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1490Ces trois derniers jours, on a commencé à voir des ralliements importants à Occupy Wall Street (OWS), notamment d’hommes politiques, essentiellement démocrates, et, au-dessus de tout cela, quelques mots encourageants du plus haut placé des hommes politiques. Parallèlement, le mouvement continue à se développer, en son centre, à New York City, mais aussi dans le pays, avec 447 villes touchées par OWS, selon un recensement du mouvement hier.
• Donc, Obama est descendu de son piédestal de neutralité pour apporter un soutien à OWS qui va nettement dans le sens du vent. Il l’a fait, notamment, et surtout selon nous, pour renforcer son offensive pour faire passer sa loi sur la création d’emploi au Congrès. Aljaezeera.net rapporte la nouvelle, en plus de donner une situation de OWS au travers des USA. (Le 6 octobre 2011.
«US President Barack Obama has said that the Occupy Wall Street protests in New York and other US cities reflect “broad-based frustration” among Americans with how the US financial system works. […] “I think it expresses the frustrations the American people feel, that we had the biggest financial crisis since the Great Depression, huge collateral damage all throughout the country ... and yet you're still seeing some of the same folks who acted irresponsibly trying to fight efforts to crack down on the abusive practices that got us into this in the first place,” he said at a news conference.
»Obama also used the opportunity to push forward his $447bn jobs bill, the American Jobs Act, saying that it was designed to ensure tougher oversight of the financial industry. “Any senator out there who's thinking about voting against this jobs bill when it comes up for a vote needs to explain exactly why they would oppose something we know would improve our economic situation at such an urgent time,” Obama said.»
• D’une façon général, diverses personnalités démocrates ou/et progressistes, dont des parlementaires comme le sénateur Russ Feingold, ou l’ancien gouverneur Howard Dean, soutiennent OWS. RAW Story, le 6 octobre 2011, détaille ces prises de position. On trouve également les vieux routiers parlementaires de la gauche radicale, qui soutiennent des positions proches de la dissidence anti-corporate power : «And naturally, Sen. Bernie Sanders (I-VT), the only declared socialist in Congress, has been out in front of the movement since just after it began. His sentiments have also been echoed by Rep. Dennis Kucinich (D-OH), who insisted the protests are “making a difference.”»
• Quelques républicains ont également pris position pour OWS, rompant avec le courant général de ce parti qui en fait au contraire un cas épouvantable de “lutte de classes”, sinon de complot socialiste (ou communiste ?). Parmi ces républicains, le plus attendu était évidemment Ron Paul, le candidat à la désignation républicaine opposé au corporate power malgré (ou à cause de ?) des positions de principe extrêmes d’ultra-libéralisme (sa tendance libertarienne). Sur RAW Story, le 5 octobre 2011 :
« “I can’t speak for the people out there because I don’t know who they are or exactly what they are demonstrating against,” Paul told the Nation Press Club. “I can argue the case for their right to express their outright frustration with what is going on. Some are liberals and some are conservatives and some are libertarians and some are strict constitutionalists. And if you read carefully over what I’ve written over the past 10 or 15 years, I talk a lot about this, that eventually we will go bankrupt.”
»“As far as the federal government involved in the practice of civil disobedience in the various states, it’s really up to the states to deal with it. I think that civil disobedience, if everybody knows exactly what they are doing, is a legitimate effort. It’s been done in this country for many grievances. Some people end up going to jail for this. But to speak for a special group and say, ‘Yeah, I like what they are doing or they are not doing,’ but what I want to do is try to sort it out and tell people why they are struggling and that this was a predictable event.”»
RAW Story rapporte également, ce 6 octobre 2011, des détails sur l’intervention de Paul, sur CNN, à propos de la situation de l’emploi qui est un des moteurs du mouvement OWS ; Paul réagit contre la position d'un autre candidat républicain, Cain, qui attribue le chômage à l'incapacité des chômeurs de satisfaire aux emplois offerts. «Texas congressman and Republican presidential candidate Ron Paul said Thursday on CNN that the U.S. economic system was biased against the poor and middle-class. “I imagine that [Cain position] applies to a few people in this country,” he said. “But I don’t come at it that way, because the system has been biased against the middle-class and the poor.” Paul explained that the “deeply flawed” Keynesian economic system of the U.S. had destroyed the dollar, which transferred wealth to the rich because they were the only ones who owned capital and received government bailouts. “People are begging and pleading for jobs, but there are no jobs as a consequence of bad economic policy,” he said.»
• On notera une position assez contrastée du fils de Ron Paul, Rand Paul, sénateur du Kentucky, qui, tout en ne condamnant pas explicitement le mouvement Occupy Wall Street, attaque violemment Obama pour sa prise de position en faveur d’OWS. Rand Paul l’accuse d’exciter la rue vers des violences, en se référant très précisément, et somme toute assez curieusement, à des événements parisiens (après tout, ceux de Londres d’août 2011 sont plus proches, de nous chronologiquement, des USA géographiquement). (Voir RAW Story, le 6 octobre 2011.)
• …Mais, sans aucun doute, la prise de position la plus surprenante et la plus remarquable est celle de Joe Biden. Le vice-président ne fait rien de moins que dresser une équivalence presque complète entre Occupy Wall Street et Tea Party, dans un sens approbateur pour les deux. Cette analyse ne nous déplaît pas nécessairement, bien entendu, mais elle est pour le moins surprenante et remarquable (répétons les qualificatifs) par rapport aux prises de posiotion démocrates, y compris de celle d’Obama qui a déjà largement critiqué Tea Party et qui applaudit Occupy Wall Street. Elle place Biden pas loin de… Ron Paul. (Encore RAW Story, excellent, pour la couverture de ces événements, ce 6 octobre 2011.)
«Vice President Joe Biden said Thursday that the ongoing “Occupy Wall Street” demonstration in Manhattan and other cities was similar to the tea party movement. “What is the core of that protest, and why is it increasing in terms of the people it’s attracting?” he said at the third annual Washington Ideas Forum at the Newseum in Washington, D.C. “The core is the bargain has been breached with the American people. The American people do not think the system is fair or on the level.” “There’s a lot in common with the tea party,” Biden continued. “The tea party started why? TARP. They thought it was unfair, we were bailing out the big guys.”»
Il faut noter qu’il y a déjà eu une intervention surprenante de Biden, le 29 septembre 2011, où Biden estimait, contre la narrative officielle de l’administration Obama qui rejette sur l’administration Bush la faute de la situation actuelle, que l’actuelle administration avait toute sa responsabilité dans cette situation. Sa prise de position concernant Tea Party est, dans l’esprit, assez proche ; il attribue, en justifiant la chose, la naissance de Tea Party au programme TARP de sauvetage des banques, qui fut certes initié par l’administration Bush mais qui fut poursuivi et même renforcé par l’administration Obama dans ses premiers mois d’exercice du pouvoir. Tout cela conduit à rappeler des rumeurs mentionnées dans notre texte du 1er octobre 2011. («On observe notamment le silence de plus en plus remarquable du vice-président Biden, jusqu'alors très affirmé en matière de politique étrangère et très influent auprès de ses anciens collègues du Sénat. Une explication est que Biden prend de plus en plus ses distances de l’administration Obama, dont il juge la politique de plus en plus erratique à cause de problèmes personnels du président Obama. Certains commentateurs, notamment un Wayne Madsen, jugent que des incidents graves peuvent arriver dans les prochains mois, et qu’un Biden n’est pas loin de considérer comme possibles des changements importants à la tête des USA, l’amenant lui-même au poste de responsabilité suprême dans un mode transitoire.»)
• Enfin, pour terminer cette revue extrêmement variée du soudain intérêt du monde politique pour OWS, on référencera cet article de Huffington.post du 6 octobre 2011, où des représentants ou membres “fondateurs” du mouvement disent leur satisfaction méfiante, voire leur méfiance tout court, devant les soutiens et approches de leur mouvement, de tous côtés, de la part d’organisations, de personnalités, etc. Il s’agit de la hantise qui n’est jamais infondée de la récupération…
«“We're very excited to have our union brothers and sisters march on the heart of greed,” spokesman Patrick Bruner told HuffPost before a 10,000-strong Wednesday march organized in coordination with labor. “We don't necessarily think that they way they're structured is the best,” Bruner said, referring to the unions' top-down organizational style. “But we believe the 99% needs a voice, and they're one of the few remaining.”
»Other movement members are skeptical of whether people like Federal Reserve Chairman Ben Bernanke can claim to understand the protesters. […] “Nice to know he feels he has to say that,” replied David Graeber, an anarchist anthropologist who has been involved with the protests from the beginning. “Otherwise meaningless.” “Obviously we welcome support from anyone,” Graeber continued in an email, “but yes, [being co-opted is] a serious concern because a huge part of our message is our own internal democracy. The moment you even have a funding base it seriously limits what people feel they can say and do. And a top-down organization will always try to co-opt you. So we have to be very careful and insist people come on our terms or not at all.”»
…Tout cela témoigne à la fois de l’affluence de perceptions diverses, de l’extraordinaire intérêt, du non moins grand désordre que OWS provoque au sein du monde politique américaniste. Nous avouons notre étonnement (une fois de plus pour la dynamique OWS), devant la rapidité et l’ampleur de la chose, rompant avec une brutalité inouïe avec l’indifférence et les sarcasmes des premiers jours. Il faut que le Système soit bien fragile et angoissé, encore plus qu'on ne croirait, pour qu’il réagisse de la sorte, après la période initiale d’incubation et la réalisation de la dynamique en cours.
Puisqu’il faut faire un choix pour donner un sens à l’analyse, nous choisirons comme principale caractéristique de ce regroupement autour d’OWS, le mot de “désordre”. En effet, l’on y voit des démocrates au nom d’une soi-disant aubaine progressiste de protection de sauvetage des pauvres, qui ont largement entériné toutes les mesures pour arroser les banques de centaines et milliers de $milliards. Les démocrates sont les vraies architectes du sauvetage des banques, eux qui détenaient la majorité dans les deux Chambres de novembre 2006 à novembre 2010…
(Pour rappel, tout de même, et à propos du premier programme de sauvetage des banques, disons le premier programme de l’infamie dénoncée par OWS et tous ceux qui soutiennent maintenant le mouvement, le programme TARP cité par Biden, qui fut initié par Bush et Paulson en septembre 2008... On notera que la seule résistance sérieuse à cette initiative est venue de la Chambre des Représentants, avec son vote rejetant le programme TARP, du 29 septembre 2008. [Voir notre Bloc Notes du 30 septembre 2011 et notre Faits & Commentaires du même 30 septembre 2008.] Le décompte des voix, contre ce programme Bush-Paulson, fut de 228 voix contre 205, avec 133 républicains et 95 démocrates contre, et 140 démocrates et 65 républicains pour. Ce furent donc les républicains qui assurèrent la défaite de TARP, et il fallut tout le zèle de la Speaker de la Chambre, l’élégante et libérale, et démocrate, Nancy Pelosi, pour finalement entériner TARP dans un deuxième vote de la Chambre à la constitutionnalité fort douteuse, trois jours plus tard, grâce au regroupement de quelques voix démocrates passant du “non” au oui” quasiment sous la contrainte de l’alignement sur le parti. Dont acte, et pour mémoire, et avoir confirmation que rien n’est assez simple pour satisfaire les jugements manichéens.)
Poursuivons dans le désordre… La “ralliement” d’Obama au mouvement Occupy Wall Street a la franchise d’une motion à l’unanimité d’un Comité Central du PC de l’ex-URSS. Obama en fait un argument pour passer sa loi sur l’emploi au Congrès, c’est-à-dire pour poursuivre son habituelle manœuvre de légalisation d’une alliance avec les républicains. Il nous en faut beaucoup plus pour envisager de ressortir de notre grenier aux illusions perdues l’hypothèse d’Obama déguisé en “American Gorbatchev”. Là-dessus, les déclarations de Joe Biden résonnent fort étrangement, comme on l’a déjà noté ; Biden a-t-il dit cela pour radicaliser la position de l’administration pour novembre 2012, en suggérant la constitution d’un mouvement populiste de la droite à la gauche, sans mouiller son patron ? Ou bien, a-t-il dit cela pour son propre compte, sans consulter Obama ? Toujours est-il qu’il en ressort, Biden, plus proche de Ron Paul, inspirateur de Tea Party qui approuve Occupy Wall Street, et qu’il légitime de ce fait l’argument général de Paul qui est son opposition au centralisme de la Federal Reserve comme aliment principal des banques. (Ce qui permet, après tout, de rappeler que le président de cette même Federal Reserve juge complètement justifié ce mouvement Occupy Wall Street. Oups…)
Attendons la suite, et nous n’avons pas fini de rire et de sourire. Pour l’instant, OWS s’avère comme un nouvel acteur, puissant et complètement inattendu, et complètement légitimé par les divers soutiens des deux derniers jours, du désordre absolu qui caractérise la scène politique et politicienne de Washington.
Mis en ligne le 7 octobre 2011 à 12H54
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