Obama, pourquoi pas un coup d’Etat?

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Les commentaires et les jugements s’exacerbent, c’est connu, en période de crise. En période de crise systémique générale, à tendance eschatologique, tout cela passe à la vitesse supérieure. C’est le cas de Martin Wolf, le distingué commentateur du Financial Times (FT), dans son commentaire du 10 février au soir. Nous précisons “au soir” (18H10, il y a exactement un jour), parce que le texte est fait en commentaire de l’annonce du nouveau plan US d’aide massive aux banques, – quelque chose comme, quoi? $2.000 milliards? Un peu plus? On verra.

Wolf est très sévère pour Obama, parce qu’il juge que la méthode choisie par le jeune président US présuppose une vue optimiste des choses, quant aux réactions du secteur ainsi aidé, alors qu’il faudrait plutôt adopter une vision très pessimiste (dito, optimiste bien informé) pour choisir les mesures correspondantes et espérer un résultat. Selon Wolf, l’administration Obama va nous faire un remake du plan Paulson multiplié par trois, avec le même résultat.

Mais attachons-nous à la sévérité du propos, commençant par la question assez étonnante dans sa vélocité de savoir si la présidence Obama n’est pas, d’ores et déjà, un échec… Nous sommes dans un temps historique-turbo fonctionnant post-combustion allumée.

«Has Barack Obama’s presidency already failed? In normal times, this would be a ludicrous question. But these are not normal times. They are times of great danger. Today, the new US administration can disown responsibility for its inheritance; tomorrow, it will own it. Today, it can offer solutions; tomorrow it will have become the problem. Today, it is in control of events; tomorrow, events will take control of it. Doing too little is now far riskier than doing too much. If he fails to act decisively, the president risks being overwhelmed, like his predecessor. The costs to the US and the world of another failed presidency do not bear contemplating.

»What is needed? The answer is: focus and ferocity. If Mr Obama does not fix this crisis, all he hopes from his presidency will be lost. If he does, he can reshape the agenda. Hoping for the best is foolish. He should expect the worst and act accordingly.

[…]

»By asking the wrong question, Mr Obama is taking a huge gamble. He should have resolved to cleanse these Augean banking stables. He needs to rethink, if it is not already too late.»

Finalement, le point le plus intéressant de ce commentaire qui ne manque pas d'intérêt pourrait être ceci qui est glissé au bout d’une phrase, en fin de paragraphe, d’ailleurs n’impliquant pas le sujet central mais indiquant bien l’évolution du jugement de Wolf. Voici le paragraphe, avec le passage obligeamment souligné de gras par nous: «Yet hoping for the best is what one sees in the stimulus programme and – so far as I can judge from Tuesday’s sketchy announcement by Tim Geithner, Treasury secretary – also in the new plans for fixing the banking system. I commented on the former last week. I would merely add that it is extraordinary that a popular new president, confronting a once-in-80-years’ economic crisis, has let Congress shape the outcome»

Que nous dit Wolf, en clair: “il est extraordinaire que ce président, si populaire, face à une crise de cette importance, se laisse dicter sa politique par le Congrès”. Ce qui revient à critiquer fondamentalement Obama parce qu’il respecte les règles constitutionnelles qui donnent au Congrès la prééminence en matière budgétaire, et parce qu’Obama, conformément à ce jeu constitutionnel, veut s’assurer une majorité solide. Ce qui revient à dire à Obama: “les circonstances sont extraordinaires, mon garçon, pourquoi n’agissez-vous pas d’une façon extraordinaire?”, – ce qui peut se traduire: hors des normes et des règles, par exemple par des actions qui ressembleraient peu ou prou à un coup de force constitutionnel.

L’intervention de Wolf est caractéristique de l’évolution de la crise et des esprits dans la crise. On observera que la logique de sa remarque est aussi bien celle de notre hypothèse décidément bien utile pour alimenter les analyses, de l'“American Gorbatchev”. Bien que les intentions et conseils de Wolf ne soient pas précisément, et encore moins nécessairement, les nôtres, ils montrent, par l’hypothèse envisagée, dans quel état de tension on perçoit aujourd’hui la mécanique du pouvoir et les actions des hommes politiques. Le sentiment est de plus en plus proche du constat de la paralysie et de l’impuissance sans retour, pour être poussé effectivement, puisqu'il faut faire quelque chose, vers des perspectives extrêmement déstabilisantes.


Mis en ligne le 11 février 2009 à 18H07