette sorte de discussion sur l’“élimination” de personnes gênantes était monnaie courante dans les milieux de la sécurité nationale et les agences de renseignement type-NSA. Snowden : «Someone responding to the story said “real spies do not speak like that.” Well, I am a spy and that is how they talk. Whenever we had a debate in the office on how to handle crimes, they do not defend due process – they defend decisive action. They say it is better to kick someone out of a plane than let these people have a day in court. It is an authoritarian mindset in general.»
Les appréciations professionnelles sur l’affaire sont diverses mais vont en général dans un sens qui n’est pas favorable à la NSA. Elles se développent selon une appréciation de la puissance du ou des poste(s) qu’occupa Snowden, dans des conditions de sûreté plus que contestables du point de la vue de la NSA puisque le voilà “passé à l’ennemi” (le camp antiSystème) avec des documents d’une importance considérable, et peut-être avec d’autres surprises peu agréables pour la NSA.
• Dans Wired.com, Kim Zetter donne son appréciation de la capacité et de la position qu’occupait Snowden, ce 9 juin 2013. Il les apprécie comme beaucoup, plus importantes que celles de Manning, l’autre fameux whistleblower, actuellement en procès. Zetter désigne l’action de Snowden, compte tenu de ces caractères, comme «The Ultimate Insider Attack»...
«When computer security companies release their annual reports about hacking and breaches, they take pains to point out that the insider threat from someone with internal access to data is a far greater risk to a company than an outside hacker. The more than a million government documents leaked by former Army intelligence analyst Bradley Manning showed this to be true. But Manning was a low-level analyst who had the same kind of access to classified systems as all other low-level analysts around him. His access was limited to data and documents that others produced, not to the surveillance apparatus and infrastructure itself.
»That’s what makes the leaks by 29-year-old NSA whistleblower Edward Snowden all the more spectacular and alarming — from the NSA’s perspective. The system administrator with the keys to your kingdom, the knowledge of all your secrets and vulnerabilities and the power to control the very operation of your infrastructure, is a far greater threat than anyone else in an organization. By that measure, Snowden might well be the ultimate inside attacker, since he had not only that rarest of rare views into the core of the intelligence rabbit hole but also the ability to collapse the hole if he’d wanted.
»As an “infrastructure analyst” for the NSA — a euphemistic title that has all kinds of defensive and offensive connotations — Snowden said that “I, sitting at my desk, certainly had the authorities to wiretap anyone, from you or your accountant, to a federal judge, to even the President [of the United States] if I had a personal email.” He also had access to the “full rosters of everyone working at the NSA, the entire intelligence community and undercover assets all around the world, the locations of every station we have, what their missions are and so forth,” he told the Guardian in a video interview. “If I had just wanted to harm the U.S., you could shut down the surveillance system in an afternoon, but that’s not my intention,” he said. [...]
»Snowden, who used the codename “Verax” (truth teller in Latin) in his communications with reporters to whom he leaked, held several sensitive computer infrastructure positions over the years...»
• Farhad Manjoo, de Slate.com, est beaucoup plus directement sévère pour la NSA. Il ne s’attendrit certainement pas sur l’acte de Snowden, ni sur son sort, car les considérations morales ne sont en rien son propos (quoiqu’il lui concède des motivations patriotiques). Décrivant Snowden comme un technicien de petit calibre, il avoue sa stupéfaction que la NSA lui ait confié des postes de l’importance de ceux qu’il a occupés... Si Snowden est “de petit calibre”, la monstrueuse NSA est pire encore que lui, un Himalaya d’aveuglement et d’incompétence. “Nous sommes espionnés”, dit en substance Manjoo, “mais en plus nous sommes espionnés par des espions d’une extraordinaire incompétence”... (Le 9 juin 2013.)
«Edward Snowden sounds like a thoughtful, patriotic young man, and I’m sure glad he blew the whistle on the NSA’s surveillance programs. But the more I learned about him this afternoon, the angrier I became. Wait, him? The NSA trusted its most sensitive documents to this guy? And now, after it has just proven itself so inept at handling its own information, the agency still wants us to believe that it can securely hold on to all of our data? Oy vey! [...]
»Instead, he’s the IT guy, and not a very accomplished, experienced one at that. If Snowden had sent his résumé to any of the tech companies that are providing data to the NSA’s PRISM program, I doubt he’d have even gotten an interview. Yes, he could be a computing savant anyway—many well-known techies dropped out of school. But he was given access way beyond what even a supergeek should have gotten. As he tells the Guardian, the NSA let him see “everything.” He was accorded the NSA’s top security clearance, which allowed him to see and to download the agency’s most sensitive documents. But he didn’t just know about the NSA’s surveillance systems—he says he had the ability to use them. “I, sitting at my desk, certainly had the authorities [sic] to wiretap anyone from you or your accountant to a federal judge to even the president if I had a personal email,” he says in a video interview with the paper. [...]
»The worst part about the NSA’s surveillance is not its massive reach. It’s that it operates entirely in secret, so that we have no way of assessing the sophistication of its operation. All we have is the word of our politicians, who tell us that they’ve vetted these systems and that we should blindly trust that the data are being competently safeguarded and aren’t vulnerable to abuse. Snowden’s leak is thus doubly damaging. The scandal isn’t just that the government is spying on us. It’s also that it’s giving guys like Snowden keys to the spying program. It suggests the worst combination of overreach and amateurishness, of power leveraged by incompetence. The Keystone Cops are listening to us all.»
Un autre aspect de l’affaire est exploré par Conor Friedersdorf, de The Atlantic (le 10 juin 2013). Il s’agit de la politique qui perpétue cette “irrationnelle” guerre contre la Terreur, servant de prétexte à ces opérations de surveillance et d’espionnage. Friedersdorf montre aisément l’extrême faiblesse du danger terroriste, et, par conséquence, l’absence complète de justification fondamentale de ces activités du gouvernement. Il dénonce la peur que crée cette politique dans le public, autant que celle qui est à la base de cette politique, tout cela témoignant selon lui de l’“irrationalité” déjà citée. Friedersdorf ne cherche évidemment pas, puisqu’il est au cœur de la presse-Système avec The Atlantic, d’autres raisons ou explications, ni, bien entendu, l’approche systémique qui fait de l’ensemble de sécurité nationale, et de la NSA par conséquent, des artefact du Système, parties essentielles du Système fonctionnant quasiment en complète autonomie...
«Americans would never welcome a secret surveillance state to reduce diabetes deaths, or gun deaths, or drunk-driving deaths by 3,000 per year. Indeed, Congress regularly votes down far less invasive policies meant to address those problems because they offend our notions of liberty. So what sense does it make to suggest, as Obama does, that “balancing” liberty with safety from terrorism – which kills far fewer than 3,000 Americans annually – compels those same invasive methods to be granted, in secret, as long as terrorists are plotting?
»That only makes sense if the policy is aimed at lessening not just at wrongful deaths, but also exaggerated fears and emotions. Hence my refusal to go along. Do you know what scares me more than terrorism? A polity that reacts to fear by ceding more autonomy and power to its secret police.»
Le Congrès a réagi avec une extraordinaire docilité moutonnière dans cette affaire, depuis qu’elle a éclaté, montrant sa complète soumission au Système. Bien entendu, le dévoilement public de l’identité de Snowden déclenche les habituelles exigences d’extradition, de la part des habituels molosses de service, un peu rances et usés, type McCain et Graham. Par ailleurs, le Congrès et les autorités US, coincés dans le légalisme faussaire dont ils enrobent toutes leurs activités, ne peuvent faire différemment que suivre cette voie répressive, puisqu’effectivement, par rapport à leurs règles, Snowden a commis un acte illégal. C’est la lettre de “la loi illégale” contre l’esprit de la chose...
L’important dans les activités officielles n’est pas à ce niveau sans surprise, mais, au contraire, dans l’initiative prise par le sénateur du Kentucky Rand Paul, fils de Ron. (Les Paul sont évidemment très concernés du fait de leur position politique, mais aussi parce que Snowden est d’opinion libertarienne, comme eux.) Rand Paul veut réunir une masse très importante de personnes privées touchées par le programme PRISM, par l’intermédiaire des sociétés concernées, pour aller devant la Cour Suprême et obtenir l’abandon dudit programme. Paul a des ambitions élevées : comme mesure de son action, il évoque le chiffre de 10 millions de signatures. (Sur Fox.News, le 9 juin 2013.)
«Sen. Rand Paul [...] a leading voice in the Libertarian movement, told “Fox News Sunday” he wants to get enough signatures to file a class-action lawsuit before the high court and will appeal to younger Americans, who appear to be advancing the cause of less government and civil liberties. “I’m going to be asking all the Internet providers and all of the phone companies: Ask your customers to join me in a class-action lawsuit,” he said. “If we get 10 million Americans saying we don’t want our phone records looked at, then maybe someone will wake up and something will change in Washington.” [...]
»Paul, a first-term senator and potential 2016 Republican presidential candidate, said he disagrees with President Obama’s argument that the National Security Agency collecting 3 billion calls daily and other information is a modest invasion of privacy. “That doesn’t look like a modest invasion of privacy,” he told Fox. “I have no problem if you have probable cause … but we’re talking about trolling through a billion phone records a day.”»
Ce que cherche Rand Paul, c’est un soutien massif des utilisateurs des sociétés de l’internet mises en cause, “les neuf de PRISM” ou “les sept de PRISM” selon ce qu’on prend en compte... En effet, les compagnies qui ont accepté de collaborer avec la NSA sont elles-mêmes face à un problème massif de confiance (voir le New York Times du 7 juin 2013 et le Wall Street Journal du 8 juin 2013). Jason Ditz résume le cas général, sur Antiwar.com le 10 juin 2013 :
«The companies surely made some friends on Capital Hill, but all seven are overwhelmingly dependent on individual Americans as customers. Even if their collective hold on the Internet at the moment is pretty strong, their trust is a major casualty, and one that could have long-term ramifications as they compete for market share with untainted rivals.
»Even the excuse that they were ‘forced’ to cooperate doesn’t fly, as Twitter, one of the companies conspicuously absent from PRISM, is said to have simply refused to comply, and that was that. The other companies not only agreed, but in some cases went to great expense to alter their systems to be more surveillance-friendly, and facilitate a surveillance culture unprecedented in scope in the history of mankind.»
... En effet, Ditz précise bien que, sur les neuf compagnies contactées par la NSA, deux, dont Twitter, ont refusé de “coopérer”. Les sept autres (Google, Facebook, Microsoft, Apple, Yahoo, AOL, Paltalk) n’ont guère fait de difficultés, allant parfois au-devant des demandes du gouvernement. (Le WSJ rappelle ces déclarations de Assange il y a deux ans, suivies de la réaction de Facebook qui prend une couleur particulière à la lumière des révélations sur PRISM : «Two years ago, Julian Assange, the editor in chief of Wikileaks, called Facebook an “appalling” spy machine during a media interview, adding that he believed the social network, Google and Yahoo had “built-in interfaces for U.S intelligence.” In a comment at the time, a Facebook spokesman said, “There has never been a time we have been pressured to turn over data.”»)
L’affaire PRISM/Snowden soulève donc également une question majeure de confiance de l’utilisateur de l’internet vis-à-vis des grandes sociétés impliquées. Elle interfère directement sur les règles de concurrence et d’interventionnisme public, également d’un point de vue commercial, et contribue à faire de l’affirmation d’indépendance des services officiels un argument de promotion, – ce dont devrait évidemment user les compagnies concurrentes des “sept de PRISM”. Le cas de cette interférence directe des domaines si différents de la politique extrême jusqu’à l’espionnage policier et au domaine antiSystème d’une part, et des règles commerciales les plus courantes et pressantes d’autre part, contribue à renforcer notablement le statut de l’internet. On constate l’exacerbation de sa spécificité remarquable d’être à la fois un instrument à la fois absolument conforme à la modernité la plus avancée, et un instrument universel de combat antiSystème, et reflétant ainsi le statut de Janus du système de la communication que nous signalons souvent.
Dans le champ du commentaire politique général sortant des habituels gémissements et cris de fureur de la presse-Système, on trouve l’appréciation plus radicale de Max Keiser, qui anime de New York son Keiser’s Show pour Russia Today. Keiser est un ancien trader de Wall Street, devenu spécialiste des technologies virtualistes et de l’argent virtuel du circuit financier, et conseiller pour la prospective des marchés boursiers. Pour lui, l’affaire PRISM/Snowden est peut-être le “Moment Cronkite” de la guerre contre le Terreur, avec conséquences...
(L’expression “Moment Cronkite” désigne le tournant de l’opinion sur la perspective du conflit vietnamien de Walter Cronkite, fameux anchorman de CBS, estimant à partir de février-mars 1968 que le conflit vietnamien ne pourrait être gagné par les USA. La légende, sans doute vraie, dit que le président Johnson, lorsqu’il constata ce tournant de l’opinion de Cronkite, conclut aussitôt qu’il avait perdu le soutien de la classe moyenne US influencée par Conkrite, et, par conséquent, toute chance de l’emporter au Vietnam. Johnson annonça le 31 mars 1968 qu’il faisait cesser les bombardements sur le Nord-Vietnam, que des négociations avec le Nord allaient s’ouvrir à Paris et qu’il ne se représenterait pas à la présidence.)
Le 10 juin 2013, sur Russia Today, Keiser estime que l’affaire PRISM/Snowden va peut-être détruire la confiance et le crédit de l’administration Obama avec la mise à jour de son programme d’espionnage, mais également la confiance générale dans la situation des USA du fait justement de cet effondrement de la confiance dans la capacité d’Obama de conduire une politique extérieure et une politique intérieure acceptables. Keiser parle donc là d’un choc psychologique majeur, qui affecterait même, selon lui, les entreprises US qui se trouvent placées dans l’obligation d’ouvrir l’accès à toutes leurs bases de données au gouvernement US, avec des doutes grandissants sur l’usage qui en est fait et la perte de confiance du public qui en résulte, ou qui refusent ce diktat du Système et s’en trouvent souvent commercialement mises à l’index.
«Revelations about US domestic spying and the NSA's massive PRISM web-surveillance program have harmed not only trust in the Obama administration, but also confidence in US bond markets, which could have dire consequences.
»I wonder now if Barack Obama might now be experiencing his Cronkite moment. The ultra-liberal ‘Obamabot’ website Daily Kos, one of the sites that put Obama over the top in 2008 and 2012, as well as others in the Obama-can-do-no-wrong camp, have started to ask some difficult questions about America’s domestic spying and the PRISM program. Liberals are recoiling at the stench of Obama's actions. [...] PRISM looks like that Cronkite moment: The moment when even the staunchest Obama supporter admits they’ve been taken for a ride. [...]
»As this realization of a fake war to boost the ill-gotten gains of a permanent kleptocrat class in America sinks in, look for a loss of confidence in other areas of the economy as well, not just Obama's presidency. The bond market, for example. There is already significant selling by the largest bond managers like Bill Gross of PIMCO (the biggest bond manager in the world), who sends out tweets regularly questioning the judgement and viability of Obama’s domestic and foreign policy. He pointed to recent revelations that he helped engineer a permanent back door to databases and the sensitive information of up to 50 American companies for use by high-frequency traders and market manipulators, who almost monthly admit their guilt in market-rigging and price-fixing.
»And of course, after confidence in the president goes and confidence in the bond market evaporates, don’t expect the stock market to hold onto its recent gains either. It’s all looking rather ‘toppy,’ to use the Wall Street jargon.»
L’intérêt de cette affaire PRISM/Snowden, ou NSA/PRISM/Snowden, se trouve dans la multiplicité des acteurs, des domaines concernés, des intérêts divergents ou contradictoires, etc. C’est une affaire de surveillance et d’écoute relevant d’un modèle d’“État policier” investi par le Système ; mais c’est aussi une affaire concernant le statut de l’internet et sa position d’instrument caractérisé par la liberté et l’universalité de son emploi ; mais c’est aussi une affaire concernant les positions de conscience des fonctionnaires ou contractants placés devant des missions publiques qu’ils considèrent comme illégales et anticonstitutionnelles, et qui s’avèrent le plus souvent l’être effectivement ; mais c’est aussi une affaire plaçant la presse et le système de la communication devant le problème de la détermination de leur rôle dans une telle occurrence ; mais c’est aussi une affaire concernant la collusion des pouvoirs publics et du secteur économique privé, avec les effets sur les règles de la concurrence entre compagnies “collaboratrices” et celles qui ne le sont pas. Cela fait beaucoup.
... Cela fait beaucoup, dans une atmosphère si tendue que génère la crise générale du Système, où la confiance dans les directions politiques et les pouvoirs institutionnels est soumise à des pressions terribles, au point qu’on peut juger ces directions et ces pouvoirs en constant état de siège. A cela s’ajoute le facteur immédiat de dramatisation et d’émotion soulevé par l’acte public de Snowden et sa position désormais d’exilé errant et menacé, “à-la-Assange”. L’implication directe d’un journaliste de la dimension de Greenwald dans cette affaire, et les menaces rapportées par Clemons, contre Snowden et aussi contre Greenwald, donnent une substance considérable à cette dramatisation, en la plaçant dans un contexte d’actualité immédiate touchant à la sécurité même des personnes, potentiellement hors de toute légalité, littéralement selon une “loi de la jungle” qui aurait dégénéré dans les pratiques des services de sécurité abaissées au niveau du crime organisé. (On ne devrait pas avoir été sans remarquer les observations de Snowden concernant la collaboration de la CIA avec la fameuse “Triade”, l’organisation criminelle chinoise de type mafieux.)
Nous sommes bien loin de la rhétorique concernant la guerre contre la Terreur, qui est en principe à la base de tout cela, et qui apparaît singulièrement ridiculisée, même pour ceux qui s’en réclament, au regard des conséquences engendrées. Le sujet concerné par cette extraordinaire diversité de tensions et de polémiques est central et général, et c’est clairement celui de la crise d’effondrement du Système. Lui seul peut engendrer tant de tensions aussi diverses, tant d’effets dans des directions si différentes et concernant des domaines si divers.
Cette confluence de pressions aussi considérables affecte directement l’équilibre de la psychologie, et peut gouverner les comportements d’une façon inattendue et imprévisible. Les remarques de Keyser concernant la confiance dans le gouvernement d’Obama, et plus généralement la stabilité et la structure générale du système de l’américanisme sont révélatrices à cet égard. Elles dépassent complètement le cadre initial de l’affaire PRISM. Il s’agit bien d’une situation psychologique transcendant tous les domaines, tant il est inhabituel de voir un commentateur à la culture financière et boursière avérée, tenir pour essentiel pour la stabilité du système financier une affaire de police et de dénonciation relevant en principe de ce que les directions-Système nomment la “sécurité nationale”.
L’épisode NSA/PRISM devenu NSA/PRISM/Snowden, s’est immensément agrandi à cette occasion, – et nous revenons aux remarques introductives en leur donnant leur vraie valeur. L’“humanisation” du scandale avec la sortie publique de Snowden apparaît soudain comme un symbole, une sorte de représentation de la révolte humaine contre l’empire et l’emprise de la machine. (Voir aussi nos textes sur cette question, le 13 mai 2013 et le 7 juin 2013.)
Nous parlons de cette impression de plus en plus forte, de plus en plus angoissante, que nous éprouvons d’avoir à nous battre non pas tant contre des pouvoirs politiques, des organisations humaines d’oppression et de contrôle, mais contre une matière non-humaine, une terrifiante organisation de la Matière (la Matière déchaînée), progressant inéluctablement et à une vitesse de plus en plus folle, agissant sans s’encombrer du moindre sentiment, détruisant tout, bouleversant tout, avec ce but mécanique, épouvantable, de la déstructuration, de la dissolution et de l’entropisation (dd&e) du monde...
C’est un symbole et une image mais ce n’est pas qu’un symbole et qu’une image... Imaginons que Rand Paul parvienne à réunir ses millions de signatures, qu’il aille devant la Cour Suprême, qu’il emporte sa cause, que la Cour Suprême ordonne la dissolution et la suppression du programme PRISM. Nous y sommes ... Qui peut dire alors, aujourd’hui, dans les conditions que nous connaissons, qu’il serait possible, nous voulons dire techniquement, bureaucratiquement, d’effectivement détruire le programme PRISM ? Qui peut imposer sa loi au Système lorsque le Système est dans une telle position de force ? Qui peut, à l’inverse, ignorer une telle pression du Système, alors que le Système est lui-même dans une telle situation de crise qu’il développe des spasmes de puissance complètement incontrôlés, y compris et surtout par lui-même, et d’ailleurs contre lui-même ? (Équation surpuissance-autodestruction, bien entendu...)
Cette description terrible, cette hypothèse monstrueuse de l’autonomie complète du Système s’avère finalement la seule voie de salut, justement selon cette fameuse (pour nous) équation surpuissance-autodestruction. Nous assistons au spectacle terrible, littéralement eschatologique, du triomphe terrifiant et de l’agonie épouvantable du Système, les deux dynamiques finissant par se confondre et ne faire plus qu’une. Ainsi va la vision pessimiste-optimiste, puisque le principe central de notre appréciation est que rien ne peut se faire de décisif si le Système n’est pas détruit... Comparez cette sorte de perspectives aux brindilles humaines engagée si bassement dans le service de la Bête, aux Obama, Hollande & consorts ... Pfutt, “va jouer avec cette poussière”, “homme le plus puissant du monde” tout juste bon à en être le jouet.
En guise de conclusion et pour illustrer d’une façon plus concrète l’enjeu moral et philosophique, et en vérité l’enjeu eschatologique de cette affaire, prêtez l’oreille au plus grand de tous, le “père de tous les whistleblower”. Bien sûr, il s’agit de Daniel Ellsberg, l’homme des Pentagon Papers qui avait fait trembler la Grande République en 1971, avec cette énorme “fuite” des documents du Pentagone sur l’engagement au Vietnam. Ellsberg, lui aussi, avait abandonné une situation confortable d’expert réputé (de la RAND Corporation) et de conseiller au Pentagone pour dévoiler la chose. Aujourd’hui, Ellsberg écrit : Snowden est, parmi les héros, le plus grand de tous les héros. (Dans le Guardian du 11 juin 2013.)
«In my estimation, there has not been in American history a more important leak than Edward Snowden's release of NSA material – and that definitely includes the Pentagon Papers 40 years ago. Snowden's whistleblowing gives us the possibility to roll back a key part of what has amounted to an “executive coup” against the US constitution... [...]
»In 1975, Senator Frank Church spoke of the National Security Agency in these terms: “I know the capacity that is there to make tyranny total in America, and we must see to it that this agency and all agencies that possess this technology operate within the law and under proper supervision, so that we never cross over that abyss. That is the abyss from which there is no return.” [...]
»That has now happened. That is what Snowden has exposed, with official, secret documents. The NSA, FBI and CIA have, with the new digital technology, surveillance powers over our own citizens that the Stasi – the secret police in the former “democratic republic” of East Germany – could scarcely have dreamed of. Snowden reveals that the so-called intelligence community has become the United Stasi of America.
»So we have fallen into Senator Church's abyss...»
Ellsberg poursuit sur une note plus optimiste, estimant que l’action de Snowden peut en déclencher d’autres de la même sorte, que la pression de l’opinion publique va faire son travail, etc. On pourrait juger cette vision bien audacieuse dans le registre de l’optimisme. A moins que...
“The United Stasi of America”, dit Ellsberg, en référence à l’extraordinaire organisation de surveillance établie par la Stasi sur la République Démocratique Allemande d’avant 1989. Justement, 1989... La RDA s’est sortie de “l’abysse” en s’effondrant et, pour poursuivre l’analogie, c’est la même route que devraient suivre les USA pour sortir, à leur tour, de leur “abysse”. On ne répare pas cette sorte de chose, on ne réforme pas l’irréformable. Il faut donc que les USA connaissent à leur tour leur 1989 (pas “leur 1789”, n’en déplaise à nos salons parisiens), à la lettre et selon la même séquence, et à ce compte-là on comprend bien que les USA c’est le Système. Nous nous y retrouvons bien... La crise d’effondrement du Système, qui passe nécessairement par l’effondrement de son principal pilier, voilà la porte de sortie. Après d’autres et peut-être involontairement car ils n’imaginent pas si complète liquidation de l’illusion faussaire et production du “déchaînement de la Matière” qu’est l’American Dream, Snowden-Ellsberg nous la montrent, cette porte. C’est l’enjeu eschatologique fondamental de la crise d’effondrement du Système, rien de moins.
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