Notes sur une autre “communauté internationale”

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Notes sur une autre “communauté internationale”

On pourrait résumer le 16ème sommet du Mouvement des Non-Alignés (Non-Aligned Movement, ou NAM), du 27 au 31 août à Téhéran, par deux interventions, et deux citations finalement.

• La première est du ministre des affaires étrangères du Zimbabwe, Simbarashe Mumbengegwi, le 27 août 2012, à son arrivée à Téhéran. Son jugement porte sur l’Iran, en tant que pays et de la position qu’il a tenue ces dernières années, et aussi en tant que nouveau président du NAM… L’importance politique pour le moins moyenne de l’intervenant n’en rend que plus véridique le jugement qu’il nous donne, comme si la vérité de ce Sommet s’était imposée universellement, sans distinction de puissance.

«Iran is the most deserving member of the Non-aligned Movement for presidency because it does not fear any organization or power in the world. We are very thrilled and happy about Iran's three-year presidency of the Non-Aligned Movement and hope that this country can take important measures during its NAM presidency during the next three years… […] This movement [NAM] should have brave, strategic, firm and innovative leadership and this leadership should be ideologically clear, and I think Iran has all these characteristics.»

• La seconde est du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui recevait en Israël, le 30 août 2012, le Premier ministre de Basse Saxe, David McAllister. Le Premier ministre israélien a fait notamment cette remarque sur le sommet de Téhéran, où l’on voit qu’il qualifie cette réunion de “disgrâce et de souillure sur l’humanité”, qualificatif qui s’applique pour le moins à l’Iran, sans le moindre doute, et par extension aux 120 et quelques participants, – car Bibi le prophète voit grand, reconnaissons-lui cela : «So many in the international community appear to have learned nothing. I think this is a disgrace and a stain on humanity.»

Deux mondes ou le même monde ?

Ces avis ne sont ni isolés, ni originaux, chacun dans le contexte et le milieu où ils ont été dits. Ainsi paraîtraient-ils bien symboliser deux mondes qui n’ont plus aucun contact entre eux, qui ne parlent pas le même langage, qui n’ont pas la même perception du monde, – deux mondes réellement étrangers, comme le seraient deux planètes éloignées ou deux continents qui n’ont jamais eu de contacts. Pourtant, non ! On le verra plus loin, notre appréciation est qu’ils sont bien, au contraire, du même monde.

D’abord, nous passons en revue quelques points saillants de ce sommet, que nous avons choisis comme représentatifs de son importance, de son atmosphère, de sa signification. Bien entendu, le sommet a largement contribué à faire de la narrative de l’isolement de l’Iran l’objet d’un éclat de rire général, sauf dans le monde de la communication du bloc BAO et de son appendice politique (les directions politiques), où la susdite narrative continue à être religieusement célébrée.

(Un point de vue substantiel et général du sommet peut être trouvé dans l’interview de l’expert libanais Hisham Jaber, dans la rubrique Ouverture libre, ce 31 août 2012.)

Le destin du NAM, Morsi et Ahmadinejad

Symboliquement, les deux présidents égyptien et iranien se réfèrent aux mêmes idées pour évoquer le destin du Mouvement des Non-Alignés à partir de ce sommet. Symboliquement, parce qu’il s’agit d’une renaissance du NAM à partir des deux présidents successifs de deux époques différentes (Jaber, dans l’interview citée, résume bien cet événement d’une “renaissance” en faisant allusion au fait principal de l’inexistence de l’Égypte, précédent président du NAM, phagocytée et réduite à rien par l’ère Moubarak-BAO : «When this No-Aligned Movement was headed by Egypt, Egypt had to be out for thirty years. Now Iran has started to be the head of this movement…»). Symboliquement, enfin, parce que le sommet du NAM marque la renaissance (une autre) de l’Égypte en tant que puissance souveraine de la région, et ses retrouvailles avec une autre puissance de la même région, l’Iran. (Les citations sont de PressTV.com.)

• Morsi : «“It is our destiny in NAM to play a critical role in such critical moments”… The Non-Aligned Movement “was successful in changing some visions and divisions of its founding members from principles to actions, and from ideas to behavior, and from points of weakness into potential power of action on the international level,” Morsi stated. “NAM success depends on unity among its members.”»

• Ahmadinejad : «“The Non-Aligned Movement can play a determining role in the world relations to [serve] the benefit of the members and the [global] peace and justice,” […] Through “collective cooperation”, we can have the necessary strategies, including a monetary fund, a bank, insurance and independent economic structures and we can also devise new trade methods, including transactions with national currencies and the elimination of a specific currency from global transactions “to provide more suitable conditions for our nations and to have a more constructive influence on the global management strategies”…»

Alliés ou partenaires, mais certainement “stratégiques”

Les deux présidents ont eu des entretiens en marge des débats officiels et des discours. Les deux sujets principalement évoqués ont été la crise syrienne et les relations bilatérales. Dans le premier cas, il s’agit essentiellement de la proposition égyptienne d’un “groupe de contact” sur la crise incluant l’Iran (Arabie, Égypte, Iran, Turquie), ou d'autres formules du même modèle où la Turquie, notamment, n'aurait pas nécessairement sa place. Dans le second cas, il s’agit des perspectives de rétablissement de relations normales entre les deux pays, d’abord diplomatiques bien sûr, après une interruption de plus de trente années (depuis 1979).

Les deux présidents ont proclamé après leur entretien qu’ils se considéraient désormais comme des “alliés stratégiques” (version iranienne) et comme des “partenaires stratégiques” (version égypienne). Morsi : «Egypt also considers Iran as its strategic partner and believes that, with a positive view to the future, everyone should provide suitable grounds for the regional developments. The feeling of friendship and fraternity between the Iranian and Egyptian people is reciprocal and we always honor the positions and the constructive forward march of Iranian nation in the process of growth, development and progress…»

Présence massive du Golfe, absence turque

Une présence remarquable au sommet du NAM était celle des pays du Golfe (y compris le Qatar et l’Arabie), pourtant catalogués dans la nomenclature BAO comme ennemis diversement jurés de l’Iran, et effectivement placé dans des positions antagonistes dans la crise syrienne (cas du Qatar et de l’Arabie). Mais le sommet du NAM a permis de dégager des perspectives et des hypothèses nouvelles, ce qui était déjà prévisible dans la mesure même de l’acceptation d’y participer des pays du Golfe.

On mesurera, à l’inverse, combien l’absence de la Turquie à ce sommet mesure l’effondrement de la diplomatie de ce pays en une année. Le choix pro-BAO de la Turquie est la cause indiscutable de cet effondrement, comme si l’entrée (le retour pour la Turquie) dans l’orbite BAO impliquait l’inoculation d’un poison paralysant réalisant son œuvre de réduire l’existence de la politique en substance souveraine de la Turquie, et jusqu’alors effectivement “souveraine” dans le sens de l’attitude et de la posture, à une dissolution de sa substance jusqu’à n’être plus qu’une absence de politique. Il est probable que cette absence turque dans cet événement fondamental du sommet du NAM va accélérer ce qu’on peut désormais considérer comme une crise intérieure fondamentale de la Turquie, caractérisée par l’erreur stratégique inouïe, – essentiellement dans la crise syrienne, on sait de quelle façon, – du gouvernement Erdogan.

L’Arabie et l’hypothèse du bouleversement stratégique

Concernant l’Arabie, l’expert dissident US Wayne Madsen développe dans Strategic-culture.org, ce 30 août 2012, l’hypothèse d’un imminent changement fondamental de stratégie de l’Arabie. Madsen rapporte que le ministre des affaires étrangères saoudien Prince Saoud el-Fayçal el-Saoud est dans un état de santé critique, et que ses responsabilités sont prises en charge par son adjoint, Prince Abdulaziz Ben Abdullah el Saoud. Pour Madsen, Abdulaziz, qui menait la délégation saoudienne à Téhéran, est l’homme du changement fondamental qu’il envisage dans son analyse, et dont le sommet du NAM serait la prémisse.

«Abdulaziz is representing Saudi Arabia at the NATO-maligned Non-Aligned Movement (NAM) Summit in Tehran scheduled for August 30-31. Abdulaziz’s presence in Tehran is in direct contravention of the wishes of Saudi Arabia’s NATO allies coordinating the largely Saudi- and Qatari-financed insurgency against Syrian President Bashar al-Assad. The Saudis had also supported the NATO-backed rebels in Libya who overthrew and assassinated Muammar Qaddafi. The United States, Israel, and the European Union tried, but failed, to persuade world leaders to boycott the Tehran conclave. […]

»Saudis like Abdulaziz may be sensing an international shift from unipolar global geopolitics dominated since the collapse of the Soviet Union and Warsaw Pact by the United States. The NAM summit includes a number of emerging economic power houses that are clearly thumbing their noses at dictates from Washington, Jerusalem, London, and Brussels about isolating the Iranian government. The Saudi de facto acting foreign minister will be rubbing shoulders in Tehran with not only Iran’s President Mahmoud Ahmadinejad, who had just attended the Organization of Islamic Cooperation summit in Mecca at the invitation of Saudi King Abdullah, but Syria’s Prime Minister Wael al-Halqi and Foreign Minister Walid Muallem, who representing the government in Damascus that Saudi Arabia is trying to overthrow. […]

»Abdulaziz, unlike Prince Saud, who has, as the longest serving foreign minister, may be facing a new global reality. Nations opposed to U.S. and NATO hegemony are establishing new global and regional alliance that include the Shanghai Cooperation Organization (SCO) in Asia; the Union of South American Nations (UNASUR) and the Bolivarian Alliance for the Peoples of Our Americas (ALBA) in Latin America and the Caribbean’ and the Brazil (represented in Tehran by its Vice President)-Russia-India-China-South Africa (represented in Tehran by its Foreign Minister) (BRICS) economic group. The attempt by Iran, India, and South Africa, among other nations, to breathe new life into the NAM is a recognition by these nations that the world is transitioning into a multipolar reality in which Russia, China, and India are playing greater roles.

»In addition, the Organization of Islamic Conference, which also is gaining in international importance, will soon have one of Abdulaziz’s foreign ministry subordinates, Nazar Madani, as its new Secretary General. For Saudi Arabia, its real and perceived links to the United States and Israel are becoming an uncomfortable liability.»

Un sommet “nucléaire”, indeed

Il est intéressant de noter qu’un dossier essentiel a surgi au sommet, en rapport indirect avec la crise iranienne (crise du nucléaire iranien). Il s’agit de la question d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient, idée qui rend la direction israélienne absolument hystérique. Morsi, notamment, en a parlé lors de son intervention, attaquant Israël sans ambages et, au passage, soutenant la position iranienne sur le droit à développer du nucléaire civil sans restriction : «Morsi also criticized the Israeli regime for refusing to join the Non-Proliferation Treaty (NPT), saying the Middle East must be free from nuclear weapons and that all nations have the right to have access to peaceful nuclear energy.»

En même temps, à Vienne, dans l’enceinte de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, les 17 membres arabes déposaient une motion qui met à nouveau Israël en accusation pour son rôle d’obstruction sur la voie de la formation d’une zone dénucléarisée. L’initiative vient des Jordaniens, dont l’ambassadeur à l’AIEA a dénoncé Israël «for thwarting “all initiatives to free the region of the Middle East of weapons of mass destruction, and in particular of nuclear weapons.» Les pays du bloc BAO sont intervenus selon leur prudence coutumière et leur sens de la nuance extrêmement diplomatique lorsqu’il s’agit de Tel Aviv (selon Reuters, le 29 août 2012 : «Western envoys are urging Arab states not to berate Israel over its assumed nuclear arsenal at the U.N. atomic agency's annual conference, fearing this could imperil wider efforts for a nuclear weapons-free Middle East, diplomats say»).

La logique de la zone dénucléarisée est sans aucun doute celle qui est capable de réunir les pays arabes de la zone qui ont des positions différentes vis-à-vis de l'Iran et vis-à-vis des pays du bloc BAO et de leur obsession iranienne, et de résoudre la crise iranienne du nucléaire d’une façon constructive pour eux-mêmes, et réductrice pour l'hégémonie de puissance d’Israël sur la région.

Le Sommet, un événement “naturel”

Nous terminions notre Note d’Analyse précédente (le 23 août 2012), qui commentait le sommet de Téhéran, notamment par ce commentaire  :

«…Pour autant, le Sommet de Téhéran n’est pas nécessairement une manœuvre politique réussie de l’Iran, ou, d’un autre point de vue, une machination menée à bon port par l’Iran. Il ne s’agit de rien d’autre, mais rien de moins d’ailleurs, que d’un événement fondamentalement naturel, tant est forte aujourd’hui la réaction antiSystème devant le chaos développé par l’activisme autodestructeur du Système. Que l’Iran en soit le principal bénéficiaire relève d’une logique également naturelle puisque ce pays est l’un des objectifs principaux, à la fois moral, idéologique et symbolique, de l’activisme chaotique de déstructuration du Système. La logique antiSystème ne cesse de gagner en force, à mesure de la force grandissante de l’activisme autodestructeur du Système.

»Par conséquent, une fois considérées les données du départ du Sommet de Téhéran qui nous disent déjà beaucoup sur son importance avant qu’il n’ait eu lieu, on doit attendre des effets considérables de l’évènements lui-même, qui devrait susciter une dynamique propre, suggérer des initiatives, modifier des rapports et des relations, engendrer peut-être des évènements inattendus et sans aucun doute modifier les perceptions et les psychologies. Le fait principal du sommet du NAM est certainement de donner à l’Iran, dans l’arène chaotique des relations internationales, une légitimité nouvelle, – renvoyant justement aux aspects de structure, de légalité et d’ordre international. Il faudra voir comment cette légitimité prend corps, s’“opérationnalise” en quelque sorte…»

Une nouvelle structure de communication

D’une certaine façon, les divers évènements qui se sont déroulés à Téhéran, ceux que nous avons mentionnés et ceux que nous n’avons pas mentionnés, n’importent guère pour définir l’essentialité de l’événement du sommet du NAM. L’essentiel n’est pas dans un rassemblement de “non-alignés”, ou bien dans un éventuel élan d’unification du monde arabe, ni même dans le retour absolument effectif de l’Égypte qui est en train de berner, grâce à la communication, ses manipulateurs qui en sont restés aux conceptions de force brutale et de puissance d’une ère géopolitique complètement dépassée ; l’essentiel n’est même pas dans le possible retournement de l’Arabie, ni dans les ententes et les mésententes autour de la Syrie, ni dans les spéculations sur les différentes tendances du monde musulman ; l’essentiel n’est même pas dans cette affaire de “zone dénucléarisée”, qui est le cauchemar d’Israël…

L’essentiel n’est donc pas dans les évènements faits ou pas faits, que tout le monde avaient à l’esprit, pour les assurer ou les rejeter, – bref, l’essentiel n’est pas dans l’histoire que nous croyons maîtriser et qui est déjà dépassée. L’essentiel est dans la chose la plus simple du monde, la seule chose que veut bien connaître et prendre en compte le domaine de l’inconnaissance parce que le reste n’est que spéculations humaines. Ainsi l’essentiel est-il dans ce que le sommet de Téhéran met en place une nouvelle structure de communication antiSystème (nous disons bien : de communication, parce que la communication est aujourd’hui le seul véritable champ de bataille qui compte et qui influe sur le cours des choses, la géopolitique n’ayant qu’à suivre et s’aligner sur les orientations de cette bataille de la communication en cours, orientations naissant à mesure et qui nous sont imposées). A la lumière de ce phénomène général de la communication déterminé par la perception et les modifications imposées par cette perception à la psychologie, tous les évènements envisagés, et les nouveaux qui vont très vite naître, prennent une toute autre allure, une dimension différente, et finalement une substance spécifique qui dépend d’eux-mêmes et nullement de nos propres théories.

Un verrou psychologique saute

Il nous apparaît extrêmement probable que le sommet du NAM a fait sauter un verrou psychologique qui tenait plus ou moins à peu près tous les acteurs du sommet. Ce constat vaut également pour ceux qui sont les adversaires acharnés des USA (du bloc BAO), parce que cette hostilité elle-même restait une référence, et cette référence ne pouvait être qu’américaniste, et plus largement américaniste-occidentaliste (bloc BAO). Le sommet du NAM a brisé le phénomène d’omniprésence des USA, parce qu’il s’agissait d’un sommet d’une association à prétention et à représentation effectivement multinationale, globale, etc., s’occupant de son fait et selon ses conceptions propres des crises et graves questions en cours. Il s’agissait de quelque chose qui, par réputation, par son histoire et par son passé, – et cela malgré les rares éditoriaux de la presse-Système sur le sommet, qui grinçaient de sarcasmes pour les Non-Alignés, – quelque chose qui pouvait aussi bien se présenter comme la “communauté internationale”, comme les USA et le bloc BAO le font de leur côté, – et les USA n’en étaient pas !

Pepe Escobar (voir le 28 août 2012) avait résumé, disons géographiquement et concrètement, ce que nous présentons comme une perception nécessairement politique, avec comme effet fondamental son influence sur la psychologie : «Just look at the map. It’s very simple. Who is in Tehran at the moment? I would say it’s the real international community. Central America, including Cuba, most of South America, virtually the whole of Africa, the Middle East, Iraq and Afghanistan, India and Pakistan, South East Asia. And we have as observers Mexico, Brazil, Argentina, and China…»

A propos d’un “accord de perception”

Qu’on nous comprenne bien : il s’agit de raisonner selon des “accords de perception”… Nous disons “accords de perception” comme l’on dit des accords de musique, selon que cette musique offre ou non une harmonie structurante, selon que nous passons de la cacophonie qui est le chaos du son et l’absence de sens, à l’harmonie qui offre une satisfaction esthétique de la perception en élevant le son à la hauteur de l’ordre des choses et du sens du monde. La perception témoigne alors de la satisfaction, sinon de la béatitude du constat de l’équilibre harmonieux du monde, et en aucune façon d’un simple plaisir personnel, passager, fugace et futile à la fois, souvent de l’ordre de l’illusion d’une excitation basse des sens ou d’une drogue.

D’une façon plus concrète et plus terrestre, plus “politique” (voire “géopolitique” pour ceux qui tiennent à cette interprétation accessoire), nous devons raisonner selon la force structurante de la perception. Sans nier quelque importance que ce soit à l’une ou l’autre organisation, un sommet du BRICS ou de l’OCS n’a jamais pu jusqu’ici prétendre à se présenter comme “la communauté internationale”. Les USA, l’OTAN ou le bloc BAO (USA + UE) peuvent y prétendre, à cause de la maestria et de la puissance US dans le domaine de la communication, les relais d’influence, de pression et de corruption de ces entités, le travail absolument maléfique de surpuissance, à l’image du Système dont les USA sont le cœur.

On peut présenter l’hypothèse qu’à Téhéran, un déclic, – ou bien, certains parleront de “miracle”, – s’est produit. Cet “accord de perception” induisant une prétention acceptable et justifiée d’être la “communauté internationale” à cet instant, aussi bien sinon mieux que les USA et le bloc BAO, a été parfait, complètement légitime en un mot essentiel. Et ceci que nous répétons comme un leitmotiv symbolique  : “et les USA n’en étaient pas !”. C’est ainsi qu’on perd une légitimité exclusive, – parfaitement usurpée, sans nul doute, dans une époque où l’usurpation et la fausseté des valeurs structurantes sont la règle lorsque le Système domine la marche des choses, – mais jusqu’alors semblant indestructible.

Logique catastrophique

Ce qui est en train de naître avec Téhéran, c’est une nouvelle légitimité internationale, concurrente de celle que maintient le bloc BAO, ou disons le Système, avec sa prétention de représenter la “communauté internationale”. C’est une guerre de communication, la seule qui, aujourd’hui, ait une signification et des effets. Lorsqu’une commentatrice dit en substance : “Ce sont les USA qui sont isolés, pas l’Iran”, elle n’a plus tout à fait tort. (Sarah Marusek, le 31 août 2012 sur PressTV.com: «Right now it is absolutely the Western countries absolutely that are isolated particularly the United States with its hawkish policies towards Israel and I think that the Israeli reaction to the NAM meeting shows that Israel is scared because they know that Iran is not isolated…»)

… Cela ne signifie pas pour autant qu’un “bloc” nouveau se forme, selon la configuration habituelle et géométrique qu’on donne à ces situations. Cela veut dire qu’est en train de s’imposer une “légitimité internationale” antiSystème (une autre “légitimité internationale”, la chose étant fort élastique à l’heure du Système) ; cela veut dire que le jeu se complique terriblement pour le Système, – et sans doute n’a-t-il pas subi un tel choc depuis longtemps, et peut-être (on verra) est-ce un choc à classer parmi les réactions antiSystème décisives.

En effet, nous ne croyons pas une seule seconde que nous allons simplement voir se renverser la fortune de la “guerre” en cours, et passer d’une vainqueur probable (le bloc BAO), à un nouvel adversaire qui devient un vainqueur possible (NAM, BRICS et Cie). Cette logique géopolitique de puissance, “bloc” contre “bloc”, etc., n’a plus aucune pertinence. Nous sommes tous à l’intérieur du Système, tous prisonniers de lui, et les guerres (précisons toujours : de co-mmu-ni-ca-tion) que le Système suscite et ne cesse d’alimenter sont à inscrire dans le processus d’autodestruction de ce Système et exclusivement dans ce cadre.

Le sommet du NAM, c’est donc un pas de plus vers la destruction du Système, – au profit d’on ne sait quoi, d’on ne sait qui, car l’achèvement de la destruction du Système sera simplement l’effondrement de toute notre organisation en train de devenir une désorganisation chaotiques, avec les antiSystèmes dedans comme le reste, et de plus en plus efficaces. L’issue unique, la seule issue, c’est la destruction du Système, et le sommet du NAM a bien mérité de cette entreprise générale. Mais de l’“après” de cet événement catastrophique et nécessaire qu’est la destruction du Système, nul ne sait rien, – par logique impérative de définition, puisque l’“après” sera défini absolument et exclusivement par les conditions, notamment psychologiques, qui naîtront du fait même de la destruction du Système.