On inaugure le F-35C dans une extrême nervosité

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Dans le (petit) monde de l’information de défense étendu à Internet, le site DoDBuzz.com a acquis une réputation. D’une façon générale, il soutient les initiatives du secrétaire à la défense US Robert Gates. Ainsi, dans “la guerre des avions de combat” qui fait rage au Pentagone, le site a fortement appuyé la liquidation du F-22 et a semblé plutôt favorable au JSF (F-35). Mais cette faveur est conditionnelle, comme elle commence à l’être aujourd’hui au niveau officiel. On s’en aperçoit par la “couverture” que Colin Clark, journaliste-vedette du site, fait de l’inauguration du premier modèle de la version embarquée (U.S. Navy) du JSF, le F-35C, à Fort Worth, à l’usine de Lockheed Martin (LM) qui produit le JSF. L’on peut d’ores et déjà suggérer la conclusion que l’atmosphère “officielle” entourant le JSF est devenue, en quelques jours, incontestablement nerveuse.

Dans deux articles successifs, Clark nous restitue cette nervosité au travers de diverses indications obtenues par lui, ou appréciation des cérémonies officielles. (A noter que Clark prend bien soin dans deux articles de mettre les choses au point vis-à-vis de LM, de façon à ne laisser subsister aucune ambiguïté; là aussi, on se met bien en position: «Full disclosure: Lockheed Martin flew myself and some other journalists to Fort Worth for the event on one of their planes and put us up at a hôtel»).

• Le point le plus sérieux mis en évidence par Clark, c’est un très sévère avertissement du chef d’état-major de la marine (Chief of Naval Operations, ou CNO), lancé à l’intention de LM (ce 28 juillet 2009), au cours de la cérémonie de présentation du F-35C. Il est probable qu’on n’a jamais entendu un discours si incisif à l’inauguration d’un modèle d’un programme de cette importance; les discours sont, d’habitude, sur le modèle d’une pompeuse glorification de la puissance américaniste et de l’excellence de l’industrie de défense…

«The Navy’s top officer, Chief of Naval Operations Adm. Gary Roughead, used the roll-out ceremony of the carrier version of the Joint Strike Fighter to send a stark message about the planes to Lockheed Martin and its suppliers: “They must — they absolutely must — be delivered on time and on budget.”

»The reason is simple. The Navy’s F/A-18s are being flown at higher rates than originally planned and they are wearing out. Several senior defense lawmakers have been pressing the Navy to admit to a “fighter gap” and commit to buying more F/A-18s but the service has essentially pointed to the F-35C and said, we are buying that plane and it will be on time. Roughead noted this during his roll-out speech, saying the F-35 “will relieve our aircraft as they age out.”»

• Dans le même article, Clark relève, selon un entretien qu’il a eu avec le directeur du JSF Program Office, le général du Corps des Marines Heinz, que ce dernier entend faire pression sur Pratt & Whitney pour que le moteur F135 du JSF ait une carrière un peu moins erratique et coûteuse que celle qu’il a eue jusqu’ici. «In other JSF news, the program’s top officer, Marine Brig. Gen. David Heinz, took Pratt and Whitney to task for quality control problems with its F-135 engine that have resulted in up to 50 percent of parts being thrown away because they do not meet the high standards required by the JSF program. “I am pushing very hard on Pratt to do better,” Heinz told me when I asked him about cost increases in the engine program. He said he expects to improve to the point where 80 percent of parts meet his standards…»

• Une autre nouvelle, également du 28 juillet 2009, nous rapporte que LM réagit avec vigueur à toutes ces vilaines nouvelles concernant le rapport de l’équipe JET. Clark cite un officiel de LM, le vice-président en charge du programme F-35, Dan Cowley. L’argument est simplement que l’équipe JET se trompe, qu’elle est mal informée, qu’elle utilise des données dépassées, qu’elle n’a pas réalisé que le JSF est un programme d’un nouveau type, que tout va bien, etc. Clark signale que Cowley doit aujourd’hui être entendu par un aéropage d’officiels du Pentagone pour “démontrer pourquoi le JSF n’est pas en retard de deux ans”, comme l’affirme JET (Cowley « outlined the arguments he will present Wednesday to OSD’s Program Analysis and Evaluation office, the Joint Evaluation Team, and the Cost Improvement and Analysis Group about why the program is not an additional two years behind schedule.») En gros, Cowley devrait dire ceci, selon Clark:

«Boil all this down and Crowley said he believes the JET is judging JSF by the false standards of past programs because they don’t have data from programs managed as JSF is being developed and managed. They are being conservative, in effect, because they don’t how else to be until the JSF program proves them wrong. We’ll see who’s right and whether JET, PA and E and the CAIG believe the Joint Strike Fighter Program is flying the right course.»

D’une façon générale, sans se perdre dans les arguments divers, on doit constater un réel raidissement des diverses autorités du Pentagone vis-à-vis de LM, – y compris, des “complices” du JPO eux-mêmes. L’avertissement du CNO, même s’il présente comme raison officielle la crainte d’un sous-équipement de l’aéronavale en cas de retard du F-35C, constitue également une mise en garde indirecte sévère de l’U.S. Navy lancée à LM sur le fondement même des capacités du constructeur à produire le F-35. Il est clair que nous entrons dans la zone des tempêtes pour le JSF, c’est-à-dire la période (qui risque d’ailleurs d’être très longue et de connaître des péripéties intéressantes) où le pouvoir civil, c’est-à-dire l’administration Obama installée au Pentagone, va tenter de reprendre le contrôle du programme et d’évaluer son état exact. Dans cette affaire, des alliances diverses vont s’ébaucher, avec des intérêts divers qui interdisent qu’on puisse recourir à un schématisme simpliste (bureaucratie contre administration, JPO contre secrétaire à la défense, etc.). C’est une “guerre civile” qui commence.

Dans tous les cas, on doit juger qu’il se confirme que le retour du rapport du JET, qu’on pensait enterrée dans les oubliettes, indique bien une mobilisation générale. Le groupe JET est certainement appelé à jouer un rôle important à l’intérieur du Pentagone, dans la bataille du JSF.


Mis en ligne le 29 juillet 2009 à 12H14