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2661On peut toujours arguer qu’il s’agit de deception dans le sens qu’affectionnent les esprits qui en savent plus (deception pour dissimulation, dans le sens des opérations de renseignement psychologique, ou bien le terme russe maskirovska qui convient); de la même façon, certains argumentent toujours, sans crainte de démenti du Ciel, que Gorbatchev était un complot monté par le KGB de deception, c'est-à-dire de maskirovska, contre l’Ouest (argument toujours valable aujourd’hui, qui continue à être proposé, – la preuve: Gorbatchev a réussi à faire croire à certains naïfs à la disparition de l'URSS et de la menace soviétique et Poutine est un officier du KGB).
Cela dit et pour montrer que notre naïveté reste sans bornes, nous tenons au contraire que la reconnaissance par BHO, dans son discours du Caire, que les USA ont participé à la chute, – illégale et illégitime, un acte de forfaiture et de félonie international, – du président iranien et démocratiquement élu Mossadegh en 1953, cette reconnaissance publique est un acte politique d’une grande importance. Cela autorise de remarquer et de confirmer, pour le moins, que ce président est d’une autre trempe, sinon d’une autre nature que ceux qui l’ont précédé.
(Le mot “participation” qui concerne la CIA est le mot juste. La CIA est intervenue avec le MI6 britannique, mais le principal de l’action avait été accompli par les services britanniques, à la demande et à l’inspiration des USA.)
Antiwar.com reprend ce 4 juin 2009 cette affaire, avec divers liens de référence. Le commentaire de Antiwar.com, rarement tendre pour BHO, dit notamment ceci:
« Alors que l’Iran doit faire face à une élection présidentielle très disputée ce mois-ci, la perspective d’une amélioration des relations avec les États-Unis se profile à l’horizon, même si elle est quelque peu tempérée par une longue histoire de méfiance et par les commentaires répétés de responsables américains affirmant qu’ils n’attendent pas vraiment de négociations avec l’Iran pour régler quoi que ce soit. Pourtant, pour la première fois depuis 30 ans, la possibilité d’une certaine normalisation des relations semble réelle. »
Le site (iranien) PressTV.ir rapporte l’intervention de BHO sur ce point de la responsabilité US dans la chute du président nationaliste, et instigateur de la nationalisation des pétroles iraniens (ceci explique cela), – ce 4 juin 2009:
« Le président américain Barack Obama a reconnu l’implication des Etats-Unis dans le coup d’Etat de 1953 en Iran qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu du Premier ministre Mohammad Mossadegh. « En pleine guerre froide, les Etats-Unis ont joué un rôle dans le renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu », a déclaré Barack Obama lors de son discours d’ouverture au monde musulman depuis l’Université du Caire, dans la capitale égyptienne.
» C’est la première fois qu’un président américain en exercice admet publiquement l’implication des Etats-Unis dans le coup d’Etat..»
Faut-il placer cette reconnaissance du rôle de la CIA dans la chute de Mossadegh dans la rubrique de la “politique des excuses” lancée par l’administration Obama? Pour le moins, sans aucun doute, mais dans une dimension supérieure à cause du sujet abordé, de la précision de la circonstance, de la force symbolique de l’événement.
Plusieurs remarques doivent accompagner ce propos du président Obama.
• L’importance de cette reconnaissance est fondamentale. Peu nous importe qu’elle confirme ce que tant d’esprits informés savaient bien entendu; seul nous importe qu’elle est dite publiquement, solennellement, au nom de et par la plus haute autorité des USA; donc qu’elle pulvérise beaucoup plus précisément, et plus fortement qu’en aucune autre occurrence de la “politique des excuses”, le vernis formidable de l’affirmation officielle de la vertu objective des USA, passée, présente et à venir, de la légitimité des USA à être notre modèle à tous, notre référence incontestable, par conséquent à conduire à leur guise la politique qu’ils mènent, au mépris de toutes les souverainetés et de tous les équilibres structurants, hors de toute critique fondamentale. Cela n’a rien à voir avec notre “devoir de mémoire” très français de culpabilisation à outrance, si en vogue, si niais et si irresponsable, et évidemment faussaire comme il faut, consistant à s’arroger une vertu irresponsable et a postriori qui n’est bonne qu’à satisfaire un enjeu partisan; l’enjeu ici n’est pas la bonne conscience des intellectuels-people des cafés de Saint-Germain, l’enjeu est bien la légitimité d’un système monstrueux, toujours en pleine activité, qui nous impose sa dictature depuis trois-quarts de siècle en nous menant présentement vers l’abîme, un système de fin de civilisation, mécaniquement animé dans ce but.
• Peu nous importe la vertu ou pas d’Obama, qui anime tant de débats de philosophes de salon et de l’instant immédiat dont notre planète fourmille. Nous importe en ce cas qu’Obama est, bien plus qu’un autre dirigeant, l’instrument extrêmement efficace d’un courant historique qui, par des voies tortueuses (dans ce cas, la nécessité d’un rapprochement avec l’Iran), et sans pour autant que l’intéressé comprenne nécessairement toutes les implications de ses actes, porte des coups au système. Ce n’est pas parce qu’Obama est le président US, et le premier président noir, qu’il agit de la sorte; c’est parce qu’il se trouve là où il se trouve, à ce moment précis, avec une expérience très spécifique et certaines nécessités politiques tactiques, avec un passé à l’intérieur du système assez court pour n’en avoir pas été complètement perverti, avec une psychologie qui a des traits spécifiques très intéressants, tout cela déterminé et conduisant à un point de fusion dans leur efficacité commune par les conditions actuelles du système. En ce sens, Obama est vraiment gorbatchévien dans le sens où il est, bien sûr et en bonne partie, “maistrien” également… Il ne sait pas vraiment où il va, sauf qu’il lui importe de faire sauter certains verrous.
• Car si Obama est vraiment “gorbatchévien”, ce qu’il faut comprendre, et que certains de nos lecteurs semblent parfois oublier, c’est qu’il va tuer le système bien plus sûrement que s’il ne l’était pas, et en ignorant en fait qu’il le fait. (Alors qu’une appréciation courante est qu’un BHO brillant et original, “gorbatchévien” en ce sens, va sauver le système; mais non, le système ne peut être sauvé.) Si BHO est comme Gorbatchev, il croit, comme lui, qu’il peut réformer le système et va s’y employer et, comme Gorbatchev, va mettre le feu aux poudres d’une façon qu’il ne peut évidemment prévoir, avec d’autant plus d’alacrité qu’il jure et croit ne pas le faire. (Cela dit, rien n’empêche qu’il n’y ait, au fond de lui, quelque chose qui s’en doute et qui s’en satisfasse… Comme, au fond, nous soupçonnons que cela fut le cas pour Gorbatchev.)
• Si cette hypothèse d’Obama “gorbatchévien” se confirme, on peut alors avancer l’hypothèse complémentaire qu’à un moment ou l’autre, il deviendra insupportable au système. Viennent alors d’autres hypothèses, les plus noires parce que, aux USA, de même qu’on fait tomber les régimes démocratiques à la Mossadegh, on se débarrasse aussi de présidents encombrants, y compris de la façon la plus expéditive. Cela est juste, et, à l’extrême dans les conditions hypothétiques évoquées, ce risque existe évidemment. Mais il y a tout de même un argument très puissant contre cela, qui est qu’un événement brutal survenant contre Obama, et le champ de l'imagination est ouvert à cet égard, serait susceptible d’embraser l’Amérique dans des désordres civils extrêmement dangereux, voire incontrôlables, – cas classique du remède risquant d’être pire que le mal. Cela, les dirigeants du système le savent, et cette hypothèque pèserait fortement sur toute décision pour un développement dans ce sens.
Mis en ligne le 5 juin 2009 à 13H02
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