Ô Yamamah, Ô BAE, Ô Britannia

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Depuis mercredi, un tribunal londonien écoute les arguments sur la recevabilité d’une plainte contre le gouvernement britannique pour son rôle dans l’étouffement, en décembre 2006, de l’enquête sur le scandale Yamamah-BAE impliquant également l’Arabie Saoudite. La plainte vient de deux associations, Corner House Research et Campaign Against Arm, qui jugent que les conditions d’arrêt de l’enquête du Serious Fraud Office sur le scandale sont suspectes. Le tribunal n’a pas l'air d'être en désaccord.

Des documents divers ont été rendus publics. Ils permettent de voir précisées et confirmées les diverses allégations sur le rôle des Saoudiens, précisément de Prince Bandar, dans l’affaire. Bandar a précisément exercé toutes les pressions possibles pour obtenir l’arrêt de l’enquête de la SFO, directement sur Tony Blair. Le Premier ministre s’est incliné avec la grâce qu’on lui connaît.

Ainsi a-t-on notamment confirmation des “menaces” précises de Bandar, selon les documents dont le Guardian se fait l’écho aujourd’hui. (Voir également un autre article du Guardian, qui a, comme d’habitude dans cette affaire, le meilleur dossier disponible.)

«Saudi Arabia's rulers threatened to make it easier for terrorists to attack London unless corruption investigations into their arms deals were halted, according to court documents revealed yesterday.

»Previously secret files describe how investigators were told they faced “another 7/7” and the loss of “British lives on British Streets” if they pressed on with their inquiries and the Saudis carried out their threat to cut off intelligence.

»Prince Bandar, the head of the Saudi national security council, and son of the crown prince, was alleged in court to be the man behind the threats to hold back information about suicide bombers and terrorists. He faces accusations that he himself took more than £1bn in secret payments from the arms company BAE.

»He was accused in yesterday's high court hearings of flying to London in December 2006 and uttering threats which made the prime minister, Tony Blair, force an end to the Serious Fraud Office investigation into bribery allegations involving Bandar and his family.»

Ces auditions devant la justice, à Londres, permettent de donner aux multiples allégations qui accompagnèrent l’affaire de la SFO, en décembre 2006, les plus complètes confirmations. Il est vrai qu’un Etat à la réputation plus douteuse qu’on ne veut dire, aux pratiques qui ne sont guère goûtées par les purs démocrates, a pu exercer sur le Premier ministre britannique une pression sous laquelle il a capitulé sans condition. Plus encore que la corruption, mais avec l’arrière-plan de la corruption qui concerne tout l’establishment londonien lorsqu’il s’agit de BAE et de Yamamah, ce sont les manipulations du terrorisme qui ont eu raison de Blair. On peut ainsi mieux mesurer la folie d’avoir installé cette affaire du terrorisme au plus haut niveau des préoccupations de sécurité nationale en Occident. Le terrorisme permet toutes les manipulations et l’Arabie, qui grenouille d’une façon délibérée dans ces affaires depuis les années 1970, est un maître de ces manipulations. Les menaces contre Londres en cas d’aboutissement de l’enquête du SFO pourraient bien avoir porté, outre la rétention d’information, sur une aide discrète apportée à des groupes terroristes voulant opérer au Royaume-Uni.

On peut mesurer, dans ce contexte désolant, ce qu’il reste de souveraineté nationale au gouvernement britannique dans cette sorte d’occurrence. Dans certains domaines essentiels, c’est l’alliance BAE-Arabie qui tient le destin politique du Royaume-Uni. C’est un cas assez frappant pour être une bonne illustration de l’époque étrange où nous évoluons.


Mis en ligne le 15 février 2008 à 13H30