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30167 juin 2013 –Outre le programme PRISM qui nous rassure sur l’“intelligence” du Système, la solution à tous nos problèmes n’est-elle pas dans ceci que nous serions encore plus bêtes que nous ne le paraissons à l’aune du désordre par quoi nous avons transformé le monde, et que nous le devenions chaque jour davantage ? “La solution...” ne serait-elle pas que cette “intelligence” ainsi perdue passât aux machines, “sécurisant” ainsi, – selon le terme goûté par cette modernité qui se cadenasse de gardes du corps, – les acquis intangibles de la modernité ? Il semblerait que la fatalité, ou bien est-ce la Providence, ait sa réponse toute prête : encore plus bêtes que nous ne le paraissons, nous pouvons parvenir à croire encore que la production de la modernité par elle-même constitue effectivement la “sécurisation” de ces lendemains qui chantent, qui ne cessent de nous être promis, dont les oreilles aiguisées peuvent déjà entendre les premières notes un peu aigres... (« Ami, entends-tu les cris sourds du pays ...») C’est là une des promesses, à la fois de l’évolution en cours, qui s’avérerait être une sorte de darwinisme-inverti à l’insu de Charles Darwin, et de la révolution à venir, qui proposerait le remplacement sapiens par le robot qui va bien.
Certes, l’expression “devenir bête” est triviale. Nous avons déjà effleuré, d’une plume légère, cette question-bateau de “la machine est l’avenir de l’homme”, version re-mastérisée, rematricée et reliftée de la maxime de Louis Aragon, dans un F&C récent du 13 mai 2013. La logique du propos nous conduisit au principal, qui était de considérer diverses appréciations sur la progression du machinisme (du technologisme) par rapport à l’évolution historique telle que nous l’envisageons nous-mêmes ; et cela d’un point de vue métahistorique certes, dans le cadre de notre propre rangement historique s’articulant autour du “déchaînement de la Matière” comme événement révélateur de la modernité, en transmutant cette modernité du stade d’une sorte d’innocence originelle du développement de l’humanisme, au stade décisif du développement du technologisme et de l’idéal de puissance, jusqu’à sa formation opérationnelle en un système devenu dans notre jargon le Système. Ici, dans le cadre de cette analyse qui s’impose comme une suite à celle que nous venons de citer, nous allons développer un autre élément, impliquant la forme et le sens de l’intervention directe du “déchaînement de la Matière” dans ce processus de développement du machinisme et du technologisme. Nous allons faire cette démarche avec un certain sens de l’urgence tant les tendances que nous révèlent les événements nous paraissent à la fois tragiques et pressantes, et contenant des éléments d’une subversion fondamentale extrêmement rapide vers l’entropisation du monde. (La rapidité en accroissement constant est un des phénomènes les plus remarquables de l’évolution de la crise d’effondrement du Système.) Nous utilisons pour notre propos l’occasion d’un certain nombre de nouvelles qui sont de deux sens différents, qui se complètent elles-mêmes et d’elles-mêmes à la réflexion, voire qui s’avèrent complémentaires d’une même stratégie générale qu’engendre la domination de la Matière. Outre d’être une occasion pour notre réflexion, ces nouvelles contiennent en elles-mêmes des éléments indicatifs extrêmement puissants de l’“urgence” et de cette “subversion fondamentale”.
• Le premier élément se trouve dans certaines trouvailles et remarques de scientifiques, d’ailleurs précédées d’autres dans le même sens ces derniers temps, et qui se résument à ce point dit d’une façon intentionnellement grossière : nous devenons de plus en plus bêtes... Et le rapport entre cette évolution et la modernité, s’il n’est pas affirmé d’une façon explicite dans les textes considérés, – à cause de la charge explosive d’un tel constat (hypothèse optimiste) ou par simple ignorance de l’évidence (hypothèse réaliste), – ce rapport est pour nous d’une évidence qui ne souffre aucun débat. Un texte sur HuffingtonPost, du 22 mai 2013 expose les travaux d’une équipe de l’université d’Amsterdam travaillant sur la “psychologie organisationnelle”, sous la signature du professeur (Dr.) Jan te Nijenhuis, et sur le thème «Our technology may be getting smarter, but a provocative new study suggests human intelligence is on the decline». La chose est reprise par ZeroHedge.com, le même 22 mai 2013, avec l’ajout de diverses autres trouvailles scientifiques allant dans le même sens. L’article donne les diverses références nécessaires ...
«Scientists say that we have much smaller brains than our ancestors had 20,000 years ago … and we might have gotten stupider since agriculture became widespread. Indeed, Huffington Post reports that we’ve probably gotten dumber than even our Victorian ancestors: A provocative new study suggests human intelligence is on the decline. In fact, it indicates that Westerners have lost 14 I.Q. points on average since the Victorian Era...
»As for Dr. te Nijenhuis and colleagues, they analyzed the results of 14 intelligence studies conducted between 1884 to 2004, including one by Sir Francis Galton, an English anthropologist and a cousin of Charles Darwin... [...] This new research was published in the April 13 issue of Intelligence. There are several theories for why we are getting dumber, including the following ...»
• Le deuxième axe que nous envisageons est celui de la machine, ou du technologisme et de ses perspectives du point de vue de ceux qui le favorisent, l’exploitent et le développent. Cette fois-ci, nous n’avons pas affaire directement à un scientifique mais à un “opérationnel”, de fort grand poids sans aucun doute, en la personne du CEO (Chief Executive Officier, ou PDG selon nos piètres normes) de Google, Eric Schmidt. C’est Paul Joseph Watson, de Infowars.com, qui fait, le 24 mai 2013, un rapport de l’intervention de Schmidt qui a eu lieu quelques jours auparavant, à un séminaire régulier de Google au Grove Hotel de Watford, au Royaume-Uni. Le thème était «How soon before Google Now passes the Turing test?». (Le Turing test, du nom du mathématicien britannique Turing, a été formulé dans les années 1950 et porte sur le délai où les machines intelligentes, ou “intelligence artificielle” [IA ou AI selon la langue], parviendront au niveau de l’intelligence humaine, dans la perspective bien entendu de la dépasser aussitôt, – c’est dans tous les cas notre analyse, qui se réfère à ce concept d’idéal de puissance animant l’évolution de ces divers facteurs selon une concurrence prédatrice systématique.) Schmidt a répondu dans son intervention que ce serait fait, selon les programmes en cours chez Google, d’ici cinq à dix ans. (Sans nous engager sous la menace du feu d’une féroce critique, nous ferions l’hypothèse que Google n’est sans doute pas le seul à aller vers la réussite de ce “Turing test”, comme il n’est pas le seul à alimenter le programme PRISM qui nous rassure tant sur l’“intelligence” du Système en attendant la machine. Plus on est de robots... Passons.)
Comme nous l’écrivions dans le texte déjà cité du 13 mai 2013, «[b]ien entendu, ce n’est nullement sur le terrain scientifique et par rapport à ce qui en est dit de notre futur peut-être assez proche, que nous nous attachons à cette appréciation de Slonczewski...» Les noms sont interchangeables : mettez ici celui de Schmidt à la place de celui de Slonczewski. Notez aussi que l’on retrouve, comme conseiller du CEO de Google, Ray Kurzweil, futurologue déjà cité dans le texte référencé, ce qui montre bien que Kurzweil est plus sérieux que certains pourraient le penser, ou que Google/Schmidt, et le corporate power avec eux, ont bien des ambitions très proches de ce qu’on nommerait avec un poil d’agacement “science-fiction”, et qui ne l’est ainsi plus du tout, fictionnelle... Watson continue son texte avec ce commentaire :
«As we recently reported, Google’s primary vehicle for its artificial intelligence technology will likely be Google Now, the voice-recognizing search product which is being hyped as a tool that will eventually be able to manage almost every aspect of your life. Eric Schmidt has never shied away from his vision, dystopic to some, of a future transhumanist world where robots will play a central role in managing human affairs.
»The Google CEO has previously discussed his desire to swallow nano-bots every morning that would regulate the functioning of his body, as well as sending his robotic clone to social functions. Top futurists like Ray Kurzweil have embraced Schmidt’s vision and took it even further – writing that within decades man will merge with machine and that by 2099 the entire planet will be run by artificially intelligent computer systems which are smarter than the entire human race combined – similar to the Skynet system fictionalized in the Terminator franchise.
»Such predictions, allied with Schmidt’s drive to see them come to fruition, make it all the more ominous that Kurzweil was hired by Google last year to oversee the company’s project to “produce an artificial brain.” In an interview with Wired, Kurzweil noted that, “A lot of (sci-fi) movies about artificial intelligence envision that AI’s will be very intelligent but missing some key emotional qualities of humans and therefore turn out to be very dangerous.”»
Il est évident que si nous mettons ces deux sortes de nouvelles en corrélation, c’est parce que nous jugeons qu’elles ont une très grande proximité, – ce qui est par ailleurs également évident selon le simple constat du bon sens. Dans le cas des observations sur l’évolution de l’“intelligence” des machines (AI/IA) nous adoptons la même attitude que nous avons rappelé pour le cas de l’affaiblissement de l’“intelligence” du sapiens. («Bien entendu, ce n’est nullement sur le terrain scientifique et par rapport à ce qui en est dit de notre futur peut-être assez proche, que nous nous attachons...», etc.). Ce qui nous intéresse d’abord (avant d’en venir à l’AI/IA et aux robots), c’est la tendance scientifique vers une confirmation de ce qui doit nous apparaître comme une autre évidence, et une évidence colossale qui peut s’inscrire dans la formule très crue “nous devenons plus bêtes” : l’effondrement intellectuel, culturel, esthétique, psychologique qu’on observe dans notre civilisation depuis plus d’un siècle sinon plusieurs siècles, qui a pris une allure ultra-rapide depuis deux ou trois décennies.
(Cet effondrement affecte tous les domaines, et un exemple assez peu souvent cité est intéressant à mentionner. On pourrait donc considérer celui de l’effondrement de l’esthétique sous toutes ses formes, celui de l’art, celui des formes, et cela jusqu’à la forme psychologique de la corruption psychologique qui implique une dimension esthétique, avec les effets qui sont considérables sur la subversion et l’abaissement de la psychologie. On décrit ainsi, selon cette approche, la place dynamique de l’effondrement de l’esthétique dans la décadence de notre civilisation, avec ce que nous nommons “la laideur triomphante”, – un sujet que nous avons traité spécifiquement, également, les 7 juillet 2006 et 18 août 2007. Il s’agit bien de considérer que la “laideur triomphante”, ou l’effondrement de l’esthétique, est bien dans le mode indistinct cause-conséquence : conséquence de la décadence d’une civilisation et de la psychologie, par la psychologie, devenant cause d’accélération de cette décadence, etc.)
Cet effondrement général des valeurs de l’esprit et de la perception de la psychologie se fait avec une accélération foudroyante, à mesure que les progrès des sciences notamment liées à la question des divers aspects de l’intelligence artificielle font des bonds spectaculaires aussitôt intégrés dans le circuit courant du fonctionnement de cette même civilisation. Il y a, selon nous, et sans que nous tirions grande gloire de cette affirmation, une corrélation directe, antagoniste, du type du circuit des vases communicants, entre l’effondrement à ce niveau de ce qui reste de plus haut, – ou de moins bas, cela est plus approprié, – des capacités humaines, d’une part ; le développement exponentiel au niveau de la machinerie technologique dans le domaine et selon l’orientation qu’on a dite, d’autre part. (On comprendra qu’on traite cet aspect des choses sur le plan purement mécanique et technologique, mettant de côté les aspects-Janus du processus quand celui-ci se marie au système de la communication, comme l’internet, comme exemple le plus révélateur : partie évidente du “complot-Système des machines”, il est aussi la source de la réaction antiSystème à ce complot la plus efficace et la plus prometteuse. D’où notre ton tout de même enjoué...)
Avant d’aborder le cœur de notre commentaire, qui implique “la forme et le sens de l’intervention directes du ‘déchaînement de la Matière’ dans ce processus de développement du machinisme et du technologisme”, nous voudrions proposer notre position pour ce qui concerne la question de l’“intelligence”. Dans la mesure où le développement du machinisme/technologisme est la cause directe de l’effondrement de l’“intelligence”, nous pensons qu’il ne faut justement pas parler d’“intelligence” et s’entendre sur la définition de la chose. En effet, un calcul de QI ne nous satisfait en rien pour la démonstration recherchée, et ne donne aucune explication de l’effondrement qu’on a signalé plus haut. Nous avons donc notre propre appréciation, qui est de type intuitif à son origine, qui écarte absolument toute référence scientifique comme base fondamentale, ou même partie fondamentale de cette approche, laquelle référence scientifique ne peut figurer que comme complément marginal, éventuellement utile au renforcement du propos : c’est bien dans ce seul sens utilitaire pour la démonstration que nous en usons. (La seule chose que nous reconnaissons pour ce cas à la science est d’avoir apporté des précisions accessoires concernant une évidence colossale. Ces précisions accessoires nous sont d’abord utiles à cause du prestige de la science dans nos parcours et réseaux de communication, autorisant, sans risque de mise à l’index de la part du conformisme totalitaire qui règne et qui ferait se boucher certaines des oreilles que l'on voudrait toucher ; ainsi ces “précisions accessoires” nous permettent-elles d’aborder ouvertement, d’une façon utile et éventuellement efficace, le sujet de cette “évidence colossale”.)
A notre sens, c’est d’abord la psychologie qui est en cause comme moteur et cause du processus affectant l’“intelligence”, avec son affaiblissement qui se fait comme ce fut le cas au XVIIIème siècle avec le “persiflage”, certes avec une puissance bien plus grande mais bien entendu à un niveau bien plus bas correspondant à l’abaissement catastrophique des cultures réalisé entretemps, donc des perceptions, etc. (Si l’on veut, le machinisme et ses manifestations dans le domaine du comportement humain, notamment par le biais du système de la communication qui profite fondamentalement du technologisme, constituent, pour l’effet, une forme postmoderniste massive du “persiflage” du XVIIIème siècle.) Cette interprétation permet de rencontrer et d’expliquer nombre de comportements humains, nombre de situations historiques et contemporaines, etc. Elle ne soumet pas les variations de ces divers facteurs à un élément aussi fondamental et aussi péremptoire, et aussi indéfini, que l’intelligence, mais à l’élément variable qu’est la psychologie, – variable selon sa fatigue, son ouverture, sa vulnérabilité à l’influence amenant des déformations de la perception, etc. C’est ce que nous avons voulu exprimer dans une partie en préparation de La grâce de l’Histoire où, après avoir décrit l’état catastrophique de notre civilisation devenue contre-civilisation, de nos comportements et de nos jugements soumis par le biais de nos perceptions à la catastrophe de la modernité et du “déchaînement de la Matière”, nous introduisons le cas de la tendance des antimodernes (voir notamment le 21 juillet 2005) qui s’est développée à contre-courant et avec, en toute logique de jugements et de choix fondamentaux, les esprits parmi les plus hauts depuis la Révolution (depuis Joseph de Maistre et Châteaubriant). Nous observons ce cas de leur résistance à la modernité par la disposition d’un caractère et d’une psychologie “de résistance”, qui a repoussé mieux que les autres les offensives des artefacts de la modernité, du persiflage. Nous concluons de cette façon :
«Il nous a paru important de signaler ici, pour équilibrer l’impression générale d’un emportement irrésistible qui toucherait toutes les psychologies, impuissantes et résignées, que pourrait donner notre étude du phénomène du persiflage et ce qui a précédé, qu’il existait et qu’il existe par conséquent des exceptions, des “modèles” de caractère, avec la psychologie qui va avec, échappant à cette emprise. On peut envisager l’idée qu’il existe des degrés de variabilité de vulnérabilité de la psychologie aux influences extérieures type-“persiflage” ; on peut même envisager, et cela vaut surtout pour notre époque du XXIème siècle, que “deux” psychologies à l’intérieur d’une puissent cohabiter, pour un seul esprit, sous la forme d’une division fluctuante à l’intérieur de cette psychologie : une partie sous influence, l’autre résistant à cette influence et même la dénonçant, avec un rapport variable entre les deux. Il nous a encore paru important de montrer par conséquent à la fois l’absence de totalité mécanique et l’absence d’irréversibilité du phénomène que nous décrivons. (Cela signifie que le totalitarisme conditionnant l’hermétisme du Système actuel, issu du “déchaînement de la Matière”, est conditionné à l’abaissement et à l’asservissement constant des psychologies, – ce qui n’est pas une donnée absolue comme nous l’établissons désormais, puisque des psychologies mieux armées que d’autres échappent à ce sort fatal.)»
Nous enchaînons sur ce point de la citation qui concerne notre époque : “[O]n peut même envisager, et cela vaut surtout pour notre époque du XXIème siècle, que ‘deux’ psychologies à l’intérieur d’une puissent cohabiter, pour un seul esprit, sous la forme d’une division fluctuante à l’intérieur de cette psychologie : une partie sous influence, l’autre résistant à cette influence et même la dénonçant, avec un rapport variable entre les deux”. Dans notre comparaison entre le machinisme/technologisme relayé par la communication et rassemblés dans le Système (XXème-XXIème siècles), et le persiflage (XVIIIème siècle), si le premier a avec lui la masse quantitative, il n’a pas la qualité de perversion durable et presque totale du persiflage, ce qui permet effectivement des échappatoires dans certains cas de la psychologie, ou de certains aspects de la psychologie. Cela implique effectivement que les individus sont aujourd’hui dans une situation double : d’une part, une partie, souvent très importante et/ou la plus importante de leurs psychologies effectivement pervertie comme on le dit, affectant le comportement dans le sens d’un abêtissement exceptionnel lié à un asservissement sans résistance au Système ; d’autre part, une partie, le plus souvent réduite et quantitativement seconde, de cette même psychologie qui reste, effectivement ou potentiellement selon la qualité de l’événement et sa propre qualité, capable selon des situations et des perceptions, de faire réaliser à l’esprit l’infamie de la situation, et de susciter des attitudes de résistance et de révolte. (Cette situation contradictoire de la psychologie, très sensible du fait de la pression du machinisme/technologisme avec ses effets attractifs et ses effets repoussoirs directement expérimentés, explique notamment la prolifération des déséquilibres et des pathologies psychologiques. On retrouve des réflexions selon cette orientation dans les réflexions sur l’esthétiques déjà signalées plus haut.)
Ces questions diverses autour des relations entre l’homme et la machine, les relations de pouvoir, les hypothèses de prise de pouvoir de la machine, ont déjà souvent été évoquées. Mais elles l’ont été essentiellement, encore pour la séquence des quatre ou cinq dernières décennies, dans un cadre science-fictionnel, avec assez souvent une “récupération”-Système dans le sens de l’optimisme technologique de la modernité lorsque les hypothèses étaient envisagées d’une évolution radicale du type de celle exposée avec l’aspect Google/Schmidt. Ce à quoi ces diverses nouvelles qui introduisent ce commentaire invitent dans le chef de notre spéculation (aussi bien que celles commentées le 13 mai 2013), cela dans les conditions que nous connaissons aujourd’hui et alors que les délais évoqués pour les événements envisagés nous font quasiment entrer dans l’actualité, ce n’est pas à appréhender quelque chose de nouveau mais à constater que quelque chose d’ancien est considéré avec un état d’esprit radicalement nouveau.
Cela est d’autant plus impératif que l’autre série de nouvelles (concernant l’appauvrissement intellectuel) sonne déjà comme l’amorce de la conséquence inéluctable du phénomène de la machine triomphante que nous devons considérer, et une conséquence devenant cause alternativement et ainsi de suite, bref avec un enchaînement corrélatif dans sa vertigineuse signification, – nous voulons parler sans aucun doute d’un vertige qui entre dans le champ de la métaphysique, par les implications du domaine qu’il suggère... Ce n’est pas seulement que les machines deviennent plus “intelligentes”, c’est qu’elles deviennent plus “intelligentes” alors que nous voyons notre intelligence de civilisé se réduire comme une peau de chagrin, – notre propre perception intuitive de cela déjà largement développée, se trouvant confirmée par l’approche scientifique accessoire qu’on a mentionnée. Nous devons alors impérativement nous demander s’il n’y a pas un rapport direct de cause à effet, et poser la question c’est bien entendu y répondre. Le rapport existe, à notre sens il est direct grâce à la psychologie comme on l’a vu plus haut ; rapport de la machine alimentant sa propre “intelligence” en pleine expansion, en captant à son profit l’intelligence qui déserte le sapiens à la dérive. Tout se passe comme s’il y avait une intervention directe de la Matière sur l’humain, avec une véritable ablation de l’“intelligence” du second au profit de la première, par la première.
(Nous revenons ici sur cette notion d’“intelligence”, qui est utilisée par les scientifiques et dont nous avons vu plus haut que son déplacement, son affaiblissement, son renforcement, etc., dépendent de la psychologie, qui est la principale fonction affectée. Nous insistons sur le fait que cette appellation d’“intelligence” mérite absolument les guillemets dont on l’affuble, parce qu’il s’agit d’une caricature réductionniste de la chose ; il s’agit alors dans la dénomination elle-même d’une indication indirecte du processus de la déstructuration, de la dissolution et de l’entropisation [processus dd&e] des fonctions et des comportements humains, avec la perte d’aspects fondamentaux de leur constitution et de ce qui faisait leur hauteur dans la définition même qu’on en doit donner. Dans les détails fournis par les textes cités, on retrouve des signes fondamentaux à cet égard, dont l’aspect fondamental justement est précisément ignoré. Dans le texte qui collationne les signes de l’effondrement de l’intelligence, on trouve cette remarque sur les causes de cet effondrement dans la perte de pratiques quotidiennes que nous avons abandonnées, qui pourraient être aussi bien, et peut-être plus encore, des conséquences de l’effondrement, et des conséquences fondamentales certes : «On the other hand, relaxing activities like meditation and prayer have been shown to increase brain mass and connectivity in certain areas of the brain.» Cette remarque sur l’abandon d’“activités relaxantes” telles que “méditation et prière” conduisant à la perte de capacités de fonctionnement du cerveau nous donne une explication qui est elle-même une mesure de l’effondrement de notre propre “intelligence”, cette fois dans le chef des scientifiques eux-mêmes jugeant cette évolution ; aucune hypothèse n’est offerte selon laquelle cet abandon de la méditation et de la prière implique également une perte d’essence de l’intelligence et de l’esprit, une perte du lien avec le sacré, avec la transcendance. S’en tenir pour ce cas à déplorer la perte de la “relaxation” du cerveau marque bien le désarroi complet de nos jugements soi-disant scientifiques. Cette bassesse extrême implicite du concept d’“intelligence” dans ce cas explique justement, outre l’aide de la subversion de la psychologie, que la Matière puisse opérer aussi aisément qu’elle le fait.)
A la lumière de l’état d’esprit radicalement nouveau qu’on signale plus haut, les perspectives et les conditions du phénomène envisagé se modifient radicalement elles-mêmes. La futurologie, la science-fiction devenant sciences, passent au second plan, si elles ne disparaissent complètement, par perte totale de pertinence. Nous entrons nécessairement dans le domaine de la métaphysique. Il est alors temps de rappeler que, pour nous, le système du technologisme avec son relais du système de la communication sont les composants du Système, lequel est la création opérationnelle du “déchaînement de la Matière”, laquelle est pour nous la “source de tous les maux”, sinon le Mal lui-même. Il est alors temps de rappeler, de plus, que nous suivons la conception selon laquelle le Mal agit par proximité par rapport au sapiens, et non pas présence substantielle, ce qui libère sapiens du soupçon de la fatalité du Mal pour son compte.
(Notre référence à cet égard étant l’observation de Plotin parlant de la proximité de la matière identifié au mal, parlant de la matière puis de ce qui l’en approche [voir encore “pire de tous les maux”] : «…Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses. Mais les autres, ceux qui participeraient de lui et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi.»)
On dira qu’il n’y a, pour nous, rien de vraiment nouveau en général dans le déroulement et les divers épisodes de l’aventure ; mais deux choses, inédites, doivent au moins retenir l'attention. D’abord, il est évident que cette aventure nous conduit vers un terme catastrophique, qui doit nécessairement agir sur la maturation de la crise d’effondrement du Système jusqu’à son terme. Ensuite, il y a le phénomène de l’accélération, de la vitesse de l’évolution, correspondant à une accélération de l’Histoire et une contraction du temps. Il y a donc une actualité soudaine de la chose, ce qui explique justement l’inéluctabilité autant que la nécessité de l’apparition de cet “état d’esprit nouveau” qu’on a signalé. Par conséquent, l’événement remarquable est l’opérationnalisation évidente et pressante du phénomène, notamment avec ce cas du CEO de Google, et non plus d’un auteur, d’un théoricien, d’un original, etc. Pour envisager les perspectives ouvertes par la présence d’un Schmidt ou d’un autre de sa trempe comme inspirateur du phénomène, il importe et il suffit d’observer l’accomplissement du capitalisme de désastre dans ces seules vingt ou trente dernières années, avec sa capacité de destruction de l’ordre structurel du monde, la sensation presqu’en forme de jugement objectif que ce capitalisme, devenu presque une égrégore, développe pour cet ordre naturel de la structuration du monde qui ne lui apporte pas la rentabilité maximale (la référence sacrée du capitalisme), une haine destructrice sans mesure ; de même, sa haine pour tous les aspects de résistance, voire et surtout de référence à la Tradition, de la psychologie humaine, assimilées à la monstruosité de l’inefficacité du rendement et de la production. De ce point de vue, bien entendu, le capitalisme ne peut être que l’opérationnalisation économique du Système, et par conséquent ses dirigeants sont les mieux placés pour exécuter les desseins du Système.
Un tel regard nous conduit à comprendre de manière impérative qu’il ne fait aucun doute que tous les efforts sont faits pour la réalisation de tous les substituts possibles à la situation actuelle, essentiellement par le biais de la destruction de la situation humaine et de tout ce qu’il reste en elle de réflexes structurants et de références à la Tradition. Les sapiens type-Schmidt, représentant évidemment la “matière” humaine la plus apte à être nommée de cette façon, la plus basse, ou l’humanité devenue presque matière, par sa proximité de la Matière justement, sont taillés sur mesure pour cette tâche ; leurs efforts dans ce sens, qui est celui de l’entropisation, ne font aucun doute vue leur proximité du Mal. Il y a, dans cette sorte de psychologie, une fascination pour les processus de type dd&e, qui constituent une dislocation des formes et le stade symbolique achevé de l’idéal de puissance, de l’hubris... Par conséquent, nous pouvons aisément affirmer que l’action d’un Schmidt/Google, ou d’un quelconque Tartempion/CEO, devrait très vite déboucher sur des résultats significatifs dans le domaine rupturiel du triomphe absolument catastrophique de la machine tel qu’on l’imagine, – qui ne peut être effectivement que catastrophique dans son opérationnalité, comme l’indique évidemment le rapport de cause à effet, de corrélation, entre l’augmentation de l’“intelligence” des machines et la réduction de l’“intelligence” des sapiens. L’accélération du processus, cette sorte de vertige qui semble les saisir, alors que la situation ne cesse de se renforcer dans le sens de la catastrophe, constituent un moteur à la puissance irrésistible pour réaliser ce qu’ils doivent considérer comme la seule alternative, qui serait celle d’une sorte d’acte de rupture en faveur de la machine qu’on percevrait, malgré l’évidente impossibilité de l’inversion, comme métaphysique.
Dans ce contexte absolument maléfique, les effets d’un tel développement ne peuvent qu’être à mesure, – c’est-à-dire maléfiques eux aussi. Mais tout cela ne se conclut nullement dans le caractère crépusculaire de l’observation réduite à elle-même, et la logique invite au contraire à considérer le processus inverse. Cette promesse de catastrophe n’intervient pas dans un cadre idyllique ou satisfaisant d’une civilisation de valeur qu’il faudrait défendre et préserver, mais dans le cadre hermétique du Système confronté au “facteur crisique”, en cours d’effondrement et lui-même catastrophique en substance ; dès lors, la catastrophe que nous envisageons s’exerce bien dans ce sens, qui est celui d’hâter l’issue catastrophique du Système, peut-être même d’en constituer le point de rupture final, agissant même dans ce sens alors qu’elle n’en serait qu’aux prémisses d’elle-même. Nous approchons ainsi d’un Moment à la fois eschatologique et sublime d’achèvement brutal par verrouillage d’elle-même dans une situation catastrophique de la période commencée avec le déchaînement de la Matière, ce Moment où nous allons être confrontés à la perspective devenue achèvement de la Chute finale.
Plus dure sera la chute ? Peut-être, mais qui douterait de l’inévitabilité ontologique et eschatologique de cette dureté... Plus sûre sera la Chute ? Sans aucun doute, si ce n’est déjà en cours bien entendu.
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