Notre “guerre” fait rage

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Notre “guerre” fait rage

Sans doute dira-t-on que Brisbane est passé par là et que la “guerre” (de communication) ne connaît désormais plus aucune restriction. Ce sont les Russes qui attaquent tous azimuts tandis que le bloc BAO, ayant accompli son bizutage de Brisbane considéré par lui-même comme une grandiose manœuvre stratégique de type napoléonien (mais démocratique, certes), reste plutôt impavide sur le fait en l’absence de toute nouvelle idée brillante du genre, et préférant par ailleurs commettre des actes sidérant d’inconséquence et d’irresponsabilité (voir plus loin, du côté d’un vote à l’ONU). Cette intensification de l’offensive russe et de la “guerre” qui en est le cadre signifierait que MK Bhadrakumar n’avait pas tort (voir le 18 novembre 2014) : “Que va-t-il se passer si la Russie abandonne sa position d’autorestriction et passe d’une non-coopération passive à une opposition active à la politique US ? Jusqu’ici, il n’en a rien été pour diverses raisons. Le G20 de Brisbane est-il ce moment décisif, finalement, pour la direction russe qui se pliait aux exigences de l’Ouest ?”

Nous avons vu, et insisté là-dessus, le fait que Poutine et la direction russe suivent “deux voies” parallèles (voir le 21 novembre 2014), avec “deux politiques de communication”, définies également comme celles de la main tendue et celle du poing serré (voir aussi le 21 novembre 2014). On ne parle pas de deux “stratégies” car ces deux politiques de communication n’ont pas d’objectif stratégique fondamental, sinon de contribuer au but politique central, fondamental lui, qui est le plus simple du monde à définir : défendre sans aucune faiblesse les intérêts de la Russie en faisant le maximum pour éviter de compromettre irrémédiablement les relations avec le bloc BAO. De cet énoncé découlent les deux “politiques de communication”, qui seraient en langage guerrier deux “tactiques” plutôt que deux “stratégies”, qui se poursuivent parallèlement et représentent un parallélisme schizophrénique dont la responsabilité n’est pas russe, mais due à l’adaptation des Russes à la position du bloc BAO ; c’est-à-dire, adaptation à cette schizophrénie créée par le bloc BAO développant une politique de narrative, sinon de fantasy-narrative, qui ne cesse de se situer, avec un entêtement qui se réfère aux exigences du Système qui les soumet et les tient tous, toujours plus loin de la “vérité de la situation”. Ainsi les Russes, tendent-ils d’un côté la main au bloc BAO (surtout aux Européens), et ne cessent-ils d’un autre côté de serrer le poing en dénonçant toujours plus rudement, par divers moyens, la politique catastrophique, à la fois belliciste et provocatrice, du bloc BAO.

Maintenant, il faut en venir à ce constat, extrêmement clarifié car les choses vont très vite, que la seconde tactique (le poing serré) est bien plus “audible”, c’est-à-dire spectaculaire et tonitruante, que la première (la main tendue) qui ressemble à une sorte de “quête dans le désert” et ne cesse de s’appauvrir en substance. C’est donc de la seconde, de la politique offensive de dénonciation du bloc BAO, que l’on parlera, exclusivement, – notamment parce que plusieurs faits méritent mention selon l’observation de l’avancée de l’offensive, alors qu’on aurait pu attendre une simple répétition des mêmes accusations si la main tendue pouvait espérer en rencontrer une autre.

• Lavrov est bien l’homme devenu diplomate de la “diplomatie ouverte”. Mais cette fois, c’est pour énoncer rudement des vérités qui sont des accusations impitoyables lancées contre le bloc BAO, sans la moindre retenue de langage. C’est le cas lorsque Lavrov annonce dans un discours dont il a été fait une large publicité, que le but des sanctions du bloc BAO contre la Russie est tout simplement de faire tomber le gouvernement et le régime en Russie, – “pratiquement personne ne dénie cela” conclut Lavrov pour ajouter à l’accusation un mépris souverain des pratiques de barbare des gens du bloc BAO, à peine différentes des exploits d’ISIS/EI/Daesh... Lesquels “gens du bloc BAO” laissent dire, sans rien répondre, comme des automates qui poursuivent le programme dont ils ont été équipés et rien d’autre. (Quelques extraits sur le discours de Lavrov dans RT, le 22 novembre 2014.)

«The ultimate goal of the anti-Russian sanctions imposed by some Western nations is to stir public protests and oust the government, Russian Foreign Minister Sergey Lavrov said. “Western leaders publicly state that the sanctions must hurt [Russia’s] economy and stir up public protests. The West doesn’t want to change Russia’s policies. They want a regime change. Practically nobody denies that,” he told a leading think-tank in Moscow.

»Lavrov said that the tensions between Russia and the West had been brewing for years before the Ukrainian crisis, adding that now the Europeans had decided to go for all-or-nothing and play chicken with Russia. But at least the positions have been made clear, Lavrov said. Russia and the EU are having a moment of truth focused on Ukraine, Lavrov said, but stressed that Moscow would not be the one to break off ties with Europe. However, Russia won't simply go back to how things were before the crisis hit, he said. “The EU is our largest partner," Lavrov said. "Nobody is going to shoot himself in the foot and reject cooperation with Europe, but everyone understands that it won’t be business as usual anymore.»

• Poutine continue lui aussi sa croisade de dénonciation des “révolutions de couleur” sans plus dissimuler une seconde sa certitude que cette formule constitue le but ultime des pays du bloc BAO à l’encontre de la Russie. Mais il se pourrait que l’on passe de la communication à l’action. Les déclarations devant le Conseil Sécurité du gouvernement russe de Poutine contre les “révolutions de couleur”, déjà signalé (voir le 21 novembre 2014), sont désormais appréciées par certains comme annonciateur de décisions fondamentales au niveau de la sécurité intérieure, qui pourrait correspondre à une véritable “mobilisation intérieure”, avec un large appel à la population russe, contre les “révolutions de couleur” : «“In the modern world extremism is used as a geopolitical tool for redistribution of spheres of interest. We can see the tragic consequences of the wave of the so-called color revolutions, the shock experienced by people in the countries that had went through the irresponsible experiments of hidden, or sometimes brute and direct interference with their lives,” Putin told the Security Council on Thursday. “This is a lesson and a warning for us,” Putin said. “We will do everything to never let this take place in Russia.”» (RT, le 20 novembre 2014.)

• ... Mais nous exagérons lorsque nous disons que le bloc BAO ne réagit pas. En fait, il poursuit, par l’un ou l’autre de ses appendices, la route fantasmagorique de sa fantasy-narrative, par exemple lorsque la présidente de Lituanie, pays responsable s’il en est dans la grande famille des organisations transnationales du bloc BAO, va jusqu’à qualifier la Fédération de Russie de “pays terroriste”. Cela permet de mesurer la vigueur de l’affrontement de communication en cours, et aussi, dans ce cas, l’exaspération russe affirmée publiquement devant ces attaques, dans le chef d’un député communiste de la Douma qui va jusqu’à suggérer une rupture des relations diplomatiques avec la Russie. (RT, le 21 novembre 2014).

«“I want to charge the International Relations committee with a task to prepare a statement and maybe even an order to introduce new economic sanctions against Lithuania, or maybe even a motion to stop diplomatic relations. It is unacceptable that a president of a nation utters such rude and cynical words,” deputy head of the parliamentary Communist Party Nikolay Kolomeytsev said at the State Duma session on Friday. After this, Speaker Sergey Naryshkin asked the Communists to officially submit the motion into the chamber.

»Kolomeytsev’s initiative came after President Dalia Grybauskaité said in an interview on Thursday with Lithuanian radio LRT that Russia was conducting aggression against Ukraine and accused Russian President Vladimir Putin of intent “to occupy other regions and to drastically reorganize international security in the world.” “We’re facing a situation in which some of our neighbors are becoming a terrorist country,” she said.»

• Mais la nouvelle la plus remarquable est celle du vote à l’ONU concernant une résolution déposée le 4 novembre par la Russie et 29 autres pays (dont le Brésil, l’Inde, le Pakistan, etc., jusqu’à une Corée du Nord qui se paie une vertu à bon compte) condamnant «la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée». Trois pays ont voté contre, – le Canada, l’Ukraine et les USA ; 55 se sont abstenus, dont tous les pays de l’UE et divers autres, du Japon au Lichtenstein, du Qatar à la Suisse, de l’Australie à Monaco, du Tchad à la Turquie, de la Norvège à San Marin, – bref, que du beau monde. Enfin, 115 pays ont voté pour, dans lesquels on retrouve côte-à-côte, notamment certes, l’Arabie Saoudite, Israël et la Russie... (Les diverses précisions sur ce vote peuvent être consultées notamment sur le site French-Saker, le 23 novembre 2014.) La presse-Système, dite “grande presse”, notamment dans des pays tels que la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les USA, ne semble pas avoir trouvé ses choux gras de cet événement. Il est certain que ce texte a été perçu et jugé par les pays du bloc BAO non sur sa signification propre, mais comme une manœuvre de communication de la Russie pour les obliger à se rapprocher de leur narrative (celle des Russes), et c’est sans aucun doute en partie le cas, – celui d’un acte de “guerre de communication” de la Russie ; il n’empêche qu’un texte à l’ONU est un texte à l’ONU, il a aussi et principalement sa signification propre qui, en plus pour le propos, renvoie à une vérité de situation en Ukraine.. Alors, dans ce dernier cas du point de vue, qui est l’imprescriptibilité du texte, le vote de l’ONU présente des distorsions si extrêmes, des positions si faussaires par rapport aux normes de nombre de pays concernés, par rapport à ce qui est pour eux leur “catéchisme antinazi”, qu’on ne peut que renouveler en l’aggravant encore plus l’analyse que nous donnions dans notre texte du 3 octobre 2014L’Ukraine à svastika découverte»)... Ce texte où nous écrivions notamment :

«Il nous paraît évident qu’une telle évolution représente un immense danger pour le bloc BAO, dans ce qui lui tient lieu de forces essentielles : la fabrication des faux-symboles (des symboles-simulacres) pour substantiver, dans le cadre du système de la communication, sa narrative générale, – et, dans ce cas, plus qu’une fantasy-narrative, il s’agit d’une metaphysical-narrative. Le point principal au départ de ce raisonnement est qu’il nous a paru toujours extraordinaire, dans le cadre de la crise ukrainienne et depuis que cette crise est arrivée à maturité, qu’une affirmation de communication aussi visible (insignes, formations, cérémonies, etc.) d’une tendance nazie puisse bénéficier d’un soutien du bloc BAO. Dans le bloc BAO, le fait nazi, avec tous ses symboles et ses images, avec surtout la charge formidable et terrible qui pèse sur lui d’être le concepteur, l’organisateur et l’exécutant de l’Holocauste, constitue un fait de communication, – à la fois politique, culturel, psychologique, etc., – d’une importance absolument considérable...»

• D’une certaine façon, oblique mais correspondant bien aux consignes du Système, on comprendrait aussi bien que les USA (ni l’Ukraine, évidemment) n’aient pas voté cette résolution antinazi, lorsqu’on mesure l’importance du rôle tenu par Dimitri Iaroch, chef du groupe Pravy Sektor et de toutes les unités para-militaires qui en sont issues, dans le contrôle et l’évolution de l’Ukraine-Kiev qui sied à ce qui tient lieu de politique US. L’historien US Eric Zuesse fait un portrait saisissant de la situation en Ukraine sous la direction effective de Iaroch, – car, effectivement, c’est bien la thèse qui est présentée. Le portrait dressé dans notre texte du 3 octobre 2014 déjà cité n’a fait que se durcir, démentant complètement les thèses initiales qui faisaient des groupes nazis et ultranationalistes les instruments et autres “idiots utiles” des libéraux globalistes chargés de prendre le pouvoir à Kiev... (Dans Washington’s blog, le 20 novembre 2014.)

«However, Yarosh has turned out to be Ukraine’s actual leader, despite his not being officially at the top. [...] Yarosh’s teams carry out the most violent operations for the CIA in Ukraine (including the coup). Since these are the people who actually specialize in this sort of political operation, Yarosh basically commands the country. Ukraine is now run on fear, and everyone fears Dmitriy Yarosh. Even Ukraine’s other leaders fear him. He is sometimes shockingly public with his threats against even the nation’s President. Yarosh is the only person who can afford to be.»

Après cette revue variée qui montre l’extraordinaire désordre de l’indécence de l’aveuglement de ce que nous nommons le bloc BAO (surréalistiquement mis en évidence par l’hyper-désordre et l’indécence internationale du vote onusien), tous les avis, pourvu qu’ils soient crépusculaires, méprisants et sans la moindre nuance nécessaire, ont leur place. Par exemple, pour poursuivre un texte déjà cité à propos du vote effectivement surréaliste et même stratosphérique de l’ONU sur la gloire du nazisme, ce jugement du Saker voyant, ces derniers jours et ces dernières semaines «de plus en plus de signes d’un dégoût profond de la part des Russes à l’endroit de l’Occident. Si, par le passé, les diplomates et politiciens russes essayaient de rester polis, ils ne se gênent plus pour exprimer leur dégoût...», – dégoût, si l’on veut, ou bien exaspération méprisante, ou bien mépris ironique, ainsi de suite ? Les mots nous manquent puisque, effectivement, il s’agit d’une politique robotisée, par définition hors de toute appréciation critique prenant pour référence une “vérité de situation” ; il s’agit de la politique-Système lancée en pleine surpuissance, avec cette surpuissance qui ne permet plus à personne de ceux qui s’y soumettent de consulter ni même de conserver ses références, y compris les références des narrative antifasciste, antinazi, etc. Cela nous conduit à un comble de l’inversion puisque tous les régimes du bloc BAO ont construit leur pseudo-légitimité sur une métaphysique-simulacre adoubant ces diverses valeurs de l’antifascisme, antinazisme, etc. (voir toujours notre texte du 3 octobre 2014, avec notamment le concept de “métaphysique de l’Holocauste”).

Il est difficile de donner un avis mesuré sur ces événements divers, – l’indignation ou l’ironie étant certes bienvenues, mais insuffisantes. Il faut donc procéder par perception, fondée autant sur l’expérience que sur les références qui nous restent, à nous. Le désordre devenant hyper-désordre et l’inversion multipliée sont la règle du comportement du bloc BAO, qui ne semble plus apte à comprendre exactement la substance de ce qu’il fait, et notamment incapable d’en comprendre ni les conséquences même à moyen-court terme, ni les significations les plus évidentes. Tout cela se déroule sur un fond de malaise et de mécontentement intérieurs qui ne cessent de grandir, qui se généralisent dans divers pays du bloc, sous des formes différentes, accentuant la contraction de la vision des dirigeants du bloc BAO sur ce qui leur sert de politique. En un sens ce n’est plus “Y a-t-il un pilote dans l’avion ?”, mais plutôt “il y a foultitude de pilotes dans l’avion mais l’avion ne répond qu’à un pilote automatique auquel personne ne comprend rien”.

Face à cela, les Russes, qui gardent la tête froide, sont à la fois stupéfiés, dégoûtés si l’on veut, mais aussi amenés, nolens volens, à accentuer évidemment la seule “tactique” possible de leur stratégie naturelle, – celle du poing fermé, comme on a vu plus haut. Eux non plus ne choisissent pas, eux aussi sont en quelque sorte prisonniers de la politique-Système qui emporte leurs “partenaires” devenus adversaires absolument incohérents et incompréhensibles selon la rationalité politique. Cette appréciation n’a rien à voir avec un jugement de valeur sur les Russes, et tout à voir de façon très différente avec une mécanique politique où la métahistorique imprime sa marque, qui est le caractère fondamental de la grande scène où se déroule aujourd’hui le théâtre complètement fou et absurde de la politique du monde. Ils (les Russes) sont là pour exacerber la plongée du bloc BAO dans son hyper-désordre psychologique et son incompréhension totale de lui-même, ils sont là pour accélérer l’aggravation de toutes ces conditions d’incontrôlabilité. Ils jouent un rôle historique, voire métahistorique, qu’ils auraient sans doute préféré éviter, qui est celui du fameux chiffon rouge agité devant le taureau furieux, pour que le taureau ne cesse d’être encore et toujours plus furieux, jusqu’à ce qu’il s’encorne lui-même par une manœuvre invertie dont il a lui seul le secret, – passez muscade, de la surpuissance à l’autodestruction... (Que le taureau, ce noble animal, nous pardonne d’abuser de ses caractères pour décrire le comportement du bloc BAO ; le bloc BAO est un taureau absolument furieux mais aussi un taureau absolument stupide, ce qui le différencie décisivement du noble animal, qui n’est pas si bête que cela...)


Mis en ligne le 24 novembre 2014 à 05H38